mercredi 24 avril 2024
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Anne Eastwood : « Ces huit années ont été pour moi d’une richesse extraordinaire »

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Depuis le 18 février 2022, Anne Eastwood n’est plus haut-commissaire à la protection des droits, des libertés et à la médiation. Elle a été remplacée par Marina Ceyssac. Pour Monaco Hebdo, elle dresse son bilan 2014-2022, après huit années passées à la tête de cette institution indépendante.

Pourquoi quitter la tête du haut-commissariat après huit ans de présence ?

Tout simplement parce que j’étais arrivée au terme du maximum du mandat que je pouvais faire en tant que haut-commissaire. Cette fonction est confiée par le prince souverain à la personne qu’il désigne pour une durée de quatre années, renouvelable une seule fois. Ayant pris mes fonctions en février 2014, et après avoir été renouvelée en février 2018, mon départ ne s’inscrit, ni plus ni moins, que dans la stricte application des règles prévues au texte constitutif du haut-commissariat (1).

Comment avez-vous préparé ce départ ?

J’ai fait en sorte de boucler les dossiers en cours, et d’avancer au maximum les derniers projets que j’avais en tête pour l’institution elle-même, même si je n’ai pas eu la possibilité matérielle de tous les mener à terme. Pour le reste, je n’ai pas vraiment eu le temps de prendre de recul. Le Haut-Commissariat est une institution vivante au service du public, et qui fait l’objet de sollicitations constantes. Je suis donc restée mobilisée jusqu’au bout sur les saisines, dans l’attente de l’arrivée de ma successeure, Marina Ceyssac, avec laquelle nous organisons en ce moment la passation des dossiers.

« Je vois dans la hausse des réclamations non pas un signe que les choses empirent, mais bien au contraire la preuve que le processus de médiation est entré dans les mœurs »

Avez-vous ressenti une certaine émotion ?

Bien entendu. Parce qu’il n’est pas évident de quitter une institution qu’on a contribué à bâtir, et une équipe compétente et dévouée sans laquelle rien de ce que le haut-commissariat a accompli pendant sa première décennie d’existence n’aurait été possible. Je ne peux donc pas m’empêcher de ressentir de la nostalgie au moment de passer le relais. D’ailleurs, mes homologues étrangers dont le mandat s’est terminé avant le mien m’avaient prévenue : on ne quitte jamais ces fonctions sans un pincement au cœur tant le poste d’ombudsman [médiateur — NDLR] est passionnant, unique par la liberté de parole et d’action qu’il permet, et accaparant dans la façon dont on s’y investit pour les administrés. C’est un poste qui transforme profondément tous ceux qui l’ont occupé. Je n’échappe pas à la règle.

Quel bilan général faites-vous de ces huit années ?

Ces huit années ont été pour moi d’une richesse extraordinaire. J’ai vécu une aventure humaine passionnante, qui m’a beaucoup appris sur moi-même, autant au travers des succès que des difficultés. Implanter un nouvel acteur au sein du paysage institutionnel représente un défi unique. C’est un processus qui demande de la détermination, de la persévérance, une bonne dose de créativité et de l’adaptation. Avec le soutien constant et bienveillant du souverain, je crois être parvenue à bâtir une institution solide, dont la compétence est reconnue, et qui remplit aujourd’hui tout son rôle auprès des autorités administratives et du public, mais également auprès des instances internationales pour lesquelles elle fait désormais figure d’interlocuteur privilégié lors des cycles d’évaluation et de suivi de Monaco, par rapport au respect de ses engagements internationaux en matière de droits humains.

Le Haut-Commissariat a été créé en 2014 : qu’est-ce qui a été le plus difficile à mettre en œuvre, au départ ?

Il a bien sûr fallu mettre sur pied l’institution, la doter des moyens humains et budgétaires adéquats et lui permettre de fonctionner en toute autonomie et dans le respect de son indépendance. L’aspect logistique a donc été très prégnant au départ, et ce n’est pas toujours le plus facile à gérer. En parallèle, nous avons dû nous former aux bonnes pratiques. Nous avons effectué plusieurs visites d’étude auprès de nos institutions homologues à l’étranger, pour garantir que le Haut-Commissariat puisse fonctionner très rapidement au service du public, selon les plus hauts standards. Cela m’a permis de positionner l’institution à sa juste place dès le départ, car j’estime que sur ce point, il n’y avait pas de droit à l’erreur.

Anne Eastwood Monaco
© Photo studiophenix.Com

« Je regrette de n’avoir pas été entendue par le gouvernement sur l’idée de mettre en place une charte de bonne administration des services de l’État, qui permette au plan général de mieux encadrer l’action administrative et le travail des fonctionnaires sur le terrain. C’est un outil dont se dotent toutes les administrations modernes »

Dans les premières années d’activité, comment ont réagi les requérants ?

Le public a été très rapidement au rendez-vous, tout simplement parce que la mission confiée au Haut-Commissariat a répondu à un véritable besoin d’accompagnement et de dialogue pour les administrés. Nous avons très tôt pu travailler en confiance avec les personnes qui ont fait appel à nous, même si nous avons parfois dû faire face à des échecs ou à des incompréhensions avec certaines personnes, qui ont pu en nourrir du ressentiment. Mais cela a concerné des cas isolés et globalement, l’institution s’est rapidement forgé une réputation de sérieux et de compétence auprès des administrés, grâce notamment aux gages d’indépendance qu’elle a su fournir, et à un bouche-à-oreille très positif.

Et les institutions en contact avec vous ?

Du côté des autorités administratives, les choses ont été forcément un peu plus compliquées, quand bien même l’instauration du Haut-Commissariat a résulté d’une volonté du prince souverain lui-même pour faire progresser l’administration et le respect des droits en principauté. En tant que tiers extérieur, intervenant sur la plainte des administrés, le risque était que le Haut-Commissariat soit davantage perçu comme un avocat de l’usager, voire un procureur de l’administration, que comme un trait d’union entre l’administration et les administrés, agissant de façon impartiale dans l’intérêt général. Nous avons dû déployer un gros travail de pédagogie pour faire comprendre et respecter le rôle et les prérogatives du Haut-Commissariat et pour obtenir la bonne collaboration de toutes les autorités. Ce travail n’est à vrai dire jamais fini. Et il faut régulièrement le remettre sur l’ouvrage, notamment lorsque les interlocuteurs changent. En ce domaine, rien n’est jamais vraiment acquis.

Quel bilan faites-vous de votre activité à l’international, entre 2014 et 2022 ?

Je suis fière du travail accompli à l’international, qui a toujours été une de mes priorités et qui m’a énormément apporté au plan personnel en termes d’ouverture et d’expérience. Dès l’origine, et au regard de la petite taille de notre structure, j’ai souhaité cibler nos efforts de coopération sur les zones géographiques qui avaient le plus de sens pour nous, à savoir l’espace francophone et méditerranéen. L’implication active du Haut-Commissariat dans ces réseaux nous a permis d’obtenir très vite la pleine reconnaissance de nos pairs, et de pouvoir initier des actions porteuses pour le rayonnement de l’institution monégasque et l’image de la principauté à l’international. L’organisation à Monaco, à l’été 2021, d’une grande rencontre consacrée aux droits des générations futures restera pour moi comme un point d’orgue de mon mandat, de même que la récente réélection du Haut-Commissariat au conseil d’administration du réseau francophone, au titre de la zone Europe. Ces réalisations inédites pour une toute jeune institution d’ombudsman témoignent de l’insertion réussie du Haut-Commissariat à l’international. Ce qui n’empêche pas que sa sphère d’influence puisse encore être élargie, à l’avenir.

« Je regrette aussi de n’avoir pas su convaincre sur l’importance d’adopter une loi-cadre définissant et prohibant les discriminations en principauté, ce qui peut parfaitement s’envisager sans remettre en cause les régimes de priorité applicables »

Qu’est-ce qui a changé depuis 2014 dans les rapports qu’entretiennent administration et administrés ?

En tant que premier haut-commissaire, mon rôle a surtout consisté à ancrer la médiation dans les pratiques, et à obtenir que l’administration accepte de dialoguer. Et, si nécessaire, de se remettre en question, pour fonctionner de façon plus efficace dans l’intérêt général. Ce processus, même s’il achoppe encore parfois sur des réticences ou des rigidités, a permis de replacer l’usager au centre des préoccupations. Il s’est également traduit par un rééquilibrage bénéfique de la relation entre administration et administrés. Savoir qu’il existe un Haut-Commissariat qui peut être saisi en cas de difficultés permet aux personnes, lorsqu’elles se sentent injustement traitées ou victimes d’une décision injuste, de moins se résigner, ou, au contraire, de ne pas entrer directement dans une démarche belliqueuse vis-à-vis de l’administration. À l’inverse, quand un service n’arrive pas malgré toute sa bonne volonté à se sortir d’une relation conflictuelle avec un administré, l’intervention du Haut-Commissariat peut permettre d’apaiser la situation à l’avantage également de l’administration. Je crois que ce processus a globalement mis de l’huile dans les rouages au bénéfice de tous.

Entre 2014 et 2022, les saisines ont augmentée de + 50 % : comment interprétez-vous ce chiffre ?

Je vois dans la hausse des réclamations non pas un signe que les choses empirent, mais bien au contraire la preuve que le processus de médiation est entré dans les mœurs. Les personnes se tournent aujourd’hui naturellement vers le Haut-Commissariat lorsqu’elles rencontrent un problème avec l’administration, pour trouver un recours crédible et un moyen souple et apaisé de faire respecter leurs droits. Ces dernières années, nous avons également eu matière à intervenir de plus en plus comme porte d’accès aux droits, pour renseigner les administrés sur les textes, la manière dont ils sont susceptibles de s’appliquer à leur situation et les démarches administratives à mettre en œuvre. J’ai souvent eu l’occasion de rappeler que le Haut-Commissariat n’avait pas vocation à se substituer aux services de l’État auxquels cette mission d’information incombe, en premier lieu. Pour autant, nous constatons qu’il y a un besoin insatisfait en la matière, auquel l’institution s’efforce donc de répondre.

Depuis 2014, combien de recommandations le Haut-Commissariat a-t-il émises ?

Dans les suites de l’examen des réclamations portées devant lui, le Haut-Commissariat a été amené à formuler en huit ans près de 90 recommandations générales aux autorités — la plupart adressées au gouvernement, mais certaines également à la mairie, aux services judiciaires ou à des établissements publics, comme les caisses sociales ou l’hôpital — pour modifier certaines pratiques ou améliorer certains fonctionnements.

Anne Eastwood Monaco
© Photo studiophenix.Com

« Le Haut-Commissariat n’a pas la faculté de s’auto-saisir, et ne peut décider de sa propre initiative de soumettre des observations. Nous dépendons donc entièrement des sollicitations, ce qui ne nous permet pas toujours d’intervenir à bon escient. Fort heureusement, le Conseil national nous saisit très régulièrement et nous associe chaque fois que nécessaire au travail législatif »

Pour quels résultats ?

Un peu plus de la moitié d’entre elles ont été suivies à ce jour, ce qui veut dire qu’elles se sont traduites par des améliorations concrètes au bénéfice des usagers, qui profitent à tous aujourd’hui. Ces recommandations ont concerné de nombreux domaines de l’action publique, sans qu’il me soit possible de toutes les passer en revue. Elles sont détaillées dans les rapports publics d’activité du Haut-Commissariat. Elles seront également prochainement indexées et consultables en ligne dans la nouvelle version du site internet du Haut-Commissariat, qui est en cours de déploiement.

Quels sont les grands sujets sur lesquels vous avez abouti, et que vous retenez ?

L’actualité m’oblige à parler de la crise Covid, puisque c’est un évènement qui a profondément impacté nos vies à tous depuis deux ans. Que ce soit par rapport à l’obligation vaccinale des soignants, à la vaccination des adolescents, ou encore au port du masque à l’école et dans les lieux publics pour les personnes malentendantes ou les enfants en situation de handicap, nous avons agi chaque fois que nous avons été saisis. Ceci pour accompagner la politique sanitaire des autorités, tout en veillant à ce qu’elle s’inscrive dans le respect du droit et dans une juste pesée entre les impératifs de protection de la santé et le respect des libertés individuelles. Très récemment par exemple, la dernière mesure d’extension du passe sanitaire dans le travail n’a pas été reconduite sur notre recommandation, ce qui démontre que dans nos systèmes démocratiques, les institutions de protection des droits peuvent parfaitement jouer leur rôle de vigie, y compris en situation exceptionnelle de crise.

Quoi d’autre ?

Je pense ensuite aux avancées réalisées dans le domaine de l’égalité femme-homme, notamment en matière d’ouverture des droits sociaux pour les enfants. Fin 2018, j’avais appelé publiquement à la suppression de la notion obsolète et discriminatoire de « chef de foyer ». C’est chose faite aujourd’hui dans le régime des travailleurs indépendants, et en partie dans le régime des fonctionnaires et agents de l’État. C’est un mouvement de fond que nous avons accompagné par nos recommandations et nos avis. Je citerais enfin notre travail depuis cinq ans sur les conditions de détention à la maison d’arrêt. Je me réjouis que des évolutions longtemps attendues aient pu se concrétiser tout récemment grâce à l’écoute attentive du secrétaire d’État à la justice, Robert Gelli. Elles serviront l’image d’une principauté respectueuse des droits humains et de la dignité des détenus.

« Fin 2018, j’avais appelé publiquement à la suppression de la notion obsolète et discriminatoire de « chef de foyer ». C’est chose faite aujourd’hui dans le régime des travailleurs indépendants, et en partie dans le régime des fonctionnaires et agents de l’État »

Quels sont vos plus grands regrets ?

Je regrette de n’avoir pas été entendue par le gouvernement sur l’idée de mettre en place une charte de bonne administration des services de l’État, qui permette au plan général de mieux encadrer l’action administrative et le travail des fonctionnaires sur le terrain. C’est un outil dont se dotent toutes les administrations modernes pour améliorer de façon systémique les fonctionnements administratifs et la qualité du service délivré au public. J’espère que le travail important que nous avions engagé sur ce sujet au travers de l’analyse des réclamations portées devant le Haut-Commissariat et de l’élaboration de notre propre référentiel de bonne conduite administrative finira par porter ses fruits. Je regrette aussi de n’avoir pas su convaincre sur l’importance d’adopter une loi-cadre définissant et prohibant les discriminations en principauté, ce qui peut parfaitement s’envisager sans remettre en cause les régimes de priorité applicables. Sans ce cadre juridique, que nous n’avons cessé d’appeler de nos vœux, la mission spécifique de lutte contre les discriminations confiée au Haut-Commissariat ne pourra pas se développer, faute des outils nécessaires pour agir efficacement au soutien des victimes.

Combien d’avis avez-vous rendus pour le gouvernement et le Conseil national et ont-ils été suivis ?

Vous évoquez là une autre mission du Haut-Commissariat, qui concerne sa compétence d’avis sur les projets de loi. Le Haut-Commissariat peut en effet être consulté par les autorités lorsque les textes à l’étude entrent dans ses champs de compétence, soit qu’ils concernent des sujets sociétaux soit qu’ils aient une incidence sur les droits et libertés publics. En revanche, il n’a pas la faculté de s’auto-saisir, et ne peut décider de sa propre initiative de soumettre des observations. Nous dépendons donc entièrement des sollicitations, ce qui ne nous permet pas toujours d’intervenir à bon escient. Fort heureusement, le Conseil national nous saisit très régulièrement et nous associe chaque fois que nécessaire au travail législatif. Au total, nous avons été amenés à rendre en huit ans une vingtaine d’avis, la plupart à sa demande. Depuis deux ans, le gouvernement, lui-même, a pris davantage l’habitude de nous consulter, même si je dois regretter qu’il ne joue pas le jeu jusqu’au bout, puisqu’il refuse toujours de rendre publics les avis que nous lui adressons. C’est malgré tout le signe que le Haut-Commissariat est pleinement reconnu aujourd’hui dans sa dimension d’institution nationale de défense des droits humains. En témoigne l’impact de nos observations lors du vote de lois essentielles comme celles sur le contrat de vie commune, la violence et le harcèlement au travail, les agressions sexuelles, ou encore la lutte contre le harcèlement scolaire, pour n’en citer que quelques-unes.

À titre personnel, quels sont les dossiers qui vous ont le plus marqué ?

Chaque dossier dans lequel l’intervention du Haut-Commissariat a permis un règlement amiable de la situation du requérant qui nous avait saisis ou des avancées au plan général a, par définition, été marquant pour moi, et un motif de grande satisfaction pour l’équipe. Car c’est la raison même d’exister de l’institution et qu’il est toujours très gratifiant de constater les résultats concrets de son action sur le terrain. Je garde en tête des situations humaines compliquées, ou de blocage administratif inextricable, que nous sommes parvenus à résoudre avec l’écoute des autorités, et où notre intervention a vraiment fait une différence dans la vie des personnes concernées. Ce sont des visages et des souvenirs qui m’accompagneront longtemps.

« Depuis deux ans, le gouvernement, lui-même, a pris davantage l’habitude de nous consulter, même si je dois regretter qu’il ne joue pas le jeu jusqu’au bout, puisqu’il refuse toujours de rendre publics les avis que nous lui adressons. C’est malgré tout le signe que le Haut-Commissariat est pleinement reconnu aujourd’hui »

Que retenez-vous d’autre ?

Au-delà de ces situations individuelles « réparées », je retiens également les occasions où il nous a été donné de pouvoir nouer un dialogue direct avec les services, et travailler à dossiers ouverts avec eux sur les dysfonctionnements mis en évidence par les réclamations d’administrés. Ces échanges nous ont permis de nous rendre compte que les fonctionnaires présents sur le terrain sont souvent très conscients des lacunes dénoncées et désireux, eux-mêmes, d’améliorer la qualité du service délivré aux usagers, sans en avoir forcément les moyens. L’intervention du Haut-Commissariat permet alors de mettre un coup de projecteur sur leurs difficultés, et de venir en appui des réflexions initiées en interne pour concrétiser plus rapidement les évolutions attendues. Ce travail main dans la main illustre tout l’intérêt du partenariat entre le Haut-Commissariat et l’administration, pour l’administration elle-même. Malheureusement, ces occasions de travail en bonne concertation et en transparence sont demeurées trop rares.

Quels sont les sujets sur lesquels le Haut-Commissariat dispose encore d’une marge de manœuvre pour gagner encore en efficacité ?

Justement, il me paraît essentiel que les conditions de travail avec l’administration soient assouplies, pour fluidifier le dialogue et faciliter l’accès à l’information dans le cadre de l’instruction des saisines. Pour l’heure, la procédure écrite et les échanges centralisés, à tout le moins en première intention, sont sources de difficultés et de lenteurs, et ce d’autant plus que les délais de réponse de l’administration ne sont pas encadrés. J’estime qu’il y a encore une marge de progression importante à ce niveau, pour que le dispositif de médiation et de protection des droits fonctionne avec toute l’efficacité souhaitable. J’ai longtemps plaidé pour obtenir une évolution en ce sens du texte constitutif du Haut-Commissariat, qui devra, quoiqu’il en soit, être mis à niveau à la lumière des Principes de Venise ayant posé depuis 2019 de nouveaux standards pour les institutions de médiateur ou d’ombudsman. Je forme le vœu que ma successeure parvienne à faire aboutir ce projet, à la fois structurant et essentiel, pour accroître à l’avenir les possibilités d’action du Haut-Commissariat.

Huit ans, c’est une période suffisante pour agir ou faudrait-il pouvoir prolonger ?

Un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois, c’est une garantie d’indépendance pour le haut-commissaire qui ne doit ni craindre d’être écarté prématurément si son action déplaît, ni, au contraire, être tenté de s’installer et d’abdiquer, à la longue, dans ses fonctions. Car l’indépendance est tout autant un privilège à protéger qu’une responsabilité qui demande à être exercée. À l’étranger, le mandat des ombudsmans varie, en moyenne, entre 5 à 9 ans. En France par exemple, le défenseur des droits a un mandat de 6 ans non renouvelable. Huit ans, c’est une durée qui permet de se projeter sur le long terme, tout en gardant la notion du temps dans lequel inscrire son action. Pour moi, cela a été une durée idéale pour mettre en place et perfectionner notre action au service des administrés, tout en menant à bien les projets que j’avais en tête pour l’institution, avant de passer le flambeau.

« Un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois, c’est une garantie d’indépendance pour le haut-commissaire qui ne doit ni craindre d’être écarté prématurément si son action déplaît, ni, au contraire, être tenté de s’installer et d’abdiquer, à la longue, dans ses fonctions »

Que peut apporter une nouvelle personne à la tête du Haut-Commissariat ?

Un regard neuf, un nouveau dynamisme, une évolution dans le positionnement et les méthodes, etc. Comme toutes les institutions dotées d’une compétence de recommandation, l’ombudsman exerce avant tout un rôle d’influence, car il ne peut rien imposer. Cela demande beaucoup d’énergie et de persévérance d’œuvrer à convaincre. On peut parfois se sentir usé ou découragé. Ce sont des phases que j’ai traversées en huit ans, même si elles n’ont jamais duré, et que l’envie de faire et d’avancer a toujours très vite repris le dessus. Mais un changement de tête assurera aussi au Haut-Commissariat de savoir se renouveler. Et, qui sait, également se remettre en question… Car toute organisation est perfectible. Il n’y a pas que l’administration qui devrait toujours s’attacher à faire mieux !

Quel est votre avenir désormais ?

C’est au prince souverain qu’il appartiendra de décider de l’endroit où je pourrai à présent être la plus utile pour continuer à servir la principauté et les Monégasques, au mieux de mes compétences, comme j’en ai toujours eu le souhait depuis mon choix de revenir à Monaco en 2003. J’ai, bien sûr, des idées, et des envies, sur lesquelles nous avons eu l’occasion d’échanger. Les choses sont en cours.

1) Ordonnance souveraine n° 4 524 du 30 octobre 2013 instituant un haut-commissariat à la protection des droits, des libertés et à la médiation à Monaco.