jeudi 25 avril 2024
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BorgWarner :
le coup de massue

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La direction de BorgWarner Monaco, équipementier automobile situé à Fontvieille, a confirmé la fermeture de l’usine à l’horizon 2015. 153 salariés en CDI seront licenciés d’ici 15 mois.

C’est un terrible coup dur pour les salariés de l’usine Borg-Warner. Le 28 janvier au matin, la direction a convoqué les délégués syndicaux pour une triste annonce : l’usine monégasque fermera ses portes à l’horizon 2015. Résultat : ce sont 153 salariés en CDI qui seront licenciés. 37 intérimaires et 11 CDD sont également touchés. « C’est une décision prise par le conseil d’administration de BorgWarner Monaco et non pas une décision de BorgWarner Mondial », affirme Phillipe Willmann, 51 ans, directeur de l’usine et salarié dans cette entreprise depuis 20 ans.

« On va se battre sur tous les fronts »
Après ce coup de massue, les salariés n’ont pas hésité quelques heures plus tard à descendre dans la rue pour crier leur colère et défendre leurs emplois (voir photo). « Après des années passées dans cette usine, on nous met à la rue, déplore Jafar Marzoughi, délégué du personnel et délégué syndical. L’âge moyen des salariés de l’usine se situe entre 45 et 55 ans. Nous sommes donc loin de la retraite. A ces âges, on sait qu’il est très difficile de retrouver un emploi. Surtout dans cette conjoncture économique morose. Pour nous, c’est la misère. On va donc se battre sur tous les fronts. Sinon, dans 15 mois tout sera fini. » Bien décidés à défendre leurs intérêts, les salariés ont contacté dans la foulée une avocate pour étudier avec elle ce plan social.

« Ils se débarrassent de nous »
Une décision totalement « inacceptable » pour ces salariés, car BorgWarner Mondial « génère beaucoup de bénéfices », soulignent les délégués syndicaux. « L’action n’arrête pas de grimper. La société est en bonne santé. On a le sentiment qu’ils ont pris nos brevets, nos technologies et qu’ils se débarrassent de nous car produire sur Monaco ne serait pas assez rentable par rapport à d’autres pays », rajoute Boutahra Arezki, délégué cadres. « L’usine monégasque est toujours active, précise de son côté Jafar Marzoughi. Début 2013, la direction nous avait annoncé 2 millions d’euros de déficit pour l’année. Or, on a fini avec plus d’1 million d’euros de bénéfices. »

« Situation déficitaire »
Si la direction affirme en effet que BorgWarner Monaco a dégagé 1,261 million d’euros de bénéfices en 2013 — et un chiffre d’affaires à la fin de l’exercice 2013 de 64,4 millions d’euros — c’est l’avenir, en revanche, qui serait bien moins reluisant. « BorgWarner Monaco va être confronté dès 2014 à une situation déficitaire. Pour plusieurs raisons : des coûts de production élevés, des marchés qui sont en fin de vie et des productions qui sont à faible volume, explique Philippe Willmann. Très concrètement, notre carnet de commandes n’est pas suffisant. Les projections faites sur le chiffre d’affaires pour les 5 prochaines années montrent une baisse qui est très significative, de plus de 50 %. » Comment expliquer alors cette baisse des commandes ? « La baisse significative des ventes est liée à un marché qui est saturé, notamment sur le marché européen. Beaucoup d’entreprises chassent sur les mêmes produits. Ce qui entraîne une pression importante pour réduire les coûts. La concurrence est féroce sur les prix. On ne peut donc pas s’aligner aujourd’hui », poursuit Willmann. Pour ce directeur, pas de doute. BorgWarner Monaco ne sera viable « ni économiquement, ni financièrement. »
Licenciements et arrêt d’activité progressifs
Selon la direction, la fermeture de l’usine va s’opérer en plusieurs phases, car il reste encore quelques commandes à honorer. « A partir du moment où les négociations aboutiront avec les représentants du personnel, les départs s’échelonneront par phases. Pour une partie des salariés à 6 /9 mois, puis 10 /12 mois, et enfin 13 /15 mois. Je pense que la fermeture définitive interviendra donc à l’horizon mi-2015 », indique Willmann. Désormais c’est donc un bras de fer qui va s’engager entre direction et délégués syndicaux. Côté direction, on indique que les négociations porteront sur les modalités de départ, les indemnités extra-légales et la mise en place de dispositifs de reconversion « visant à aider les salariés dans la recherche d’un nouveau travail voire la création d’entreprises » De son côté, le gouvernement souhaite que « des mesures favorables aux salariés puissent être prises par l’entreprise, notamment en ce qui concerne les indemnités de licenciement. » L’Exécutif souhaite aussi « soutenir les salariés dans leur recherche d’emploi à venir, en principauté. » C’est pourquoi, par dérogation, tous les salariés concernés pourront s’inscrire au service de l’emploi, quelque soit leur lieu de résidence.

Reclassement : quelles sont les pistes ?

« Les reclassements se feront selon les opportunités proposées par BorgWarner Mondial. Des contacts sont déjà pris avec nos collègues pour voir s’il y a des postes disponibles. BorgWarner dispose par exemple d’un site à Tulle en Corrèze. Il y a également des unités en Italie ou encore en Allemagne. Ce sera le travail des ressources humaines de vérifier l’adéquation entre le profil recherché par le site à l’étranger et le profil que nous pouvons proposer à Monaco », explique le directeur Phillipe Willmann. Encore faut-il que les salariés acceptent de partir seuls ou avec leur famille à l’étranger, dans un pays, de surcroît, où ils ne maîtrisent pas forcément la langue…

« Une triste nouvelle »

Jean-Franck Bussotti, président d’UNIMET (Union monégasque des industries et métiers de la métallurgie), vice-président de la Fédération patronale monégasque pour les affaires économiques et vice-président de l’IMSEE, réagit.

Monaco Hebdo : Une réaction par rapport à cette fermeture ?
Jean-Franck Bussotti : C’est une triste nouvelle pour ces salariés, mais aussi pour notre économie, dont l’industrie a toujours été un pilier essentiel. Les études de l’IMSEE démontrent que ce secteur s’est remarquablement comporté pendant la crise, l’inertie liée aux investissements structurels lourds apportant la stabilité. 153 salariés, c’est un chiffre énorme à l’échelle de Monaco, 5 % de l’effectif industriel ; à l’échelle française, ce seraient 75 000 salariés ! Or, les industries constituent un potentiel de génération de valeur ajoutée monégasque irremplaçable, et une contribution essentielle à notre système social.

M.H. : Doit-on craindre de nouvelles vagues de licenciements dans l’industrie ?
J-F.B. : Je ne crois pas qu’on puisse parler d’une nouvelle vague de licenciements, mais d’une tendance à long terme perçue par saccades au fil des fermetures. Avec le SMIC mensuel le plus élevé au monde (34,1 % net de plus qu’en France, 60 % avec les allocations), un droit du travail ultra-protecteur pour les salariés, sans flexibilité ni exonérations de charges, avec 2,5 heures hebdomadaires de moins qu’en UE, beaucoup plus de congés et jours fériés, des loyers qui flambent et une prime industrielle réduite, comment espérer que les lointains décideurs des groupes étrangers, payés pour optimiser les coûts, agissent autrement avec leurs filiales industrielles monégasques ? Trop de social tue l’emploi, comme le démontre la situation comparative des pays européens, où tous les décideurs se battent pour réindustrialiser et corriger les erreurs du passé.

M.H. : Quel rôle doit avoir l’Etat ?
J-F.B. : Reste à espérer qu’ici, tout sera fait par l’Etat pour épauler nos dernières industries, et pour que les 4 750 m² de locaux industriels libérés ne soient pas irréversiblement dépecés en bureaux ou call-centers, mais destinés à l’implantation d’une ou plusieurs nouvelles industries dûment choisies.