vendredi 19 avril 2024
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Philippe Ortelli : « Le droit monégasque n’est pas adapté à la situation économique en Europe »

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Le président de la Fédération des entreprises monégasques (Fedem), Philippe  Ortelli, redoute de nombreuses suppressions d’emplois à venir. Et donne quelques propositions de la Fedem pour la rentrée.

Vous aviez annoncé 8 000 suppressions d’emplois dans vos prévisions : comment a été fait ce calcul ?

J’avais annoncé entre 3 000 et 5 000. Je n’ai jamais parlé de 8 000. Il y a eu une erreur. C’est tout simplement une règle de trois par rapport à la baisse de PIB annoncée en France. Le calcul s’est fait ainsi : une baisse de 10 % du PIB, 10 % de 50 000 emplois, ça fait 5 000. Comme je considère que certains secteurs d’activité sont plus préservés comme le bâtiment, la banque, et l’immobilier, je me dis qu’on sera plus proche des 3 000 que des 5 000.

Comment préserver l’emploi à Monaco ?

Il ne faut pas se faire d’illusions. Il y a des métiers en grande difficulté aujourd’hui et qui ont besoin de réorganiser leur structure sociale de telle manière à survivre économiquement à cette crise. Maintenant la Fédération des entreprises monégasques (Fedem) a fait des propositions au gouvernement pour trouver des solutions raisonnables qui permettent de maintenir l’emploi au maximum. Elles sont en discussion. Ce n’est pas le lieu pour en parler. Déjà, il faut attendre un petit peu qu’il y ait un débat constructif entre les partenaires sociaux, le gouvernement, etc. Le premier rendez-vous s’est bien passé. Nous sommes naturellement pour préserver l’emploi en principauté au maximum. Les entreprises, ça leur coûte très cher de licencier, et ce n’est que la dernière extrémité. Se séparer d’un collaborateur, c’est toujours une déchirure pour un chef d’entreprise. Il y a des contraintes, des problématiques majeures.

Qu’est-il mis en œuvre avant que le licenciement intervienne ?

Naturellement, la réduction de tout coût supplémentaire. Malheureusement, le droit monégasque n’est pas adapté à la situation économique en Europe aujourd’hui, puisque nous sommes dans l’état où était la France en 1980. Les accords de compétitivité, les accords d’entreprise, ça n’existe pas à Monaco. Tout cela nous pose un vrai problème pour pouvoir adapter l’entreprise à ces moments difficiles.

Une baisse des dividendes, et des hauts salaires est-il envisagée pour éviter de licencier ?

Les chefs d’entreprises dans les secteurs en grande souffrance ne prennent pas de rémunération. J’ai encore eu quelqu’un dans la formation professionnelle hier, ça fait trois mois qu’elle ne s’est pas versée de salaire. Et les dividendes se distribuent une fois par an. Ils seront calculés sur l’exercice 2020. Pour qu’il y ait des dividendes distribuables, il faut qu’il y ait du bénéfice. Sans bénéfice, pas de dividendes. Aujourd’hui, les chefs d’entreprises se demandent comment ils vont faire du chiffre d’affaires pour payer les salaires du mois d’après. Avant même le dividende, il y a la notion de “cash-flow”. Là, il est négatif.

© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo.

« La Fedem a fait des propositions au gouvernement pour trouver des solutions raisonnables qui permettent de maintenir l’emploi au maximum. Elles sont en discussion »

Le chômage total temporaire renforcé (CTTR) est maintenu jusqu’en octobre 2020 : vous y êtes favorable ?

Oui, mais le gouvernement ne rembourse pas l’intégralité du CTTR et demande aux entreprises depuis le 1er août 2020 de financer d’abord 10 %, puis 20 % en septembre la part de CTTR. Nous pensons que la manière de calculer le CTTR n’est pas la bonne. Effectivement, il doit être diminué. Pas salarié par salarié, mais globalement, pour la masse salariale de l’entreprise, pour adapter l’aide au maintien de l’emploi. L’idée, c’est de mettre tout le monde à 50 % du temps, et le reste du temps c’est du CTTR. Ça permet de maintenir tous les emplois, en ayant chaque heure travaillée payée, utile en proportion de l’activité.

Quant au maintien du télétravail assoupli jusqu’en décembre 2020 ?

Un certain nombre de syndicats professionnels se plaignent de la très forte baisse d’activité que ces 10 000 salariés [le nombre actuel de salariés en télétravail — N.D.L.R.] qui ne consomment plus à Monaco, amènent dans leurs entreprises. On s’aperçoit là que Monaco est anti-keynésien. Au lieu d’avoir une dépense qui amène de la consommation à Monaco, cet argent est dépensé à Nice, à Cannes et à Menton. Ça ne fait pas tourner l’économie monégasque.

Comment relocaliser l’économie ?

Déjà, en écoutant la Fedem, qui, depuis des années, demande que les salariés retrouvent des logements d’actifs autour de Monaco. On peut augmenter le nombre de logements d’actifs de manière sensible, et permettre, mais c’est un travail de long terme, à ces salariés de vivre à côté de Monaco. Et de descendre en bus, en vélo, à pied, donc sans voiture, sans pollution, et avec une qualité de vie supérieure. Puis, de consommer à Monaco, et de générer de la TVA pour la principauté.

Que pensez-vous de la proposition du gouvernement sur le stage de pré-embauche ?

Je pense que ce n’est pas le cœur du problème. Aujourd’hui, on n’a pas d’activité, donc d’abord on donne du travail à nos salariés. C’est une mesure de moyen terme et de long terme pour reformer des salariés qui vont perdre leur travail dans certains secteurs et leur donner un autre métier dans un autre secteur. Mais ce n’est pas pour les trois prochains mois. C’est bien, mais ce n’est pas le cœur du problème.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous ?

Nous souhaitons sortir de la sinistrose et être fiers de ce que nous avons fait durant cette crise. Avec une mortalité très réduite, des lits d’hôpitaux en grande quantité, des comportements responsables malgré tout et des statistiques de qualité. La population résidente et salariée s’est parfaitement comportée. Il faut le mettre en avant pour dire à Monaco : « On est sérieux ». Et donner envie aux gens de continuer à sortir à Monaco. De consommer à Monaco, de vivre à Monaco, et de relancer l’économie par la consommation. Pour cela, il faut sortir de cette peur-panique. Il faut relativiser, et adapter les mesures à la réalité de l’épidémie. Et ne pas diffuser des peurs qui vont amener les consommateurs à rester chez eux, à ne pas consommer, et à ne pas faire tourner l’économie. Comme l’a dit dans d’autres circonstances le pape Jean Paul II, « N’ayez pas peur ! ».

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