jeudi 25 avril 2024
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Le CHPG sous tension face à l’épidémie de bronchiolite

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Déjà éprouvé par deux années de lutte contre le Covid-19, le centre hospitalier princesse Grace (CHPG) doit aujourd’hui affronter une épidémie de bronchiolite d’une virulence inédite qui met en exergue les carences de la pédiatrie hospitalière. Le docteur Hervé Haas, chef du service pédiatrie de l’hôpital de Monaco, tire la sonnette d’alarme, alors que le pic de l’épidémie n’a pas encore été atteint.

Une toux quinteuse, une respiration sifflante. La bronchiolite est une infection respiratoire d’origine virale, qui angoisse les jeunes parents. Bien souvent bénigne, cette maladie touche chaque année 30 % des enfants de moins de 2 ans, selon Santé Publique France. Cela représente environ 480 000 cas par an, et 2 à 3 % d’hospitalisations pour une bronchiolite plus sévère. Mais cette année, de tristes records pourraient bien tomber face à une épidémie d’une virulence inédite. Au cours de la semaine du 7 au 13 novembre 2022, 5 565 passages aux urgences ont ainsi été recensés en France métropolitaine pour environ 2 027 hospitalisations. Du jamais vu depuis dix ans. Résultat, le système hospitalier déjà éprouvé par deux années de lutte contre le Covid-19 se retrouve à nouveau submergé. Et le pire est peut-être à venir car le pic de l’épidémie n’aurait pas encore été atteint d’après les spécialistes. Dans l’Hexagone, plusieurs hôpitaux ont donc décidé d’activer leur plan blanc, destiné aux situations sanitaires exceptionnelles, pour aider les services de pédiatrie à faire face à cette crise.

« Cette épidémie de bronchiolite est en train de mettre véritablement en exergue toutes les difficultés qu’ont rencontré les services de pédiatrie depuis très longtemps, et que, pour l’instant, à Monaco, nous n’avons pas encore réglées »

Docteur Hervé Haas. Chef du service pédiatrie du CHPG

« Nous n’avons plus assez de lits »

Cette épidémie de bronchiolite n’épargne pas le centre hospitalier princesse Grace (CHPG), où la situation tend aussi à se dégrader depuis quelque temps. « L’épidémie à Monaco est la même qu’en France. Elle est très intense, à tel point qu’aujourd’hui, la très grande majorité des enfants hospitalisés le sont pour une bronchiolite », confirme le docteur Hervé Haas, chef du service pédiatrie. Avant d’en dire plus sur le profil des patients admis à l’hôpital : « En général, la bronchiolite touche des nourrissons de moins de 1 an, voire de quelques mois. Ils ont besoin d’être soutenus sur le plan respiratoire avec de l’oxygène, mais aussi sur le plan alimentaire, car ils ont du mal à téter du fait de la bronchiolite. Le service [de pédiatrie] est donc plein », révèle ce médecin.

Bébé bronchiolite
© Photo 2017 happybas/Shutterstock

L’explosion des hospitalisations pour bronchiolite est telle que l’établissement monégasque est contraint de reporter certaines opérations, qualifiées de non-urgentes, pour absorber l’arrivée de nouveaux patients : « Nous sommes obligés de les décaler parce que nous n’avons plus assez de lits. Et les urgences sont très largement encombrées, c’est-à-dire qu’il y a une surcharge de travail très nette, notamment les week-ends. Les week-ends, ça devient infernal », confie le docteur Haas. Un cap a d’ailleurs été franchi les samedi 12 et dimanche 13 novembre derniers au cours desquels le CHPG s’est retrouvé pour la première fois en situation de saturation. « Nous n’en sommes pas encore à trier les patients comme en France, ce qui a d’ailleurs motivé l’ouverture du plan blanc, mais je ne sais pas comment la situation va évoluer dans les deux ou trois prochaines semaines. Je crains que l’épidémie s’accentue ».

« Nous sommes obligés de décaler des interventions, parce que nous n’avons plus assez de lits. Et les urgences sont très largement encombrées, c’est-à-dire qu’il y a une surcharge de travail très nette, notamment les week-ends »

Docteur Hervé Haas. Chef du service pédiatrie du CHPG

« Cette bronchiolite, c’est un peu notre Covid »

Le chef du service pédiatrie redoute particulièrement l’arrivée des virus hivernaux, comme la grippe, qui pourraient venir s’ajouter à la bronchiolite et fragiliser un peu plus encore un système de soins à bout de souffle. « Cette bronchiolite, c’est un peu notre Covid, lâche Hervé Haas. Sur le plan pédiatrique, le Covid n’a pas saturé les services, comme cela a été le cas chez les adultes. Mais cette épidémie de bronchiolite est en train de mettre véritablement en exergue toutes les difficultés qu’ont rencontré les services de pédiatrie depuis très longtemps et que pour l’instant, à Monaco, nous n’avons pas encore réglées ». Ce médecin pointe notamment le manque criant de personnels et de pédiatres à l’hôpital, mais aussi en ville. « Nous ne sommes pas en nombre suffisant. Il y a des renforts qui sont faits par la direction. Des infirmières du “pool” viennent, par exemple, en renfort au niveau des urgences, et parfois dans le service de pédiatrie. Mais, au niveau médical, nous n’avons pour l’instant pas de renfort. Et on ne s’improvise pas pédiatre du jour au lendemain. Aborder un nourrisson de 2 ou 3 mois, et reconnaître quand il est en détresse respiratoire, demande un certain apprentissage. On ne peut donc pas demander à n’importe quel médecin de l’hôpital de venir en pédiatrie faire notre travail ». Le chef de service confie également avoir beaucoup de mal aujourd’hui à trouver du personnel spécialisé : « Les postes, je les ai mais il faut que nous arrivions à recruter des pédiatres qui acceptent de venir travailler en équipe, d’assurer une permanence de soins, donc de faire des gardes. Et c’est de plus en plus difficile à trouver ». Même constat quand il s’agit de la médecine de ville. À l’Est des Alpes-Maritimes, c’est-à-dire la zone d’influence de Monaco, deux pédiatres sont partis à la retraite, et n’ont toujours pas été remplacés. « Il reste en tout et pour tout six ou sept pédiatres. Et aucun pédiatre ne vient renforcer les rangs », déplore Hervé Haas.

« Si à un moment tous nos lits sont occupés, et que nous devons encore hospitaliser d’autres enfants, il est évident qu’il faudra partager avec les hôpitaux de la région. Mais les hôpitaux de la région sont, ou risquent d’être, dans la même situation que nous. C’est donc une vraie interrogation. Il faudra envisager des déplacements sur Marseille, ou ailleurs » 

Docteur Hervé Haas. Chef du service pédiatrie du CHPG

« Nous sommes en permanence dans une course contre le temps »

En plus de cette contrainte, le CHPG doit aussi compenser la saturation des services hospitaliers de la région qui pousse les familles à parcourir de plus en plus de kilomètres pour faire soigner leurs enfants dans des conditions optimales. « Je vois beaucoup de gens de France qui viennent de plus en plus loin vers la principauté, parce que les équipes travaillent bien. Mais, au bout d’un moment, vous ne pouvez pas accueillir à l’infini tous les gens qui veulent venir. Ce n’est pas possible. C’est ce qui me préoccupe ». Comment le CHPG fait-il face à cette situation ? « C’est de plus en plus difficile, reconnaît le docteur Haas. Nous ne pouvons pas multiplier le nombre de médecins disponibles notamment pendant les gardes, ni le nombre de salles d’examen. Nous sommes donc en permanence dans une course contre le temps pour essayer de faire en sorte que les enfants attendent le moins possible pour être examinés. Mais tout cela entraîne un encombrement majeur au niveau des urgences pédiatriques ». Le CHPG pourrait-il alors être amené à rapatrier des enfants vers d’autres établissements ? « C’est tout à fait envisageable. Si à un moment tous nos lits sont occupés, et que nous devons encore hospitaliser d’autres enfants, il est évident qu’il faudra partager avec les hôpitaux de la région. Mais les hôpitaux de la région sont, ou risquent d’être, dans la même situation que nous. C’est donc une vraie interrogation. Il faudra envisager des déplacements sur Marseille, ou ailleurs. Pour l’instant, nous n’y sommes pas confrontés. Mais c’est un risque », admet le chef de service.