vendredi 29 mars 2024
AccueilPolitiqueStéphane Vojetta : « Aux uns et aux autres de me démontrer le...

Stéphane Vojetta : « Aux uns et aux autres de me démontrer le bien-fondé de les rejoindre »

Publié le

Réélu député de la cinquième circonscription des Français de l’étranger dimanche 19 juin 2022, Stéphane Vojetta s’est confié à Monaco Hebdo au lendemain de sa victoire. Il évoque sans détour sa campagne mouvementée, ses projets pour les Français de Monaco, mais aussi son avenir au sein de la majorité présidentielle. Interview.

Quel sentiment domine après cette éclatante victoire dans la 5ème circonscription des Français de l’étranger ?

C’est une grande satisfaction de pouvoir arriver à la fin de cette séquence électorale avec quand même deux élections différentes, la présidentielle, puis la législative. Dans la circonscription, nous avons fait un très beau score aux élections présidentielles pour le président de la République mais derrière [aux législatives — NDLR], il est vrai qu’à l’échelle nationale, les résultats sont beaucoup plus décevants. À titre personnel, sur la circonscription, la séquence a été superbe avec deux victoires aux deux tours des élections législatives. Une victoire morale au premier tour et la confirmation du modèle de député que les Français de la circonscription voulaient envoyer à Paris. Puis, au deuxième tour, une victoire politique, avec la confirmation que les électeurs de la circonscription voulaient envoyer à Paris un député qui travaille au sein de la majorité parlementaire, et non pas pour envoyer Jean-Luc Mélenchon à Matignon.

En obtenant plus de 14 000 voix lors de ce second tour, vous établissez un score historique pour la circonscription : c’est une double victoire ?

Oui, c’est une grande satisfaction. Tout d’abord, cela signifie qu’il y a eu une participation historiquement très élevée grâce notamment au vote électronique, même si son impact a été un peu moindre à Monaco qu’ailleurs [629 électeurs sur 5 196 inscrits ont opté pour le vote électronique en principauté au second tour des législatives — NDLR]. Avec plus de 14 000 bulletins Vojetta mis dans les urnes, j’arrive presque à doubler le record établi en 2012 par Arnaud Leroy. J’en suis très fier car d’une certaine manière, grâce à cette élection, et à l’implication de Manuel Valls, nous avons réussi à ramener les Français vers les urnes.

Comment avez-vous vécu cette campagne mouvementée ?

Ça a été clairement un défi à la fois émotionnel, psychologique, logistique, et même financier, dans une certaine mesure. Personne ne s’attendait à ce que la décision d’investiture telle qu’elle a été prise soit entérinée. Même si on voyait les rumeurs dans la presse, on se disait que le bon sens prévaudrait et que cette décision ne serait pas prise. Malheureusement, le fait est qu’elle a été prise. Et nous avons pris assez rapidement la décision de corriger cette erreur en maintenant ma candidature au premier tour des élections législatives.

Votre non-investiture au profit de Manuel Valls a été très médiatisée ?

Cette décision a eu des répercussions médiatiques très importantes, puisque cela a mis notre circonscription sous le feu des projecteurs. Notamment en me transformant en symbole des candidats dissidents face à la République en marche (LREM). Et d’un autre côté, cela nous a permis de développer, de dérouler une campagne assez particulière, où nous avons vraiment voulu nous positionner comme étant le député de proximité qui allait à la rencontre des Français. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un « road trip » qui était assez complexe à organiser. Mais en termes d’image, il a été très bien perçu, et il a créé de grands moments de proximité avec les électeurs de la circonscription.

Vous avez reçu le soutien de la majorité pour le second tour : comment avez-vous accueilli ce revirement après votre éviction du parti ?

Au moment de ma décision de maintenir ma candidature, j’ai écrit sur un papier comment cela allait se dérouler, avec des étapes et des chiffres précis. Si je ressortais ce papier aujourd’hui, vous verriez que c’était prévu. Que ce soit ma qualification au premier tour devant Manuel Valls, ou le soutien immédiat de la majorité présidentielle, cela faisait partie des choses qui, pour moi, étaient complètement prévues et logiques. J’étais donc plutôt soulagé et satisfait de voir que mes prévisions s’accomplissaient. En tout cas, il n’y avait pas d’émotion négative. Je me réjouissais d’avoir le soutien du principal groupe politique du pays pour aborder ce second tour.

« Ça a été clairement un défi à la fois émotionnel, psychologique, logistique et même financier dans une certaine mesure. Personne ne s’attendait à ce que la décision d’investiture telle qu’elle a été prise soit entérinée »

Comment le président de la République, Emmanuel Macron, va-t-il gouverner sans majorité absolue à l’Assemblée nationale ?

À Paris, ça reste à définir. Pendant les jours et les semaines qui viennent, il va y avoir des recherches d’équilibre, et des conversations avec d’autres groupes politiques. A priori, ces conversations ne vont pas m’impliquer directement, mais je pense que l’on devrait aller vers quelque chose qui ressemblait, peut-être, à ce qu’a été ma candidature au second tour. À savoir une candidature qui visait à rassembler au-delà de l’étiquette politique macroniste ou majorité présidentielle, et à aller chercher un rassemblement, des électeurs. Et donc, des votes au-delà de notre famille politique, et dans d’autres mouvements politiques qui ont envie de travailler ensemble sur les sujets qui comptent.

La majorité peut-elle « avancer ensemble » avec le Rassemblement national (RN), comme l’a suggéré Éric Dupond-Moretti sur le plateau de BFM TV, dimanche 19 juin 2022 ?

Bien franchement, je ne pense pas que ce soit envisagé. Je n’ai pas entendu les déclarations de M. Dupond-Moretti. Mais il me semble très difficile de se tourner vers le RN ou d’envisager de faire des alliances politiques stables avec le RN, ou d’ailleurs avec la France Insoumise (LFI). Tout parti radical, qu’il soit d’extrême gauche ou d’extrême droite, ne me semble pas être un partenaire souhaitable pour une coalition politique qui a l’ambition de gouverner et de réformer la France à long terme.

Comment expliquez-vous l’échec de la majorité présidentielle lors de ces élections législatives ?

La campagne et la stratégie en général n’ont pas été bonnes. Je peux le dire, parce que j’ai été un adversaire de la majorité au premier tour. Et c’est vrai qu’il y avait certaines choses sur lesquelles on pouvait jouer. Il y a notamment des erreurs de marketing. On ne change pas la marque d’un produit juste avant de le lancer sur le marché. On est passé de LREM à Renaissance, qui est perdu dans quelque chose qui s’appelle Ensemble [coalition de sept partis politiques, parmi lesquels Renaissance, Horizons, et le MoDem — NDLR]. Je pense que les électeurs s’y sont légitiment perdus, à l’étranger, mais surtout en France. C’est une erreur stratégique de base. Et c’est regrettable, car je pense que quelques dizaines de sièges de députés ont été perdus à une cinquantaine, une centaine de voix près. Et je pense que ce sont des erreurs de ce genre-là qui ont pu faire pencher la balance.

« On ne change pas la marque d’un produit juste avant de le lancer sur le marché. On est passé de LaREM à Renaissance, qui est perdu dans quelque chose qui s’appelle Ensemble. Je pense que les électeurs s’y sont légitiment perdus »

N’y a-t-il pas d’autres explications, plus politiques ?

La campagne a-t-elle été menée avec assez d’entrain par les bonnes personnes ? Le fait que les responsabilités de campagne soient diluées entre une Première ministre récemment nommée [Élisabeth Borne — NDLR], trois dirigeants des trois grands partis qui composent Ensemble, et le président de la République, n’a-t-il pas, d’une certaine manière, contribué à une campagne un peu moins énergique, un peu moins visible ? C’est bien possible aussi. Clairement, il doit y avoir une réflexion, car même si c’est une victoire relative, ça reste aussi un échec relatif.

Pendant les deux tours de ces législatives, vous avez adopté une stratégie plutôt offensive vis-à-vis de vos adversaires : c’est la patte Vojetta ?

Je ne sais pas si on peut la qualifier d’offensive. Je dis simplement les choses comme je les pense, et comme je les ressens. Mais j’ai effectivement un style assez direct, que les électeurs ont compris. Du coup, je ne peux pas me cacher derrière des formules alambiquées. Moi, je dis les choses comme elles sont. Cela peut parfois paraître un peu offensif, j’ai conscience que je ne respecte pas toujours les codes établis dans ce monde. Mais, en l’occurrence, je pense que ça aide les électeurs, et aussi les médias, à mieux qualifier les projets les uns contre les autres. En tout cas, je revendique totalement ce style plutôt direct.

Quels sont vos projets pour la circonscription, et pour les Français de Monaco en particulier ?

Mes projets principaux consistent à mettre en œuvre les points les plus concrets de notre programme, et certains points concernent directement les Français de Monaco. Notamment la création d’un statut de résidence de repli pour les Français de l’étranger. Et donc, dans une certaine mesure, une défiscalisation de la résidence que peuvent conserver en France les Français de l’étranger.

Quoi d’autres ?

Il y a également un gros sujet sur l’accès aux services administratifs consulaires, qui n’est peut-être pas aussi important à Monaco, mais qui, sur le reste de la circonscription pose beaucoup de questions et de problèmes en termes d’organisation pour les Français, et aussi pour les services consulaires. Un effort de dématérialisation doit donc être mis en œuvre, et c’est quelque chose que je compte vraiment accompagner. À Monaco, il s’agit plus de s’assurer que la présence consulaire soit maintenue, et donc, de s’assurer que les effectifs et les moyens vont rester stables.

« Mes projets principaux consistent à mettre en œuvre les points les plus concrets de notre programme. Notamment la création d’un statut de résidence de repli pour les Français de l’étranger, et donc, dans une certaine mesure, une défiscalisation de la résidence que peuvent conserver en France les Français de l’étranger »

Vous vous êtes rendu en principauté pendant l’entre-deux tours : quelles ont été les doléances des Français de Monaco ?

Il y a toujours la question du logement qui ressort dans les conversations, soit avec les Français de Monaco, soit avec leurs représentants. Il y a aussi très souvent des sujets de « frottements » fiscaux avec la France, en particulier sur les actifs qui peuvent être détenus en France par des résidents français à Monaco. Étant donné que c’était mon quatrième déplacement à Monaco sur les huit derniers mois, ce sont des sujets que je connaissais déjà, et sur lesquels il n’y a pas eu de surprise particulière chez moi.

Vous avez été exclu du parti de la majorité avant les législatives : allez-vous le réintégrer après votre réélection ?

Je n’ai pas encore pris de décision. Tout ce que je sais, c’est qu’effectivement il y a plusieurs groupes parlementaires au sein de la majorité, même si c’est une majorité relative, dans lesquels je me sentirais à l’aise. Notamment, et c’est un secret pour personne, Renaissance, qui est le groupe dans lequel j’étais député. Et Horizons, qui correspond aussi à une certaine partie de mon curriculum politique, puisque j’étais rentré en politique en étant responsable du comité de soutien d’Alain Juppé, en 2015, sur l’Espagne, à l’occasion de la primaire de la droite et du centre. Ce qui me guide avant tout, c’est l’intérêt de mes compatriotes et de mes administrés. À partir du moment où je me sentirai à l’aise dans les deux groupes, j’ai envie de rejoindre celui qui sera le plus à même de me donner la capacité d’agir de la manière la plus efficace pour mes administrés. Et cela passe par le fait d’avoir une voix qui porte à l’intérieur de ces groupes, d’avoir un accès privilégié au gouvernement ou à l’administration, ou encore d’avoir accès à certains outils de travail parlementaires, tels que des missions spéciales sur tel ou tel sujet. Nous allons en discuter ces jours-ci paisiblement et en sérénité, avec les uns et les autres. Et quoi qu’il arrive, nous allons tous finir dans la même famille. La question de la filiation à tel ou tel parti, ou à tel ou tel groupe parlementaire, n’est pas marginale, mais elle n’est pas si dramatique ou spectaculaire que ça.

Vous avez tout de même toujours clamé votre soutien au président Emmanuel Macron ?

J’ai toujours dit que ce ne sera pas forcément le groupe parlementaire Renaissance. J’ai été clair depuis le début : soutien à Emmanuel Macron, volonté de succès d’un président qui vient d’être réélu et pour lequel nous n’avons pas le choix, il faut qu’il puisse pour les cinq prochaines années continuer à réformer la France et l’Europe. Pour cela, il a besoin d’une majorité parlementaire. Moi, je m’inscris dans cette majorité parlementaire, même si elle est relative. À partir de là, on verra bien si ça se fait chez Renaissance ou chez Horizons.

Vous avez déclaré dans les colonnes de nos confrères L’indépendant, « Je ne peux pas revenir comme si de rien n’était » : qu’entendez-vous par là, et qu’attendez-vous de la majorité ?

J’attends un geste qui m’assure qu’une fois que mon retour sera acté, ou que mon arrivée dans tel ou tel groupe sera actée, j’aurai la capacité d’agir comme je viens de vous le décrire.

Le rapport de force s’est clairement inversé depuis votre éviction du parti ?

Oui, ça a complètement changé, effectivement. Au début de la campagne, j’étais exclu d’un parti, transformé en dissident, forcé de faire campagne sans l’infrastructure, et sans les moyens d’aucun mouvement politique. Désormais, c’est effectivement aux uns et aux autres de me démontrer le bien-fondé de les rejoindre.

Pour lire la suite de notre dossier « Législatives 2022 », cliquez ici.