jeudi 25 avril 2024
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Comment se protéger contre les craintes d’inflation??

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Place Tahrir
Place Tahrir au Caire : « L'explosion des cours est la cause de l'instabilité politique qui règne dans le monde, et notamment dans les pays arabes. » © Photo DR

L’explosion des cours des matières premières fait ressurgir les craintes d’inflation. Des inquiétudes à prendre en compte dans une stratégie d’investissement.

Rien n’est plus redouté par les investisseurs que l’inflation. Or, la hausse des matières premières, notamment alimentaires, a été suffisamment forte et généralisée au cours des derniers mois pour que cette problématique ressurgisse. Les derniers sondages montrent d’ailleurs une nette évolution des anticipations d’inflation?: selon celui de Bank of America Merrill Lynch, 75 % des investisseurs interrogés anticipent une inflation plus élevée dans les 12 mois à venir, un record. Ils ont en conséquence adapté leurs allocations d’actifs?: les actions et les matières premières, qui bénéficient généralement d’un environnement inflationniste, sont privilégiées aux obligations, très sensibles à la hausse des prix, tandis que les produits monétaires, dont les rendements déjà très faibles s’éroderaient un peu plus en cas de remontée de l’inflation, sont à leur plus bas niveau depuis 2002.

Conséquences sur la croissance

Au niveau régional, les marchés émergents ont moins la cote étant donné qu’ils sont les premiers concernés par ces pressions inflationnistes et leurs conséquences sur la croissance. « L’explosion des cours est à l’origine de pics d’inflation dans de nombreux pays émergents, les obligeant à mettre en place des politiques monétaires restrictives contraires aux besoins structurels de leurs économies, explique un observateur. Elle est également la cause de l’instabilité politique qui règne dans le monde, et notamment dans les pays arabes, ce qui devrait fortement encourager les Etats à agir, de peur de voir les principaux pays producteurs de pétrole mis en difficulté. » Les pays développés, où la croissance économique est plus faible, ne sont pas non plus épargnés. La hausse annuelle de l’indice des prix de détail dans la zone euro a atteint 2,4 % en janvier, son plus haut sur plus de deux ans. « Une reprise de l’inflation conduirait inévitablement les banques centrales à durcir leurs politiques, poursuit ce même observateur. Alors que les systèmes bancaires n’ont pas encore retrouvé une situation pleinement assainie, une hausse des taux directeurs comporterait des risques d’ordre économique. De même, l’apparition d’un climat de méfiance des investisseurs à l’égard des obligations d’Etat tandis que les rémunérations réelles sont faibles ne manquerait pas de compliquer le financement des déficits publics. » Si la problématique est réelle dans les pays émergents, les spécialistes tempèrent néanmoins les inquiétudes pour les pays développés. « L’accélération récente provient surtout des matières premières, soulignent les spécialistes d’Amundi AM. Dans un contexte de chômage élevé, elle est peu susceptible de générer un mécanisme d’inflation autoentretenue par les coûts. »

Changements structurels

Mais à moyen et long terme, la question pourrait ressurgir. « Les excès de capacité auront disparu dans les grands pays avancés. En outre, des changements structurels se profilent?: les contraintes sur l’offre se feront plus fortes, le coût du capital plus élevé, les populations vieillissantes et les matières premières plus rares, ajoute-t-on chez Amundi AM. Enfin, les pays émergents, qui avaient contribué à la désinflation dans les années 2000, menacent désormais de contribuer à davantage d’inflation compte tenu des hausses de salaires qui vont accompagner leur processus de rattrapage. Tous ces facteurs portent en germe une résurgence de l’inflation à moyen terme, et ce risque nous semble pour l’heure sous-estimé par les marchés de taux. » Protéger les portefeuilles obligataires contre l’inflation pourrait donc aller dans le sens de l’histoire, notamment pour la partie investie sur les pays émergents. « Nous ne saurions que trop conseiller aux investisseurs de rester exposés aux devises du carry trade* et de se prémunir contre l’inflation en achetant des titres indexés sur l’inflation pendant qu’ils sont, à notre avis, encore abordables », met en avant Philip Poole, responsable de la recherche et de la stratégie d’investissement chez HSBC Global AM. La thématique de l’inflation ne doit pas non plus être négligée dans les portefeuilles actions. « De nouveaux relèvements de taux paraissent inévitables dans un certain nombre de pays émergents, ajoute-t-il. Les investisseurs seraient bien avisés d’éviter les secteurs et les sociétés sensibles aux variations de taux d’intérêt et de privilégier les titres à forte intensité capitalistique, notamment en Asie, hors Japon, où le coût de remplacement des actifs est élevé et permet de se prémunir contre les ravages de l’inflation. »

*Le carry trade est une méthode d’investissement consistant à profiter d’un différentiel de taux d’intérêt entre classe d’actif. Il suffit alors d’emprunter massivement une devise dont le taux d’intérêt est faible (le dollar ou l’euro actuellement) et de réinvestir cette somme dans une devise ayant un taux d’intérêt supérieur (les devises émergentes actuellement). Ainsi l’intervenant gagne la différence entre les taux d’intérêt.

Soyez plus sélectif sur les actions américaines
Pour Edmond de Rothschild AM, le marché d’actions américain a encore de beaux jours devant lui. « Si les profits des entreprises ont aujourd’hui retrouvé les niveaux de 2007, les valorisations restent dans l’ensemble attractives », soulignent les experts. Toutefois, cette situation dissimule de fortes disparités entre certains secteurs/sous-secteurs sur lesquels les attentes et les valorisations sont très élevées et d’autres qui disposent de fondamentaux solides et d’une décote significative. « Un positionnement marqué et des convictions fortes sont nécessaires pour tirer parti des marchés actions américains en 2011 », prévient EdRAM qui privilégie les grandes capitalisations et les valeurs de rendement. « Malgré l’amélioration amorcée de la conjoncture américaine, il faut continuer à surveiller les facteurs de risque qui pourraient fragiliser cette reprise, ajoutent-ils. La question de la dette américaine risque de provoquer de la volatilité sur les marchés dans les années à venir. »
Prudence à court terme sur les marchés émergents
Tout en restant positifs sur le long terme, les experts d’ING IM font part de leur prudence à court terme sur les actions des pays émergents. « Alors que les marchés développés sont stimulés par l’amélioration des perspectives de croissance, les marchés émergents sont surtout influencés par l’inflation et les craintes de resserrement monétaire, expliquent-ils. L’escalade des tensions au Moyen-Orient constitue un facteur de risque supplémentaire. »