samedi 20 avril 2024
AccueilActualitésSociétéLes violences faites aux femmes devant la justice

Les violences faites aux femmes devant la justice

Publié le

A Monaco, comme ailleurs, le tribunal correctionnel condamne chaque année des hommes pour violences conjugales.

Moins d’une vingtaine de plainte par an. C’est l’estimation du nombre de violences contre des femmes en Principauté. Et ces violences touchent tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles. « Il y a une vérité universelle, applicable à tous les pays, cultures et communautés : la violence à l’égard des femmes n’est jamais acceptable, jamais excusable, jamais tolérable », disait Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies en 2008. Six ans plus tard, l’ONU estime toujours qu’une femme sur trois est victime de violences conjugales dans le monde. A Monaco, fin 2014, un Allemand de 45 ans a, par exemple, été condamné à deux mois de prison avec sursis pour des violences aggravées à l’encontre de son épouse. Très fortement alcoolisé, il avait asséné à la jeune femme de 25 ans deux violentes gifles au visage. Un geste « amical » avait-il même justifié devant les policiers.

Alcool

Quelques mois plus tard, c’est un rentier hollandais de 48 ans qui écopait d’une peine de huit mois de prison avec sursis. Une dispute qui dégénère et le voilà portant plusieurs coups de poing et des gifles au visage de sa femme dans la maison où au même moment dorment leurs enfants… Il y a aussi ce pompier volontaire de 38 ans qui, totalement ivre, n’avait pas supporté d’être éconduit par la fille qu’il draguait. De rage, il l’avait empoigné et poussé violemment au sol. Bilan pour la jeune femme : quatre jours d’interruption totale de travail pour des contusions au coccyx et à la tête. Ce Français avait été condamné à 15 jours de prison avec sursis. Mais l’alcool n’est pas toujours la cause d’emportement grave de ces messieurs. En décembre 2015, un Belge de 72 ans avait tenté d’étrangler sa femme pour une histoire de virement bancaire. Il avait écopé de 8 jours de prison avec sursis et de 1400 euros de dommages et intérêts pour sa victime.

38 %

Il y a enfin ces cas, plus rares mais bien réels, où ce sont les victimes qui défendent leurs agresseurs. Marié depuis 15 ans, parents ensemble de deux jeunes enfants, c’est la femme d’un standardiste belge de 50 ans qui avait défendu son mari à la barre alors que celui-ci était accusé de violences conjugales répétées à son égard. Si l’épouse battue demandait la clémence du tribunal monégasque, le substitut du procureur n’en démordait pas : « Ces faits graves de violences régulières, moi je ne vais pas les minimiser. Je suis là pour empêcher que ça recommence », soulignait Cyrielle Colle. L’homme était finalement condamné à 12 mois de prison avec sursis, liberté d’épreuve pendant 3 ans et obligation de soins. Des données qui font écho aux conclusions saisissantes du rapport de l’ONU sur les violences faites aux femmes. A l’échelle mondiale, ce sont 35 % des femmes qui ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire intime. Dernier chiffre éloquent : 38 % du total des meurtres de femmes sont commis par ces mêmes partenaires intimes.

 

Où trouver de l’aide à Monaco ?

Il existe en Principauté tout un réseau d’assistance pour aider les victimes à sortir de la violence conjugale. De nombreuses informations sont notamment publiées sur le site dédié : www.nonauxviolencesamonaco.org. De plus, le 25 novembre, un numéro de téléphone anonyme et gratuit sera accessible aux personnes désirant obtenir plus de renseignement : le 116 919. L’association Gender Hopes, en partenariat avec l’association Femmes Leaders Mondiales Monaco (FLMM), rappellent aussi les contacts d’urgence :
• le centre hospitalier Princesse Grace (CHPG) +377 97 98 99 00
• la police +377 93 15 30 15
• les urgences, en composant le 17 ou le 112
• le médiateur familial Christine Lorenzini +377 98 98 21 12
• les services sociaux +377 98 98 41 00
• les assistantes sociales spécialisées Audrey Seren +377 98 98 40 64, Myriam Derraz +377 98 98 40 65 et Agnès Dallongeville +377 98 98 46 69.

Une conférence sur la prise en charge des victimes

Le vendredi 25 novembre à 18h, une conférence ouverte à tous et gratuite se déroulera à l’auditorium du lycée technique et hôtelier de Monaco. Le professeur Alessandra Kustermann, médecin spécialiste en obstétrique et gynécologique, viendra faire part de son expertise en matière de prise en charge des victimes de violences. Ce médecin jouit d’une très bonne réputation en Italie où elle exerce comme directrice de la division opérationnelle de secourisme de la fondation IRCCS à l’Ospedale Maggiore de Milan, le plus ancien hôpital de cette ville. Elle est aussi la coordinatrice responsable du centre d’assistance aux femmes et aux mineurs victimes de violences à laquelle est associée une structure spécialisée dans les violences domestiques.

Du orange contre les violences

Pour s’associer à la campagne ONU Femmes, quelques bâtiments de la Principauté seront illuminés en orange le 25 novembre au soir. Comme la pyramide de Gizeh en Egypte, le siège des Nations Unies, ainsi que l’Empire State Building à New York, la tour Eiffel à Paris ou Big Ben à Londres, le Conseil national et la tour Odéon seront illuminés en orange. Cette couleur symbolise un avenir meilleur, sans violence à l’encontre des femmes.

 

« Libérer la parole des femmes »

La journée du 25 novembre est dédiée à la lutte mondiale contre les violences faites aux femmes. L’élue Horizon Monaco Béatrice Fresko-Rolfo est à l’origine d’une campagne d’affichage à Monaco contre ce fléau. Elle explique son engagement à Monaco Hebdo.

Béatrice Fresko-Rolfo  violences conjugales

A qui s’adresse la campagne d’affichage lancée par le gouvernement cette semaine ?

Il faut rappeler que c’est grâce au Conseil national que cette campagne va voir le jour. L’idée a été lancée en décembre 2015, lors de ma déclaration de politique générale. Et c’est l’ancien ministre d’Etat, Michel Roger, qui a accédé à ma demande. L’objectif principal de cette campagne est de libérer la parole de ces femmes et d’alerter l’opinion publique.

Pourquoi ?

Suite à mes recherches et à à des rencontres sur le terrain, j’ai très vite compris que ces femmes ne connaissent pas leurs droits et qu’elles ne réalisent pas toujours être des victimes. Beaucoup n’osent pas faire la démarche de porter plainte. Car elles sont, par exemple, assujetties financièrement, ou parce qu’elles ont peur des représailles sur leurs enfants.

En tant qu’ex-présidente de la commission des droits des femmes, vous vous êtes engagée dans cette cause ?

Il est important de dissocier le rôle de la présidente de commission que j’ai été, et qui m’a permis de porter des textes avec l’ancienne majorité, et mon rôle d’élue qui me permet de proposer et de me battre pour des avancées. Preuve en est : je ne suis plus présidente de commission et je continue à porter au sein de l’hémicycle ce combat.

Pour quelles raisons ?

En tant que femme, cela a été une évidence pour moi de m’emparer de ces sujets quelque peu délaissés à Monaco. Un choix d’autant plus naturel que mes collègues féminines n’étaient pas forcément très intéressées par ces thèmes. Et Laurent Nouvion, à l’époque président du Conseil national, m’a permis de me sentir vraiment utile durant les trois premières années de notre mandat. Je regrette d’autant plus ce qu’il s’est passé le 27 avril (1), car je pense, sans fausse pudeur, que j’étais une présidente très investie et à l’écoute. Mais l’aventure continue. Et ma voix ne se tait pas, car en tant que simple conseiller national, le défi est encore plus beau.

A Monaco, des femmes sont concernées par cette problématique ?

Oui malheureusement… Et il est important de préciser que, comme dans de nombreux pays, les statistiques sont erronées, puisque, ces femmes sont peu nombreuses à porter plainte. Or, s’il y a bien un fléau qui touche toutes les catégories sociales, les origines et les âges sans aucune distinction, ce sont les violences faites aux femmes. A Monaco, le contexte a aussi son importance : rappelons que 130 nationalités cohabitent ensemble, avec autant de cultures différentes. Et de nombreuses femmes vivent de manière isolées, soumises financièrement et peu entourées.

Localement, que peut-on faire de plus ?

Cette campagne d’affichage est déjà un grand pas en avant et je suis très fière d’en avoir été l’instigatrice. Car on sait que ce genre de communication permet d’impacter plus directement le public. Il y aussi l’existence d’un numéro vert qui a son importance dans le dispositif. Mais je tiens surtout à souligner l’engagement et le professionnalisme de toutes les associations monégasques comme Femmes leader, Gender Hopes, Zonta et tant d’autres.

Qui d’autre ?

Il ne faut pas oublier évidemment le rôle fondamental des assistantes sociales, des agents de la sûreté publique et du personnel du centre hospitalier Princesse Grace (CHPG) qui établissent souvent le premier contact avec la victime. Il est donc primordial de maintenir des formations auprès de ces agents afin de faciliter la démarche de ces femmes traumatisées. Il faut tout faire pour qu’elles se sentent en sécurité.

Pourquoi cette prise de position contre les mutilations génitales féminines (MGF) ?

J’ai été nommée rapporteur d’un texte fondateur sur les mutilations génitales féminines auprès du Conseil de l’Europe. C’est une problématique que je suis très fière et honorée d’avoir portée. Ma mission m’a permis de mieux cerner les contours de ce fléau mondial. Je sais que certains collègues, et pas forcément masculins d’ailleurs, ont moqué ce combat, en prétextant qu’il n’existait pas en Principauté…

Que leur répondez-vous ?

Qu’en savons-nous ? Je vous rappelle que trois millions de jeunes filles sont victimes de mutilations sexuelles à travers le monde. 53 000 femmes ont subi une MGF et vivent actuellement en France. Et puis la Principauté ne se doit-elle pas de rayonner au-delà de ses frontières et d’apporter son aide aux moins chanceux ? Je crois que nos princes et nos princesses nous montrent cet exemple depuis des générations.

Votre message ?

Ni la religion, ni la culture, ni l’intégration sociale ne constituent une justification à cette violence. En tant que parlementaires, aucun d’entre nous ne doit fléchir lorsqu’il s’agit des violences à l’égard des femmes et des enfants. Notre priorité est d’assurer le respect des droits humains, le droit à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique.

(1) Le 27 avril, Christophe Steiner a remporté l’élection à la présidence du Conseil national contre Laurent Nouvion, président sortant.