vendredi 26 avril 2024
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Patrick Rinaldi : «Pourquoi ne pas faire partie d’une liste d’union nationale ?»

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Patrick Rinaldi
« Le 3 juillet, on a eu une réunion franche et cordiale avec des responsables de l'UDM et de l'Unam… Ils nous ont imposé de leur donner une réponse avant la fin juillet sur une éventuelle alliance. C'est pourquoi les portes ne sont pas fermées mais une union avec l'UDM dans ce timing me semble difficile. » © Photo Monaco Hebdo.

A sept mois des élections, l’Union pour la Principauté maintient la porte ouverte. Son président Patrick Rinaldi n’exclut aucune alliance. Avant de trancher peut-être fin septembre, après avoir consulté les Monégasques. Interview relue et amendée.

RELATIONS AVEC L’UDM
Monaco Hebdo?: Dans une lettre aux Monégasques, vous évoquez vos divergences avec l’UDM. Qu’est-ce qui vous différencie aujourd’hui??
Patrick Rinaldi?: Lors de la dernière assemblée générale de l’UP, j’avais annoncé que nous nous montrerions intransigeants sur le respect de nos valeurs. J’ai le sentiment que les dérives sont nombreuses. Et l’une des valeurs de l’UP réside dans l’union et l’ouverture. L’UP a toujours parlé avec tout le monde. Or, certains membres de l’UDM m’ont reproché, dès mon élection à la présidence de l’UP, de discuter avec toutes les formations politiques, affirmant qu’on devait, à Monaco, faire de la politique comme en France?! Il faut être réaliste. Nous sommes une famille de 8?000 Monégasques. L’adversaire politique peut habiter sur le même palier que vous?! Ces quelques dirigeants qui tiennent ce raisonnement semblent avoir perdu tout contact avec la réalité.

M.H.?: Vous dénoncez dans ce courrier aux Monégasques ou dans des déclarations à la presse des dérives parlementaristes de l’UDM. Expliquez-vous.
P.R.?: Parfois c’est diffus, d’autres fois c’est carrément en opposition avec l’esprit de nos institutions. Je tiens à rappeler qu’il y a eu deux rappels à l’ordre du prince au sujet des positions maladroites de ses membres notamment au sujet de la réforme des retraites. En 2011, l’UDM a voté une proposition de loi contre la discrimination qui met en danger les spécificités monégasques, en particulier les priorités au logement et à l’emploi. Nous reprochons à certaines personnes de l’UDM de vouloir imposer à Monaco certaines directives ou recommandations décidées à Strasbourg. Autant l’UP s’est prononcée en faveur de l’adhésion de Monaco au conseil de l’Europe, autant aujourd’hui, l’UP dit que nous sommes allés au bout des concessions acceptables et qu’on ne peut pas accepter les décisions européennes à n’importe quel prix.

M.H.?: Mais cette proposition de loi contre les discriminations figurait dans le programme électoral de la liste UPM et donc de l’UP en 2008??
P.R.?: Cette proposition de loi était effectivement inscrite dans le programme. Mais entre le principe de la non-discrimination — nous pensions alors au monde du travail et particulièrement à l’égalité de traitement des femmes —, et le texte qui a été adopté au conseil national, il y a une marge.

M.H.?: Vous dénoncez des dérives « européistes » en ce qui concerne la réforme des retraites et la question de la légalité de la direction des services judiciaires. Des sujets qui n’ont absolument rien à voir avec une transposition du droit européen??
P.R.?: Vous pensez?? Chacun l’interprète comme il le veut. Mais pour l’UP, le point commun de tout cela, c’est la volonté d’imposer à la Principauté le moule européen des régimes parlementaires. Pour certains, il serait souhaitable que le conseil national ait plus de prérogatives… Devinez au détriment de qui. Cela nous a choqué. D’ailleurs, s’agissant de la réforme des retraites, le prince a rappelé que ce n’était pas le conseil national qui disposait de l’ordre du jour des sessions extraordinaires.

M.H.?: Il est amusant de se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, ces critiques de dérives parlementaristes, c’était l’opposition qui les formulait à l’encontre de l’UPM. L’UP était alors en ligne de mire…
P.R.?: Tout à fait. Mais à l’époque, il s’agissait de redonner aux élus des Monégasques, un rôle actif au service du pays, c’est-à-dire leur juste place. Mais juste leur place, celle prévue par la constitution. Aujourd’hui, nous avons atteint les limites de ce que l’Europe peut nous imposer. Le conseil de l’Europe continue de nous demander toujours plus sous des dehors d’égalité et de non-discrimination. Le nouveau rapport risque de mettre en danger la spécificité nationale monégasque… C’est inacceptable dans un Etat où les nationaux sont minoritaires dans leur pays.

ALLIANCE AVEC R&E
M.H.?: C’est un secret de polichinelle que l’UP discute d’une alliance électorale possible avec l’UDM mais aussi avec R&E. Qu’en est-il??
P.R.?: Ce qui nous importe, c’est le bon projet pour Monaco et les Monégasques dans les prochaines années. Nous discutons avec tout le monde?: l’UDM, l’Unam, R&E, les indépendants, Synergie monégasque. Le 3 juillet, on a eu une réunion franche et cordiale avec des responsables de l’UDM et de l’Unam… Ils nous ont imposé de leur donner une réponse avant la fin juillet sur une éventuelle alliance. C’est pourquoi les portes ne sont pas fermées mais une union avec l’UDM dans ce timing me semble difficile. Mais ce n’est pas ce qui intéresse les Monégasques. Ce qu’ils veulent, c’est nous parler, nous donner leur ressenti. C’est pour cela que je vous annonce que nous préparons un nouveau questionnaire auprès d’eux. Il ne s’agit pas d’un sondage douteux, mais d’un questionnaire ouvert, libre et anonyme comme les dernières fois, cela est une tradition UP.

M.H.?: Quelles seront les questions et les priorités ciblées??
P.R.?: C’est en préparation. Nous allons reprendre les questionnaires de 2003 et de 2008 et demander aux Monégasques ce qu’ils pensent aujourd’hui des problématiques abordées (logement, emploi, social, situation économique, questions sociétales, etc, N.D.L.R.). Il y aura des questions ouvertes pour que chacun ait la parole. Le sujet des élections, aujourd’hui, ça agite une poignée de futurs candidats et quelques journalistes un point c’est tout. Pour nous, il est capital d’être à l’écoute des Monégasques.

M.H.?: Avant, l’UP était incarnée par Stéphane Valeri, qui est depuis devenu conseiller de gouvernement. Laurent Nouvion reprochait même à l’UP d’être une secte avec Valeri comme gourou. Aujourd’hui, l’UP, c’est quoi??
P.R.?: C’est un mouvement de personnes qui se reconnaissent dans des valeurs principistes sociales que nous avons résumé par « l’Evolution sereine pour Monaco ». C’est une évidence, celui qui a fondé le mouvement que les Monégasques ont, par deux fois, porté à la victoire, c’est Stéphane Valeri. Certaines personnes me disent encore que nous recevons des instructions de sa part. C’est évidemment faux, et malveillant pour nous comme pour lui, je vous rappelle qu’aujourd’hui, il est membre du gouvernement. L’UP actuelle, c’est une direction collégiale avec des personnalités de grande valeur telle Jean-Michel Cucchi. J’ai pris la présidence pour que Anne (Poyard-Vatrican) puisse s’occuper des futures élections. Mon rôle, c’est de tenir la baraque et d’avancer, de discuter et de négocier le cas échéant.

M.H.?: Négocier un virage pour les prochaines élections?? Vous avez adopté des positions politiques similaires avec R&E??
P.R.?: Pourquoi un virage?? Est-ce que vous croyez que le paysage politique est le même qu’en 2003 ou 2008?? Il a fortement évolué depuis les années 70-80, où il y avait l’UND de Jean-Charles Rey. Je partage parfois l’opinion de Laurent Nouvion quand il dit qu’on doit de belles choses à ces gens-là. Michel Boeri et Max Brousse étaient inscrits sur une liste commune tout comme Stéphane Valeri. L’UND de Campora était différente car des Jean-Charles Rey, on n’en invente pas tous les jours?! Si l’on retrace encore l’histoire politique du pays, Stéphane Valeri, lui, a mis en place une façon de vivre la politique complètement différente et a modernisé le système. En 2003, il y a alors eu un face à face entre les idées rénovatrices et les conservateurs de l’UND. Mais aujourd’hui, dix ans après, vous avez un Laurent Nouvion qui se revendique de l’UND des années 80. Pourquoi ne pas faire partie d’une liste d’union nationale avec R&E??

M.H.?: A vous écouter, plus rien ne vous démarque de R&E??
P.R.?: Pas grand chose. Comme le montre leur dernier journal. R&E a compris certaines valeurs que nous défendons et a fait un travail de fond pour rencontrer tous les Monégasques. Je me pose d’ailleurs la question?: est-ce l’UP qui s’est rapprochée de R&E ou n’est-ce pas plutôt R&E qui s’est rapproché de l’UP??

M.H.?: Il y avait pourtant des divergences importantes entre UP et R&E sur certains sujets comme le secteur protégé??
P.R.?: Avec R&E, l’avantage, c’est qu’on peut discuter. Ce n’est pas le cas avec l’UDM, qui a une approche monolithique, selon laquelle tout le monde doit se placer derrière une file, avec pas une oreille qui dépasse… Avec R&E, nous avons des positions communes sur certains sujets. Notamment sur la modification de la loi électorale. La dernière loi électorale a été faite par Guy Magnan. Il ne s’est jamais caché qu’il a fait cette loi pour protéger sa liste. Aujourd’hui, ce n’est plus d’actualité. Il faut penser à l’avenir du pays. Cette réforme était dans le programme UPM en 2008. Or, la majorité n’a rien fait durant son mandat.

M.H.?: C’est pourtant lors du mandat précédent, sous la présidence de Stéphane Valeri, que la réforme de la loi électorale et la suppression des 13 candidats par liste ont été rejetées??
P.R.?: Il s’agissait, si mes souvenirs sont exacts, de la proposition Licari. Elle avait été rejetée car elle aurait pu permettre à des candidats isolés de se présenter, ce qui pouvait susciter des candidatures farfelues. Mais une juste réforme, avec une meilleure représentation de la minorité a été mise aux oubliettes par l’actuelle majorité. Or, le conseil national a besoin d’avoir un conseil national qui représente tous les Monégasques pour travailler avec et non contre le gouvernement. Ce sera l’une de nos propositions.

M.H.?: Encore faut-il que le gouvernement le veuille??
P.R.?: A partir du moment où le conseil national est crédible, en représentant l’ensemble des Monégasques, l’on pourra travailler de manière efficace avec le gouvernement. Ce fut le cas de 2003 à 2010.

M.H.?: La majorité UPM avait explosé en vol dès 2006…
P.R.?: Oui, mais il faut croire que ça n’avait pas pris l’ampleur d’aujourd’hui et que les électeurs, ont continué à lui accorder une large confiance en 2008.

M.H.?: En cas d’union avec R&E, Laurent Nouvion a prévenu qu’il n’y aurait pas de logique arithmétique. Ce serait gênant pour l’UP de n’avoir que 2 ou 3 candidats??
P.R.?: Laurent Nouvion est quelqu’un qui m’étonne tous les jours un peu plus. Ce qui compte pour lui, ce n’est pas le nom mais la qualité. Pour en revenir à votre question, les idées de l’UP restent très majoritaires dans notre pays et les Monégasques ne comprendraient pas qu’elles ne soient pas représentées à leur juste place.

M.H.?: Vos électeurs ne risquent-ils pas d’être déçus d’une telle alliance avec les opposants d’hier??
P.R.?: L’histoire du conseil national s’est toujours faite sur des unions et des désunions. Une alliance qui serait scellée entre UP et R&E ne serait pas plus choquante que celle qui est intervenue en 2003 entre l’UP et PFM. Laurent Nouvion a été capable de changer son image. Mais nous parlons d’hypothèses, il y en a d’autres, et, je le rappelle, ce qui compte ce ne sont pas les accords, mais l’avenir du pays. Et, pour nous, la défense des valeurs sociales partagées, je le sais, par beaucoup à l’UDM, est primordiale.

M.H.?: Lesquelles??
P.R.?: Nous défendrons notamment la poursuite de l’effort prioritaire de construction de logements domaniaux. Aujourd’hui, on recommence à avoir des problèmes de logement. Depuis deux ans, je ne vois pas de positionnement fort du conseil national sur le logement des Monégasques. Il a un peu baissé les bras. Nous nous battrons aussi pour l’emploi des nationaux. Nous refusons l’ingérence du conseil de l’Europe. Aujourd’hui, nous voulons une priorité absolue des Monégasques au niveau de l’administration. Nous la défendrons bec et ongles et ferons des propositions sur un continuum éducatif entre l’éducation nationale et l’administration pour créer des cursus permettant aux jeunes Monégasques d’accéder aux postes de la fonction publique.

M.H.?: Mais encore??
P.R.?: Nous souhaitons parler en terme de bassin économique. Toutes les personnes des communes environnantes qui peuvent rapporter économiquement à la Principauté doivent avoir une priorité d’emploi, sous réserve de ce que nous venons de dire. Ces gens-là dépensent à Monaco et participent à la vie économique de la Principauté. Elles ont le droit de s’exprimer. Contrairement à quelqu’un qui prend le train d’on ne sait où, qui vient la ramener, critique la Principauté et crache dans la soupe alors qu’il y a de nombreux avantages à travailler à Monaco… Ces gens-là ne m’intéressent pas. Monaco est une terre d’accueil mais il faut la respecter. C’est mon côté chauvin, qu’on me pardonne…

M.H.?: Concrètement, que va décider l’UP??
P.R.?: De continuer son combat pour la défense des valeurs. Pour ce qui concerne les élections, vous me permettez de ne pas parler avant nos instances, nos militants et, bien entendu les Monégasques qui vont être consultés, comme je vous l’ai précédemment indiqué.

M.H.?: Vous pourriez aussi ne pas présenter de candidats aux élections de 2013??
P.R.?: On a étudié cette hypothèse. Stéphane Valeri a fait une traversée du désert mais c’était un homme politique. Nous avons des devoirs face aux Monégasques qui nous font confiance et il me semble qu’ils ne comprendraient pas.

REFORME DES RETRAITES
M.H.?: Votre deadline c’est le 3 octobre, date du début de la précampagne??
P.R.?: Pas forcément. Rien ne nous oblige à nous déclarer le 3 octobre. Une union peut se faire au mois de novembre. Pour l’instant, l’UP fait sont travail, et il y a un calendrier, celui des retraites. Nous avons été très clairs, en étant les premiers à réagir?: la loi, il la faut pour sauver les pensions et il faut la voter très rapidement.

M.H.?: Avant cela, l’ancienne présidente de l’UP, Anne Poyard-Vatrican, a déclaré en février dans nos colonnes qu’il valait mieux voter cette loi après les élections de février 2013…
P.R.?: Je pense que ce que voulait faire passer Anne comme message était que si cette majorité n’est pas capable d’aborder avec dignité et intelligence cette question essentielle pour le pays, il fallait savoir s’en remettre à la prochaine majorité. Elle aime bien envoyer des piques pour faire avancer les choses. Depuis ces déclarations, il y a eu un changement à la tête de l’UP. A l’UP, nous avons rencontré tout le monde sur ce dossier. Sauf l’USM qui nous a écrit, suite à la lettre envoyée aux Monégasques, que l’on avait rien à se dire… Schématiquement, vous avez la fédération patronale pour qui cette loi est bien mais ne va pas assez loin. Et l’USM selon qui il ne faut rien faire.

M.H.?: Quelle sera la position de l’UP??
P.R.?: Pour nous, il est important d’agir. Cette loi est devenue nécessaire parce que les partenaires sociaux ont refusé de se parler pendant des années. Le gouvernement a pris ses responsabilités. Aux élus de prendre les leurs.

RIGUEUR BUDGETAIRE
M.H.?: Sur le plan budgétaire, comment voyez-vous la politique gouvernementale?? La coupe des budgets d’investissement vous inquiète-t-elle??
P.R.?: A un moment, le gouvernement nous a dit subitement que tous les voyants étaient rouges. Et au final, quand on fait attention à la manière de dépenser l’argent, on voit qu’ils ne sont pas si rouges… Des coupes budgétaires ont été décidées dans la précipitation notamment en ce qui concerne la politique de grands travaux. Cela a eu le mérite de provoquer une prise de conscience. On verra ce qui sera décidé pour le prochain budget primitif. Faire des restrictions automatiques de 20 %, le premier petit comptable du coin est capable de le faire. Ce qu’on attend d’un conseiller pour les finances, c’est une politique budgétaire avec une vision pour le pays, sans faire de concessions sur ce qui fait l’âme de la Principauté, ni sur cette dimension sociale que j’évoquais. Bref de savoir où il faut faire des coupes et où il ne surtout pas en faire.

M.H.?: C’est-à-dire??
P.R.?: Un exemple?: c’est très important la culture d’un pays, et il y avait peut-être moyen de ne pas procéder à de telles restrictions. Le gouvernement a effectué une pirouette et fait payer l’addition à des sponsors privés, mais est-ce une solution pérenne?? Je pense qu’il faudra revoir tout ça, et qu’il faut en tirer les enseignements. Je suis de nature optimiste. Attendons de savoir sur ce sujet comme d’autres, ce qu’en pensent les Monégasques.