jeudi 25 avril 2024
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L’UPM, c’est reparti

Publié le

Photo groupe UPM Mars-2011
© Photo D.R.

Après avoir été désintégrée l’an passé, l’Union pour Monaco, fruit de l’alliance entre l’Union pour la Principauté et l’Unam, se remet en selle pour 2013. Le 4 avril, l’UDM Jean-François Robillon sera donc opposé à l’UPM Anne Poyard-Vatrican.

D’aucuns diront que c’était cousu de fil blanc. L’UPM, qui avait volé en éclats en 2010, renaît de ses cendres. Le 29 mars, l’UP et l’Unam, les deux partis qui s’étaient alliés en 2003 et en 2008, ont tenu une conférence de presse commune pour annoncer qu’ils recollaient les morceaux. « Nous avons été évincés par un groupe de parlementaires de l’UP qui aujourd’hui fait scission. Il n’y a plus rien qui empêche de reformer l’union », indique sobrement le président de l’Unam, Eric Guazzonne. Avant d’ajouter?: « Le 4 avril, nous serons la première force d’opposition au conseil national et une force de proposition. » Car à court terme, dans cette reconfiguration totale du paysage politique monégasque, l’enjeu se situe bien le 4 avril, jour de l’élection du président du conseil national. On sait désormais qu’il y aura deux candidats?: Jean-François Robillon (désormais élu Union des monégasques – UDM) et Anne Poyard-Vatrican (UP et donc désormais à nouveau UPM).

Logique mathématique

Mathématiquement, Jean-François Robillon devrait logiquement l’emporter. Il compte en effet sur le soutien des membres fondateurs de l’UDM, qui ont choisi de le suivre?: Gérard Bertrand, Alexandre Bordero, Jean-Charles Gardetto, Pierre Lorenzi, Bernard et Roland Marquet, Guillaume Rose, Nicole Manzone et Fabrice Notari. Voire de Catherine Fautrier, si elle n’est pas obligée de respecter un devoir de réserve en tant que futur ambassadeur pour la Chine et l’Australie. Tandis que Anne Poyard-Vatrican mise sur les voix de l’élue UP restant à ses côtés, Brigitte Boccone-Pagès, des 4 élus Unam (Claude Cellario, Michèle Dittlot, Philippe Clérissi et Eric Guazzonne) et sur celle de Pierre Svara (indépendant jusqu’à ce jour). Ce qui représente 10 à 11 voix contre 7. Il serait en effet plus logique de s’abstenir pour les 3 élus Rassemblement & Enjeux Laurent Nouvion, Christophe Steiner et Marc Burini, afin de ne pas perturber leur électorat. Voire même pour Christophe Spilotis-Saquet même si le doute plane encore sur son vote.

Appel du pied

Mais la reformation de l’Union pour Monaco, qui avait généré la victoire en 2003 et 2008, pourrait bien être gagnante sur le long terme. Et surtout sur l’échéance électorale de 2013. L’UPM dispose toujours d’une certaine visibilité et d’une machine de guerre partisane avec l’UP. D’autant que l’Union ne compte pas s’arrêter à l’Unam. Anne Poyard-Vatrican lorgne sur les « membres de Monaco 2029 » — et donc sur Bernard Pasquier – mais aussi sur le cercle de réflexion dit apolitique de Thomas Giaccardi. Les partis en sommeil tels que le Parti monégasque et Promotion de la famille monégasque sont dans le viseur. Reste à savoir s’ils répondront à l’appel de cette union qui, pendant longtemps, a eu du plomb dans l’aile.

En attendant 2013, il faudra trouver son positionnement. Car aujourd’hui, qu’ils soient membres de l’Union des monégasques ou de l’UPM, tous se prévalent du programme UPM. « Je ne doute pas que les schismatiques de l’UDM se réclament du même programme. En 2013, les Monégasques jugeront sur les faits. Comment ces élus pourront-ils justifier qu’ils défendent le programme sans réussir à le réaliser », lance ainsi Jean-Michel Cucchi, membre du comité directeur de l’UP. Et de citer en exemple?: « Quel programme de logements domaniaux va être réalisé dans les délais?? Et le secteur intermédiaire, alors que le sujet n’est plus brocardé par le gouvernement, qu’attendent-ils pour pousser à la roue?? » Un Jean-Michel Cucchi, ex-président de la commission des finances lors du mandat 2003-2008, que beaucoup pressentent pour conduire la liste en 2013 : « Le problème ce n’est pas de savoir si ce sera Cucchi en 2013, rectifie l’ancien élu UP, proche de Stéphane Valeri. Il y a plusieurs personnes capables d’occuper le poste de président du conseil national. Mais le conseil a besoin de gens ayant un sens politique, du temps et de l’envie. » Pour ce radiologue, la vie politique monégasque a changé et doit se professionnaliser?: « On ne peut pas être un radiologue ou un cardiologue qui fait de la politique. Aujourd’hui, un conseil national fort, cela exige des hommes politiques forts à plein temps. Le capitaine d’un navire doit être là tout le temps. » Un message que recevra certainement de plein fouet le cardiologue Jean-François Robillon.

Sophie Lavagna démissionne

Reste que cette division au sein du conseil national aura eu des dommages collatéraux. Mardi soir, nous apprenions ainsi qu’agacée par cette situation, la présidente de la commission législation du conseil national Sophie Lavagna avait rendu son tablier. Dans un communiqué, elle indique que « les querelles partisanes de ces derniers mois lui semblent desservir profondément l’intérêt de Monaco et des Monégasques qu’elle s’était engagée à servir, surtout dans le contexte économique actuel. Dans son esprit, la bonne gestion du conseil national commande qu’une certaine rigueur et des principes élémentaires de cohésion soient respectés, ce qui n’est pas le cas actuellement. » Avant de conclure qu’elle ne saurait, « dans ce contexte, participer à ces actions qui lui semblent non seulement délétères mais également dangereuses pour l’avenir de Monaco et des Monégasques. » Une démission qui s’ajoute au départ de Stéphane Valeri l’an passé et au prochain retrait de Catherine Fautrier. Ce qui laisse méditer sur l’article 23-1 de la loi d’organisation du conseil national, qui prévoit que si « le conseil national se trouve privé de quatre de ses membres au moins, il est procédé, dans les trois mois à dater de la dernière vacance, à des élections complémentaires pour le temps qui reste à courir avant le renouvellement de l’assemblée (1). »

(1) L’article 23-1 de la loi d’organisation du conseil national prévoit aussi que si « Dans le cas où quatre à treize postes seraient laissés vacants, les listes en présence doivent comporter autant de candidats qu’il y a de sièges à pourvoir. Au-delà de treize postes vacants, les listes en présence doivent comporter un nombre de candidats au moins égal à celui correspondant au chiffre de la majorité absolue au sein de cette assemblée soit treize, classés par ordre alphabétique. Les deux tiers des sièges sont attribués au scrutin majoritaire, le tiers restant est attribué au scrutin proportionnel. Le cas échéant, le nombre de sièges à pourvoir au scrutin majoritaire d’une part, et au scrutin proportionnel d’autre part, est calculé en arrondissant le résultat de la répartition au plus proche nombre entier par excès ou par défaut. »

Anne Poyard-Vatrican
Anne Poyard-Vatrican © Photo Sébastien Darrasse.

L’UP revendique son leadership

L’UP, qui a tenu son assemblée générale le 24 mars dernier, compte bien rester la première force politique du pays.

Alexandre Bordero, Fabrice Notari, Gérard Bertrand… Leur nom était bien écrit noir sur blanc sur les premières rangées du public de l’assemblée générale de l’Union pour la Principauté, le 24 mars dernier, histoire de symboliser « la politique de la chaise vide » pratiquée par les élus UP démissionnaires. Pour bien démontrer que les absents ont toujours tort, la présidente de l’UP tout comme le maître de cérémonie, Eric Cicéro, ne se sont pas privés de rappeler aux adhérents de l’UP à quel point les fondateurs de l’Union des Monégasques, ex-UP, « les ont trahis ». « Il était prévu que nous fassions une assemblée générale et que chaque courant puisse s’exprimer et que les adhérents choisissent, souligne Anne Poyard-Vatrican. Huit élus avaient déjà fait acte de candidature. Mais finalement, ils ont fait le choix de fonder un nouveau parti, sans adhérents, sans références, sans même vous en parler. » Avant de lancer aux militants?: « Pourquoi avoir méprisé les adhérents, s’ils veulent vous voir adhérer à leur parti?? »

Chasse aux adhérents

Car dans cette reconfiguration du paysage politique monégasque, l’heure est bien à la chasse aux adhérents. Si dans un communiqué, l’UDM annonce en avoir déjà rassemblé une centaine, l’UP, elle, compte ses brebis. 700 sympathisants, 400 adhérents à jour de cotisation et 270 votants (dont 200 physiquement présents) le jour de l’AG. Pas question de céder du terrain. Et pour cela, il faut motiver les troupes. On l’accuse d’être à l’origine du divorce?? Anne-Poyard Vatrican s’affiche comme une fédératrice?: « Ce sont eux qui ont renié notre père fondateur Stéphane Valeri et fait la chasse à l’Unam. Comme des enfants gâtés ils ont cassé le jouet conseil national. Certains élus ont même tenté un putsch sur le parti… » On laisse planer des doutes sur « sa gestion trouble »?? Le trésorier Franck Julien monte au créneau?: « On a essayé de vous manipuler. Très franchement, c’est minable d’avoir voulu jeter le discrédit sur notre présidente. Il y a eu du retard dans le paiement des cotisations sociales mais est-ce que ça justifie que les élus, contrairement à ce que prévoit la charte du candidat, ne versent plus une partie de leurs indemnité pour assurer la vie du parti depuis septembre, et, pour certains d’entre eux, depuis avril 2010?? Nos amis ont préféré partir avec la caisse (soit 62?000 euros, ndlr). » Quant aux pressions et aux chantages exercés sur les militants, là aussi, Anne-Poyard veut rétablir sa vérité?: « Pour proférer de telles accusations, il faut des preuves. Or, moi j’ai des preuves de pressions sur le personnel du conseil national… »

La référence au « père fondateur »

Mais pour motiver les troupes, rien de mieux que de « retrouver la flamme » et de revenir aux origines. Notamment en établissant comme référence constante, presque à outrance, « le père fondateur et leader charismatique Stéphane Valeri ». Tout en se tournant vers le futur?: « C’est l’assemblée générale du renouveau, martèle Eric Cicéro. L’UP n’est pas affaiblie mais renforcée. » Car pour Anne Poyard-Vatrican, le moteur d’un parti, ce sont ses adhérents. Et certainement pas l’argent?: « Quand nous sommes partis en 2001 nous n’en avions pas. Nous étions les « va-nus-pieds » de la politique en face des forces de l’argent… c’est ce qui nous a porté, c’est ce qui nous a fait gagner », insiste la présidente. Une présidente qui ne cache pas ses ambitions pour l’élection du 4 avril à la tête de l’assemblée?: « Le conseil national s’est au fil des mois recroquevillé sur lui même, il doit reprendre son ampleur son éclat. Contre la bureaucratie tatillonne, les dossiers plombés par la logique inhumaine d’une administration galopante… quel recours pour le simple monégasque?? Nous devons impérativement rester à l’écoute. » Ce qui ne serait pas le cas aujourd’hui?: « L’un d’entre nous me disait l’autre jour?: « je suis allé voir le président du conseil national pour un problème technique absurde, il lui suffisait de donner un coup de fil pour dénouer la situation, sans passe-droit… sans favoritisme », il m’a répondu, sèchement, mais je ne suis pas là pour régler les problèmes personnels… » Mais ce n’est pas tout. Accusée de clientélisme, la présidente s’est même risquée sur un terrain glissant, lors d’une longue tirade?: « Je lis une phrase du Président?: « on ne va pas se targuer de nommer Madame Truc à telle fonction ou d’aider Monsieur Machin ». Pauvre Madame Truc et pauvre Monsieur Machin. J’ai regardé les fichiers, ils ne sont pas adhérents mais ils sont les bienvenus. Je voudrai dire à Mme Truc « si vous méritez ce poste nous vous appuierons » et quant à vous M. Truc, si vous avez besoin d’être aidé surtout venez me voir. Le nouvel UND enfin UDM, ils appellent ça le clientélisme… Entre nous, si vous êtes la clientèle, ils vont vite faire faillite, car leur rideau est baissé toute la journée?! »

En ordre de bataille

En tout cas, l’UP compte bien se mettre en ordre de bataille pour 2013. « Nous allons travailler pour qu’en 2013, les fantômes du passé ne réapparaissent pas. Car il faut être clair et ne pas se tromper d’adversaire, tonne la présidente de l’UP. Si l’énergie dépensée à mettre les choses au clair au sein de l’UP est fondamentale aujourd’hui, si cela paraît laisser du champ libre à R&E, c’est pour que nous soyons demain en capacité leur barrer la route de 2013. » Avant de tacler au passage l’opposition parlementaire et son leader Laurent Nouvion?: « Voulez-vous le retour du clanisme?? Voulez-vous que Monaco se noie dans un espace européanisé neutre et gris?? Voulez vous le retour de l’hyper libéralisme?? A les entendre, il faudrait imaginer un Monaco réservé aux grosses fortunes. La politique d’un pays ne s’achète pas forcément avec des millions, il ne suffit pas de côtoyer les salons dorés pour comprendre la réalité des familles monégasques et où se situe la stabilité d’un pays. »

Poyard réélue
C’est exceptionnellement à main levée qu’ont été élus les membres du comité directeur 2011?: Jessica Alessandri, Thierry Avias, Claude Berni, Jean-José Bertani, Laurence Blanchi-Ticchioni, Brigitte Boccone-Pagès, Pascale Bruno, Stephan Bruno, Jean-Pierre Campana, Georges Castellano, Eric Cicero, Grégoire Commeau, Isabelle Contenseau-Realini, Thierry Crovetto, Jean-Michel Cucchi, Joseph Deri, Jean-Charles Emmerich, Rainier Escarras, Martine Geninazza-Bache, Franck Julien, Gérard Lallemand, Jacqueline Marschner, Fabienne Médecin, André Micallef, Massimo Michelis, Anne Poyard-Vatrican, Patrick Rinaldi, Chjristophe Robino, Christine Soriano et Didier Verrando. Le comité directeur a réélu Anne Poyard-Vatrican à la présidence du parti le 28 mars.

Laurent Nouvion, leader de Rassemblement & Enjeux
Laurent Nouvion, leader de Rassemblement & Enjeux : « C'est l'hôpital qui se fout de la charité?! Les clans, actuellement, je crois que ce sont les élus de l'UPM en 2008 qui en sont désormais les tenants?! » © Photo Monaco Hebdo.

“Cette situation est déplorable”

Face aux unions et divisions, Laurent Nouvion, leader de Rassemblement & Enjeux se contente de compter les points. Pour l’instant.

Monaco Hebdo?: Comment définissez vous ce qui se passe en face?? Selon vous, la zizanie continue ou au contraire les choses s’éclaircissent??

Laurent Nouvion?: Tout d’abord, ces règlements de comptes en public ne font pas honneur aux conseillers nationaux concernés. Pour tout dire, cette situation est déplorable sur la forme. Sur le fond, il est intéressant de voir de quelle manière l’UP a acté sa scission. Ce qui est cocasse, c’est de se retrouver avec 3 formations désormais (UP, UNAM, UDM) qui revendiquent toutes les trois l’application d’un programme identique – d’aucuns pourraient parler du « programme commun ». Nous remarquons simplement que pour mobiliser ce qui reste de leurs adhérents, les dirigeants de l’UP n’ont pas hésité à attaquer notre mouvement et notre démarche. C’est regrettable mais cela traduit un malaise interne très profond. Pour finir, les choses s’éclaircissent en effet. D’un côté les affranchis, de l’autre les valets, comme je l’ai déjà dit. Du côté des valets, on s’attendait au ralliement des opportuno-centristes de l’UNAM.

M.H.?: Vous en tirez avantage?? Avez-vous constaté des adhésions supplémentaires, fruit de cette pagaille ambiante, chez R&E??

L.N.?: Nous enregistrons des adhésions spontanées y compris d’anciens adhérents de l’UP. Mais je crois que c’est surtout le fruit d’un travail d’organisation, de construction et le résultat d’une démarche ouverte, large, rassemblée et unie. Nous avons fait ce qu’il fallait et nous sommes aujourd’hui selon toute vraisemblance le premier mouvement monégasque en nombre d’adhérents réels. Les Monégasques veulent de la stabilité et détestent ce genre d’ambiance délétère. De notre côté nous continuons de travailler pour préparer les prochaines échéances de 2013. Nous fonctionnons comme un club de réflexion structuré, où tout le monde peut participer.

M.H.?: L’UDM et l’UP vous positionnent comme l’adversaire à battre en 2013. Anne Poyard-Vatrican vous taxe de vieux conservateurs en menaçant d’un « retour du clanisme » si vous passez. Votre réaction??

L.N.?: Je vais être un peu trivial mais « c’est l’hôpital qui se fout de la charité?! ». Les clans, actuellement, je crois que ce sont les élus de l’UPM en 2008 qui en sont désormais les tenants?! Nous avons complètement rénové le mouvement depuis 2008 et Madame Poyard n’a pas d’autre angle d’attaque que de brandir des chiffons rouges façon « au secours la droite revient?! ».

M.H.?: On vous reproche de critiquer sans apporter d’idées nouvelles. A quand des propositions de loi signées R & E et sur quoi??

L.N.?: D’abord, le conseil national doit se pencher au plus vite sur les sujets centraux des 20 prochains mois avec le gouvernement. Tout le monde peut faire des propositions à la marge mais il faut d’abord remplir correctement notre rôle d’élu en prenant à bras-le-corps les sujets d’importance nationale comme l’hôpital, le logement, la nationalité ou le développement économique. Il faut que le conseil national se mette enfin au travail?! Je vous confirme que les idées nouvelles et de bon sens sont bel et bien chez nous. Les Monégasques veulent aujourd’hui être entendus et souhaitent un discours de vérité. Des propositions de loi viendront bien sûr accompagner des positions courageuses et fidèles à nos valeurs.