vendredi 26 avril 2024
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Alexandre Pasta : « Il faut rester ouvert le dimanche, pour qu’un élan se recrée »

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Alexandre Pasta, président de l’union des commerçants et artisans de Monaco (UCAM), a des idées pour améliorer l’attractivité de la principauté, qu’il estime déjà haute. Entre extension du travail dominical, développement des accès piétons et de l’éco-responsabilité, il a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Quel est votre parcours en tant que commerçant ?

Pendant 20 ans, j’ai eu deux magasins sur le Rocher. Le premier en 1989, le deuxième dans les années 2000. En parallèle, j’ai ouvert une entreprise d’import-export, axée sur le souvenir et les produits de Monaco. J’ai toujours un magasin, mis en location depuis une petite dizaine d’années, et je suis actuellement uniquement grossiste en souvenirs de Monaco et en merchandising automobile, avec des produits liés à la Formule 1 (F1) et à ses dérivés. À ce sujet, j’ai récupéré la marque Futuro pilote, une marque italienne avec qui je travaillais à mes débuts. Je fais ça depuis 25 ans. Donc je connais bien le commerce.

Et à l’UCAM ?

Je suis membre de l’union des commerçants et artisans de Monaco depuis 1991. J’ai évolué au bureau, sous la présidence de Pierre Brezzo. Puis, j’ai été nommé responsable de Monaco Ville. Nicolas Matile-Narmino a ensuite pris la présidence, et j’ai repris sa succession après 8 ans de service, le 15 juin 2021.

Comment est désigné le président de l’UCAM ?

Tous les ans, par le biais d’une élection. C’est un mandat annuel, et la dernière assemblée s’est déroulée en mars 2022. On a un bureau assez représentatif des commerces de la principauté. Quelques représentants officiels ont créé eux-mêmes leurs associations de quartiers, comme Monaco Ville et le Groupement d’intérêt économique (GIE) de la Condamine.

© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Vous avez combien d’adhérents ?

Au sein de l’UCAM, nous sommes environ 150 adhérents, et il en faudrait un peu plus. On va donc davantage communiquer sur ce que l’on fait. Car l’UCAM est présent dans tous les domaines avec le gouvernement : social, économique, ou environnemental. Nous sommes conviés aux commissions, où il y a des débats qui s’organisent, et qui sont souvent constructifs. Mais les gens ne le savent pas toujours, et pensent parfois que l’UCAM ne sert à rien. Or, nous sommes l’interlocuteur privilégié du gouvernement et du Conseil national pour avoir un retour sur ce qui se passe dans les magasins, les commerces et chez les artisans.

Pourquoi voulez-vous plus d’adhérents ?

Nous sommes tous des bénévoles, et nous avons besoin de plus d’adhérents pour faire vivre notre organisation et notre secrétariat.

Qu’est-il ressorti de vos dernières assemblées générales ?

Il a beaucoup été question des répercussions de la crise Covid. Les commerçants ont traversé des moments très difficiles, mais on commence à en sortir maintenant. Nicolas Matile-Narmino, mon prédécesseur, a géré du mieux possible cette crise. Moi, j’ai repris, avec les réouvertures de commerces. Il faut maintenant gérer cette après-crise qui, espérons-le, va continuer dans le bon sens.

Nous sommes aujourd’hui dans l’après-Covid ?

On est dedans. Je pense qu’on peut parler d’après-Covid, et si ça continue comme ça, on pourra être optimiste.

Il n’y a pas eu de casse pendant cette pandémie ?

Non, pas à proprement parler, et heureusement. L’aide du gouvernement, avec ses différents fonds, a vraiment soutenu les commerces. Sans ces aides, pendant un an et demi, voire plus, ce n’aurait pas été pareil. Sans oublier que des propriétaires de murs ont fait des efforts sur les loyers. Il faut le souligner.

Il n’y a pas eu de licenciements, non plus, dans les commerces ?

Pas à proprement parler, non plus. Quand il y a eu le départ du Covid-19, les contrats à durée déterminée (CDD) n’ont pas été renouvelés. Mais, pour les autres, le Chômage total temporaire renforcé (CTTR) a permis de se maintenir, donc ça a été. Il n’y a pas eu de catastrophes.

Les commerces du souvenir ont été plus en difficulté que les autres ?

Monaco Ville a été impacté plus directement, car il n’y avait plus de croisières et plus de tourisme. Les aides d’État ont été primordiales, ainsi que le soutien du prince, qui est venu personnellement encourager les commerçants à tenir. Et certains commerces de rue s’en sont mieux sortis, car ils fonctionnaient déjà dans une logique de commerce de proximité, qui marchait bien avant la crise sanitaire, et qui leur a permis de garder la tête hors de l’eau.

La guerre en Ukraine a aussi un impact sur les commerces de Monaco ?

Je ne le pense pas. À vrai dire, au niveau commercial, on ne peut pas encore se prononcer exactement.

Il est donc trop tôt pour mesurer l’éventuel effet de cette guerre ?

Il faut attendre encore un peu, voyons comment la saison estivale va se passer. Il y a toute une partie grand luxe commercial qui, avant la guerre en Ukraine travaillait avec eux. En août, on fera un point pour savoir s’il y a eu une chute de la clientèle à cause de la guerre.

C’est surtout le climat des affaires qui est en jeu ?

C’est notre force. On doit être neutre et le rester. On a un « melting-pot » [mélange — NDLR] de pays à Monaco. Les gens viennent chercher la sécurité et le bien-être. Ici il y a une atmosphère fantastique, que l’on a su travailler, en garantissant un accueil optimal dans les magasins et dans les rues. On y travaille depuis des années. On est toujours un pôle d’attraction et on va le rester.

Comment maintenir ce climat des affaires ?

Depuis plus de 50 ans, Monaco a toujours été dans l’accueil. Le souverain en est la preuve. Il est ouvert sur le monde, alors suivons cet exemple.

Alexandre Pasta
© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Quels sont les projets de l’UCAM pour l’année 2022 ?

On sort d’une crise exceptionnelle avec le Covid, et cette guerre en Ukraine vient quand même s’y ajouter. Du point de vue commercial, on doit retrouver une harmonie de travail par rapport à l’avant-crise. Il faut harmoniser les horaires d’ouverture, je prends ce dossier très à cœur.

Qu’est-ce que cela implique ?

Il faut qu’entre 12 heures et 14 heures, tous les commerces et tous les quartiers fassent l’effort de rester ouverts. Et, sur certains week-ends de l’année, il faut que nous soyons ouverts. Par exemple, pendant le week-end du Yacht Show, celui du Grand Prix, et pendant l’ensemble des week-ends des grands événements de la principauté. Et je ne parle même pas de Noël, évidemment. Il faut rester ouvert le dimanche pour qu’un élan se recrée. Il faut faire savoir qu’à Monaco, le week-end de Pâques, par exemple, tout est ouvert. Il faut vraiment travailler et communiquer là-dessus.

Plusieurs boutiques et commerces ne sont-ils pas déjà régulièrement ouverts le dimanche ?

Dans certains quartiers, c’est un peu plus compliqué. Depuis que Monaco Ville existe, et qu’il y a des commerces, ils sont ouverts le week-end, parce qu’il y a du monde et du tourisme. Mais, quand on se dirige le dimanche vers le boulevard des Moulins et la rue Grimaldi au contraire, c’est peut-être plus compliqué de rester ouvert. Mais il faut redonner une synergie à tout le monde. Soyons homogènes. Car, si l’on vient de Londres, le week-end de Pâques, et qu’on ne trouve pas un café d’ouvert, et que plusieurs commerces restent fermés, ça ne va pas. On est en train de discuter avec le gouvernement à ce sujet. On ne peut pas obliger l’ouverture de commerces. Mais il faut que nous soyons tous ouverts pendant les week-ends très importants de l’année.

Qu’est-ce qui en empêche les commerçants, aujourd’hui ?

Plusieurs raisons. Des commerçants estiment que ce n’est pas nécessaire d’ouvrir leurs portes, car il n’y a pas assez de fréquentation dans leur quartier le dimanche, et que ce n’est pas assez rentable. Et à l’instant T, ils n’ont pas tort, car il n’y a personne. Mais il faut que ça reparte. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais il faut que ça se fasse tout de même, un jour. Le quartier de Monte-Carlo, avec le grand luxe est ouvert le dimanche, par exemple. On est en discussion avec l’office de tourisme pour que ça se sache. Il faut qu’il y ait une communication importante à ce sujet.

D’où l’importance des réunions de quartier ?

Nous allons refaire des réunions, quartier par quartier. On l’a fait récemment avec le boulevard des Moulins, le Larvotto, le boulevard Saint-Martin, pour savoir ce qu’on peut développer et améliorer. On essaie d’analyser les besoins, de remettre les choses à plat, pour amener des choses concrètes au gouvernement et au Conseil national. Il faut qu’on fasse les choses.

Comme quoi, par exemple ?

Il faut peut-être moderniser Monaco Ville, et les façades de certains magasins. On a aussi des boutiques fermées. On réfléchit donc à un système de bail pour que le propriétaire puisse installer un jeune commerçant sur une période déterminée, afin de développer à nouveau le commerce.

Parmi ces quartiers, le Larvotto est en pleine transformation ?

En effet, il y a eu des changements de propriétaires et de gérants, suite à la rénovation de ce quartier. On suit de près ce qu’il s’y passe, même si nous n’y avons pas de représentant direct à l’UCAM.

Faudrait-il transformer le Rocher, à son tour ?

Il faut peut-être proposer aussi une offre plus globale sur le Rocher, avec des enseignes de textile par exemple, et faire un peu moins dans le touristique. C’est une idée, mais il faut surtout que les gens puissent y aller. Car le Rocher reste un pôle touristique indispensable. Et on n’y vend pas que du souvenir. Sur la quarantaine de boutiques, une quinzaine propose déjà autre chose. On en parle avec le gouvernement, et on réfléchit à des choses. J’espère qu’il y aura des premiers changements dans les 5 à 10 ans à venir.

Qu’en est-il des accès piétons à Monaco ?

Mon rêve, ce serait de partir du Larvotto en promenade et de continuer jusqu’au port et Fontvieille par une sorte de « promenade du soleil », le long du Rocher, là où il y a les pêcheurs. Ce serait formidable.

C’est vraiment réaliste ?

Il faut « piétonniser » davantage. Le gouvernement partage cet objectif, mais ça ne peut pas se faire en cinq minutes. L’idée de contourner le Rocher n’est pas évidente, mais ça peut se faire. Pourquoi pas via un téléphérique ou un ascenseur, qui mènera directement vers le Rocher ? Le but est de faire remonter des pendulaires sur cette zone. On peut imaginer aussi une piste cyclable, à développer vers le bord de mer.

Que pensez-vous de l’application Carlo ?

L’UCAM est à 100 % derrière l’application Carlo. D’ailleurs, des commerçants ont tenu la tête hors de l’eau pendant le Covid grâce à Carlo. L’application continuera, je l’espère, jusqu’à fin novembre 2022, avec l’accord du gouvernement. Même pour un avenir plus lointain, il faut que cette application continue, car c’est un outil extraordinaire. Le client et le commerçant sont gagnants, et le gouvernement aussi, grâce à la TVA qu’il récolte.

Le commerce local vit grâce aux pendulaires aussi : comment les garder ?

Les pendulaires représentent une grosse clientèle de Monaco. Le problème, c’est qu’à partir de vendredi 17 heures, il y a une accalmie économique. Heureusement qu’il y a les touristes. Mais il faut absolument maintenir la présence des pendulaires.

Oui, mais comment faire ?

D’abord, il faut favoriser leur accueil, et leur permettre de se garer à Monaco. Il faut comprendre ensuite où ils habitent, et comment ils peuvent circuler. La principauté a fait de gros efforts avec le train, puisque de nouvelles rames ont été mises en place, en plus des allers-venues avec le bus. Beaucoup de gens circulent également en deux roues, au point que ça en devient compliqué pour leur trouver des emplacements.

L’accès à Monaco est un problème aujourd’hui, avec d’énormes bouchons et des trains souvent saturés aux heures de bureau ?

Il va falloir qu’on trouve une solution, notamment pour les voitures. Tous les matins, il y a de gros bouchons. Prochainement, l’aire de la Turbie va être ouverte. Espérons que ça va désengorger la circulation. Il y aura aussi de nouvelles places au parking du Jardin Exotique. Peut-on imaginer un parking dédié aux salariés de la principauté, couplé à un système de navettes, pour libérer un peu de la place ?

La forte circulation pose aussi des problèmes pour le recrutement de salariés découragés par les trajets pour venir travailler quotidiennement à Monaco ?

Oui, on est face à un problème, mais c’est la rançon du succès. Beaucoup de gens décident de venir travailler en principauté, car il y a des entreprises performantes, des avantages, et qu’on y travaille bien. Il va falloir imaginer de nouveaux systèmes pour trouver un équilibre.

Le télétravail est une solution ?

Le télétravail a permis de désengorger les routes. Mais, commercialement, les résultats n’ont pas été bons. La fréquentation dans certains quartiers a connu une très forte baisse de clientèle.

Il y a aussi le développement du e-commerce ?

Le Covid a fait prendre conscience de beaucoup de choses, comme l’explosion des commandes par Internet. Il faut développer le e-commerce. On encourage déjà les commerces à développer un site Internet pour s’ajouter à la proximité. Nous avons d’ailleurs mené une action de sensibilisation en avril 2022 avec les services de Frédéric Genta [le délégué interministériel en charge du numérique et de l’attractivité du gouvernement monégasque — NDLR] à ce sujet. Le e-commerce, ce n’est même plus le futur, d’autant que le fonds bleu encourage la transition numérique. Pour ce qui est de la logistique, le commerce peut vendre sur des plateformes ou sur son propre site. Par livraisons, par « clic and collect », ou par expéditions.

L’UCAM incite aussi aux pratiques éco-responsables des commerces ?

Oui, nous encourageons au passage à l’écoresponsabilité. Cela passe par des choses simples, comme l’utilisation de matériaux recyclables, la réduction et le tri des déchets, l’utilisation d’éclairage leds… On incite aussi les commerçants à utiliser moins d’emballage, et à se labéliser « commerce engagé ».

Que pensez-vous du retour des bateaux de croisière, dont certains sont très polluants ?

Les croisières repartent, et c’est un plus pour Monaco. Mais on est conscient qu’il faut une adaptation des croisiéristes. Il faut des bateaux moins polluants et moins volumineux. La balle est dans le camp des compagnies de croisière pour proposer des bateaux plus raisonnables [à ce sujet, lire notre dossier spécial Lutte contre la pollution des navires de croisière : Monaco doit-il en faire plus ?, publié dans Monaco Hebdo n° 1121 — NDLR].

Il faudrait réguler leur présence à Monaco ?

Exactement. Les gros mastodontes polluent énormément. Il vaut mieux un bateau de 500 personnes qui, qualitativement, sera aussi important qu’un bateau de 3 000 personnes. Il faut trouver un système « gagnant-gagnant » pour tout le monde. Beaucoup de croisiéristes arrivent aussi par d’autres ports, via des navettes et des trains. Il ne faut pas l’oublier.

Pour conclure, quelles sont les priorités pour le commerce monégasque ?

On doit travailler sur trois étapes : le quotidien avec l’ouverture dominicale, le stationnement, et l’accueil de pendulaires. À moyen terme, il faut travailler sur l’éco-responsabilité, qui ne peut pas se faire du jour au lendemain avec les fournisseurs. Et le long terme, c’est l’ascenseur, la « promenade du soleil », et le développement des parkings en principauté.

Pour lire la suite de notre dossier « Faut-il travailler le dimanche pour relancer le commerce à Monaco ? », cliquez ici.