samedi 20 avril 2024
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Frédéric Michalak : « L’idée, c’est de faire rêver, avec des joueurs qui font rêver »

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Cet été, le Monaco Rugby Sevens va participer au championnat de rugby à VII des clubs lancé par la Ligue nationale de rugby. L’ancien joueur international français, Frédéric Michalak, passé notamment par le Stade Toulousain et Toulon, est le secrétaire général du Monaco Rugby Sevens. Il explique à Monaco Hebdo la genèse et les objectifs de ce club de rugby à VII, qui affrontera les plus grands noms du Top 14. Interview.

Le Monaco Rugby Sevens, c’est quoi ?

Le Monaco Rugby Sevens est un club de rugby à VII. C’est un club comme Bayonne, le Racing 92 ou le Stade Toulousain, des équipes que nous allons d’ailleurs affronter dans le cadre du championnat Supersevens organisé par la Ligue Nationale de Rugby (LNR).

Votre fonction dans ce Monaco Rugby Sevens ?

Je suis secrétaire du Monaco Rugby Sevens. Je suis aussi le manager sportif de ce club, qui est présidé par Emmanuel Falco. Jérémy Aicardi est l’entraîneur de notre équipe. Jérémy est un ancien joueur de rugby professionnel à VII. Il a porté les couleurs de l’équipe de France. On travaille ensemble, et nous sommes en train de recruter un assistant-coach pour nous épauler. Mais, pour l’instant, je ne peux pas donner son nom [cette interview a été réalisée le 8 juin 2021 — NDLR].

Comment êtes-vous arrivé à Monaco ?

Nous avons commencé à monter ce projet en 2016 avec Emmanuel Falco, et l’un de mes amis, Julien Cossou. L’idée consistait à vouloir monter une structure de rugby professionnel à Monaco. Nous avions plein d’idées, parfois un peu farfelues, j’avoue…

« Nous avons commencé à monter ce projet en 2016 avec Emmanuel Falco, et l’un de mes amis, Julien Cossou. L’idée consistait à vouloir monter une structure de rugby professionnel à Monaco. Nous avions plein d’idées, parfois un peu farfelues, j’avoue… »

Des idées « farfelues » comme quoi, par exemple ?

Des idées comme le lancement d’une équipe constituée des meilleurs joueurs européens pour aller disputer des matches dans l’hémisphère sud. Et puis, en 2016, les Jeux olympiques (JO) ont fait du rugby à VII un sport olympique. Du coup, tout nous a alors semblé évident. Surtout qu’en parallèle, la LNR réfléchissait à monter un championnat de rugby à VII des clubs. On a donc décidé de se lancer. Nous sommes partis de zéro. Et aujourd’hui, on est ici…

Ça a été compliqué de développer un projet « rugby » dans un pays comme Monaco, qui est très tourné vers le football, le tennis et la Formule 1 ?

Non, ça n’a pas été difficile. Le prince Albert II adore le rugby [lire son interview dans ce dossier « Pourquoi pas, un jour, une équipe de rugby à VII 100 % monégasque ? » — NDLR], et le sport en général. Lorsque nous lui avons présenté notre projet, il a trouvé l’idée très intéressante. Nous n’avons eu que des voyants verts. Après, il faut savoir travailler intelligemment avec les acteurs locaux. D’où notre association avec le rugby monégasque à XV.

Quel est le budget du Monaco Rugby Sevens ?

Le budget précis n’est pas encore défini, car nous sommes encore sur le projet académique. Nous sommes en train de nous structurer, à la fois sur la partie ressources humaines, mais aussi administrative et financière.

« Aujourd’hui, nous avons une liste de 150 joueurs qu’on aimerait prendre. Au fur et à mesure, on resserre cette liste, sachant qu’il nous faut au minimum 12 joueurs par tournoi. » Frédéric Michalak. Secrétaire général du Monaco Rugby Sevens. © Photo Axel Bastello / Palais Princier.

« Parmi les 300 jeunes licenciés qui jouent au rugby à XV à Monaco, nous sommes en train de mettre du rugby à VII. Et on commence à voir les futures pépites »

Le budget des plus grands clubs de Top 14, le championnat de rugby professionnel à XV français, c’est autour de 35 millions d’euros : le rugby à VII coûte évidemment moins cher ?

Le rugby à VII est très loin de ces chiffres. Pour l’instant, nous disputons seulement quatre tournois dans l’année, et nous n’avons pas encore lancé la partie académique. Aujourd’hui, nos joueurs sont souvent des joueurs mis à disposition par leurs clubs, dans lesquels ils sont licenciés. Ces joueurs ont envie de se montrer à très haut niveau, dans un championnat professionnel. Nous n’avons donc pas de joueurs salariés. En fait, nous sommes comme les Barbarians, qui disputent aussi ce championnat de rugby à VII : nous sommes une sélection des meilleurs joueurs. Car notre objectif, c’est aussi de faire rêver. Monaco est un nom qui fait rêver. Donc l’idée, c’est de faire rêver, avec des joueurs qui font rêver. Du coup, notre budget est en dessous de trois millions d’euros.

Ça plaît vraiment, le rugby à VII ?

Il y a une appétence pour le rugby à VII depuis que ce sport est devenu une discipline olympique à Rio, en 2016. Depuis, on sent qu’il y a à la fois un nouveau public et des nouvelles nations qui s’y intéressent, parce que c’est un sport plus facile à développer que le rugby à XV. Aujourd’hui, on voit l’équipe de France de rugby à VII jouer contre le Kenya, ce qui est assez incroyable. On a aussi vu l’équipe nationale monégasque participer à l’European Series, et parvenir en finale. Ce sport dispose d’un véritable potentiel de développement. Le Burkina Faso est, par exemple, en train de préparer une équipe à VII de folie. Le rugby à VII est accessible, même pour les plus petits pays. En revanche, pour développer une équipe de rugby nationale à XV, il faut un réservoir de 45 joueurs qui jouent dans les plus grands championnats mondiaux. C’est nettement plus compliqué.

Quelle est l’origine de ce championnat professionnel des clubs de rugby à VII auquel participe le Monaco Rugby Sevens ?

En France, la LNR, qui gère aussi le Top 14, c’est-à-dire la première division de rugby à XV, et la Pro D2, a voulu lancer un championnat professionnel des clubs de rugby à VII, qui s’appelle le In Extenso Supersevens. Ça n’existe nulle part ailleurs dans le monde. C’est la première fois qu’un championnat domestique professionnel de rugby à VII est créé.

Mais avec seulement 9 000 monégasques, comment donner une résonance « rouge et blanche » à votre équipe, alors que le réservoir de joueurs nationaux est forcément très réduit ?

On a de très bonnes relations avec l’ASM Rugby, le club de rugby monégasque à XV qui joue en Fédérale 3. Avec Jérémy Aicardi, nous sommes en train de construire un partenariat qui concerne la formation de joueurs à VII. Sa mission, c’est de travailler sur la formation pour amener une filière de rugby à VII. Car aujourd’hui, les clubs n’ont pas forcément intégré une filière de rugby à VII dans leurs propres infrastructures. Donc, parmi les 300 jeunes licenciés qui jouent au rugby à XV à Monaco, nous sommes en train de mettre du rugby à VII. Et on commence à voir les futures pépites.

Il n’empêche que donner une coloration monégasque à votre équipe avec un réservoir de joueurs nationaux forcément réduit, c’est un véritable casse-tête ?

C’est un casse-tête. Nous avions Antoine Zeghdar, mais il a été sélectionné par l’équipe de France de rugby à VII. Or, à partir du moment où Antoine Zeghdar a joué pour une nation, il ne peut plus jouer pour une autre. En tant que club, on a réellement envie d’aligner des joueurs monégasques. Mais nous sommes dans un championnat professionnel. Et nous allons affronter des joueurs professionnels. Il ne faut donc pas prendre à la légère la santé des joueurs. Il faut avoir des joueurs prêts physiquement.

« Le rugby à VII est accessible, même pour les plus petits pays. En revanche, pour développer une équipe de rugby nationale à XV, il faut un réservoir de 45 joueurs qui jouent dans les plus grands championnats mondiaux. C’est nettement plus compliqué »

Le fossé entre la Fédérale 3 de rugby à XV et le Top 14 est énorme ?

Le fossé entre la Fédérale 3 et le Top 14 est énorme. Mais si on réfléchit à une préparation sur un ou deux mois pour certains joueurs, ils pourront rivaliser. Il faut des joueurs capables de faire des passes de 15 mètres des deux côtés, avec de bons appuis et avec de l’endurance, pour changer de rythme. Il y a donc un bon réservoir de joueurs pour le rugby à VII en Nationale, en Fédérale 1, 2 ou même 3.

Vous allez aussi faire appel à des naturalisations ?

Les joueurs naturalisés doivent respecter la réglementation de l’International Rugby Board (IRB). Il faut qu’ils aient joué au moins cinq ans en France, avant de pouvoir être naturalisés. Ces joueurs doivent donc avoir une licence en France. S’ils jouent à l’étranger, il faut qu’ils soient sous contrat professionnel avec une équipe. Ensuite, il faut négocier une mise à disposition de ces joueurs. Si on veut, on peut aussi faire signer un contrat à des joueurs sur la période d’août à novembre 2021. La LNR a créé un statut pour ces joueurs-là, qui pourraient, pourquoi pas, ne jouer que le Supersevens.

Du coup, au vu du contexte local, lancer une équipe nationale de rugby à VII en principauté, avec des joueurs nécessairement monégasques, ça nécessitera combien de temps ?

Pour jouer avec cette équipe nationale de rugby à VII monégasque, il faudra un passeport monégasque. Ce qui permettra ensuite de voir Monaco participer aux JO. Donc, dès qu’il y aura une naissance dans un foyer monégasque, il faudra mettre un ballon de rugby dans les mains du nouveau-né [rires]… Il faudra en tout cas favoriser au maximum la mixité, afin de pouvoir développer également une équipe féminine. Mais avec l’AS Monaco Rugby qui joue à XV en Fédérale 3 et un club professionnel de rugby à VII qui est en train de se structurer et de se développer, tout cela sera bénéfique pour l’ensemble du rugby monégasque, et pour l’équipe nationale monégasque.

Pour le championnat de clubs Supersevens 2021 qui va débuter mi-août, vous avez déjà constitué votre équipe ?

J’espère avoir accès à tous les joueurs que je souhaite pour construire notre équipe à VII. Forcément, il y a quelques réticences. Certains clubs ont peur que leurs meilleurs joueurs se blessent pendant le Supersevens. Mais j’ai enregistré 80 % de réponses positives, surtout en Pro D2 et en Nationale. Sur les clubs de Top 14, j’ai aussi eu des réponses positives, ce qui est assez rare. Enfin, j’espère pouvoir ajouter quelques surprises, avec un ou deux joueurs internationaux. J’attends leur accord. Il s’agit de deux stars du rugby mondial.

Ces stars du rugby mondial sont originaires de quel hémisphère ?

En général, ils sont dans le sud [rires]. C’est encore trop tôt pour pouvoir en dire plus, mais c’est bien engagé. Aujourd’hui, nous avons une liste de 150 joueurs qu’on aimerait prendre. Au fur et à mesure, on resserre cette liste, sachant qu’il nous faut au minimum 12 joueurs par tournoi. Mais je pense qu’il y aura pas mal de changements lors de ces trois tournois prévus au mois d’août pour ce Supersevens. Ce qui nous permettra de construire une future sélection, si on se qualifie pour la finale prévue en novembre 2021 à la Paris Défense Arena.

Vous avez des quotas de joueurs étrangers à respecter pour construire votre équipe ?

Concernant le nombre de joueurs étrangers, on fait ce qu’on veut. En revanche, il faut au moins trois joueurs professionnels dans l’effectif, quelle que soit leur nationalité. Car l’objectif, c’est de faire du rugby à VII un produit. Et pour en faire un produit, il faut des joueurs stars. Il faut donc des joueurs stars du rugby à XV qui viennent jouer à VII. Et il faut aussi des joueurs stars du rugby à VII qui viennent jouer dans ce nouveau championnat lancé par la LNR. Les clubs engagés dans ce championnat de Supersevens peuvent aussi faire jouer les jeunes de leur centre de formation.

« Quand on sait que le football est présent sur l’ensemble des territoires, y compris des territoires que l’on n’aurait pas imaginés, le seul moyen pour le rugby de promouvoir sa propre marque, c’est de passer par le rugby à VII. Parce que c’est le sport qui a le plus de potentiel. » Frédéric Michalak. Secrétaire général du Monaco Rugby Sevens. © Photo Axel Bastello / Palais Princier.

« Si en 2022 Monaco veut se positionner pour organiser un tournoi de ce championnat de rugby à VII, pourquoi ne pas le faire pendant une période où le foot ne joue pas au stade Louis II ? Ce serait intéressant d’accueillir tous les clubs du Top 14 et les Barbarians en principauté »

Mais ça s’annonce compliqué, car votre équipe va affronter de très grands clubs, comme Toulouse, le Racing 92, Toulon ou le Stade Français, par exemple ?

C’est pour ça qu’il nous faut des joueurs sous contrat professionnel qui évoluent dans des clubs professionnels, ou avec leurs nations. Voilà pourquoi, en février 2020, nous avions fait venir des joueurs issus d’une équipe d’Afrique du Sud, qui est sous contrat avec la fédération sud-africaine. Du coup, 80 % de nos joueurs étaient sud-africains, tout simplement parce que nous ne trouvions pas de joueurs professionnels disponibles. Les clubs de Top 14 avaient pris les meilleurs joueurs de Pro D2, et les Barbarians avaient pris les meilleurs joueurs français sous contrat avec la fédération française de rugby (FFR).

Pour le championnat 2021 qui débute le 14 août, il faut s’attendre encore à une équipe majoritairement étrangère ?

Pour cette année, nous sommes sur une politique différente. Nous voulons essayer de prendre davantage de joueurs locaux, régionaux et qui évoluent en France.

Vous pourrez vraiment aligner une équipe compétitive face à la puissance des meilleurs clubs du Top 14 ?

Les clubs du Top 14 sont handicapés aussi. Ils ont un championnat qui dure 11 mois sur 12. Lorsque le championnat de rugby à VII va débuter, en août 2021, ils seront alors dans une phase de pré-saison. C’est très difficile pour eux. Ils seront dans une période d’athlétisation, ce qui leur permettra de préparer leurs joueurs au championnat de Top 14 qui débutera le 4 septembre 2021 et qui se terminera le 25 juin 2022.

Les clubs de Top 14 vont vraiment jouer ce championnat de rugby à VII à fond, alors que la priorité pour eux reste le championnat de France de rugby à XV et le bouclier de Brennus, qui récompense l’équipe victorieuse de cette compétition ?

Les clubs de Top 14 sont des compétiteurs. Ils ont envie de gagner. Je connais quelques personnes dans différents clubs. Ils ne feront pas l’impasse. J’ai un très bon ami qui est directeur sportif du Racing 92 : il s’agit de Yannick Nyanga. En février 2020, le Racing a gagné le dernier tournoi à VII à Paris La Défense Arena. Leur objectif, c’est donc de se qualifier pour la finale prévue en novembre 2021. Or, en gagnant l’un des trois tournois du mois d’août 2021, ils seront automatiquement qualifiés. Du coup, je vois mal certaines équipes du Top 14 ne pas vouloir jouer le jeu.

Ce championnat de rugby à VII n’est-il pas vu par les clubs de Top 14 comme une compétition obligée « en plus », dans un calendrier rugby déjà surchargé ?

La LNR est présidée par l’ensemble des présidents du Top 14 et de Pro D2. Il y a donc eu un vote au sujet de la création de ce championnat de Supersevens. Ce qui prouve leur envie de participer. Le rugby à VII est un nouveau produit. De son côté, le rugby à XV, c’est un peu le papa. Et là, avec le rugby à VII, on a le petit fiston fougueux qui est au JO depuis 2016, et qui s’aventure désormais sur de nouveaux territoires. Quand on sait que le football est présent sur l’ensemble des territoires, y compris des territoires que l’on n’aurait pas imaginés, le seul moyen pour le rugby de promouvoir sa propre marque, c’est de passer par le rugby à VII. Parce que c’est le sport qui a le plus de potentiel.

Quelles sont les grandes différences entre le rugby à VII, à XIII et à XV ?

Je passe aussi du temps en Australie, où je travaille avec une équipe de rugby à XIII (1). Le XIII est très porté sur la défense, donc la façon de préparer les matches est centrée sur l’analyse des systèmes défensifs. De son côté, le rugby à XV est un sport où il y a beaucoup de puissance, notamment pendant les mêlées fermées. C’est aussi un sport où il y a énormément de règles. Enfin, le rugby à VII est très dynamique. Il repose beaucoup sur la vitesse et les espaces. Bref, le rugby à VII a tout ce que j’aime, moi qui suis un joueur de rugby toulousain, né à Toulouse. On dit d’ailleurs « jeux de mains, jeux de Toulousains », ce n’est pas pour rien [rires]… Le rugby à VII est agréable à regarder, et agréable à jouer aussi. Car il y a énormément d’essais et énormément de spectacle. Du coup, un amateur de rugby va vite s’amuser avec du rugby à VII. On peut regarder un match toutes les 15 minutes et faire la fête dans les stades. Puisque le rugby à VII est aussi beaucoup porté sur “l’entertainment” [le divertissement – NDLR].

Qu’avez-vous fait pendant la pandémie de Covid-19 qui a largement paralysé le monde sportif ?

Pendant la crise sanitaire, le monde du sport s’est arrêté. La filière sport a encaissé un gros choc. Avec le Monaco Rugby Sevens, nous en avons donc profité pour commencer à travailler sur la formation, avec la création d’une académie de rugby à VII, en lien avec la FFR [à ce sujet, lire l’interview du président de la FFR, Bernard Laporte « Monaco donne une autre consonance au rugby », dans ce dossier — NDLR]. Bernard Laporte, le président de la FFR, et notre président, Emmanuel Falco, ont officialisé le lancement de ce projet. C’est très positif pour notre club, et pour l’équipe nationale monégasque. Car demain, dans notre académie à VII, nous voulons pouvoir former des joueurs sud-africains, kényans, français ou autres.

« J’espère pouvoir ajouter une ou deux surprises, avec un ou deux joueurs internationaux. J’attends leur accord. Il s’agit de deux stars du rugby mondial »

L’AS Monaco et le monde du football sont en général assez peu prêteurs de leurs stades et de leurs pelouses pour le rugby : comment parvenir à vous développer sans stade ?

Pour nos entraînements, nous utilisons le stade du Devens, à Beausoleil. Les trois tournois de ce Supersevens 2021 auront lieu à Aix-en-Provence le 14 août, à Toulouse le 21 août, et à La Rochelle le 28 août. Si en 2022 Monaco veut se positionner pour organiser un tournoi de ce championnat de rugby à VII, pourquoi ne pas le faire pendant une période où le foot ne joue pas au stade Louis II ? Ce serait intéressant d’accueillir tous les clubs du Top 14 et les Barbarians en principauté.

A travers ce projet, Monaco cherche aussi de la visibilité : mais le rugby à VII reste très peu médiatisé, car il est beaucoup moins populaire que le rugby à XV ou même à XIII, et il génère beaucoup moins d’audience qu’un match du Top 14 ou du Tournoi des 6 Nations ?

Le Top 14 et le rugby professionnel en France font de belles audiences. Je travaille avec Canal+, et je vois que l’on attire parfois plus de 600 000 téléspectateurs. Pour les matches de l’équipe de France à XV, le Tournoi des 6 Nations est très regardé aussi chaque hiver, avec, par exemple, plus de 7 millions de téléspectateurs pour France-Ecosse, fin mars 2021. Mais le modèle du rugby à VII, c’est de faire venir du monde dans les stades. Donc, malgré la pandémie de Covid-19, on espère que les jauges dans les stades seront peu à peu revues à la hausse. Car les gens ont envie de faire la fête. Lors du précédent tournoi de Supersevens, en février 2020 à Paris La Défense Arena, le stade était plein. Il y avait donc environ 30 000 personnes. Et puis, pour la couverture médiatique, le Supersevens a un diffuseur : il s’agit de Canal+. Enfin, il faut aussi prendre en compte la présence du rugby à VII sur les réseaux sociaux, comme Instagram, par exemple.

© Photo Axel Bastello / Palais Princier.

« Le modèle économique de l’ASM Rugby doit être viable sur le long terme. Car avoir un investisseur qui vient pendant quatre ans pour injecter de grosses sommes, et qui part ensuite parce qu’il trouve qu’il a perdu trop d’argent, c’est du trop court terme »

Au niveau international, il existe une coupe du monde de rugby à VII ?

Il existe un circuit de rugby à VII, qui s’appelle le World Series, et qui oppose chaque année les meilleures équipes au monde, comme la Nouvelle-Zélande ou les Fidji, par exemple. Des étapes des World Séries ont lieu un peu partout dans le monde, notamment à Hong Kong, Dubaï ou Las Vegas. Le champion des World Series est donc le champion du monde de rugby à VII.

Vos objectifs pour ce championnat de Supersevens, qui débutera à Aix-en-Provence le 14 août 2021 ?

Sur les trois tournois du mois d’août 2021, on aimerait en gagner un. Et forcément, on aimerait se qualifier pour la finale, qui se déroulera en novembre 2021.

En ce qui concerne le rugby à XV, voir l’ASM Rugby atteindre un jour le Top 14, c’est possible ou c’est fantaisiste ?

Ce n’est pas fantaisiste. C’est toujours une question de moyens. Pour accéder à la Pro D2, il faut un budget entre 5 et 7 millions d’euros. Ensuite, quand on est en Pro D2, il faut un budget entre 10 et 15 millions pour espérer monter en Top 14. Enfin, en Top 14, pour jouer les premiers rôles, il faut un budget à plus de 30 millions. Le “salary cap” [plafond salarial — NDLR] est actuellement de 11 millions d’euros. Je pense que l’objectif, c’est de l’abaisser à 10 millions d’ici deux ou trois ans. Mais il reste ensuite à régler toutes les charges structurelles d’un club de rugby. Aujourd’hui, quand on voit le stade du Devens et l’évolution de l’ASM Rugby, ça peut être un objectif à long terme. Mais c’est possible.

« On se souvient de mécènes du rugby comme Pierre Martinet à Bourgoin, qui avait un produit à vendre [Pierre Martinet commercialise des salades prêtes à consommer – NDLR], ou de Capgemini avec Serge Kampf (1934-2016) à Grenoble  et à Biarritz, par exemple. Ce sont des passionnés »

Il faudrait trouver un mécène à Monaco qui viendrait financer et accompagner la montée de l’ASM Rugby en Top 14 ?

En général, les mécènes sont des passionnés de rugby, qui ont envie de vivre une aventure. Ce sont donc effectivement des gens capables de mettre beaucoup d’argent dans un club. Quand on regarde l’ASM Rugby, on sent que ce club a des bases solides et un ADN que l’on ne peut pas lui enlever. Ensuite, son modèle économique doit être viable sur le long terme. Car avoir un investisseur qui vient pendant quatre ans pour injecter de grosses sommes, et qui part ensuite parce qu’il trouve qu’il a perdu trop d’argent, c’est du trop court terme. En parallèle, on peut aussi travailler sur une marque à valoriser : parce que d’un point de vue marketing, un club de rugby, c’est exceptionnel. Ça touche des fans, il y a une audience… On se souvient de mécènes du rugby comme Pierre Martinet à Bourgoin, qui avait un produit à vendre [Pierre Martinet commercialise des salades prêtes à consommer – NDLR], ou de Capgemini avec Serge Kampf (1934-2016) à Grenoble et à Biarritz, par exemple. Ce sont des passionnés.

Pourquoi ces mécènes investissent autant d’argent dans le rugby, parfois sans aucun retour ?

Le rugby peut leur rappeler des émotions de leur enfance. Et puis, il y a des choses qui ne s’expliquent pas. On sait qu’ils peuvent tout mettre en termes de moyens financiers. Et souvent, ils mettent tout.

1) Depuis janvier 2021, Frédéric Michalak est entraîneur de rugby à XIII en Australie. L’ancien ouvreur du quinze de France a intégré l’équipe des Sydney Roosters, qui ont remporté le championnat australien de rugby à XIII en 2018 et en 2019. Depuis septembre 2018, Frédéric Michalak est aussi consultant rugby pour Canal+, dans le cadre du Canal Rugby Club d’Isabelle Ithurburu et Sébastien Chabal.