À l’occasion d’Octobre Rose, le centre hospitalier princesse Grace (CHPG) a inauguré un tout nouveau « parcours patient » dédié au dépistage du cancer du sein. Déjà expérimenté pour les maladies pelviennes, ce dispositif sera également bientôt étendu à l’endométriose.
« Aujourd’hui, il y a une inégalité hommes-femmes dont on parle peu, c’est celle de la santé. […] La différence hommes-femmes est plurielle. D’abord, historiquement, on s’est intéressé plus vite à la santé des hommes qu’à celle des femmes. Nous ne pourrons pas revenir là-dessus. Et puis, chez la femme, il y a un aspect psychologique que l’on n’arrive pas à surmonter aujourd’hui. La femme va s’occuper de son foyer avant de s’occuper d’elle. Enfin, il y a aussi cette problématique de maladies honteuses, dont on ne parle pas. Nous avons intériorisé le fait que la douleur faisait partie de la vie de la femme, alors que ce n’est pas vrai. Heureusement en France et à Monaco, nous avons la chance de ne pas avoir en plus l’obstacle financier ».
Ce constat sans appel, dressé par la directrice du centre hospitalier princesse Grace, Benoîte de Sevelinges, est corroboré par de nombreux travaux de recherche, menés ces dix dernières années sur les inégalités de santé entre les femmes et les hommes. On citera, par exemple, l’étude « Le renoncement aux soins, une affaire de genre ? » (1) publiée en 2020 sur la plateforme médicale EM Consulte, qui fait état d’un renoncement aux soins plus important chez les femmes. Ou, plus récemment, l’avis du Conseil économique, social et environnemental de Dominique Joseph et Olga Trostiansky intitulé « Crise sanitaire et inégalités de genre » (2) de mars 2021, qui rapporte l’effet amplificateur de la pandémie de Covid-19.
« Chez la femme, il y a un aspect psychologique que l’on n’arrive pas à surmonter aujourd’hui. La femme va s’occuper de son foyer avant de s’occuper d’elle. Enfin, il y a aussi cette problématique de maladies honteuses, dont on ne parle pas. Nous avons intériorisé le fait que la douleur faisait partie de la vie de la femme, alors que ce n’est pas vrai »
Benoîte de Sevelinges. Directrice du centre hospitalier princesse Grace
Pelvic Center
Face à ces disparités, le CHPG a donc décidé d’agir pour redonner aux femmes la place qu’elles méritent dans le parcours de soins. Au cours de l’été 2020, l’établissement monégasque a ainsi lancé une première filière dédiée aux troubles pelviens. Baptisée Pelvic Center, elle offre aux patientes une prise en charge complète et pluridisciplinaire, en une journée, pour établir un bilan personnalisé et un accès simplifié à tous les traitements. « Face à un trouble pelvien, le gynécologue libéral de ville ou le gastro-entérologue peut nous orienter les patientes sur un numéro de téléphone unique. Et nous, nous allons faire une journée entière de diagnostic en organisant tous les examens (IRM, examens sanguins…) et toutes les consultations (gastro, urologue, médecin sexuel…) », explique la directrice du CHPG. « Quand on fait ça toute seule dans son coin, il est compliqué d’obtenir des rendez-vous, de faire le suivi, de récupérer les résultats, de les transmettre au médecin suivant qui ne connaît pas forcément le médecin d’avant… Et nous nous sommes rendu compte qu’au final, les femmes ne faisaient pas ces examens. Donc elles n’étaient pas diagnostiquées, ni traitées ». Avec ce Pelvic Center, « le but est donc de tout organiser sur une journée de soins, de pouvoir croiser les résultats entre les différents spécialistes, et de revoir la patiente pour lui faire le diagnostic global ». Et mettre en place une prise en charge adaptée et globale, car ce parcours rassemble toutes les spécialités sur un même plateau technique : « En cas d’intervention chirurgicale, le gynécologue et le chirurgien digestif pourront être dans la même salle et intervenir au même moment. Alors qu’avant, nous avions une première intervention, puis deux mois après une seconde intervention. Cela signifiait deux anesthésies, deux convalescences. L’apport est donc très important pour la femme », indique Benoîte de Sevelinges. Deux ans après son lancement, le bilan reste toutefois mitigé pour la directrice de l’hôpital qui, malgré « une montée en charge progressive », estime ne pas être suffisamment entendue : « Beaucoup de femmes à Monaco n’ont pas connaissance de cette offre de soins qui, pourtant, est plus qu’utile. Notre travail est donc aujourd’hui de prendre notre bâton de pèlerin et d’en parler ». Et pour ce faire, le CHPG compte beaucoup sur le relais des associations féministes et sportives, mais aussi sur l’Éducation nationale « parce que plus nous en parlerons tôt, plus notre message portera », insiste Benoîte de Sevelinges. « Nous devons nous mettre d’accord avec Isabelle Bonnal [la directrice de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports — NDLR] sur ce qui est le plus pertinent. De notre côté, nous allons leur dire le message que nous souhaitons porter, et ce seront les spécialistes de l’enseignement qui nous donnerons le meilleur moyen et la meilleure voie ».
Le Pelvic Center offre aux patientes une prise en charge complète et pluridisciplinaire, en une journée, pour établir un bilan personnalisé et un accès simplifié à tous les traitements

Breastday Center
Ces interventions auprès des scolaires de la principauté seront ainsi l’occasion de faire connaître les dispositifs existants au CHPG. Et notamment le Breastday Center. Car en plus du Pelvic Center, l’hôpital de Monaco a inauguré, à l’occasion d’Octobre Rose, un tout nouveau parcours patient dédié, cette fois-ci, au dépistage du cancer du sein, qui représente plus du tiers de l’ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme. Comme pour les troubles pelviens, l’idée est de proposer aux patientes un parcours de dépistage rapide, complet et efficace sur les pathologies du sein. Toujours en un seul lieu et sur une même journée. Ce Breastday Center s’adresse aux femmes souhaitant consulter pour un avis médical devant une suspicion de cancer du sein (découverte d’une masse, écoulement mamelonnaire etc.), ainsi qu’à celles souhaitant obtenir un deuxième avis après la découverte d’une anomalie radiologique à la mammographique ou à l’échographie [à ce sujet, lire notre article « Breastday Center » : le dépistage du cancer du sein en un jour dans ce numéro — NDLR]. Pour monter cette filière, la directrice du CHPG a pu compter sur le soutien de leaders en la matière. À savoir le docteur Mathieu Liberatore, chef du service échographie-sénologie, pour la partie imagerie, et le docteur Abdol-Reza Bafghi, chirurgien gynécologue, pour la partie chirurgie. Ce dernier a d’ailleurs récemment lancé un certain nombre d’interventions au robot chirurgical, qui offre à la fois « plus de précision dans l’intervention, moins de complications, et permet d’aller chercher des tumeurs là où avant nous avions du mal à aller les chercher » vante Benoîte de Sevelinges. Car conjointement à l’ouverture de ces différentes filières, l’hôpital de Monaco continue à se doter d’équipements de pointe afin de proposer aux patients la meilleure prise en charge possible. À l’image de l’HIFU, un module destiné à éliminer les fibromes, dont le CHPG vient de faire l’acquisition cette année pour environ un million d’euros, grâce à des dons. « Avant, le traitement était chirurgical. Il était invasif et comportait de nombreux risques, surtout celui de perte de la capacité à pouvoir être fécondée, et donc à pouvoir avoir un enfant. Grâce à l’HIFU, nous pouvons aujourd’hui prendre en charge, en une demi-journée, les femmes qui ont ces douleurs terribles pendant leurs règles et qui ont aussi une stérilité possible en raison du fibrome sans obérer leur capacité future à avoir des enfants. Il n’y a pas de convalescence, pas de cicatrice, pas d’anesthésie. Là encore, c’est un progrès fabuleux », détaille Benoîte de Sevelinges.
« Les agents, qu’ils soient hospitaliers ou pas, ont envie d’être disponibles le week-end pour leurs enfants. Et avec la chirurgie ambulatoire, les services ne tournent pas le week-end, mais exclusivement du lundi au vendredi. Ces postes sont donc particulièrement attractifs pour le personnel »
Benoîte de Sevelinges. Directrice du centre hospitalier princesse Grace
La filière endométriose
Toujours dans l’idée d’améliorer la santé des femmes, le CHPG va également prochainement lancer une filière dédiée à l’endométriose. Considérée par le docteur Bafghi comme « la maladie gynécologique de la prochaine décennie » [à ce sujet, lire son interview dans ce numéro – NDLR], cette pathologie concernerait près d’une femme sur dix. « L’endométriose est une maladie dont on commence enfin à parler, qui est extrêmement handicapante, qui est mal et peu diagnostiquée alors qu’il existe des traitements. Nous ne parlons malheureusement pas d’une maladie curable, mais d’une maladie dont on peut réduire l’impact sur la vie quotidienne des femmes. Car l’endométriose, ce sont des arrêts de travail, des journées à la maison à se plier de douleurs, des fatigues extrêmes… Ce parcours nous tient vraiment à cœur », explique Benoîte de Sevelinges. Avant de détailler son projet : « Nous voulons accompagner la prise en charge médicale d’une prise en charge psychologique parce que c’est un accompagnement extrêmement difficile qu’il faut pouvoir mener. Et nous réfléchissons aussi à un accompagnement plus global dans la vie sociale, dans la vie familiale, pour permettre à la femme de mieux vivre sa maladie ». Comme pour la filière cancer du sein et les troubles pelviens, le CHPG peut compter dans ce domaine sur d’éminents spécialistes, en l’occurrence le docteur Guillaume Doucède, le docteur Jacques Raiga et le docteur Bafghi, pour mener à bien ce projet. « C’est une offre de soins que les gens connaissent peu à Monaco. Les jeunes femmes ont tendance à aller à Nice dès qu’il y a un sujet endométriose alors que nous avons trois praticiens qui ont des surspécialités en la matière », regrette la directrice de l’hôpital. Pour le moment, aucune date n’a encore été officiellement annoncée pour le lancement de ce parcours « endométriose ». « Mais une prise en charge est déjà assurée, précise Benoîte de Sevelinges. Il est possible d’appeler le service de gynécologie en cas de besoin. Nous devons juste voir comment coordonner les différents rendez-vous ». Car là encore, l’objectif est de proposer une prise en charge globale, multidisciplinaire réunissant à la fois l’imagerie, la gynécologie, la proctologie, la chirurgie digestive, la médecine sexuelle, mais aussi le psychologue ou le psychiatre « en fonction des cas ». Le tout en limitant au maximum les délais d’attente. Un défi de taille, quand on connaît les délais à rallonge pour obtenir un rendez-vous chez certains spécialistes : « C’est un gros travail de coordination et de programmation. Nous allons réserver des créneaux uniquement pour ces offres. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans un schéma où nous allons avoir une orientation. Nous ne sommes pas en première intention. C’est-à-dire que dès la prise de rendez-vous, nous savons que le rendez-vous spécialiste est nécessaire car soit le médecin traitant ou le gynécologue de ville nous a contactés, soit parce que sur la base d’un questionnaire qui est administré téléphoniquement, on voit qu’il y a quelque chose à aller chercher ».
A l’occasion d’Octobre Rose, l’hôpital de Monaco a inauguré un tout nouveau « parcours patient » dédié, cette fois-ci, au dépistage du cancer du sein, qui représente plus du tiers de l’ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme
Bientôt une unité « Santé de la femme » au CHPG ?
Actuellement disséminés dans tout l’hôpital, ces différents parcours pourraient-ils à l’avenir être rassemblés au sein d’une même unité ? Benoîte de Sevelinges y songe. « Dans l’idéal, nous aimerions disposer de locaux dédiés, confirme la directrice. Malheureusement, l’hôpital ne dispose pas de locaux disponibles. Au contraire, nous avons plutôt tendance à nous serrer ». Mais l’arrivée prochaine du nouveau CHPG pourrait bien changer la donne : « C’est tout à fait possible. Aujourd’hui, nous avons un travail à faire, parce que le programme a été écrit en 2011, nous avons « designé » nos unités en 2015, et nous devrions, en théorie, y rentrer fin 2025. Ça veut dire que l’année prochaine, nous devrons retravailler sur ce que nous mettons dans la première phase. Nous en avons déjà une idée, mais depuis, notre offre de soins a évolué. Les demandes et les attentes des patients ont évolué. Il est fort possible que dans cet espace-là, nous ayons un espace Santé de la femme ». En proposant des parcours sur une journée, l’établissement monégasque poursuit également le développement de ce que l’on appelle l’ambulatoire. Ce mode de prise en charge, qui consiste à raccourcir la durée des hospitalisations, présente de nombreux bénéfices à la fois pour les patients, mais aussi pour le personnel. « Plus vite on sort, mieux on se porte, parce que l’on va reprendre une activité plus vite. D’autre part, les études montrent que plus vite on reprend son activité, mieux la convalescence se passe. Ce n’est pas une bonne chose de rester alité quand ce n’est pas nécessaire médicalement », insiste Benoîte de Sevelinges. « D’ailleurs aujourd’hui, c’est une vraie demande. Les patients comparent. Entre une hospitalisation courte et une plus longue, les actifs privilégieront toujours les établissements où on propose des séjours plus courts ». Quant au personnel, travailler dans un service ambulatoire serait particulièrement attrayant et représenterait un argument de poids pour le CHPG, aujourd’hui confronté à des difficultés de recrutement : « L’attractivité dans les recrutements et dans la fidélisation du personnel passe aussi par des horaires qui correspondent aux attentes des agents. Or, les agents, qu’ils soient hospitaliers ou pas, ont envie d’être disponibles le week-end pour leurs enfants. Et avec la chirurgie ambulatoire, les services ne tournent pas le week-end, mais exclusivement du lundi au vendredi. Ces postes sont donc particulièrement attractifs pour le personnel ».
Pour lire la suite de notre dossier « Comment le CHPG se mobilise pour la santé des femmes », cliquez ici.
1) Le renoncement aux soins, une affaire de genre ?, Grégory Beltran et Najeh Daabek. 28 août 2020. Doi : 10.1016/S0038-0814(20)30081-5. À lire ici
2) Crise sanitaire et inégalités de genre, Dominique Joseph et Olga Trostiansky. 23 mars 2021. NOR : CESL1100011X. À lire ici