jeudi 28 mars 2024
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Conseil national : un texte pour moderniser le droit économique

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Dans la soirée du 27 juillet 2022, les élus du Conseil national ont voté un projet de loi qui permet de moderniser le droit économique de la principauté. Explications.

Rapporteuse au nom de la commission de législation, l’élue Priorité Monaco (Primo !) Karen Aliprendi a rappelé que le modernisation du droit monégasque était une « nécessité » reconnue par le gouvernement, le Conseil national, et les acteurs économiques de la principauté. Le monde évolue sans cesse, et Monaco doit donc s’adapter. « Les nouveaux outils financiers que ce texte mettra à leur disposition, faciliteront l’obtention de prêts pour les entreprises qui souhaitent investir ou ont des besoins de trésorerie, tout en maintenant de hauts niveaux de garanties pour les établissements prêteurs », a résumé le président du Conseil national, Stéphane Valeri. Le président Primo ! de la commission des finances et de l’économie nationale, Balthazar Seydoux, a rappelé pour sa part que ce projet de loi permettait de légiférer « sur les sûretés garantissant les prêts bancaires. Et donc, pour nos entreprises, par exemple, d’assurer leur accès aux moyens financiers leur permettant de créer leurs activités, d’investir ou, plus simplement, de répondre à leurs besoins de trésorerie ». Il permet aussi de faire « évoluer les règles applicables aux opérateurs commercialisant des produits financiers, notamment en garantissant une information éclairée des clients, ou en consacrant dans la loi une certification professionnelle pour certaines personnes travaillant au sein de sociétés agréées. Ce texte fait partie des projets de loi qui modernisent la principauté, et qui sont de nature à rendre sa place bancaire plus attractive », a ajouté Balthazar Seydoux.

Stéphane Valeri Conseil National
« Le vote de ce projet de loi s’inscrit dans la droite ligne des évolutions soutenues par le Conseil national pour favoriser le développement économique, comme notamment les lois sur le droit au compte, la domiciliation d’une activité professionnelle dans un appartement dont l’État est propriétaire, ou encore l’ensemble des textes en faveur du développement du numérique, au service de notre économie. » Stéphane Valeri. Président du Conseil national. © Photo Conseil National

« Les nouveaux outils financiers que ce texte mettra à leur disposition, faciliteront l’obtention de prêts pour les entreprises qui souhaitent investir ou ont des besoins de trésorerie, tout en maintenant de hauts niveaux de garanties pour les établissements prêteurs »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Nouveautés

Après le vote des lois n° 1433 qui a permis de créer le bail à usage de bureau et n° 1448 sur le droit international privé, le texte voté dans la soirée du 27 juillet 2022 vient donc apporter quelques nouveautés supplémentaires pour les professionnels. Listant les principaux changements, souvent très techniques, apportés par ce texte, Karen Aliprendi a notamment évoqué « l’application aux transmissions entre vifs ou à cause de mort qui se réalisent dans le cadre d’un “trust” de droit étranger, concernant les biens, droits ou produits capitalisés à Monaco, des droits de mutation à titre gratuit en fonction du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire », mais aussi « l’adaptation, en lien avec l’allongement de la durée des prêts bancaires, des règles applicables aux différents nantissements, afin que les délais d’inscription et de conservation des privilèges soient prolongés ». Ou bien « la possibilité pour une société à responsabilité limitée, en cas de carence, de démission, de décès ou d’incapacité du gérant, de nommer un des associés pour assurer la gestion de la société pendant une période transitoire de trois mois, dans l’attente de l’obtention d’une autorisation administrative ». Ce projet de loi crée aussi plusieurs dispositifs : un gage sur les produits financiers structurés, une garantie autonome au sein du code civil, une cession de créances professionnelles par bordereau, ou encore, un assouplissement de la procédure de dépôt des comptes des sociétés. Autre objectif de ce texte : répondre aux attentes de l’autorité monégasque des activités financières (AMAF) sur plusieurs points. D’abord sur « l’obligation d’obtention d’une certification professionnelle pour certaines personnes, qui exercent des fonctions déterminées au sein des sociétés agréées », a indiqué Karen Aliprendi. Ensuite, concernant une obligation faite à ces mêmes sociétés agréées qui doivent demander à leurs clients, y compris leurs clients potentiels, « des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement, afin d’évaluer si l’instrument financier proposé au client, ou demandé par lui, est adapté. Le cas échéant, les sociétés agréées auront désormais l’obligation d’avertir leurs clients », a ajouté la rapporteuse. Par ailleurs, il a aussi été décidé de maintenir l’interdiction pour des sociétés non agréées de réaliser des démarches qu’elles soient sollicitées ou non, sur le territoire monégasque auprès d’un “single family office”. Pour agir, ces sociétés non agréées pourront notamment passer par l’intermédiaire d’une entité monégasque agréée.

« Ce texte est une base précieuse que je salue comme une bonne tentative de mettre fin au flou qui nous a trop souvent handicapé vis-à-vis de l’opinion internationale et des investisseurs »

Guillaume Rose. Elu Primo !

« Méthode de travail »

Le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini, a précisé que le gouvernement monégasque sera attentif aux retours enregistrés suite à la mise en place de ces nouvelles dispositions. Objectif : s’assurer qu’elles répondent bien, dans la pratique, aux attentes de tous les acteurs et des personnes domiciliées à Monaco. « Si besoin est, des ajustements et des mesures complémentaires pourront être opérés en concertation, dans la perspective d’être toujours en adéquation avec les intérêts de tous », a indiqué Jean Castellini. Le gouvernement a également rappelé sa « disponibilité » pour créer un groupe de travail avec le Conseil national pour lancer une réflexion sur les dispositions du code de droit international privé. Prenant du recul, et même s’il s’est félicité du vote de ce texte, le président Stéphane Valeri a estimé que ce dossier a toutefois nécessité trop de temps : « Une partie des mécanismes prévus par cette réforme, existent depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays et notamment en France. Il est essentiel que Monaco soit plus prompt à s’adapter aux standards internationaux, en particulier en matière de finance, afin de garantir son attractivité ». De son côté, le président de la commission de l’environnement et de la qualité de vie, l’élu Primo ! Guillaume Rose a insisté sur l’aspect « rassurant » de ce genre de texte pour les investisseurs : « En régulant nous leur donnons ainsi la garantie tangible de la sécurité, ce besoin essentiel et basique de l’Homme que nous retrouvons dans les fondements de toute économie. En en attendant d’autres, notamment dans le domaine du numérique, ce texte est une base précieuse que je salue comme une bonne tentative de mettre fin au flou qui nous a trop souvent handicapé vis-à-vis de l’opinion internationale et des investisseurs. » Le président Primo ! de la commission de législation, Thomas Brezzo, a regretté pour sa part que certaines mesures « qui demeurent pourtant très attendues, n’ont toujours pas été prises en compte. Je citerai, par exemple, la création des sociétés unipersonnelles ».

Certaines mesures « qui demeurent pourtant très attendues, n’ont toujours pas été prises en compte. Je citerai, par exemple, la création des sociétés unipersonnelles »

Thomas Brezzo. Elu Primo !

Mais c’est aussi la méthode de travail que n’a pas appréciée Thomas Brezzo. Evoquant des conditions de travail difficiles, avec des délais trop courts, cet élu a rappelé que « après les trois textes adoptés lors de la séance du 31 janvier 2022, nous adoptons de nouveau ce soir, en séance extraordinaire, trois nouveaux projets de loi. […] Si je peux parfaitement comprendre la légitimité des préoccupations du gouvernement, ces travaux ne peuvent se faire au détriment de la qualité, ni au préjudice d’autres textes qui sont tout aussi importants pour la principauté […]. Il ne faudrait donc pas que la méthode de travail qui nous a été imposée devienne une habitude. […] Le Conseil national n’est pas une chambre d’enregistrement [et], ne doit pas être l’exécutant du gouvernement. » Pour aller plus loin, le président de la commission de législation a aussi pointé la problématique des propositions de loi transmises au gouvernement qui, lorsqu’elles sont converties en projet de loi, « nous sont transmises quasi systématiquement le dernier jour du délai de 18 mois fixé par la Constitution ». Résumant sa pensée, Thomas Brezzo a estimé que « le partenariat institutionnel, s’il est nécessaire, ne peut pas être une notion à géométrie variable, ni un partenariat à sens unique. Pour que ça fonctionne, il faut que ça aille dans les deux sens ».