En juillet et en août, à Monaco, de nombreuses boutiques ouvrent leurs portes le dimanche. Mais les clients sont-ils au rendez-vous ?
Durant le week-end, et en particulier le dimanche, on ne peut pas dire que Monaco soit la destination phare pour faire du shopping… Et la présence de poids lourds commerciaux à proximité, notamment le Polygone Riviera à Cagnes-sur-Mer et Cap 3 000 à Saint-Laurent du Var, n’arrangent rien à l’affaire… Le diagnostic du président de l’Union des commerçants et artisans de Monaco (UCAM), Nicolas Matile-Narmino, est d’ailleurs sans appel : « Ne nous voilons pas la face, le week-end il n’y a personne à Monaco ! » Son souhait pour dynamiser tout ça : que la Principauté devienne une zone commerciale internationale (ZTI), comme il en existe en France, et en particulier dans les Alpes-Maritimes. Les villes de Nice, Cannes, Cagnes-sur-Mer, Saint-Laurent-du-Var, et très récemment Antibes, sont désormais classées en ZTI. Ce label permet aux commerçants qui le souhaitent — à l’intérieur d’un périmètre défini et sous réserve de la signature d’accords collectifs — d’ouvrir tous les dimanches de l’année, et le soir jusqu’à minuit. Un pas que les autorités monégasques n’ont pas l’air de vouloir franchir…
75 % remboursés
Si Monaco n’est pas encore une ZTI, depuis 2006 le gouvernement a tout de même mis en place un dispositif spécifique pour encourager les commerçants à ouvrir les dimanches d’été : ceux qui le souhaitent sont autorisés à ouvrir 7 dimanches au maximum. Et ce, dans une période qui va du 10 juillet au 11 septembre inclus. Les autorités ont aussi décidé de les aider financièrement : « Les commerces volontaires bénéficieront du remboursement de 75 % des charges patronales pour chaque dimanche ouvert durant cette période. A condition d’ouvrir au minimum 5 dimanches, et d’avoir fait les démarches nécessaires auprès de l’inspection du travail », précise le gouvernement. Les commerçants sont aussi invités à proposer une ouverture dominicale en fin de journée. « Par exemple de 16h à 20h, voire jusqu’à 22h. »
Sanction
En Principauté, le Métropole shopping center (MSC) et ses 80 boutiques jouent à fond la carte de l’ouverture dominicale. C’est en assemblée générale — et à la majorité des voix — que les commerçants décident des dates d’ouverture durant l’été et l’hiver. Toutes les boutiques sans exception, y compris la FNAC et les commerçants les plus récalcitrants, ont ainsi ouvert, ou ouvriront, 7 dimanches au total. Et ce, du 10 juillet au 21 août. « Mon travail est de m’assurer que les boutiques seront bel et bien ouvertes ces dimanches-là », explique la directrice du centre, Stéphanie Raidot. Sinon, que risquent-ils ? « La sanction est prévue dans le bail et le règlement intérieur, poursuit la directrice. Si un commerçant n’ouvre pas sa boutique, une pénalité journalière au m² est appliquée. Mais cela n’arrive pratiquement jamais. Tous les commerçants jouent le jeu. Même si certains considèrent qu’une ouverture le dimanche est inutile. »
dynamique
Reste à voir si l’ouverture dominicale est rentable. A en croire Stéphanie Raidot, depuis 2006, le chiffre d’affaires dominical ne cesserait d’augmenter. « Entre 2014 et 2015, il a même bondi de 47 %. L’ouverture le dimanche est votée chaque année en assemblée générale, et ce depuis 2006. C’est la preuve que les commerçants y trouvent leur compte financièrement. » Côté fréquentation, selon une cellule de comptage, environ 3 000 personnes passent chaque jour au Métropole. Toutefois, ce chiffre englobe aussi le personnel, et les visiteurs qui passent sans forcément acheter… « Le dimanche, la fréquentation est moins importante que les autres jours de la semaine. Il y a en moyenne entre 1 200 et 1 800 personnes. En revanche, le chiffre d’affaires se rapproche d’un jour ordinaire. Il y a donc moins de visiteurs le dimanche, mais ce sont des acheteurs et moins des promeneurs. Le taux de “transformation” est donc plus important », assure Stéphanie Raidot, qui regrette toutefois qu’il n’y ait pas de consultation avec les boutiques voisines situées dans le Carré d’Or pour créer une dynamique de quartier. « Malheureusement, il n’y a pas de consultation avec la Société des bains de mer (SBM). C’est dommage. La dynamique de la SBM, en tant que “resort”, est d’avoir ses propres clients et de ne les faire voyager que dans leurs propres établissements. C’est donc difficile de négocier sur ce sujet. »
Salaires
Quant aux 75 % de charges patronales remboursées par le gouvernement, cette directrice estime que c’est un « très bon coup de pouce financier » pour les commerçants. « En revanche, bien que cette mesure existe depuis déjà 10 ans, et malgré une communication assez importante sur ce sujet, certains commerçants ignorent encore que cette aide existe. » Quant au paiement des salariés qui travaillent le dimanche, c’est un peu au bon vouloir des employeurs : « Le gouvernement a mis en place une dérogation spécifique. Les dimanches d’été sont considérés comme des jours traditionnels de la semaine. Ainsi, à partir du moment où l’employeur peut accorder deux jours de repos à son salarié, il n’est pas tenu de le payer davantage. Toutefois, au Métropole, un commerçant a tenté d’appliquer la loi stricto sensu, mais cela a créé un tollé… Généralement, les salariés du Métropole qui travaillent le dimanche sont donc payés double (1). »
Homogénéité
Alors faut-il ouvrir les commerces le dimanche toute l’année ? « Personnellement, pour l’heure, je n’y suis pas favorable, lance Stéphanie Raidot. C’est ensemble que nous devons avancer… Quand toutes les boutiques de Monaco seront prêtes à ouvrir tous les dimanches d’été, quand la loi sur les ouvertures dominicales sera modifiée, le tout aidé d’une communication bien rodée, je reconsidèrerais sans doute ma position. Mais on n’en est pas du tout là. Aujourd’hui, les boutiques situées dans les pavillons place du Casino n’ouvrent pas forcément le dimanche, le Park Palace encore moins. Il n’y a pas d’homogénéité. »
Cette ouverture des boutiques “à la carte” se vérifie aussi au centre commercial de Carrefour. Si la grande surface sera ouverte tout le mois d’août, autour c’est tout le contraire. Camaïeu, Jules ou encore Naf Naf n’ouvriront pas leurs boutiques le dimanche. Quant au magasin Zara qui ouvrira ses portes tous les dimanches d’août, l’ouverture dominicale est vue de façon plutôt mitigée. « C’est globalement très calme les dimanches, indique la responsable du magasin. Je ne pense pas que ce soit très rentable pour nous. Mais c’est une décision du siège. La direction voulait tester l’ouverture dominicale ici. C’est sans doute aussi pour une question d’image. »
(1) Pour obtenir une dérogation au repos dominical, les commerçants intéressés doivent se rapprocher de l’inspection du travail. « Il conviendra alors de préciser le mode de rémunération envisagé », indique le gouvernement dans un communiqué.
