samedi 27 avril 2024
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Elections nationales 2018 : muté, Guillaume Rose reste combattif

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Guillaume Rose n’est plus le directeur de la direction du tourisme et des congrès. Il a été muté, suite à son engagement avec la liste de Stéphane Valeri, Primo !, pour les élections nationales de février 2018. Depuis, les réactions se multiplient.

« M. Guillaume Rose, directeur du tourisme et des congrès (DTC), est muté, dans l’intérêt du service, en qualité de conseiller technique à la direction des ressources humaines et de la formation de la fonction publique. » Publiée le 24 novembre 2017, cette ordonnance souveraine a fait l’effet d’une bombe. Quarante-huit heures après le meeting de Priorité Monaco (Primo !) et la présentation des 24 candidats pour les élections nationales de février 2018 (lire notre article dans ce numéro), Guillaume Rose a donc été informé qu’il n’était plus le patron de la DTC, une fonction qu’il occupait depuis le 15 octobre 2011 et qui dépend du département des finances et de l’économie. Il occupe désormais le poste de conseiller technique à la direction des ressources humaines et de la formation de la fonction publique. Tout sauf une promotion, bien sûr. À la fois stupéfait et choqué, Guillaume Rose a fini par communiquer le 27 novembre au matin : « Après l’abattement et l’incompréhension, les centaines de témoignages de soutien que j’ai reçus depuis vendredi renforcent ma détermination. Je suis rentré en politique pour servir mon pays et œuvrer à l’améliorer. Plus que jamais, je suis fier d’être candidat sur la liste Primo !.»

Pour Primo !, cette affaire « inédite pourrait être interprétée comme une immixtion de l’exécutif gouvernemental dans la vie politique et démocratique de notre pays »

 

« Droits »

Quelques heures après la publication de cette ordonnance souveraine, le 24 novembre, Primo ! a publié un communiqué, estimant qu’il s’agissait d’une « atteinte grave à la liberté garantie par la Constitution aux Monégasques de se présenter aux élections nationales ». Et que cette affaire « inédite pourrait être interprétée comme une immixtion de l’exécutif gouvernemental dans la vie politique et démocratique de notre pays ». Le mouvement politique de Stéphane Valeri s’inquiète de la « liberté d’opinion et d’engagement des fonctionnaires », tout en rappelant qu’en Principauté, la fonction publique emploie « plus de 1 400 » Monégasques « qui entendent exercer leurs droits, sans se faire influencer. » Sur le fond, Primo ! rappelle alors que Guillaume Rose était déjà conseiller national en octobre 2011, lorsqu’il a été nommé directeur de la DTC. Et que, lorsqu’il s’est présenté aux élections nationales de 2013, sa candidature n’avait alors rencontré « aucune objection. Entre temps, ni les règlements, ni les lois n’ont changé. Ce poste occupé par notre colistier ne rentre pas dans le champs des incompatibilités. »

« Solutions »

C’est loin d’être habituel, mais le gouvernement a réagi, à son tour, dimanche 26 novembre, un peu après 11 heures. Pour l’exécutif, Guillaume Rose « n’est pas privé du droit de se présenter au scrutin. Au contraire, il est mis en position de se libérer pendant la durée de la campagne de son obligation de réserve », qui « s’impose aux membres de la haute fonction publique, dont il fait partie ». Le gouvernement indique aussi avoir informé « à plusieurs reprises » Guillaume Rose « sur sa situation » et que « des solutions » lui ont été proposées. Le communiqué assure que le candidat de Primo ! « aurait pu éviter d’être muté dans l’intérêt du service, avec conservation de son salaire intégral », s’il avait accepté l’une de ces propositions. Notamment un « congé exceptionnel » ou une « mise en position de disponibilité pour convenance personnelle ». Ce qui lui aurait permis de « se retrouver libéré de son obligation de réserve, en conservant titre et salaire ». Le gouvernement assure aussi que cette « mesure » n’a « rien de personnel, ni de ciblé sur une liste », mais qu’elle « correspond à la neutralité attendue de la fonction publique ». Avant de prévenir : cette « mesure » concernera « toutes les situations similaires ».

« Il est choquant de lire qu’un fonctionnaire est sanctionné parce qu’il est candidat sur une liste, en ayant refusé une disponibilité rémunérée non prévue par les statuts de la fonction publique »

 

« Débat »

La réponse de Primo ! ne s’est pas faite attendre. Lundi 27 novembre, un nouveau communiqué revient sur le fond de cette affaire et souligne, en citant l’article 54 de la loi sur les élections nationales, que le poste de directeur de la DTC ne fait pas partie des postes incompatibles avec un mandat de conseiller national. Pour la liste portée par Stéphane Valeri, les arguments développés par le gouvernement, notamment « l’obligation de réserve » et « l’intérêt du service », ne sont donc pas recevables. « Il est choquant de lire qu’un fonctionnaire est sanctionné parce qu’il est candidat sur une liste, en ayant refusé une disponibilité rémunérée, non prévue par les statuts de la fonction publique », juge Primo !, qui estime que ce « débat sur les incompatibilités ne devrait pas être ouvert en pleine campagne électorale ». Ce mouvement politique réclame donc l’application de la constitution monégasque et une neutralité totale : « Nous rappelons que l’exécutif gouvernemental ne doit pas interférer dans les élections nationales. »

« Sanction »

Un peu plus tard dans la matinée du 27 novembre, Guillaume Rose est intervenu pour rappeler qu’en 2011, il a été nommé à la direction de la DTC, alors qu’il était élu au Conseil national : « Quelle meilleure démonstration que ce poste est compatible avec une candidature ? », se demande ce candidat Primo !. Guillaume Rose a confirmé avoir été informé en amont par le gouvernement de sa situation professionnelle, par rapport à ses ambitions politiques : « Le matin de l’annonce de ma candidature [le 22 novembre — N.D.L.R.], on m’a demandé de me positionner dans la journée. Toutes les hypothèses évoquées mettaient un terme à ma mission et m’obligeaient à abandonner mes équipes, ce que je ne pouvais accepter, alors même que le dernier communiqué du gouvernement ne remet pas en cause la qualité de mon travail. » Pour l’ex-directeur de la DTC, aucun doute : l’obligation de réserve liée au statut de haut fonctionnaire de l’Etat, est « parfaitement compatible avec le droit constitutionnel pour tous les Monégasques de se présenter aux élections, sans risquer une sanction directe ou indirecte. » Combatif et déterminé à maintenir sa candidature pour les élections nationales du 11 février 2018, Guillaume Rose pourrait contre-attaquer et lancer une procédure devant le tribunal Suprême.

« Commentaires »

Le 17 novembre, José Badia, un autre candidat Primo !, a perdu son titre de ministre plénipotentiaire, sur une décision du palais princier. Motif : « La réserve et la neutralité s’imposent à la haute fonction publique ». Au vue de la chronologie, on pourrait donc en déduire que le cas de Guillaume Rose serait une mise en application par le ministère d’Etat de cette décision du 17 novembre. En attendant, cette nouvelle a provoqué de multiples commentaires, que ce soit sur les réseaux sociaux ou lors de conférences de presse. « L’appréciation de la chose ne revient pas à Jean-Louis Grinda, mais au Prince, lui-même », a indiqué la tête de liste Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, lors d’une conférence de presse, le 27 novembre. « Les dix derniers jours ont permis de rappeler que notre régime politique est toujours la monarchie constitutionnelle et qu’il y a bien un “patron” à la barre, a souligné pour sa part l’élu et candidat UM, Jean-Charles Allavena, sur son compte Facebook. Notre souverain a remis les points sur les “i”. Ainsi donc, en attendant les suivants, ces tenants d’un Conseil national fort, ont les joues et les fesses rougies par les trois gifles (1) reçues ces derniers jours. Chers compatriotes, est-ce cette relation que vous souhaitez entre l’exécutif et le Conseil national après le 11 février 2018 ? Moi non. » Enfin, du côté d’Horizon Monaco (HM), on se dit « stupéfait » des « prises de position successives de la liste Primo ! ». La liste défendue par Béatrice Fresko-Rolfo juge que les « décisions prises par notre souverain n’ont en aucun cas à faire l’objet de commentaires publics. Il est inadmissible d’instrumentaliser de telles décisions, en particulier dans le contexte d’une campagne électorale. » Reste à savoir si la mutation de Guillaume Rose sera définitive. Pour le moment, c’est le directeur adjoint, Guy Antognelli (lire notre article publié dans Monaco Hebdo n° 1039), qui assure l’intérim à la tête de la DTC. Jusqu’à quand ?

 

1) Jean-Charles Allavena fait ici référence à une interview du Prince Albert publiée dans Monaco-Matin le 14 novembre 2017, et aux cas de José Badia et Guillaume Rose.

 

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© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Les temps changent »

Pourquoi Guillaume Rose a-t-il été muté ? Le ministre d’Etat, Serge Tellle, a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Sur quel texte de loi repose la mise à l’écart de Guillaume Rose de ses fonctions ?

La mutation dans l’intérêt du service est une disposition prévue par l’article 67 de la loi de 1975 portant statut des fonctionnaires de l’Etat. Cette mesure n’est donc pas une mise à l’écart. Elle n’est pas de nature disciplinaire. Elle constitue la solution adaptée pour préserver la neutralité de la direction concernée. Et pour le candidat lui-même, dès lors qu’il n’a pas souhaité solliciter une mise en disponibilité pour convenances personnelles ou une autorisation exceptionnelle d’absence, elle le protège, en lui permettant d’être libre de ses engagements politiques.

La loi sur les élections nationales vise le poste de directeur de la direction du tourisme et des congrès (DTC) ?

La loi sur les élections nationales vise notamment les collaborateurs directs d’un conseiller de gouvernement-ministre. Nous avons besoin d’un texte plus précis pour la haute fonction publique, d’où l’évolution législative en cours.

Où en est-on ?

Le gouvernement envisage de transformer en projet de loi la proposition votée par le Conseil national pour élargir de manière plus détaillée la liste des postes incompatibles et inéligibles. Tout en relevant le caractère éminemment respectable de l’engagement politique de Monsieur Rose, la réserve, ainsi que l’exercice impartial et objectif des missions de service public, s’imposent à la haute fonction publique dont relève le poste de nature exécutive qu’il occupait.

Mais en 2011, Guillaume Rose cumulait déjà la fonction d’élu et de directeur de la DTC, sans aucune conséquence professionnelle ?

Les temps changent : la neutralité de l’action des directions de l’Etat s’impose encore plus aujourd’hui. La principale préoccupation est de protéger cette neutralité de l’administration et que nul ne puisse considérer qu’elle s’implique dans la campagne électorale au travers de l’engagement d’un haut responsable. Il s’agit d’un principe général, qui ne vise ni une liste, ni une personne en particulier.

D’autres candidats pourraient donc subir le même traitement que Guillaume Rose ?

Les dispositions qui ont été appliquées ne peuvent concerner que des personnes soumises au statut de la fonction publique et non pas des personnes qui relèvent du droit privé.

Si tout fonctionnaire lié au gouvernement est potentiellement visé par ce genre de mesure, n’est-ce pas prendre le risque d’écarter environ 1 000 Monégasques d’un mandat électif ?

Il faut être clair et précis en la matière : il ne s’agit pas de viser l’ensemble des fonctionnaires. En dehors des postes aujourd’hui incompatibles et inéligibles, ne sont concernées qu’une petite vingtaine de personnes occupant des postes de direction dans la fonction publique qui peuvent être assimilées à cette notion très large de « collaborateurs directs d’un conseiller de gouvernement-ministre ».