vendredi 26 avril 2024
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Christophe Robino : « L’élément essentiel, c’est la confiance »

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Face à la défiance vaccinale autour du Covid-19, quelle stratégie Monaco doit-il adopter ? Christophe Robino, président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses du Conseil national, a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Face à la méfiance autour du vaccin anti-Covid-19 comment convaincre la population de la principauté de se faire vacciner ? 

Il faut communiquer régulièrement et simplement pour couper à la racine les effets délétères de messages totalement infondés qui circulent de manière incontrôlée sur les réseaux sociaux. Il faut que des personnalités représentatives, et notamment des personnels soignants, témoignent de leur engagement en faveur de la vaccination. Il faut diffuser l’avancée des connaissances scientifiques, et communiquer régulièrement sur le bon déroulement de la campagne vaccinale.

Que répondre à la peur des effets secondaires, essentiellement à moyen et long terme, liée à une absence de recul concernant ce vaccin ?

Il faut d’abord rappeler que nous avons un recul de plus de 6 mois sur l’utilisation de ce vaccin. Il faut expliquer que les craintes quant au risque génétique sont physiologiquement infondées. Il faut également insister sur le fait que ces vaccins à ARN ne nécessitent pas, pour être efficaces, l’adjonction d’adjuvants, ce qui limite clairement les risques. Enfin, il ne faut pas oublier, que par le passé, c’est bien grâce à la vaccination que l’on a pu mettre un terme à des fléaux comme la variole ou la poliomyélite, et que, à l’exemple de ces deux maladies, c’est bien la vaccination, et elle seule, qui permettra de sortir de la pandémie liée au Covid-19.

Comment démontrer que la collusion des intérêts économiques des laboratoires pharmaceutiques face à l’État n’existe pas ?

Il est toujours plus facile de semer le doute, que de démontrer l’absence de lien entre les laboratoires pharmaceutiques et l’État. Pour autant, il faut rappeler que ce sont bien les états qui sont demandeurs, et qui ont investi des milliards pour la mise au point, dans les délais les plus brefs possibles, de vaccins, sans sauter d’étapes, mais en raccourcissant et en simplifiant les démarches administratives, avec pour seul objectif de sortir de cette crise inédite, et ainsi d’en limiter les conséquences sanitaires, économiques et sociales.

La peur est-elle un levier efficace pour pousser la population à se faire vacciner ?

Si la peur existe, c’est une conséquence de cette pandémie, mais en aucun cas elle ne doit être instrumentalisée pour pousser la population à se faire vacciner : l’élément essentiel, c’est la confiance. C’est seulement en gagnant la confiance de la population, que nous obtiendrons l’adhésion, même des plus sceptiques, à la vaccination. Le Conseil national recommande la vaccination du plus grand nombre de Monégasques et de résidents d’abord, mais aussi ensuite des salariés, sur la base du volontariat, bien sûr.

Pour convaincre, la solution peut-elle, en partie, venir de professionnels de santé de proximité ?

Bien évidemment, il est indispensable d’impliquer les professionnels de santé qui, sur le terrain, pourront relayer les informations sérieuses. Ils pourront expliquer l’intérêt individuel et collectif de la vaccination à des patients avec lesquels ils entretiennent depuis de nombreuses années une relation de confiance. Cette relation n’existe pas avec des professionnels qu’ils n’ont pas l’habitude de consulter. A cette occasion, je salue le rôle très important joué par le conseil de l’ordre des médecins de Monaco qui, depuis le début de cette crise sanitaire, coordonne  sur le terrain l’action des médecins libéraux.

Quel type de communication faut-il mettre en place pour convaincre les jeunes, qui sont souvent parmi les plus réticents à la vaccination ?

Si les plus jeunes sont probablement moins à risque de formes graves du Covid-19, il faut constater qu’avec les nouveaux variants du virus SARS-CoV-2, et notamment le variant anglais, la contagion est beaucoup plus importante, y compris dans ces tranches d’âge. Ce dernier point rend d’autant plus nécessaire l’obtention rapide d’une couverture vaccinale suffisante pour contrer la diffusion de ces variants. Il faut donc investir tous les moyens de communication, et notamment les réseaux sociaux, qu’ils utilisent quotidiennement, pour les sensibiliser aux objectifs de la vaccination, et systématiquement contrer, par une veille constante, les contrevérités et fausses rumeurs qui y sont diffusées.

L’effet d’entraînement d’élites politiques allant se faire vacciner dans les premiers pourrait-il être décisif ?

À titre personnel je n’en suis pas convaincu. Je pense que nos résidents seront bien plus sensibles si les témoignages proviennent de personnels de santé, de tout un chacun, et de membres non sélectionnés de la société civile. Ce qui n’empêche pas que des personnalités politiques, ou des personnalités en vogue du monde artistique ou sportif, militent en faveur de cette vaccination. Tous les témoignages sont, bien sûr, les bienvenus, afin de toucher une plus large part possible de la population.

Quels autres leviers faut-il actionner pour convaincre de vacciner le plus largement possible ?

Si déjà, l’ensemble des médias, l’ensemble des moyens de communication, et si des faiseurs d’opinion, notamment sur les réseaux sociaux, participaient largement et régulièrement à la diffusion des messages que nous venons, pour certains, d’évoquer à l’occasion de cette interview, je suis convaincu que nous pourrions significativement améliorer l’adhésion à la vaccination. On peut également ajouter un élément qui me semble fondamental.

Lequel ?

Il s’agit de la simplification des démarches permettant l’accès gratuit, et sans délai, à la vaccination, en déléguant notamment aux médecins libéraux, qu’ils soient spécialistes ou généralistes, la responsabilité de prescrire et d’expliquer cette vaccination. Même si aujourd’hui, pour des raisons pratiques et compréhensibles, la vaccination ne peut être pratiquée que par des établissements de santé, ou des centres de vaccinations équipés de moyens de conservation adaptés. La non implication des professionnels de santé de proximité est probablement une des raisons majeures de l’échec de la campagne de vaccination française contre la grippe A (H1N1) en 2009. 

Quoi d’autre ?

Plus que d’insister sur le risque individuel, qui est certes réel, mais plus important chez les sujets âgés et ceux présentant des comorbidités les exposant à des formes graves du Covid-19, il serait peut-être plus judicieux de davantage mettre en avant le bénéfice collectif, ou la protection des plus fragiles, dans une approche altruiste de la vaccination, tout en valorisant socialement l’acte de vaccination.

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