samedi 20 avril 2024
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Culture Sélection de février 2023

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Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées, et musique.

Junk Head, de Takahide Hori

3 385. Ce film d’animation signé du Japonais Takahide Hori est un OVNI. Né en 1971, ce réalisateur est avant tout un peintre, mais aussi un passionné de marionnettes. Takahide Hori s’est lancé dans le cinéma par le biais d’un premier court-métrage, Junk Head 1, récompensé en 2014 par le prix du meilleur film d’animation au festival de Clermont-Ferrand. D’une durée de 1 h 41, Junk Head est donc une suite de Junk Head 1. Faisant appel à la technique de “stop motion”, on suit les aventures de Parton, en 3385. Alors qu’un virus menace, Parton est envoyé en mission dans des sous-sols, chez les Marigans. Ces créatures immortelles pourraient apporter un début de solution. Mais rien ne va se passer comme prévu. Techniquement, c’est très beau, même si le récit n’est pas toujours évident à suivre.
Junk Head de Takahide Hori, avec Takahide Hori, Yuji Sugiyama, Atsuko Miyake (JAP, 2022, 1 h 41), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).

Pacifiction, d’Albert Serra

Tahiti. A 47 ans, le réalisateur espagnol Albert Serra, s’est fait remarquer avec Pacifiction. Son film a alimenté les discussions lors du festival de Cannes 2022. Dans ce long-métrage, Benoît Magimel incarne De Roller, un haut-commissaire de Tahiti, plongé au contact d’une population locale qu’il ausculte en permanence. Un sous-marin aurait été aperçu, ce qui fait renaître des rumeurs d’une reprise des essais nucléaires français. Entre enjeux géopolitiques, intérêts purement locaux, et directives de l’Etat français, le film d’Albert Serra navigue dans des eaux troubles. Benoît Magimel est absolument remarquable. Il campe avec efficacité un haut-commissaire à la dérive. Entre thriller politique et film sensible, Pacifiction aurait mérité mieux à Cannes.
Pacifiction d’Albert Serra, avec Banoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Marc Susini (ESP, 2022, 2h45), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 7 mars 2023.

Armageddon Time, de James Gray

Queens. Dans les années 1980, James Gray nous plonge dans le quartier du Queens, où il nous raconte son enfance au sein d’une famille juive new-yorkaise. Le réalisateur du sublime Little Odessa (1994) évoque son amitié impossible avec un enfant noir. Le constat est d’ailleurs immédiatement posé. Dès les premières minutes, Paul se lie avec Johnny (Jaylin Webb), un élève noir, qui est constamment visé par les réprimandes de leur professeur principal. Chez lui, Paul est confronté aux visées sociales élevées que ses parents ont pour lui. Son seul échappatoire, c’est son grand-père Aaron (Anthony Hopkins), un survivant de la Shoah, avec qui il entretient une relation forte. Armageddon Time montre aussi les lâchetés, les trahisons, parfois silencieuses, vis-à-vis de son camarade afro-américain. Magnifié par la photographie de Darius Khondji, Armageddon Time est une réussite.
Armageddon Time de James Gray, avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta (Etats-Unis, 2022, 1 h 55), 16,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 16 mars 2023.

Coma, de Bertrand Bonello

YouTube. Bertrand Bonello est de retour avec Coma, un film dans lequel on suit une adolescente (Louise Labèque). Enfermée dans sa chambre, elle semble désœuvrée. Peut-être victime d’un confinement lié à la pandémie de Covid-19, elle passe le temps comme elle peut. Elle traîne sur Internet, elle appelle ses copines en « visio », ou imagine des fictions avec ses poupées. Et puis, elle fréquente la chaîne YouTube d’une influenceuse, Patricia Coma (Julia Faure). Cette dernière pousse ses abonnés à acheter toutes sortes de produits, et notamment un jeu de mémoire électronique, le « Révélateur », qui permet de rejoindre d’autres mondes. Le réalisateur de Saint Laurent (2014) s’interroge sur le rapport aux images qu’ont les jeunes, à l’heure où Internet et le numérique sont partout.
Coma de Bertrand Bonello, avec Louise Labeque, Julia Faure, Laetitia Casta (FRA, 2022, 1 h 20), 16,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 22 mars 2023.

Je suis dehors. Quelle vie pour les femmes après la prison? Evlire Emptaz

Je suis dehors. Quelle vie pour les femmes après la prison ?, d’Elvire Emptaz

Sortie. Elles sont quatorze et elles abordent un sujet dont on parle trop peu : la sortie de prison. Pendant une année, la journaliste Elvire Emptaz a recueilli le témoignage de ces femmes, et il est à la fois précieux et étonnant. Beaucoup font part d’un sentiment de peur, face à la sortie imminente qui les attend. Comment se réinsérer dans la vie sociale, comment prendre les transports en commun, comment trouver du travail, comment assumer le regard des autres, et parfois comment se libérer de la dépendance aux médicaments ? Autant de questions qui les hantent. Alors qu’elles ne représentent en France qu’un peu plus de 3 % de la population carcérale, leur sortie de prison est loin de provoquer l’euphorie que l’on pourrait imaginer. Démontrant ainsi que la réinsertion reste une question centrale.
Je suis dehors. Quelle vie pour les femmes après la prison ?, d’Elvire Emptaz (JC Lattès), 192 pages, 14,99 euros (format numérique), 19,90 euros (format papier).

Une éthique de la personnalité Agnes Heller

Une éthique de la personnalité, d’Agnes Heller

Discussions. Née à Budapest, la philosophe et sociologue hongroise Agnes Heller (1929-2019) a marqué par la richesse de son travail. Plus récemment, elle a aussi assumé une opposition intellectuelle à la politique du premier ministre hongrois, Viktor Orbán. Encore peu traduit en français, ce livre permet de se plonger dans la pensée d’Agnes Heller, à partir d’une question simple : comment l’existence d’une «bonne personne» est-elle possible ? Publié une première fois en anglais en 1996, Une éthique de la personnalité explique que, dans un monde où les principes manquent, la morale ne peut être qu’individuelle, à travers l’éthique de la personnalité. Divisé en trois parties, ce livre est notamment construit à partir de discussions entre des étudiants qui sortent d’une conférence d’Agnes Heller sur Friedrich Nietzsche (1844-1900) et Richard Wagner (1813-1883).
Une éthique de la personnalité, d’Agnes Heller, traduit de l’anglais et préfacé par Gilles Achache (Calmann-Levy), 576 pages, 27 euros.

Histoire d'un ogre Erik Orsenna

Histoire d’un ogre, d’Erik Orsenna

Conte. Dans Histoire d’un ogre, l’académicien Erik Orsenna cible Vincent Bolloré. Sans jamais le nommer, il propose un conte dans lequel il dénonce la montée en puissance du patron du groupe Vivendi sur le monde des médias et de l’édition. « Une partie de ma famille habite Quimper et j’ai vécu dans la légende de la famille Bolloré. J’ai eu beaucoup d’admiration pour Vincent Bolloré comme entrepreneur : sa façon de sauver l’entreprise familiale de papier, puis son engagement dans les batteries et les voitures électriques. Une première alerte a résonné quand il a étendu ses activités à Vivendi, et mis au pas Canal+», a expliqué Erik Orsenna à Télérama. Avant d’ajouter : « Pour un militant du livre comme moi, il y avait péril en la demeure à voir un entrepreneur devenu financier prendre simultanément le pouvoir sur les médias et sur l’édition. » Partant de ce constat, ce conte retrace l’itinéraire de Vincent Bolloré de façon féroce, ironique, et drôle.
Histoire d’un ogre, d’Erik Orsenna (Gallimard), 176 pages, 18,50 euros.

Qui a tué Roland Barthes. La septième fonction du langage

Qui a tué Roland Barthes ? La septième fonction du langage, de Xavier Bétaucourt, Olivier Perret, Paul Bona

Rire. Pour Qui a tué Roland Barthes, la septième fonction du langage, Xavier Bétaucourt s’est lancé dans l’adaptation d’un roman de Laurent Binet. Tout part d’un accident. Le philosophe, critique littéraire et sémiologue Roland Barthes (1915-1980) meurt, renversé par une camionnette. Accident ou meurtre ? Le commissaire Jacques Bayard penche pour la deuxième solution. Roland Barthes aurait été assassiné parce qu’il aurait mis à jour la septième fonction du langage, qui permet de pousser n’importe qui à faire n’importe quoi. Xavier Bétaucourt, Olivier Perret, et Paul Bona se sont inclus dans ce récit, émettant parfois des commentaires sur le déroulé du scénario. Sous ses faux airs de récit à la James Bond, cette BD provoque avant tout le rire. Et cela, en compagnie de Umberto Eco, Michel Foucault, Gilles Deleuze, Hélène Cixous (que Monaco Hebdo a interviewé par ici), Jacques Derrida, Bernard-Henri Levy, ou Philippe Sollers, notamment.
Qui a tué Roland Barthes ? La septième fonction du langage, de Xavier Bétaucourt, Olivier Perret, Paul Bona (Steinkis), 151 pages, 23 euros.

Mademoiselle Mozart Yoji Fukuyama

Mademoiselle Mozart, de Yōji Fukuyama

Fille. Le mangaka Yōji Fukuyama est parti de ce postulat : et si Mozart (1756-1791) était une fille ? Qu’est-ce que cela impliquerait ? Son père, Leopold, prend une décision : il estime qu’il faut absolument dissimuler cette information. A l’époque, la place des femmes élevées au rang de génies était plus que fragile, et cette décision permet à Wolfgang Amadeus Mozart de mener une carrière remplie de succès. Mais, s’il est bien gardé, ce mensonge pourrait voler en éclats. Car le compositeur Antonio Salieri (1750-1825) ne croit pas à cette histoire, et il menace de révéler la vérité. Initialement publiée au Japon dans le magazine Morning des éditions Kodansha en 1989-1990, cette série en trois volumes a été compilée en un seul tome par les éditions Akatombo. Enorme succès au Japon, Mademoiselle Mozart a aussi été adaptée en comédie musicale.
Mademoiselle Mozart, de Yōji Fukuyama, traduit par Dominique et Frank Sylvain (Atelier Akatombo), 552 pages, 10,80 euros.

A Comforting Notion (EP), Heartworms

Brut. Heartworms (Jojo Orme) frappe fort, et juste, avec son EP. A Comforting Nation comporte seulement quatre titres, mais on a été immédiatement subjugué par l’énergie dégagée par Retributions Of An Awful Life, et le clip vidéo réalisé par Niall Trask and Dan Matthews, qui l’accompagne. A la fois électronique, brut, et porté par le phrasé narquois de Jojo Orme, Retributions Of An Awful Life est une véritable bombe. Consistent Dedication, qui sert d’ouverture à ce disque, est d’une incroyable beauté, sublimé par la voix de Jojo Orme. Le titre suivant, A Comforting Nation, est traversé par les cris et la rage, pendant que 24 Hours vient clore superbement ce EP, que l’on écoutera en boucle, sans hésitation. Depuis la sortie de son premier single, What Can I Do, fin 2020, Jojo Orme n’en finit pas de confirmer toute l’étendue de son talent.
A Comforting Notion (EP), Heartworms (Speedy Wunderground), 3,99 euros (format numérique MP3), 5,49 euros (format numérique WAV/FLAC), 28,99 euros (vinyle).

Black, Cerulean Veins

Pop. Lancé en 2013 à San Diego par le duo post-punk Dustin Frelich et Amanda Toombs, Cerulean Veins vient de publier son quatrième album studio. Sobrement intitulé Black, il est bâti autour de 10 titres, et s’ouvre par le titre Infinite Love, un morceau très rythmé, soutenu par des guitares aériennes. Comme un contrepied au titre précédent, Love Won’t Save Us Now prend la suite, et reste sur un tempo de même niveau. Il faut s’aventurer jusqu’à Forever Tonight pour voir Cerulean Veins ralentir un peu, avant que Dance Human Dance ne prenne la suite pour remonter vers les sommets. A la fois entraînant et dansant, ce titre, qui est sans doute le morceau le plus prenant de ce disque, captive dès la première écoute. Au total, plus pop que triste, Black n’est pas si sombre que ça.
Black, Cerulean Veins (Cold Transmission Music), 10 euros (album numérique sur Bandcamp : ceruleanveins.bandcamp.com), 12 euros (cassette), 13 euros (CD), 22 euros (vinyle, édition limitée).

Optical Delusion, Orbital

Imparable. Et de dix pour le duo anglais Orbital, qui revient avec un dixième album studio, intitulé Optical Delusion. On se souvient de leur arrivée fracassante à la fin des années 1980, en pleine période acid house. L’an dernier, on avait adoré le joli coffret 30 Something, qui regroupait l’essentiel de leur travail et de leurs hits imparables, comme Chime (1989), Halcyon (2009), Belfast (1991), ou Satan (1991), par exemple. Depuis leurs débuts, en 1989, les frères Paul et Phil Hartnoll nous ont habitués à des albums sans concession. Optical Delusion ne fait pas exception, et propose 10 titres d’une techno aussi brute que festive. Ce qui n’empêche pas certains titres, comme Are You Alive ? ou Requiem for the Pre Apocalypse, d’être plus doux. Mais l’excellent, et imparable, Dirty Rat est là pour nous rappeler que Orbital est toujours d’une redoutable efficacité lorsqu’il s’agit de nous entraîner vers le dance floor.

Optical Delusion, Orbital (London Recordings/Because), 13,99 euros (CD), 29,99 euros (vinyle, édition collector).

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