vendredi 19 avril 2024
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Thomas Riqué :
« Le risque zéro n’existera jamais »

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Confronté aux lourdes conséquences de l’épidémie de Covid-19, le sport amateur monégasque souffre, à l’image de l’ASM Rugby. Faut-il craindre une baisse de budget, mais aussi des licenciés et des bénévoles ? Alors que le monde du rugby manque de visibilité pour la saison 2020-2021, le président de l’AS Monaco Rugby, Thomas Riqué, a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Comment se déroulait la saison de l’AS Monaco Rugby sur le plan sportif ?

Cette saison, notre équipe senior se battait pour se maintenir en Fédérale 3 [un échelon amateur équivalent à la 5ème division au rugby — N.D.L.R.], un échelon auquel nous avons accédé lors de la saison 2018-2019. Nous étions 8ème sur 12, ce qui est assez encourageant. L’équipe a fourni beaucoup d’efforts. Nos garçons ont beaucoup appris, tout comme l’ensemble du club, pendant cette saison. Malgré un début de saison assez compliqué, où on a perdu des matches de peu et accumulé quelques blessés, on n’a pas eu très peur, car nous avions une fin de championnat avec un calendrier assez favorable. Et puis, il fallait digérer ce nouveau niveau qu’est la Fédérale 3, qui nécessite beaucoup plus d’intensité et d’investissement.

Depuis cette saison 2019-2020, vous jouez au stade du Devens, à Beausoleil : êtes-vous satisfait ?

En effet, on joue au stade du Devens, à Beausoleil, qui a été mis à disposition par le gouvernement monégasque, et géré par la direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ça se passe bien, c’est un très beau complexe sportif.

Ce stade doit-il être optimisé pour répondre aux exigences du rugby en Fédérale 3 ?

On essaie de pousser pour obtenir une amélioration des infrastructures pour répondre aux standards d’un club de rugby de Fédérale 3. Avec des zones de stockage, une salle de musculation, un club-house, qui est un lieu de partage, même si c’est compliqué dans le cadre sanitaire actuel… Mais on est persuadé que la vie va reprendre, et que les gens auront à nouveau besoin de partager des choses. Il faudra donc des lieux de partage et de convivialité.

La saison 2019-2020 ne reprendra pas ?

Non, car on parle déjà de la construction des poules et du championnat 2020-2021. Comme pour le rugby professionnel qui réunit le Top 14 et la Pro D2, il n’y aura donc pas de reprise du championnat 2019-2020 pour le rugby amateur.

Avec quelles conséquences sportives ?

Ce n’est pas forcément comme ça dans les autres sports, mais le rugby français a décidé de geler les positions des clubs. Cette saison, il n’y a donc pas eu de montées ou de descentes en fonction du classement. L’AS Monaco Rugby était 8ème sur 12, donc, de toute façon, nous n’aurions pas été concernés si des descentes avaient été décidées.

Les autres équipes de l’ASM Rugby sont aussi concernées par ce coup d’arrêt à cause de la crise sanitaire ?

Oui. D’ailleurs, nous sommes aussi très déçus pour nos enfants et nos jeunes. Car le printemps et le début de l’été 2020 correspondent aux grands tournois et aux grands rassemblements d’enfants. C’est l’occasion pour eux de montrer ce qu’ils ont appris auprès de nos éducateurs toute l’année.

Quand le championnat reprendra, comment assurer un maximum de sécurité sanitaire que ce soit pour les entraînements ou les matches ?

Il faudra que chacun soit précautionneux par rapport aux symptômes qu’il présente. Les vestiaires et les douches seront sans doute fermés. La reprise d’activité en début de saison se fera certainement avec un groupe réduit. On peut aussi imaginer des entraînements qui se dérouleraient, à basse intensité, avec un port de masque. On essaiera de partager des choses, mais en respectant la distanciation sociale. Ce sera un peu des barbecues sécurisés [rires] ! Depuis la nuit des temps, le rugby s’est adapté au niveau de ses règles. Donc le rugby s’adaptera et mettra en place les précautions à prendre face au Covid-19.

Tester tous les joueurs serait possible dans le rugby amateur ?

Mettre en place des tests sérologiques dans le rugby amateur, c’est lourd. Et puis, ce n’est pas notre métier. Mais on le fera bien sûr, si on nous met des moyens à disposition. On suivra ce que fait le rugby professionnel. Nous sommes aussi en contact régulier avec la fédération française de rugby (FFR).

Quel est votre budget et quel est le manque à gagner ?

On avoisine les 350 000 euros de budget pour la saison. Sur cette somme, nous avons 60 à 65 % qui est apporté par des partenariats privés. On a aussi des recettes qui proviennent de ventes à notre boutique et de l’organisation d’événements. Mais, à cause de la crise sanitaire, nous ne pourrons pas organiser d’événements. Ce qui nous prive aussi des subventions exceptionnelles versées par le gouvernement pour nous aider à organiser ces événements.

Quel est l’impact de cette crise sanitaire sur vos partenaires privés ?

Certains de nos partenaires sont en difficulté. On a perdu entre 25 000 et 30 000 euros de partenaires privés. En prévision de la saison 2020-2021, nous avons déjà rappelé tous nos partenaires. Beaucoup nous ont dit qu’ils nous aideraient et qu’ils souhaitaient continuer l’aventure avec nous.

© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo.

« Avec 350 000 euros de budget, on peut espérer le maintien en Fédérale 3. On entend souvent dire que Monaco est au dessus financièrement, mais ce n’est pas le cas »

Globalement, à combien estimez-vous les pertes financières liées au Covid-19 ?

J’estime les pertes à environ 60 000 euros.

Le gouvernement monégasque et le Conseil national se sont engagés à « ne laisser personne au bord du chemin » : c’est rassurant ?

Le gouvernement nous a demandé d’être extrêmement prudents. Mais je ne doute pas une seule seconde de l’aide du gouvernement, de l’éducation nationale ou d’autres. Nous serons donc prudents sur la construction de notre budget pour la saison 2020-2021, ainsi que sur nos demandes de subventions. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que maintenant que nous sommes en Fédérale 3, nous sommes soumis à un organisme de contrôle financier, qui s’appelle la Direction Nationale d’Aide et de Contrôle de Gestion (DNACG). Or, la DNACG est rarement d’une grande clémence, même en cette période de crise sanitaire.

Le club est-il en danger ?

Non, le club n’est pas en danger. Heureusement, il y a des bénévoles, et j’en suis le premier représentant. Plus que jamais, on s’appuiera donc sur ceux-là. Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup d’incertitudes par rapport à la reprise.

Avec un budget de 350 000 euros, que peut-on espérer en Fédérale 3 ?

Avec 350 000 euros de budget, on peut espérer le maintien en Fédérale 3. On entend souvent dire que Monaco est au dessus financièrement, mais ce n’est pas le cas. On se voulait audacieux et intelligent sur notre recrutement pour le championnat 2020-2021, et jouer le haut du tableau de la Fédérale 3.

Pour jouer la montée en Fédérale 2, il faut quel budget ?

Je pense que, pour viser une montée en Fédérale 2, l’idéal ce serait un budget de 450 000 euros. Car, si on veut aller à l’étage supérieur, il faudra aussi embaucher des salariés pour gérer l’administratif. Il nous faudrait un directeur général des services pour prendre en charge la gestion et la comptabilité. De plus, cela suppose aussi de recruter 5 ou 6 joueurs sur certains postes, ce qui coûte aussi de l’argent.

Réunir un budget de 450 000 euros, c’est possible ?

A Monaco, tout est possible. C’est une évidence. Mais en ce moment, les gens sont comme nous : raisonnables. Cependant, nous sommes actifs. Les gens s’intéressent à nous et beaucoup de discussions sont en cours. C’est la difficile genèse d’un projet ambitieux, mais qui, aujourd’hui, doit rester raisonnable.

La crise du Covid-19 rend les négociations avec les partenaires plus difficiles et plus incertaines ?

Non, car nos partenaires sont issus du tissu local monégasque qui aujourd’hui va repartir. De plus, nous ne sommes pas sur des sommes pharaoniques, avec de grands investisseurs nationaux qui, tout d’un coup, sortiraient du club. On n’a jamais fonctionné comme ça. Donc, on est persuadé que ça va repartir.

Le championnat 2020-2021 pourrait reprendre à quelle date ?

On pense que le championnat 2020-2021 pourrait démarrer en octobre 2020. Bien sûr, le rugby demande une phase de préparation, ce qui nécessitera une phase de réathlétisation. De plus, si les rassemblements étaient autorisés, ne serait-ce que jusqu’à 250 personnes, cela nous permettrait de réaliser un match de rugby dans le monde amateur. Et puis, n’oublions pas que le risque zéro n’existera jamais.

Et si le championnat 2020-21 ne reprenait qu’en décembre 2020 ou janvier 2021 ?

C’est un scénario que nous avons envisagé. Cela poserait problème, car on a recruté des joueurs, et leur dire que la saison commencera en janvier 2021 posera des difficultés financières. C’est aussi pour ça que nous avons essayé de recruter « local » et à des tarifs raisonnables. Il y aurait aussi de la frustration de la part de nos 315 licenciés qui ont soif de rugby, de sport et de partage. Aujourd’hui (1), il y a toujours beaucoup d’incertitudes, mais notre quotidien d’intersaison n’a pas vraiment changé. Sauf qu’au lieu de voir nos interlocuteurs autour d’un café, on discute avec eux en visioconférence.

1) Cette interview a été réalisée le 13 mai 2020.

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