Entre baladeurs MP3, concerts et discothèques, un jeune sur dix souffrirait d’un début de surdité. Comment préserver leur audition?? Eclairages avec le professeur Bruno Frachet, chef du service ORL à l’hôpital Avicenne de Bobigny.
Monaco Hebdo?: Selon une récente étude, un ado sur dix de moins de 17 ans souffrirait d’un début de surdité en milieu scolaire. En quoi un tel constat vous inquiète-t-il??
Bruno Frachet?: Le résultat a de quoi alarmer, mais il met surtout en avant l’importance de la prévention auprès de ces jeunes. L’enjeu n’est pas tant de les priver de musiques et de rentrer dans une lutte intergénérationnelle que de leur faire prendre conscience du bruit permanent dans lequel ils ont l’habitude de vivre et des risques qui peuvent y être associés. C’est une question de niveau d’exposition, comme pour le soleil. Il faut apprendre à bien en profiter, en sachant se protéger et éviter les abus. C’est particulièrement important pour les jeunes. Une enquête menée lors de la dernière Journée de l’audition montrait que deux tiers d’entre eux se disent sous-informés sur la définition des décibels et qu’un tiers est prêt à changer son comportement pour éviter des risques auditifs graves.
M.H.?: De quels risques parle-t-on exactement et à quoi correspond ce “début de surdité” chez les jeunes exposés??
B.F.?: Il ne s’agit bien évidemment pas d’une surdité qui va se manifester du jour au lendemain mais bien plus d’un phénomène latent de « fatigue auditive » qui va entraîner une gêne grandissante. On repère cette fatigue par des signes qui constituent autant d’alarmes. Il peut s’agir d’une diminution progressive des sons aigus caractérisée par une difficulté à percevoir certains bruits comme le son d’une voix dans la foule ou à apprécier pleinement de la musique. Cela peut se traduire par des acouphènes après une exposition à des bruits importants. Cette gêne s’accentuera généralement avec l’âge et est susceptible — à plus long terme — d’aggraver le processus de vieillissement naturel des fonctions auditives. Il est important donc d’en prendre conscience dès les premières alertes, d’autant qu’il est possible d’agir tant que la destruction des cellules dans l’oreille n’est pas définitive.
M.H.?: Les études mettent régulièrement en cause l’usage des MP3 que les ados écouteraient plus d’une heure et demie par jour. Faut-il limiter la puissance des écouteurs??
B.F.?: Mais c’est déjà le cas. Les réglementations existent et les technologies s’améliorent. On peut faire mieux mais l’enjeu se situe dans l’usage que les jeunes font de ces technologies, plus que dans des normes. Pour la dernière Journée de l’audition, nous avions d’ailleurs proposé une « journée sans baladeur », un peu comme la « journée sans tabac ». Ces bons réflexes ont de vrais effets. Regardez les bouchons?: on en distribue dans de plus en plus de concerts et ça devient même chic de les porter. Certains sont de couleurs fluo?! C’est la preuve que la sensibilisation fonctionne.
M.H.?: Cette sensibilisation peut-elle être accentuée auprès des jeunes dont les tympans sont les plus fragiles??
B. F?: Ce serait bien en effet, d’autant que l’on sait qu’il y a des personnes qui ont un risque plus prononcé face aux atteintes auditives. Il est encore difficile d’identifier ces personnes sensibles. Certains phénotypes existent. La couleur claire des yeux pourrait jouer notamment, mais c’est encore difficilement appréciable. Le seul vrai signe tangible reste l’apparition de signes de fatigue auditive. Raison de plus pour être vigilant et prévenir les dangers au plus tôt.