vendredi 29 mars 2024
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Mairie de Menton : Après Jean-Claude Guibal, le grand chamboulement

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Après le décès de Jean-Claude Guibal, maire de Menton depuis 1989, c’est son deuxième adjoint, Yves Juhel, qui a pris la succession. Le fruit d’une alliance avec une partie de l’opposition, cataloguée comme proche des valeurs du Rassemblement national (RN), plus éloignées de celles de l’ancienne majorité, affiliée au parti Les Républicains (LR). Conséquence : de nombreux élus démissionnent, et une nouvelle élection pourrait suivre. Populaire, cette fois.

La disparition soudaine de Jean-Claude Guibal, survenue le 25 octobre 2021, a laissé un grand vide en mairie de Menton, et il a bien du mal à se combler en toute quiétude. L’indétrônable Guibal, qui était maire depuis 1989, n’avait pas désigné de successeur avant d’être emporté par une crise cardiaque, à l’âge de 80 ans. Deux semaines après son décès, le scrutin promettait donc d’être serré en mairie, et cela n’a pas manqué. Le mardi 9 novembre 2021, c’est à une voix seulement, 18 contre 17, que le nouveau maire a été désigné dans la salle des délibérations de la mairie de Menton. Son nom : Yves Juhel. Âgé de 76 ans, cet élu était deuxième adjoint de la majorité, délégué aux finances, à l’administration générale et à l’État civil. La première adjointe, Sandra Paire, l’autre candidate à la succession, avait toutes ses chances. Mais c’était compter sans le soutien surprise à Yves Juhel de six membres de l’opposition « Menton demain » — anciennement menée par Olivier Bettati, proche du Rassemblement national (RN) — en plus d’une voix de l’opposition, sans étiquette. C’est donc peu dire que la nouvelle est mal passée : immédiatement après l’annonce des résultats, Sandra Paire a démissionné, suivie par 17 adjoints, qui promettent de l’imiter. Actuellement [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le mardi 16 novembre 2021 — NDLR], les lettres de démissions n’auraient pas encore été remises nominalement au préfet, et de nouvelles démissions et refus d’être élus au conseil municipal pourraient suivre encore. Tout se jouera donc dans le bureau du préfet. Selon le nombre exact de démissions enregistrées, l’élection du 9 novembre 2021 pourrait être rendue caduque, pour se rejouer aux urnes cette fois, avec les Mentonnais, afin de renouveler le conseil municipal dans son intégralité.

Vers une nouvelle élection obligatoire ?

Sur le papier, si l’on en croit les informations de la préfecture des Alpes-Maritimes, qui s’est exprimée dans les colonnes de nos confrères de Nice-Matin, il sera nécessaire d’organiser une élection partielle intégrale « si plus d’un tiers des sièges est vacant ». Dans ce scénario, l’ensemble des vacances seront constatées lorsqu’il ne sera plus possible de faire appel à un suivant de liste sur celle que menait Jean-Claude Guibal. « L’élection devra alors être organisée dans les trois mois, et les électeurs seront convoqués par le préfet. » Toujours dans ce même scénario, le tiers est atteint aujourd’hui, puisqu’il fallait au moins 13 élus démissionnaires sur les 35 pour remettre l’élection en question, et ils semblent être au moins 17 à suivre cette tendance. Pour éviter d’avoir à se confronter à une nouvelle élection, le nouveau maire, Yves Juhel, doit donc absolument rallier quatre conseillers municipaux, soit la différence entre le nombre de démissionnaires et le seuil des 13 en place. Le tout, en espérant ne subir aucun départ dans ses propres rangs entre-temps, ce qui ne semble pas acquis non plus. Un membre élu dans l’équipe d’Yves Juhel pourrait en effet présenter sa démission, gêné par le ralliement d’une partie de l’opposition.

Ville de Menton conseil municipal
© Vile de Menton

Pour certains, l’alliance avec six membres de « Menton Demain », certes sans étiquette, est encore entachée de sa proximité avec le Rassemblement national (RN)

Deux nuances de droite

La tenue d’une élection serait une aubaine pour les démissionnaires, mais pas seulement. Dans le paysage politique des Alpes-Maritimes, le soutien à Yves Juhel n’est pas encore franc et massif. La liste élue au suffrage, celle de Jean-Claude Guibal, était teintée du bleu républicain, l’ancien maire ayant été investi par le parti Les Républicains (LR). Mais, pour certains, l’alliance avec six membres de « Menton Demain », certes sans étiquette, est encore entachée de sa proximité avec le Rassemblement national (RN). Leur précédent chef de file, Olivier Bettati, était en effet tête de liste départementale de Marion Maréchal aux régionales de 2015 et, s’il évolue hors du circuit politique mentonnais aujourd’hui, la liste reste encore apparentée à « l’extrême droite », aux yeux de plusieurs personnalités politiques des Alpes-Maritimes, qui ont exprimé tant leur stupéfaction que leur déception, le soir du 9 novembre. C’était le cas de Laurent Lanquar Castiel, secrétaire départemental des écologistes et candidat à la mairie de Menton, qui regrettait « un nouveau maire élu avec des voix de l’extrême droite », mais aussi de Philippe Briand, ancien conseiller municipal d’opposition (Modem), qui rappelait l’impossible compromission « avec le groupe d’extrême droite ». Xavier Beck, actuel maire de Cap d’Ail, exprimait plus subtilement sur Twitter des « félicitations surprenantes » au nouveau maire de Menton, « élu grâce aux voix de l’opposition qui a combattu Jean-Claude Guibal, dont les élus RN ». Quand bien même Yves Juhel conserverait son fauteuil, avec ou sans nouvelle élection, il semble encore bien difficile pour l’actuel maire de Menton, et président de la communauté de la Riviera française (Carf), d’instaurer le même consensus politique que Jean-Claude Guibal en son temps. Lundi 15 novembre, le nouveau maire a déposé plainte pour la disparition de documents et l’interruption de service public, selon lui. Autan de griefs qu’il développe dans une lettre ouverte. Les membres du cabinet nient, tout comme Sandra Paire. L’histoire ne fait que commencer.