samedi 27 avril 2024
AccueilActualitésSanté« Le Mediator m'a ruiné la santé »

« Le Mediator m’a ruiné la santé »

Publié le

Mediator
© Photo DR

Salariée à Monaco pendant 35 ans, Jocelyne Pastor, aujourd’hui retraitée, fait partie des milliers de victimes du Mediator. Un médicament que des médecins lui ont prescrit pendant plus de 16 ans. Elle raconte les séquelles physiques et psychologiques. Et son combat devant les tribunaux.

Lorsque le scandale sanitaire du Mediator éclate au grand jour dans les médias, pour Jocelyne Pastor, retraitée de 60 ans, c’est un électrochoc. Après des années de souffrance, cette mentonnaise, ancienne salariée dans une usine à Monaco pendant 35 ans, identifie enfin la cause de tous ses maux (1). Comprend son insuffisance cardiaque, son essoufflement, sa fatigue chronique… « J’ai pris du Mediator et de l’Isoméride (2) de 1990 à 2006. Ce sont des médecins à Menton qui me les ont prescrits. D’abord en tant que coupe-faim, puis pour soigner mon diabète. Je souffrais de surcharge pondérale et je voulais absolument perdre du poids. A cette époque, il y avait beaucoup de coupe-faim qui circulaient, et il est vrai, j’en ai pris beaucoup pendant des années, explique-t-elle. A aucun moment on ne m’a alarmé sur d’éventuels effets secondaires. Le Mediator m’a ruiné la santé. Je suis très en colère. » Il y a 10 ans, Jocelyne Pastor est même opérée d’urgence de la valve au centre cardiothoracique de Monaco. « Alors que j’avais à peine 50 ans, j’entendais les médecins dire que j’avais le cœur d’une personne âgée de 80 ans. Heureusement, j’ai été très bien soignée », se souvient-elle. Commercialisé dès 1976, ce médicament initialement destiné aux diabétiques et largement administré comme simple coupe-faim n’a été interdit par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) que le 30 novembre 2009. C’est depuis son petit appartement rue Albini à Menton, que cette patiente découvre jour après jour à la télévision les charges qui pèsent contre les laboratoires Servier. Et les chiffres accablants. Selon différentes études, entre 500 et 2?000 personnes seraient en effet décédées en raison du Mediator.

Indemnisation

Encouragée par sa cardiologue et son entourage, Jocelyne Pastor se rapproche alors de l’association AVIMediator et décide à son tour de mener une action en justice pour obtenir réparation. C’est le docteur Jacques Parienti, médecin expert à la cour d’appel du tribunal administratif de Marseille, qui prend en charge son dossier. L’expertise médicale est formelle. Et établit clairement le lien de cause à effet entre ses séquelles et la prise du Mediator. Après avoir déboursé 2?000 euros de frais d’avocat et 350 euros en frais d’expertise médicale, Jocelyne Pastor attend désormais un dénouement judiciaire et une indemnisation. Promis en avril dernier par le ministre français de la santé Xavier Bertrand, le fonds public d’indemnisation des victimes du Mediator a finalement été ouvert le 1er septembre dernier. Depuis cette date, les victimes peuvent demander une indemnisation auprès de l’Oniam (l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux). Un organisme qui a déjà géré les victimes de Creutzfeldt-Jakob ou encore les infections nosocomiales. « Compte-tenu des relations tendues avec le laboratoire Servier, le ministre de la santé a créé ce fonds étatique pour indemniser les victimes plus rapidement », explique le docteur Parienti, qui suit une centaine de dossiers dans la région Paca. Difficile de dire pour l’heure, à combien se chiffrera le montant de l’indemnisation pour les victimes. « Le montant sera déterminé en fonction des préjudices subis. Si par exemple une personne a perdu son emploi, ou si elle se retrouve handicapée. Sans oublier tous les préjudices d’agrément, les souffrances morales endurées, le préjudice esthétique s’il y a des cicatrices, ou encore le préjudice d’anxiété », rajoute cet expert. Sur le banc des accusés, les laboratoires Servier sont sous le feu de trois accusations?: « tromperie aggravée », « prise illégale d’intérêts » et « homicides et blessures involontaires ». Le procès du Mediator devrait avoir lieu au printemps 2012.

(1) C’est Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, dans son livre Mediator, 150 mg combien de morts?? qui a révélé au grand jour, en début d’année 2011, ce scandale sanitaire.
(2) L’Isoméride, produit du Laboratoire Servier, a été mis sur le marché, en France, le 15 novembre 1985. Ce médicament coupe-faim, a été retiré de la vente le 15 septembre 1997 après la découverte de risque d’hypertension artérielle pulmonaire et d’anomalies des valvules cardiaques.

Une promotion qui dérange
«Si on veut clairement montrer qu’il y a un avant et un après Mediator, cette personne ne peut pas à l’avenir occuper la fonction de directrice au sein de l’Afssaps ». Au micro de France Info, le 23 novembre dernier, le ministre français de la santé Xavier Bertrand s’est clairement opposé à la nomination de Catherine Rey-Quinio au poste de « préfigurateur » de la direction de la cancérologie et de l’hématologie de l’Afssaps. Et pour cause. Avant d’arriver à l’Afssaps, ce médecin avait travaillé pour les laboratoires Servier où elle était en charge de l’évaluation de l’Isoméride, un médicament retiré du marché en 1997 et dont les propriétés chimiques étaient très proches du Mediator.
De nombreux spécialistes ont reproché à Catherine Rey-Quinio de ne pas avoir fait le lien entre l’Isoméride et le Mediator. Face à ces critiques, l’Afssaps a finalement décidé de renoncer à sa promotion.
Article précédent
Article suivant