jeudi 25 avril 2024
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Jean-Luc Nguyen : « Les nuisances sonores, on les domine assez bien, maintenant »

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Souvent au cœur de débats politiques animés, et véritable cheval de bataille des élus nationaux, les nuisances générées par les chantiers constituent une priorité pour le service des travaux publics.

Son directeur, Jean-Luc Nguyen, revient pour Monaco  Hebdo sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre. Interview.

Comment luttez-vous contre les nuisances sonores sur le chantier de l’hôpital ?

Nous disposons sur le chantier de l’hôpital de capteurs de vibrations et de bruit. Avec des alertes un peu partout, y compris dans les locaux actuels. Nous avons mis en place des systèmes de monitoring et des écrans acoustiques. Nous avons eu des phases de terrassement qui ont été bruyantes, surtout pour les immeubles à proximité. Les prochaines phases du chantier devraient être moins impactantes parce que le parking est situé en contrebas. Si nous installons une bâche de protection, le bruit sera confiné. Ce ne sont pas les phases les plus bruyantes. Les nuisances sonores, on les domine assez bien maintenant.

Quelles sont les autres nuisances ?

Il existe un point ultra-sensible. C’est la logistique par rapport à l’accessibilité de l’hôpital. Même s’il y a le système de navettes pour le personnel du centre hospitalier princesse Grace (CHPG), il y a malgré tout des flux de véhicules. Il y a les livraisons de l’hôpital et nous, nous avons nos camions de chantier. Nous avons des réflexions de base logistique déportée, c’est-à-dire d’avoir des zones hors de la principauté, où l’on met les camions en “stand-by” [en attente — NDLR] pour les faire venir uniquement le temps minimum nécessaire. Ce sont des sujets très sensibles, parce que l’on s’est aperçu qu’entre ces livraisons et parfois de petits raccordements de réseaux, les impacts pouvaient être importants. Ces sujets sont donc anticipés très en amont, car ils réclament une coordination fine.

« Nous faisons une veille technologique, et nous commençons à voir arriver des engins électriques, hybrides qui sont moins bruyants. Les améliorations de bruit sont surtout liées à la suppression du moteur thermique. Quand l’engin ne travaille pas, il ne fait pas de bruit »

Réfléchissez-vous à d’autres moyens pour réduire encore davantage les nuisances ?

Oui, nous essayons des choses. Sur le chantier de l’hôpital, nous avons, par exemple, essayé de mettre de l’absorbant acoustique sur les parois rocheuses lors des opérations de terrassement pour éviter que le bruit ne se réverbère. Le résultat était mitigé. Nous avons aussi expérimenté des parois gonflables sur d’autres chantiers. Ce système est efficace, il atténue le bruit. Le seul inconvénient, c’est qu’en cas de fausse manipulation, on crève l’écran acoustique. Mais il suffit d’en avoir en secours et de le regonfler. Aujourd’hui, il fait partie de la palette usuelle.

« Le bruit que l’on va gagner, c’est le bruit de phases de chantier qui sont déjà moins bruyantes. Car la vraie phase bruyante, c’est le terrassement »

Quoi d’autre ?

Nous avons aussi identifié l’évacuation des déblais par les camions. Nous avons mis au fond des bennes une couche de caoutchouc polymère. Car lorsque vous déversez les cailloux dans la benne, au début le bruit est fort. Pour amortir ce premier contact, cette couche est efficace. Nous avons donc généralisé ce système. Nous progressons.

Utilisez-vous des engins électriques ou hybrides ?

Le gouvernement a créé la commission innovation BTP [en 2019 – NDLR]. Nous faisons une veille technologique et nous commençons à voir arriver des engins électriques, hybrides qui sont moins bruyants. Les améliorations de bruit sont surtout liées à la suppression du moteur thermique. Quand l’engin ne travaille pas, il ne fait pas de bruit. Sur certains chantiers, nous avons des grosses machines de terrassement, comme des hydrofraises, qui sont électriques. Aujourd’hui, nous stimulons la créativité. Des entreprises innovent, nous allons chercher des catalogues chez des fabricants. Ces produits ne sont pas complètement matures technologiquement, mais ils commencent à arriver. Vu l’ambition de la principauté de réduire les nuisances, il faut qu’on stimule la possibilité de les déployer ici. Mais le bruit que l’on va gagner, c’est le bruit de phases de chantier qui sont déjà moins bruyantes. Car la vraie phase bruyante, c’est le terrassement.

« À Monaco, nous avons une configuration topographique particulière, avec un sous-sol rocheux. Ce qui veut dire que, malheureusement, nous avons des phases de terrassement qui sont inévitables »

Un chantier sans bruit, c’est possible ?

À Monaco, nous avons une configuration topographique particulière avec un sous-sol rocheux. Ce qui veut dire que, malheureusement, nous avons des phases de terrassement qui sont inévitables. En plus, comme on manque d’espace, à chaque fois qu’on terrasse, on en profite pour faire des parkings ou des locaux souterrains. Cette phase, il faut être lucide, on ne peut pas s’en dispenser. Après, quand le bâtiment est sorti, on peut utiliser des engins moins bruyants. Il existe aussi des méthodes qui permettent de limiter les nuisances en réduisant la durée de construction. C’est tout ce qui fait recours à la préfabrication.

C’est-à-dire ?

Nous sommes par exemple en train de tester une construction en bois sur le chantier de la villa Carmelha. Une fois que nous aurons fait le socle en béton, nous mettrons ensuite une sorte de cloche acoustique et en dessous, nous allons construire les étages en bois qui vont venir préfabriquer partiellement. Et à mesure que les étages montent, la cloche monte aussi. Quand nous arriverons au dernier niveau, nous démonterons la cloche. Du coup, le bruit de construction des étages est complètement à l’abri de cette cloche.

« Cette crise va accélérer le basculement de la filière construction dans le numérique »

Comme tous les secteurs d’activité, celui de la construction a dû s’adapter et se réorganiser en raison de la pandémie de Covid-19. Si sur les chantiers de la principauté différentes mesures ont été mises en place pour respecter les règles sanitaires en vigueur (lire par ailleurs) sans trop impacter l’avancement des projets, le service des travaux publics a lui aussi dû revoir ses modes de travail. « Nous télétravaillons plus. Cette crise sanitaire a accéléré la dématérialisation des échanges. Et cela rend d’autant plus nécessaire le transfert que nous avons opéré en 2018 de basculer vers une gestion électronique des documents, explique le directeur Jean-Luc Nguyen. Tout n’est pas à rejeter dans ce que l’on a vécu. Ce passage au numérique nous a aussi permis d’encaisser les choses et de continuer à travailler. Aujourd’hui, nous tirons tous les intérêts du numérique. Nous avons aussi progressé sur tout ce qui est “monitoring” [surveillance — NDLR]. Cette crise va accélérer le basculement de la filière construction dans le numérique », se félicite le directeur des travaux publics. Avant toutefois de nuancer : « Dans les métiers de la construction, il y a un moment où il faut quand même se rencontrer. Nos métiers ne peuvent pas complètement basculer en mode télétravail. Aujourd’hui, mon enjeu du moment, c’est donc d’arriver à conserver cette efficacité en gérant des modes de travail qui ont changé ».

Du mouvement au sein du service des travaux publics

Le service des travaux publics connaît actuellement une certaine agitation en coulisses. En effet, à la fin de l’année 2021, 17 personnes se seront envolées vers d’autres horizons en trois ans alors que 24 autres seront, dans le même temps, venues renforcer les équipes de Jean-Luc Nguyen. Un renouvellement d’équipe significatif, qui fait suite à une réorganisation du service : « Nous avons mis en place de nouveaux outils de tableau de bord, de pilotage de projets… Globalement, nous avons fait évoluer les organisations. C’est un processus qui est en cours, et qui se met en place », explique le directeur des travaux publics, tout en précisant avoir encore « quelques postes à pourvoir ».