samedi 27 avril 2024
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Le retour de José Badia

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José Badia
© Photo Charly Gallo / Centre de Presse.

A 66 ans, José Badia est le nouveau conseiller de gouvernement aux relations extérieures. Le successeur de Franck Biancheri, dévoile ses priorités et ses premières réflexions concernant les relations avec l’Union européenne.

Dans le « casting » du nouveau gouvernement, son nom est le premier à avoir été officialisé. Le Monégasque José Badia marque son retour aux affaires gouvernementales en décrochant le portefeuille des relations extérieures. Succédant ainsi à Franck Biancheri, parti dans le privé (1).

Tout s’est décidé il y a environ deux mois. Après un coup de téléphone du Ministre d’Etat, lui demandant s’il était « prêt à revenir en principauté ». « Ce n’était alors qu’une question de principe. Il n’y avait pas d’engagement », confie-t-il. Et c’est assez tardivement, « à la mi-décembre », que son retour politique est scellé. « Dès lors qu’il s’agit de servir le souverain, il est difficile de dire non. C’est un poste particulièrement intéressant. Même si cela implique quelques contraintes pratiques, logistiques ou familiales, on accepte de gaieté de cœur », rajoute le nouveau conseiller, tout en avouant « une pointe de nostalgie » à quitter la Belgique. Car c’est à 1?200 km de Monaco, à Bruxelles, que José Badia a passé ses dernières années. Depuis fin 2007, il occupait en effet le poste d’ambassadeur de Monaco auprès du roi des Belges, de la reine des Pays-Bas et du Grand Duc de Luxembourg.

30 ans d’administration

José Badia est bien connu des Monégasques. L’homme est un grand familier de l’administration qu’il intègre dès 1972 au service de l’urbanisme et de la construction. 20 ans plus tard, en 1995, puis de 2000 à 2005, il est nommé conseiller de gouvernement aux travaux publics et aux affaires sociales. Un département sur-mesure pour José Badia, ingénieur de formation, spécialisé dans le génie civil. Et en matière d’urbanisme, l’homme a ses faits d’armes. Sur ses années passées aux travaux publics, le nouveau conseiller évoque également pêle-mêle le terre-plein de Fontvieille ou encore la gare souterraine. « Je ne peux pas y mettre mon label, mais à divers niveaux, j’ai pu intervenir dans la vie de la cité. En revanche, revenir une troisième fois à la même charge, je n’en n’avais pas du tout l’intention. » Mais le département des relations extérieures ne lui est pas non plus totalement étranger. Sa carrière de diplomate lui ayant déjà mis le pied à l’étrier. « Le département des relations extérieures a été créé en 2006. Je ne connais de celui-ci que la partie suivie en collaboration avec les ambassadeurs. J’ai donc déjà appris à être sous la tutelle de ce département ». Et José Badia entend bien amener sa pierre à l’édifice. S’autorisant même un pic sur les lenteurs administratives. « J’ai noté quelques difficultés. J’ai toujours trouvé que l’administration prenait trop son temps, confie l’ancien ambassadeur. Il y a des allègements à faire ». Dans ses priorités, l’homme entend d’ailleurs « définir un cadre d’action aux ambassades » qui, selon lui, « ne communiquent pas assez entre-elles. Nous sommes très peu à échanger sur ce que nous faisons. Le département peut jouer un rôle fédérateur. Il faut optimiser les contacts inter-ambassades. »

Transfert de dossiers

Avec la nomination de José Badia, le département des Rel’Ex change également de marge de manœuvre. Alors que son prédécesseur Franck Biancheri avait hérité d’un « 2 en 1 », un portefeuille à rallonge combinant « relations extérieures » et « affaires économiques et financières internationales », José Badia, lui ne sera en charge que de la première partie. Logique selon le Monégasque?: « C’était la période durant laquelle le prince insistait pour que nous sortions de la liste grise de l’OCDE. Les compétences de Franck Biancheri avait alors justifié, qu’à titre plus personnel qu’administratif, on lui donne la possibilité de sortir de ce problème. Aujourd’hui, notamment parce que de nombreux accords ont été signés, il était plus logique de rebasculer ces dossiers au département des finances et de l’économie. C’est un simple retour des choses ». Ce qui n’empêche pas le nouveau conseiller de gouvernement d’avoir des dossiers particulièrement délicats sur lesquels il devra se pencher sérieusement. Dont un qui avait alimenté les débats lors des dernières séances budgétaires au conseil national?: les relations entre l’Union européenne et les petits Etats, qui pourraient bien, à terme, être redéfinies.

Monaco dans l’EEE??

Un débat qui touche donc de très près Monaco. Et que José Badia maîtrise tout particulièrement en tant qu’ancien chef de la mission de Monaco auprès des communautés européennes. « Dans le courant de l’année 2011, San Marin devrait officiellement poser sa candidature en tant qu’Etat-membre de l’Union, rappelle le conseiller. Tout en sachant pertinemment qu’on la lui refuserait. Mais très certainement, on lui proposera, de facto, une manière de s’associer à l’Union européenne. Ce qui par là même, lui assurerait une certaine protection. » Dans le même temps, la principauté d’Andorre avait de son côté déjà entamé un partenariat avec l’UE, qu’elle souhaiterait à son tour approfondir. « La démarche de San Marin a fait un peu tâche d’huile et a permis à Andorre d’aller plus en avant. En montant une délégation et en venant défendre à Bruxelles le rapprochement avec l’Union européenne. »

Face à ces volontés d’adhésion ou de rapprochement des petits Etats, la commission européenne se devait donc d’y réfléchir. Et pour donner un cadre réglementaire, l’idée émise par la commission est d’ouvrir l’espace économique européen (EEE) aux petits Etats. Aujourd’hui, en dehors des 27 pays de l’UE, 3 autres en sont membres?: le Lichtenstein, la Norvège et l’Islande. Ces deux derniers ayant d’ailleurs vocation à devenir Etats-membres.

« Une piste de réflexion »

Qu’en est-il alors pour Monaco?? « Aujourd’hui, une réflexion doit être menée sur l’intérêt d’un rapprochement. C’est la première fois que l’Union européenne vient vers les petits Etats avec des perspectives concrètes », souligne José Badia, qui reste toutefois très prudent sur l’avancée du projet d’intégrer l’EEE. « Ce n’est pas un engagement, et ce n’est même pas un stade exploratoire. C’est une proposition. Une réflexion en interne. En tout cas nous serons attentifs au respect des particularités de la principauté. Rien ne se fera qui pourrait les remettre en cause ou les altérer. Il faut rester à l’éveil et suivre ce que feront les autres pays ». Le conseiller rappelle d’ailleurs qu’un tel engagement impliquerait également de grosses dépenses et un staff énorme. Notamment des juristes de très haut niveau. Avant de conclure?: « Le Lichtenstein qui a mis douze ans à absorber la vie communautaire est satisfait aujourd’hui d’avoir intégré l’EEE. Tout ceci pour dire, n’ayons pas peur d’y réfléchir. » Une question qui ne manquera pas en tout cas de faire débat. Lors des derniers débats budgétaires, en décembre 2010, le président de la commission des relations extérieures Jean-Charles Gardetto avait ainsi pointé le risque d’une adhésion à l’EEE pour les Monégasques, en terme de respect de la priorité nationale. Rappelons que l’EEE suppose une libre circulation des capitaux, des marchandises, des services (dont les services financiers banques, assurances, investissements…) et des personnes…

(1) Président délégué d’une joint-venture détenu à 80 % par QD Hotel & Property Investment Limited – filiale de Qatari Diar – et à 20 % par la société nationale de financement (SNF) de l’Etat monégasque.

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