mercredi 24 avril 2024
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Le cloud monégasque aura sa copie au Luxembourg

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Le 13 avril 2023 les élus du Conseil national ont voté le projet de loi qui valide l’hébergement des données numériques du cloud souverain monégasque sur le territoire du Luxembourg. Un autre texte est venu apporter une protection juridique à ce serveur installé à l’étranger.

« Soumettre à l’approbation du Conseil national la ratification de l’accord entre le Grand-Duché de Luxembourg et la principauté de Monaco concernant l’hébergement de données et de systèmes d’information, signé le 15 juillet 2021. » L’objectif fixé par le projet de loi n° 1076 voté dans la soirée du 13 avril 2023 au Conseil national est clair. Suite au lancement de son cloud souverain en septembre 2021 pour stocker les données de l’Etat monégasque, la question de la protection de ces données s’est aussi posée, notamment face à des risques de cyberattaques ou à des catastrophes naturelles. Il a donc été décidé de créer un double du cloud monégasque, mais « à la condition de bénéficier de toutes les garanties d’inviolabilité et d’immunité d’exécution proches de celles accordées à une ambassade ».

Le président de la commission des relations extérieures et rapporteur de ce texte, Fabrice Notari, s’est alors montré plus précis : « Les privilèges et immunités accordés au centre de données monégasque basé au Luxembourg concernent principalement l’inviolabilité et la sécurité des locaux et des données qui y sont stockées, lesquels ne peuvent faire l’objet « d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution », seuls les représentants officiels de la principauté et de l’autorité judiciaire monégasque pouvant y accéder », a précisé le président de la commission des relations extérieures. Rappelant la norme de sécurité qui préconise « une distance d’éloignement géographique, de 150 kilomètres, entre les différents lieux de stockages », Fabrice Notari a indiqué que des discussions avec l’Etat du Luxembourg ont commencé en 2018. Le ministre d’Etat, Pierre Dartout, est rentré dans le détail : « La marge de sécurité est plus conséquente, puisqu’ils [ces locaux sécurisés — NDLR] seront situés à très exactement 1 034 kilomètres de Monaco. »

Rappelant la norme de sécurité qui préconise « une distance d’éloignement géographique, de 150 kilomètres, entre les différents lieux de stockages », Fabrice Notari a indiqué que des discussions avec l’Etat du Luxembourg ont commencé en 2018. Le ministre d’Etat, Pierre Dartout, est rentré dans le détail : « La marge de sécurité est plus conséquente, puisqu’ils [ces locaux sécurisés — NDLR] seront situés à très exactement 1 034 kilomètres de Monaco. » © Photo Conseil National

Votée à l’unanimité par les 21 élus présents sur un total de 24, cette loi « ouvre la voie à la ratification d’un accord international particulièrement important pour la principauté », s’est félicité le ministre d’Etat, Pierre Dartout

Pas une « e-ambassade »

Pourquoi le Luxembourg ? Parce que ce pays « s’est imposé comme étant une référence en matière d’hébergement sécurisé des données », a ajouté le rapporteur de ce texte. « L’accord prévoit des privilèges et immunités, qui sont largement inspirés de ceux contenus dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, couvrant les missions diplomatiques », a complété Pierre Dartout. Le ministre d’Etat a également souligné que ces locaux sécurisés monégasques au Luxembourg ne seront pas une « e-ambassade », telle que le définit le droit international public : « Les privilèges et immunités accordés au centre de données monégasque concernent principalement l’inviolabilité et la sécurité des locaux ainsi que des données qui y sont stockées. L’accord ne prévoit pas de privilèges ou immunités pour des personnes physiques. »

La question du financement de ce serveur monégasque au Luxembourg a ensuite été abordée par le conseiller national Christophe Brico. Cet élu a estimé que ce financement devrait « faire l’objet d’une inscription spécifique et dédiée » ce qui « conduit nécessairement à une loi d’autorisation de ratification, qui, je le rappelle, est dans l’intérêt de tous, puisqu’elle ajoute la validation de notre Assemblée à l’instrument international concerné. Je resterai donc vigilant à ce que cette disposition constitutionnelle soit pleinement mise en œuvre, que les prérogatives du Conseil national soient pleinement respectées, et ce, dans l’intérêt de notre pays ». A ce jour, ce serveur est financé au titre de la « transition numérique ». « Ce projet de loi ne modifie pas, par lui-même, la substance de notre droit interne, mais il y apporte quelques modifications qui sont, quant à elles, l’objet d’un projet de loi distinct, le projet de loi n° 1075, qui sera examiné au cours de cette soirée, dans quelques instants », a souligné pour sa part Pierre Dartout [à ce sujet, lire notre encadré — NDLR]. Votée à l’unanimité par les 21 élus présents sur un total de 24, cette loi « ouvre la voie à la ratification d’un accord international particulièrement important pour la principauté », s’est félicité le ministre d’Etat, Pierre Dartout.

« La commission constate dès lors, avec regret, que le dépôt du présent projet de loi, le 23 février 2023, intervient près de 18 mois après la signature de l’accord bilatéral dont il entend autoriser la ratification »

Fabrice Notari. Président de la commission des relations extérieures

Délais

Si, sur le fond, le vote de ce projet de loi n’a donc pas appelé de commentaires, c’est une fois de plus sur la forme que des critiques ont été émises. « Le projet de loi luxembourgeois portant approbation du même accord a été déposé en janvier 2022, soit plus d’un an avant le dépôt du présent projet de loi, et la chambre des députés du Luxembourg l’a adopté le 9 novembre 2022, a souligné Fabrice Notari. La commission constate dès lors, avec regret, que le dépôt du présent projet de loi, le 23 février 2023, intervient près de 18 mois après la signature de l’accord bilatéral dont il entend autoriser la ratification. Aussi, les élus invitent le gouvernement à réduire les délais de dépôts des projets de loi portant autorisation de ratification, et ce, sans attendre que l’autre partie à l’accord bilatéral ait finalisé sa propre procédure de ratification. » La présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès, a insisté sur ce point : « Nous avons relevé que le dépôt du projet de loi n° 1076 est intervenu le 23 février 2023, alors même que l’accord avec le Luxembourg, qui doit faire l’objet d’une approbation de ratification par le Conseil national, a été signé le 15 juillet 2021. Ce délai d’un an et demi pour déposer un tel projet de loi nous interroge une nouvelle fois, puisque nous aurions pu en être saisis bien plus tôt, notamment eu regard du faible impact de la ratification de ladite convention sur notre législation existante. Le dépôt de ce projet de loi plus tôt, aurait permis au Conseil national de se prononcer sur cette ratification, avant-même que le Luxembourg ne le fasse de son côté. »

Lancé en 2009, le comité de suivi des travaux législatifs, qui réunit le gouvernement monégasque et le Conseil national, a été réactivé [à ce sujet, lire notre article Gouvernement – Conseil national : le comité de suivi des travaux législatifs réactivé], afin d’éviter ce genre de situation. Il se réunira deux fois par an, avant chaque session, au printemps et à l’automne. « Il permettra au Conseil national de présenter au gouvernement ses priorités législatives, et à ce dernier d’évoquer auprès des élus les enjeux liés au vote de certains projets de lois du gouvernement, ainsi que la présentation de textes en cours de préparation. Dès lors, le Conseil national, qui garde la maîtrise de son calendrier, pourra organiser ses sessions législatives de manière optimale », ont indiqué les conseillers nationaux dans un communiqué de presse publié en mars 2023.  « J’invite, dès lors, le gouvernement à nous faire part au sein de ce comité, en sus de ce qui est prévu dans le cadre des débats budgétaires, des accords internationaux signés, qui seraient susceptibles ou non de faire l’objet d’un projet de loi d’approbation de ratification. Ces échanges, au sein de cette nouvelle entité, permettront j’en suis certaine, de fluidifier le travail entre nos deux institutions, au bénéfice de tous, et donc de la principauté », a conclu la présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès.

Cloud souverain monégasque : une protection juridique contre les cyberattaques

Voté, lui aussi, à l’unanimité dans la soirée du 13 avril 2023 par les conseillers nationaux, le projet de loi n° 1075 apporte « une protection juridique au centre de données monégasque situé au Luxembourg, dans le prolongement de l’accord entre le Grand-Duché de Luxembourg et la principauté de Monaco concernant l’hébergement des données et de systèmes d’information », a indiqué le rapporteur du texte, Nicolas Croesi. Ce texte modifie les articles 7 et 8 du code de procédure pénale. Il étend la compétence des juridictions monégasques pour juger et sanctionner les personnes de nationalité étrangère situées en dehors de Monaco qui s’attaqueraient à un centre de données situé à l’étranger, et en l’occurrence le serveur de la principauté installé au Luxembourg. Ce texte permet aussi de sanctionner une personne installée à Monaco, qui commettrait les mêmes infractions, en dehors du territoire monégasque.

1) Au total, 21 élus sur 24 étaient présents pour cette séance législative du 13 avril 2023. Les trois élus absents étaient Nathalie Amoratti-Blanc, Philippe Brunner, et Roland Mouflard.