samedi 27 avril 2024
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Un plan de soutien plus qu’un plan de relance

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Le gouvernement, par la voix de Pierre Dartout, ministre d’État, Jean Castellini, conseiller-ministre à l’économie et aux finances et Didier Gamerdinger, conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, a présenté son plan de relance.

Celui-ci tente de combiner le social, l’économie, l’écologie, le numérique, le bâtiment et la consommation locale. Ce plan de relance correspond en réalité à la dépense coordonnée et ciblée des 75 millions d’euros de crédits restants, votés en avril 2020, lors du budget rectificatif.

Le plan de relance du gouvernement affiche un soutien à la consommation et à l’emploi, même si selon les mots de Jean Castellini, il s’agit d’un « plan de relance keynésien » avec une injection massive de liquidités dans l’économie, accompagnée de politiques structurelles. Le plan présenté le jeudi 10 septembre 2020 par le nouveau ministre d’État, Pierre Dartout, accompagné des conseillers-ministres aux finances et à l’économie, et aux affaires sociales et à la santé, Jean Castellini et Didier Gamerdinger, ressemble à un inventaire à la Prévert. Un empilement conséquent de mesures tendant à montrer l’interventionnisme et le volontarisme de l’État dans cette période. Pendant la conférence de presse, les membres du gouvernement princier ont exposé la temporalité de leur action depuis le début de la crise : il a fallu d’abord répondre à l’urgence en mars-avril-mai 2020, puis accompagner et soutenir cet été. Et aujourd’hui, il s’agit de s’atteler à la relance. Celle-ci se décompose en quatre compartiments colorés, combinant social et économie. Quatre fonds, dont certains déjà existants : le fonds vert national, consacré à la transition énergétique, le fonds bleu, dédié au numérique, le fonds blanc, pour soutenir la construction et la rénovation du bâti en principauté, et enfin le fonds rouge et blanc, destiné à orienter la consommation vers les commerçants et artisans de Monaco (pour le détail des mesures lire les encadrés par ailleurs).

Un plan « ciblé, pragmatique, évolutif »

« De la satisfaction, mais pas de triomphalisme ». Un plan « ciblé, pragmatique et évolutif ». Les éléments de langage du ministre d’Etat, Pierre Dartout, se veulent rassurants sur la situation économique de la principauté. En substance, jusqu’ici tout va bien. « A l’issue des mois très difficiles que nous avons connus, l’économie monégasque a plutôt bien résisté », affirme-t-il. En effet, la saison estivale semble avoir été moins chaotique que prévu. Mais, si les prévisions catastrophiques ne sont pas complètement avérées, il y a pourtant bien à ce jour 286 salariés concernés par un plan social à Monaco, répartis dans 20 entreprises, selon les chiffres du gouvernement. Il y a 1 047 personnes offrant leur force de travail qui ne trouvent pas preneur, autrement dit 1 047 demandeurs d’emploi. Un chiffre qui a légèrement augmenté ces derniers mois. Concrètement, le plan de relance correspond à la dépense ciblée du reste des crédits votés en avril 2020, à hauteur de 75 millions d’euros. Cela correspond à 5 % du budget annuel monégasque, quand le voisin français a annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros, soit 30 % de son budget annuel. Ces 75 millions d’euros sont dirigés vers les entreprises, l’emploi et le commerce local. Notamment via le maintien de la Commission d’accompagnement à la relance économique (Care) jusqu’en décembre 2020 qui octroie des aides financières aux entreprises en difficulté après étude de leur cas, ainsi que de la poursuite d’exonérations de cotisations patronales à hauteur de 50 %.

Le CTTR maintenu jusqu’en octobre 2020

Pour ces exonérations de cotisations (ou charges, c’est selon), le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé a assuré que le « manque à percevoir » pour les Caisses sociales est remboursé rubis sur ongle. En juillet 2020, ces exonérations de cotisations ont représenté 80 000 euros, que le gouvernement, après avoir reçu le détail de la facture des Caisses sociales, a donc payé en intégralité. « La perte pour les Caisses par ce dispositif est nulle », a assuré Didier Gamerdinger. Parmi les mesures pour maintenir l’emploi, le Chômage total temporaire renforcé (CTTR) est maintenu jusqu’en octobre 2020. Au total, son coût s’élève à 85 millions d’euros depuis mars 2020. Mesure la plus efficace, mais aussi la plus coûteuse, elle a permis jusqu’ici de maintenir l’emploi salarié en principauté. Depuis peu, le CTTR est désormais soumis à contribution des employeurs entre 10 et 20 % du total. Le travail à distance dans sa forme assouplie est également maintenu jusqu’en décembre 2020. Pour le reste, il faudra attendre de voir l’effet de mesures particulièrement ciblées, destinées à favoriser l’embauche. Par exemple, la possibilité pour un employeur d’embaucher un salarié « licencié Covid », ayant plus de 20 ans d’ancienneté à Monaco, totalement exonéré de cotisations patronales pour une durée de 6 mois. Mais aussi la généralisation du stage de pré-embauche, permettant aux employeurs de tester un salarié gratuitement pendant quelques mois, le salaire de la personne étant pris en charge par l’État. Des mesures très ciblées, trop ciblées ? Combien de personnes ce type de dispositif peut concerner ? A cela, Didier Gamerdinger répond : « C’est une possibilité qui s’ouvre aux employeurs d’une décharge totale de cotisations sociales. Nous pensons que ça peut être un élément déclenchant de l’emploi. Pour autant, à ce stade, il est difficile de déterminer quels seront les employeurs qui feront appel à ce dispositif ».

Le FRC, uniquement pour combler des déficits

Pour maintenir l’emploi salarié et éviter une casse sociale, l’Union des syndicats de Monaco (USM) a demandé à ce que le fonds de réserve constitutionnel (FRC) soit utilisé. Le gouvernement envisage-t-il de mobiliser le FRC à nouveau au besoin ? « Il ne faut pas tout confondre. Le déficit qui sera constaté à l’issue de l’exercice 2020, comme c’est prévu par la Constitution, sera prélevé sur le fonds de réserve constitutionnel. Le FRC est là pour encaisser les excédents des budgets passés et décaisser pour combler les déficits quand il y en a. Il n’est pas envisagé d’avoir recours au fonds de réserve constitutionnel pour quelle que raison que ce soit au titre de la relance économique. Il n’y a pas de raison de faire appel au FRC par ailleurs », a répondu Jean Castellini. Pour autant, c’est bien grâce au FRC que les 477 millions de crédits supplémentaires ont été votés en avril 2020 pour pallier les recettes manquantes et les dépenses nouvelles. A voir donc, si le FRC viendra combler le déficit en fin d’exercice budgétaire, ce qui semble très probable.

Des sources de nouvelles recettes toujours à l’étude

Quant aux recettes, difficile à l’heure actuelle d’entrevoir quelles pourraient être les nouvelles ressources financières pour alimenter le budget de l’État. Le tourisme, qui représente environ 12-13 % du PIB monégasque selon les estimations données par Guy Antognelli, directeur du tourisme en novembre 2019 (lire Monaco Hebdo n° 1127), a subi un coup d’arrêt. Pour penser à long terme, au-delà des mesures de soutien à l’économie, l’équation n’est pas simple à résoudre. « Pour l’instant, c’est un sujet qui fait toujours l’objet d’une réflexion en interne à l’État. Toute mesure fiscale, par définition, présente ses avantages et ses inconvénients. Inconvénients pas seulement en matière sociale, mais certaines mesures peuvent avoir des effets pervers. D’autres ont des effets positifs qui se manifestent tout de suite. Donc, tout doit être étudié de façon précise quant à l’impact que peut avoir telle ou telle mesure. Sur le rapport qu’elle peut avoir sur le plan financier : est-ce que c’est une mesure qui rapporte efficacement à l’État, est-ce que c’est une mesure dont l’acceptation par la société est satisfaisante ? Il y a certainement des choses à envisager, à étudier, mais, pour l’instant, il est tout à fait prématuré d’en parler », a botté en touche Pierre Dartout. L’évolution de la situation sanitaire sera évidemment déterminante pour permettre aux touristes de revenir mais pas seulement. Le constat d’une trop grande dépendance à l’économie touristique va sans doute réorienter la politique d’attractivité du territoire pour la rendre plus résiliente en cas de nouveau choc. Pour l’instant, la mobilisation du FRC pour pallier les recettes manquantes, ainsi que les dépenses nouvelles, a permis à l’économie monégasque de tenir bon. A voir si les mesures avancées sauront redynamiser le tissu économique local, en attendant que les touristes reviennent.

Fonds vert national (25 millions d’euros)

Le fonds vert national existe depuis 2016 et la création de la Mission pour la transition énergétique (MTE). Soucieux de ne pas oublier l’écologie dans une relance par la consommation, ce qui peut sembler paradoxal, l’État va doter ce fonds vert de 25 millions d’euros supplémentaires. Cette dotation va servir à « subventionner la rénovation des fenêtres et offrir aux Monégasques et aux résidents de la principauté une meilleure qualité de vie », a indiqué Jean Castellini dans sa présentation. Les subventions seront plus élevées pour le bâti ancien sous loi n° 1235 datant d’avant 1947. L’appel à une entreprise monégasque pour la réalisation des travaux sera également gratifié de 5 % de subvention supplémentaire par l’État.

Fonds bleu (20 millions d’euros)

Rien de bien neuf avec le fonds bleu, puisqu’il suit la stratégie gouvernementale initiée avec Extended Monaco et la numérisation de la principauté. Le fonds bleu doit permettre aux entreprises locales d’amorcer cette transformation numérique en les accompagnant via des formations ou de la fourniture de matériel informatique (lire ci-après Le coronavirus, accélérateur de la transition numérique).

Fonds blanc (20 millions d’euros)

Le fonds blanc est celui dédié au secteur du bâtiment. Plutôt épargné durant la crise, il représente un secteur majeur dans l’économie monégasque. Il se divise en deux parties : une pour les entreprises du BTP, l’autre pour les particuliers souhaitant entreprendre des travaux de rénovation de leur logement. Pour les entreprises, les mesures devraient favoriser l’artisanat local ainsi que les plus grosses structures pour rénover le bâti domanial, ainsi que l’intérieur des logements des particuliers. A ce titre, il y aura une augmentation du nombre de marchés attribués par le département de l’équipement en gré à gré pour les entreprises monégasques, augmentation des budgets alloués au Service de maintenance des bâtiments publics (SMBP) et à l’Administration des Domaines, pour l’entretien, la rénovation, l’amélioration et l’extension du parc domanial. Pour les résidents, il s’agit d’encourager les personnes désireuses de réaliser des travaux chez elles avec une subvention de 20 % du montant des travaux plafonnés à 2 000 euros par logement pour les plus de 65 ans, plafonnés à 1 500 euros pour les moins de 65 ans. E.M.

Fonds rouge et blanc (10 millions d’euros)

«Achetez à Monaco, consommez à Monaco ». C’est ainsi que le gouvernement désigne le volet de son plan de relance destiné à circonscrire la consommation en principauté. Pour ce faire, plusieurs mesures : des chèques de parking gratuit de 4 heures distribués par les commerçants à leurs clients, la distribution d’un carnet de 10 tickets restaurant d’une valeur totale de 80 euros par mois pour chaque fonctionnaire et agent de l’État pour le dernier trimestre 2020 (1 million d’euros) ; la transformation de la prime annuelle de fin d’année en bon d’achat uniquement valable dans les commerces monégasques (4,3 millions d’euros) ; la participation de l’État dans l’application mobile privée Carlo qui rend 5 % du total d’un achat effectué en principauté au consommateur, qui peut ensuite le réutiliser dans les commerces monégasques.