jeudi 25 avril 2024
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Plongée dans les abysses à Villefranche sur mer

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Pendant une semaine, les meilleurs apnéistes du monde sont réunis à Villefranche-sur-Mer pour une compétition de très haut niveau. Zoom sur une discipline qui exige concentration, calme et souplesse.

L’instant en surface est précieux. Trois minutes avant de plonger au fond de la mer, tous les apnéistes se retrouvent dans leur bulle. Presque face au phare de Saint-Jean-Cap Ferrat, dans la rade de Villefranche-sur-Mer, le site est réputé pour ses profondeurs autant que pour son calme. C’est à cet endroit que pendant une semaine les meilleures athlètes mondiaux de la discipline se sont donné rendez-vous pour les championnats du monde d’apnée. Il s’agit des cinquièmes championnats du monde AIDA pour Villefranche-sur-Mer, organisateur de l’événement en 1996, 2000, 2005 et 2012. L’occasion de voir des apnéistes hommes et femmes, en poids constant, avec ou sans palmes et en immersion libre. Concrètement, ces hommes-dauphins atteignent des profondeurs impressionnantes, parfois bien plus de 100 mètres, avec la seule aide de leurs poumons compressés par la pression de l’eau, de leur mental serein et apaisé et d’une bonne dose de courage.

« Revitalisée »

Brigitte Banegas a attrapé le virus il y a 20 ans. Cette Biterroise de 53 ans, inscrite au club d’apnée de Nice, a démarré cette pratique sportive toute seule. « On faisait un tour du monde en bateau. J’ai commencé à plonger pour aller chercher l’ancre. J’avais des facilités et je descendait seule jusqu’à 20 ou 25 mètres », se rappelle-t-elle. Dimanche 8 septembre, inscrite en poids constant sans palme, c’est à la brasse qu’elle est parvenue à décrocher la plaquette qui annonçait 53 mètres de profondeur. Distance parcourue en 2 minutes et 21 secondes. Championne du monde en équipe mixte en 2000, Brigitte Banegas a établi quatre records de France. Elle a poursuivi les compétitions internationales jusqu’en 2011. C’est par plaisir qu’elle a retrouvé le chemin du très haut niveau à Villefranche-sur-Mer cette semaine. « Ce qui me plaît, c’est le dépassement de soi, comme si j’allais chercher quelque chose au fond de l’eau, mais qui se trouve en fait au fond de moi-même. Je me sens comme revitalisée quand je plonge », sourit la championne.

91 mètres

Comme elle, 136 autres sportifs ont décidé de plonger. Son compatriote français, Morgan Bourc’his est devenu champion du monde lundi 9 septembre avec 91 mètres en poids constant, sans palme, et en 3’34. Il était suivi d’Alouach Abdelatif, sacré vice-champion du monde de la même discipline, avec 83 mètres au compteur. La journée a aussi été marquée par de nombreuses syncopes. Des pertes de connaissance transitoires, courtes et qui cessent spontanément, dues à une chute brutale, et passagère, de la circulation sanguine du cerveau. Les risques sont accrus entre 0 et 30 mètres de profondeur. « A partir de 30 mètres, les poumons sont tellement rétrécis que la personne coule comme une pierre. Nos apnéistes de sécurité interviennent au moindre indice de malaise », explique Joseph Strazzanti, président du comité d’organisation. Contrairement à la plongée sous-marine, aucun palier de décompression n’est nécessaire lors de la remontée en apnée.

“Ange-gardiens”

80 personnes sont en mer pour assurer la sécurité autour de ces championnats du monde d’apnée. On les surnomme les “safety drivers”. Celui qui chapeaute ce dispositif n’est autre que le Monégasque Pierre Frolla, multiple champion du monde d’apnée. Avec son bateau Pirates of the Abyss, il a la lourde charge d’assurer le bon fonctionnement et la sécurité des participants. De nombreux médecins font évidemment partis du staff. « Sur 38 plongées lors de l’épreuve de CNF hommes, on ne dénombre pas moins de 17 cartons rouges, dont 7 syncopes. Une journée tendue pour les “anges gardiens” des compétiteurs », explique le webmagazine France Apnée. Si en surface la mer est entre 24 et 25 degrés, elle n’est plus qu’à 14 degrés en profondeur. Une gestion de température qu’il faut aussi anticiper et qui peut paralyser les membres inférieurs. Toutes ces attentions visent à promouvoir une apnée sûre auprès du grand public. Il y a aussi les juges internationaux, chargés d’arbitrer les plongées, invalidées en cas de syncope ou de toute autre événement de santé. A l’arrivée en surface, chaque apnéiste a ainsi l’obligation de procéder à plusieurs actions de sécurité qui garantissent une bonne forme mentale après l’apnée.

Records

Les championnats du monde s’achèvent samedi 15  septembre. Cette fin de semaine est dédiée aux apnéistes en poids constant avec palme. Chez les femmes, on suivra particulièrement Alice Modolo, vice-championne du monde d’apnée, qui vient d’établir un nouveau record de France à 95 mètres de profondeur. Il y aura aussi l’Annécien Stéphane Tourreau, que Monaco Hebdo avait déjà pu rencontrer, vice-champion du monde en 2016 dont le record personnel est établi à 113 mètres. Et puis, il devrait y avoir la vedette locale, le Niçois Guillaume Néry, vendredi 13  septembre. Après un break de quatre ans, suite à un très grave accident d’apnée en compétition où il était descendu à 139 mètres au lieu des 129 mètres programmés, à cause d’une très regrettable erreur de l’organisation, le Niçois viendra en ami et voisin à ces championnats du monde. Tous les amateurs pourront suivre les performances des apnéistes grâce à un écran géant disposé au fond de la plage des Marinières de Villefranche-sur-Mer, dans le village installé pour l’événement.