Image du pays à redorer à l’international, fiscalité des Français de Monaco, ou projet de l’hôpital revu à la baisse… Une poignée d’élus du Conseil national et une délégation du groupe d’amitié France-Monaco du sénat ont évoqué ensemble les dossiers épineux du moment.
Il faut se battre contre la toute-puissance du dogme fiscal?». Le ton est combatif. Et les critiques résolument acerbes. Pour défendre la cause fiscale des Français de Monaco, Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français de l’étranger, reste en première ligne. En visite officielle les 1er et 2?juillet derniers au Conseil national pour une réunion du groupe d’amitié France-Monaco du sénat, l’homme entend «?reprendre le bâton de pèlerin?». «?Les Français de Monaco que j’ai rencontrés sont très déterminés. Mais l’administration fiscale l’est aussi. Il y a donc un vrai rapport de force qui va s’instaurer. Il faut faire bloc pour faire avancer le dossier. Car l’administration, elle, a fait du rétropédalage?». Rétropédalage car depuis la jurisprudence Boffa de septembre?2009, qui avait exonéré d’impôt un Franco-Italien né à Monaco (1), les services fiscaux français bottent en touche. Les demandes de dégrèvement effectuées au centre des impôts de Menton par les contribuables concernés ont toutes essuyé un même refus. Et au-delà de l’offensive juridique menée devant le tribunal administratif de Nice par de nombreux enfants du pays, le coup de semonce doit être aussi politique. Frassa annonce donc qu’il rencontrera «?fin juillet?» le ministre français du budget François Baroin pour réactiver le message dans les hautes sphères de l’Etat. Quelques semaines plus tôt, le député maire de Menton Jean-Claude Guibal faisait la même annonce.
5?millions d’euros
D’autant que, selon le sénateur, le manque à gagner pour le fisc français serait infime. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. «?Il y a un peu moins de 4?000 foyers fiscaux français à Monaco. Et ceux qui pourraient bénéficier de la jurisprudence Boffa représentent un peu moins de 1?200 personnes. Parmi lesquelles, tout sauf les plus gros contribuables français de Monaco?! En terme d’impôt sur le revenu prélevé à Monaco, on est dans des volumes annuels de 22 ou 23?millions d’euros. Si l’on devait ramener la somme à cette catégorie de contribuables, ça s’élèverait à seulement 5?millions d’euros. C’est consternant de voir une administration s’arc-bouter sur un dogme alors que l’enjeu est si mince?».
Ainsi, selon Christophe-André Frassa, l’administration fiscale «?joue la montre en se disant que les procédures vont être tellement longues que les gens vont se décourager. C’est une stratégie de défense. Elle laisse le dossier s’enliser.?» L’homme ne mâche pas ses mots contre cette convention fiscale qu’il qualifie volontiers «?d’injuste?» et «?unique au monde. C’est un texte sur mesure?». Reste à savoir si dans ce dossier Monaco peut avoir un rôle actif?? «?La marge de manœuvre est faible pour le prince?», précise le sénateur. «?Des messages peuvent se transmettre entre chefs d’Etat lorsqu’ils se rencontrent?». Et le président du Conseil national, Jean-François Robillon de prendre position?: «?La France pénalise ses propres ressortissants. Ce n’est pas logique de pousser cette présence française hors des frontières de la Principauté.?» Mais alors que Monaco a décidé de lancer les grandes manœuvres pour redorer son image à l’international, les poncifs en France semblent encore avoir la vie dure. Jusque dans les hautes sphères de l’Etat.
“Pays de milliardaires”
«?Monaco a encore cette image d’un pays de milliardaires où l’on se demande ce que l’on peut faire entre deux cocktails?». Sans langue de bois, le sénateur est longuement revenu sur cette image qui colle à la peau de Monaco. Image que l’on retrouve selon lui «?aussi bien dans une certaine presse à papier glacé, que jusqu’au plus haut sommet de la hiérarchie administrative. Et ce, quel que soit le ministère?». Ces réunions franco-monégasques sont donc aussi l’occasion de faire découvrir aux sénateurs français les réalités économiques et sociales du pays. Encore très méconnues. «?Lorsque l’on dit que Monaco, ça représente 50?000 chômeurs de moins dans les Alpes-Maritimes et la région italienne voisine, un hôpital référent, et que ce n’est pas le casino qui fait vivre Monaco, mais le tourisme puis l’industrie, mes collaborateurs restent surpris?», a-t-il précisé. Avant de conclure?: «?Pendant longtemps Monaco a usé de cette image. Désormais, il faut que le pays ait un temps d’avance sur sa communication et qu’elle arrête de subir son image. Bref, ne pas avoir une communication de réaction mais une communication active.?»