samedi 20 avril 2024
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Destruction du Ni-Box Quelles alternatives pour la jeunesse monégasque ?

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La destruction du Ni-Box a commencé. Réclamé depuis 2003 par une partie des élus du Conseil national, ce centre de loisirs pour les jeunes de la principauté va être transformé en espaces dédiés au co-working, à des bureaux et à la culture. Reste désormais à savoir où la jeunesse monégasque va pouvoir se distraire.

C’était le 25 avril 2010. Le Ni-Box était inauguré en grandes pompes. Installé au Portier, face à la mer, les lignes modernes de ce bâtiment blanc se découpaient dans le ciel bleu azur. Avec 3 000 m2 distribués sur cinq étages, ce centre de loisirs pour les jeunes, installé dans un bâtiment qui appartient à l’Etat monégasque, affichait toute une palette d’activités pour les jeunes de la principauté. Une patinoire, huit pistes de bowling, une salle de jorkyball, un espace de jeux vidéo, un espace réservé aux enfants de 2 à 7 ans, une discothèque, un McDonald’s… Tout était réuni pour se divertir. Au total, le Ni-Box pouvait accueillir 1 500 personnes, encadrées par une équipe de 30 salariés, sans comptabiliser les employés de McDonald’s. Interrogé en marge de cette ouverture par Monaco Hebdo, le directeur du Ni-Box, Richard Maria expliquait alors que « l’idée de base, c’était de créer un centre pour les jeunes. Mais je considère qu’il s’agit davantage d’un centre de loisirs multi-générationnel. On souhaite attirer une clientèle de 2 à 99 ans. Bien que notre cœur de clientèle reste, pour l’heure, les adolescents et les familles ». Après des décennies sans un lieu capable de réunir une multitude d’activités de loisirs, dont certaines avaient disparu de la principauté depuis bien longtemps, Monaco s’était doté d’un outil construit sur-mesure. « Créer un espace de loisirs à Monaco, c’était une volonté qui existait depuis la fin des années 1980, début des années 1990. Le Ni-Box rassemble tout sur un seul site. Le dernier bowling remonte aux années 1970 au Café de Paris. La seule patinoire qui existe à Monaco, c’est celle du port, installée ponctuellement en hiver. Et côté jeux vidéos, il n’y a pas vraiment de salle », ajoutait Richard Maria. La discothèque avait, elle aussi, été imaginée sur-mesure. Réservée aux plus jeunes de 15h à 19h les mercredis et les dimanches, les majeurs pouvaient y accéder jusqu’à 4h30 du matin, mais uniquement les vendredis, les samedis et les veilles de jours fériés.

Démolition Ni Box Monaco
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Depuis 2003, une partie des élus réclamait un lieu pour accueillir la jeunesse monégasque. La majorité union pour Monaco (UPM) avait glissé dans son programme électoral des propositions pour définir ce que pourrait être ce club pour les jeunes

« Un “complexe de loisirs pour les jeunes” »

Du côté du Conseil national, on avait le sourire. Il faut dire que depuis 2003, une partie des élus réclamait un lieu pour accueillir la jeunesse monégasque. La majorité union pour Monaco (UPM) avait glissé dans son programme électoral des propositions pour définir ce que pourrait être ce club pour les jeunes. Alors que ce projet se matérialisait enfin, les élus rappelaient dans un communiqué de presse qu’il « aura fallu plusieurs années et deux mandats de batailles pour convaincre le gouvernement de répondre à cette demande de la population monégasque. Le Ni-Box répond parfaitement au cahier des charges signé en novembre 2007 ». De son côté, le gouvernement souhaitait « édifier un complexe de loisirs pour les jeunes avec un cahier des charges adapté à la clientèle mineure, pour adolescents et jeunes adultes, avec une tarification mesurée ». En ce qui concerne les modalités pratiques, le département des finances et de l’économie rappelle que le bâtiment du Ni-Box « appartient à l’État de Monaco. Un bail à construction a été signé avec le promoteur en 2007. L’opération était financée par le promoteur seul, qui devait l’exploiter pendant 30 ans ». La volonté politique était donc là, le cahier des charges discuté entre le gouvernement et les élus aussi, permettant aux travaux de débuter le 4 décembre 2007. Interrogé par Monaco Hebdo, quinze ans après, le département des finances et de l’économie, confirme que « l’objectif de ce bâtiment était de proposer un « complexe de loisirs pour les jeunes », lieu de divertissement et de rencontre avec une patinoire, un bowling, un espace de jeux vidéo, une discothèque, et des points de restauration, avec des tarifs préférentiels pour les jeunes inscrits dans les établissements scolaires monégasques ».

Démolition Ni Box Monaco
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Le département des finances et de l’économie du gouvernement rappelle que le bâtiment du Ni-Box « appartient à l’Etat de Monaco. Un bail à construction a été signé avec le promoteur en 2007. L’opération était financée par le promoteur seul, qui devait l’exploiter pendant 30 ans »

Creux

Fin juillet 2011, le Ni-Box a dû procéder à une série de changements. En effet, la boite de nuit, le Ni-Club, et la patinoire, étaient à la peine. Difficile de remplir une discothèque en partant de zéro. Un peu plus d’un an après son ouverture, la fréquentation oscillait entre 450 et 600 personnes, avec des pointes estimées à 850 personnes pour les plus grosses soirées. Mais avec une capacité de 1 200 personnes, le Ni-Club donnait forcément l’impression de sonner creux. En revanche, Richard Maria se disait satisfait de l’activité bowling, jorky ball, et jeux vidéos. Même chose pour les ateliers destinés aux enfants, ou les anniversaires qui rencontraient un certain succès. « Mercredi, samedi et dimanche, et pendant les vacances scolaires on peut avoir plus de 1 000 visiteurs par jour. Ce sont évidemment essentiellement les familles qui viennent. Sur les autres jours, on démarche les comités d’entreprises et les associations pour des soirées privées. C’était dans notre stratégie de développement », expliquait alors le directeur du Ni-Box.

Démolition Ni Box Monaco
Pourquoi le chantier du Ni-Box impacte aussi le rond-point du Portier ? Parce que ce projet « prévoit des liaisons verticales par ascenseurs publics à deux emplacements, explique le département des finances et de l’économie. Le premier au sud, entre l’avenue des Spélugues, le boulevard Louis II et l’anse du Portier — Mareterra. Le second au nord entre l’avenue des Spélugues et le parking du Portier. Cette liaison publique se fera au niveau du rond-point du Portier ». © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

Finalement, dix ans plus tard, c’est le crash. Alors que des rumeurs de fermeture circulaient, la décision a été rendue publique en juillet 2021. Lors d’un conseil communal à la mairie de Monaco, la destruction du Ni-Box a été évoquée

« Co-working NeueHouse »

Finalement, dix ans plus tard, c’est le crash. Alors que des rumeurs de fermeture circulaient, la décision a été rendue publique en juillet 2021. Lors d’un conseil communal à la mairie de Monaco, la destruction du Ni-Box a été évoquée. Objectif affiché : repartir d’une feuille blanche, pour construire un nouvel ensemble immobilier, « dans une perspective de continuité urbaine avec le quartier Mareterra, le Grimaldi Forum, le parking du Portier et le complexe balnéaire du Larvotto rénové. » Du coup, réunis début octobre 2021 à l’occasion des débats budgétaires, les conseillers nationaux se sont dit soucieux de savoir ce qu’allaient devenir les huit pistes de bowling du Ni-Box. Une activité qui, selon eux, rencontrait un véritable succès auprès des jeunes de Monaco. « Je vous confirme que, dans la perspective de la démolition du Ni-Box, un lieu de réimplantation a été identifié au rez-de-chaussée de la ZAC Saint Antoine à Cap d’Ail (côté Marquet), à proximité immédiate de Monaco. Un appel à manifestation d’intérêt sera très prochainement publié, en vue de sélectionner le futur exploitant, a alors répondu le ministre d’État, Pierre Dartout. À défaut de candidats à même de retenir notre attention, l’actuel exploitant du bowling s’est engagé à transférer l’établissement dans ce nouveau local et à poursuivre son activité. » En revanche, après s’être battus pendant des années pour obtenir un centre de loisirs pour les jeunes à Monaco, les élus ne sont pas davantage montés au créneau pour s’émouvoir de la destruction du Ni-Box. Questionnée par Monaco Hebdo à ce sujet, la majorité Priorité Monaco (Primo !) du Conseil national s’est exprimée par l’intermédiaire du président de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports, Marc Mourou. Sans répondre directement à nos questions, ce dernier a préféré se tourner vers l’avenir, pour évoquer ce que va devenir le bâtiment qui abritait le Ni-Box : « Le nouveau bâtiment qui verra l’arrivée du concept américain innovant de co-working NeueHouse, en plus de l’hébergement d’entreprises proposera des manifestations culturelles avec de la socialisation événementielle, mais aussi un amphithéâtre, et une salle de projection. Le Conseil national a demandé au gouvernement, et obtenu, que le bowling, qui était la dernière activité phare du Ni-Box, appréciée par les familles monégasques et résidentes, soit relocalisée à proximité du stade Louis II, à la ZAC Saint Antoine. Nous veillerons, à notre place, à ce que cette réimplantation soit réalisée dans les meilleurs délais. »

Si la jeunesse monégasque a donc vu s’envoler le seul lieu multi-activités de la principauté pour la jeunesse, aucun autre projet similaire ne devrait voir le jour. En tout cas, pas à moyen terme

Rond-Point

Si la jeunesse monégasque a donc vu s’envoler le seul lieu multi-activités de la principauté pour la jeunesse, aucun autre projet similaire ne devrait voir le jour. En tout cas, pas à moyen terme, comme l’a confirmé à Monaco Hebdo le département des finances et de l’économie du gouvernement monégasque. Ce dernier estime qu’« au fil du temps, certaines activités [du Ni-Box — NDLR] se sont révélées avoir peu de succès auprès des jeunes. La principale attraction restante à destination de la jeunesse, le bowling, fera l’objet d’une relocalisation dans des locaux appartenant à l’État [monégasque], à la ZAC Saint-Antoine ». Rien ne semble donc avoir changé depuis que cette relocalisation a été avancée pour la première fois, en octobre 2021, en séance publique, devant les élus du Conseil national. Quant au nouveau projet qui va succéder au Ni-Box, il a donc été présenté en juillet 2021 à l’occasion d’un conseil municipal en mairie de Monaco. Le chantier a débuté en début d’année 2022, et le gouvernement monégasque table sur un calendrier prévisionnel qui fixe la fin des travaux « dans le courant de l’année 2024, concomitamment au quartier Mareterra ». En attendant, ce chantier du Ni-Box a aussi un impact sur le rond-point du Portier, qui est à nouveau en travaux. Des palissades ont été dressées et des pelleteuses sont à l’œuvre. Pour quelles raisons ? Parce que ce projet « prévoit des liaisons verticales par ascenseurs publics à deux emplacements, répond le département des finances et de l’économie. Le premier au sud, entre l’avenue des Spélugues, le boulevard Louis II et l’anse du Portier — Mareterra. Le second au nord entre l’avenue des Spélugues et le parking du Portier. Cette liaison publique se fera au niveau du rond-point du Portier ».

Démolition Ni Box Monaco
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

L’apparition du Covid-19 et de possibles autres variants dans les mois à venir, impose aux espaces de co-working des mesures sanitaires strictes […]. Alors que le prix de l’immobilier au m2 à Monaco a encore grimpé pour flirter avec les 52 000 euros/m2, un record, la distanciation sociale pourrait peser sur la rentabilité de ces espaces de travail partagés

Rentabilité

Aujourd’hui, le département des finances et de l’économie en dit un peu plus sur le contenu de ce bâtiment imaginé par l’architecte italien, Renzo Piano. Il abritera « un espace de co-working exploité par la société spécialisée américaine NeueHouse, qui en sera locataire. Le bâtiment sera également un lieu de rendez-vous et d’hospitalité offrant la possibilité à des personnes de tout horizon de pouvoir échanger et d’organiser des conférences. Sur un plan culturel, les entités de la principauté et des artistes internationaux pourraient y trouver un lieu adapté pour respectivement capter un nouveau public et exposer leurs œuvres ». Reste à savoir si la nouvelle orientation de ce bâtiment saura trouver son public. « Ce projet permettra d’attirer de nouveaux acteurs et entrepreneurs dans un cadre moderne, créatif et flexible dans le prolongement des infrastructures existantes, comme MonacoTech ou Monaco Boost, pour poursuivre le développement de la Principauté en favorisant l’innovation et l’émergence de nouvelles idées », espère le département des finances et de l’économie du gouvernement monégasque. Créée en 2011 par Joshua Abram, Alan Murray et James O’Reilly, l’entreprise américaine NeueHouse est spécialisée dans le secteur des espaces de travail collaboratifs au sein d’immeubles de New York et de Los Angeles. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, en mars 2020, le télétravail s’est développé, et l’espace de travail des salariés est en pleine mutation. Mais l’apparition du Covid-19 et de possibles autres variants dans les mois à venir, impose aux espaces de co-working des mesures sanitaires strictes, pour éviter le brassage avec d’autres télétravailleurs, gérants de start-up, ou entrepreneurs locaux de la principauté. Alors que le prix de l’immobilier au m2 à Monaco a encore grimpé pour flirter avec les 52 000 euros/m2, un record (1), la distanciation sociale pourrait peser sur la rentabilité de ces espaces de travail partagés.

1) L’observatoire de l’immobilier réalisé par l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques pour l’année 2021 est à lire par ici : https://www.imsee.mc/Actualites/Observatoire-de-l-Immobilier-2021.