Les diagnostics de Docteur House, les soins de Nurse Jackie ou les interventions de Grey’s Anatomy peuvent-ils aider les patients à mieux comprendre leurs symptômes et acquérir des réflexes de premier secours ? Pas sûr, selon les spécialistes.
Du Docteur House qui rameute ses huit millions de fidè-les à chaque épisode aux aventures de Grey’s Anatomy ou aux frasques de l’infirmière Nurse Jackie programmée depuis peu sur Canal+ , les blouses blanches n’en finissent plus de squatter le petit écran… S’ils font le bonheur des programmateurs, ces nouveaux héros du PAF suscitent aussi l’intérêt grandissant des chercheurs. De plus en plus d’études tentent de cerner l’impact de cette caisse de résonance médiatique auprès des patients et en termes de prévention. D’autant que les concepteurs des séries revendiquent haut et fort leur souci de réalisme. Urgences a été tourné dans un véritable hôpital de Chicago. Les scénaristes de Docteur House s’inspirent de cas réels relevés dans les revues médicales. Des médecins sont d’ailleurs payés par la production pour valider les scripts et les acteurs sont formés aux notions médicales. Il y a deux ans, l’université de Californie a même crée une filière pour apprendre aux scénaristes à faire passer de vrais messages de prévention dans leurs scripts…
Ressusciter à tout va
Il n’empêche : le réalisme est loin d’être la règle. Une équipe de scientifiques américains vient d’ailleurs de s’amuser à étudier les gestes de premier secours dans 327 épisodes de séries médicales. Résultat ? Sur les 59 crises d’épilepsie recensées, 46 mettent en scène des gestes impressionnants à l’écran, mais totalement “inappropriés” dans la réalité. On y voit notamment des médecins maintenir les patients au sol ou leur fourrer des objets dans la bouche pour les empêcher de s’étouffer – autant de précautions proscrites… Il y a quelques années déjà, le très sérieux New England Journal of Medecine s’était insurgé contre la tendance des médecins d’Urgences à ressusciter à tout va des patients à coups de massages cardiaques…
Moins qu’un manque de réalisme, ces constats montrent les limites du mélange des genres. « Les cas présentés et les diagnostics sont souvent crédibles mais les stratégies thérapeutiques mises en places ne correspondent pas à la réalité car à la télé il faut être spectaculaire et rapide », selon Andrew Holtz, journaliste médical américain et auteur d’une étude sur Docteur House.
La vertu de ces séries tient en réalité bien moins à un contenu médical forcément schématisé qu’à l’image du corps médical véhiculée… « Il y a quelques années, la vie d’un hôpital ou le travail d’un médecin n’intéressaient pas grand monde. Aujourd’hui ça fascine des millions de gens ! », confirme Jean-Paul Biberian. Ce chercheur en physique à la faculté des sciences de Luminy de Marseille s’inspire d’ailleurs de l’engouement des séries en blouses blanches pour lancer depuis 2009 sa propre série, Recherches, diffusée sur le net et mettant en scène des étudiants en thèse de science (www.serie-recherches.org). « C’est un premier pas, mais ça montre que l’on peut parler de sciences comme Docteur House parle de médecine. » Chiche ?