Les 18 et 19 juin, le conseil national a voté deux importants projets de loi pour la justice monégasque. L’un sur l’organisation et l’administration judiciaires, l’autre sur la réforme de la garde à vue. Une séance qui a également réveillé de vieilles querelles de campagne électorale.
Habitués des lieux et “primo-élus” se sont réunis les 18 et 19 juin au conseil national pour la toute première séance législative de la mandature 2013-2018. Des retrouvailles dans l’hémicycle ayant permis le vote de deux projets de loi importants pour le monde judiciaire monégasque. L’un relatif à l’organisation et à l’administration judiciaires, (déposé en 2004) l’autre sur la réforme de la garde à vue (déposé en 2011.) Une séance publique également marquée par… une absence. Celle de Jean-François Robillon, qui, depuis son inculpation dans l’affaire du sondage, joue plutôt les discrets. Même Laurent Nouvion en a perdu son latin. Par inadvertance, le président du conseil national a en effet appelé l’élu de sa majorité Christophe Robino « Monsieur Robillon » quand celui-ci a été invité à se prononcer sur le vote du projet de loi. « C’est la preuve que j’aurais souhaité sa présence », a plaisanté le patron du conseil national.
Rapports à 60 000 euros
Le ton était en revanche un peu moins badin chez certains élus qui ont profité de la séance publique pour remettre au goût du jour des vieilles querelles déjà entendues durant la campagne électorale. Et c’est Philippe Clerissi qui a démarré les hostilités. L’élu a accusé une nouvelle fois l’ex-majorité d’avoir plombé et retardé le travail législatif. « 2004-2013, quasiment deux législatures… C’est plus qu’il n’en faut pour concevoir un avion de ligne. Des dizaines de réunions de la commission législation, deux consultants extérieurs, messieurs Renoux et Petit, qui ont coûté la bagatelle de 60 000 euros et ce projet de loi sur l’organisation des services judicaires qui n’était toujours pas voté… On en était là il y a encore quelques mois, a lancé l’élu. Le gouvernement avait pourtant insisté sur le caractère d’urgence que revêtait l’examen de ce texte déposé en 2004 afin que celui-ci soit mis en conformité avec les standards européens. Les responsables de ce gâchis se reconnaîtront. »
Théorie du complot
Sans surprise, le tant décrié rapport Renoux est revenu sur le devant de la scène. Commandé par l’ancienne majorité, celui-ci préconisait, entre autres, que la DSJ rende des comptes à la représentation nationale sur sa gestion de l’argent public et la mise en œuvre de la politique pénale. Rapport qui a eu une double conséquence selon Nouvion : « Geler le vote du projet de loi et crisper les rapports institutionnels entre la DSJ et le conseil national. » Clérissi parlant même d’une dérive vers « une monarchie parlementaire. » « En octobre 2012, après plus de 8 ans de réflexion, la commission de législation a proposé 25 amendements qui dénaturent le texte et dont les plus significatifs s’inspirent du rapport Renoux, a continué Clérissi. Si ce projet de loi n’a pas été voté c’est parce que l’ancienne majorité a considérablement modifié l’objet initial, et l’a dévoyé en privilégiant la théorie du complot et la défiance à l’égard des autorités judiciaires. »
Claude Boisson, aussi, y est allé de son petit commentaire : « La commission législation a travaillé dans le dialogue et l’harmonie. C’est la démonstration que nous ne sommes pas une majorité de façade comme l’ont dit certains, mais une majorité de béton liée par le ciment de la motivation et du travail. »
Climat « néfaste pour tous »
Pour l’actuelle opposition Union monégasque, trop c’est trop. En conférence de presse, le 20 juin, les 3 élus, Bernard Pasquier, Jean-Louis Grinda et Jean-François Robillon, ont appelé à l’apaisement et à en finir avec ces vieilles querelles. « Je ne vois pas l’intérêt de refaire la campagne. A quoi bon tomber encore à bras raccourcis sur l’équipe précédente. Nous revenons toujours sur le passé. La post-campagne est un exercice de style qui me semble néfaste pour tous. Il est temps que le président du conseil national revienne à l’état d’esprit de son discours d’investiture du 21 février qui avait une certaine générosité et une certaine hauteur de vue. Il faisait preuve d’ouverture d’esprit et à titre personnel, j’ai applaudi ce discours des deux mains », a expliqué Grinda, tout en faisant un « appel amical » à l’apaisement. « De plus, qui envoie-t-on pour tancer l’ancienne majorité ? Des élus qui, précisément, en faisaient partie, à savoir messieurs Clérissi et Boisson. Ils ont été suffisamment longtemps dans la majorité pour prendre leur part de responsabilités. Ils devraient donc faire preuve d’un minimum de discrétion », a-t-il rajouté. Reste à voir si cet “appel du 20 juin” se traduira dans les faits.
22 sur 30
De son côté, le ministre d’Etat Michel Roger, a tenu à dresser un bilan chiffré de la collaboration entre le parlement et l’Exécutif dans le domaine législatif. Histoire, de prouver encore une fois que conseil national et gouvernement ne sont pas en « guerre » ? « Entre 2002 et 2012, sur les 30 propositions de loi transmises au gouvernement, 22 ont été transformées en projet de loi. Quant aux 8 propositions ayant conduit le gouvernement à devoir interrompre la procédure législative, 7 ont, en réalité donné lieu à une suite législative par le dépôt ultérieur de projets de loi parfois après la constitution d’un groupe de travail mixte conseil national gouvernement », a-t-il précisé.