vendredi 26 avril 2024
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Quatre villas détruites pour
une opération immobilière

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L’écrin de Malachite, c’est le nom de l’opération immobilière validée par le conseil communal, malgré la destruction de quatre villas Belle Epoque entre le boulevard Rainier III et la rue Louis-Aureglia. Au Conseil national, les réactions sont plutôt négatives.

Les porteurs du projet privé, Vladimir Melnichenko (692ème fortune mondiale selon le magazine Forbes en 2011, N.D.L.R.) et Olga Eglit, ont sollicité l’autorisation de réaliser une opération immobilière fin décembre 2016. Celle-ci consiste en la démolition de quatre villas Belle Epoque et en la construction, en lieu et place, d’un complexe dénommé L’Ecrin de Malachite. Comme le veut la procédure, le gouvernement princier doit consulter le conseil communal pour recueillir sa délibération. C’est donc lors de la séance publique du 27 juin dernier que la mairie s’est penchée sur le sujet. Le conseil communal a donné à l’unanimité un avis favorable pour la réalisation de cette opération privée. Le cabinet Christian Curau Architecte a été choisi par les pétitionnaires pour ce projet. Les premiers plans dévoilées en séance publique ont été argumentés par l’architecte : « Il s’agit là d’une véritable volonté architecturale de décomposition des volumes, dans le but de respecter le caractère patrimonial du vallon […] Les volumes des villas s’inspirent des volumes existants, notamment ceux de la villa Maria, identifiée comme la villa la plus emblématique du site de par sa position très visible, à l’angle du boulevard Rainier III et du vallon, telle une vigie. »

50 millions d’euros

Dans le détail, cette réalisation moderne obligera à la destruction de la villa Les Myrthes, située 2 rue Louis-Aureglia, de la villa Ciel Bleu située 2 escalier Sainte Dévote, de la villa Saphir-Cottage et Maria, respectivement situées 24 et 26 boulevard Rainier III. Le nouveau complexe immobilier sera articulé autour de trois villas destinées à l’habitation individuelle appelées Villa Saphir (717 m2), Villa Diamant (1 386 m2) et Villa Rubis (1 489 m2), ainsi qu’un immeuble appelé Le Rosier Sauvage accueillant huit appartements. Trois deux-pièces, trois appartements de trois pièces et deux quatre pièces. Ce dernier comportera également huit caves et 31 emplacements pour véhicules légers. Coût de l’opération : 50 millions d’euros hors taxe et 39 mois de chantier en prévision. La date prévisionnelle de démarrage des travaux, ainsi que leur impact sur la circulation, n’ont pas été communiqués. « Nous pouvons apprécier que cette opération de démolition-reconstruction ne sacrifie pas des bâtiments qui faisaient le charme de Monaco au profit de “bloc de béton” à l’esthétique discutable et discutée par beaucoup de nos compatriotes et résidents », a considéré l’adjoint au maire, Nicolas Croési, lors de la séance du conseil communal. « Le dossier est effectivement conforme au règlement. Pour moi, l’esthétique est même améliorée, alors que nous partons déjà de quatre villas de belle facture », a aussi soutenu le maire de Monaco, Georges Marsan.

« Démarche patrimoniale »

Avant de voter en faveur du projet, Françoise Gamerdinger a émis quelques réserves, notamment sur « la démarche patrimoniale » mise en avant par le cabinet d’architecte. « C’est une démarche certes esthétique de vouloir rester dans l’esprit Belle Epoque. Mais s’il s’était agi d’être dans une démarche purement patrimoniale, ces villas n’auraient pas été détruites, mais restaurées. Je pense que nous devons être vigilants », a souligné l’adjointe au maire. Cette élue s’est aussi inquiétée de « la reprise de décors d’époque » précisée dans le dossier des deux pétitionnaires. « Dans le but de s’inscrire dans une démarche patrimoniale, des médaillons décoratifs avec le nom des bâtiments seront mis en place en façade et leurs dessins seront directement inspirés des modèles anciens présents sur les villas Maria et les Myrtes », a expliqué l’architecte du projet. Nicolas Croési confirmant donc qu’il ne s’agirait pas « de récupérer des éléments existants », mais de s’inspirer des dessins « des modèles anciens présents sur les villas actuelles ».

« Gâchis »

Politiquement, cette décision intervient quelques jours seulement après le vote d’un projet de loi sur la préservation du patrimoine en Principauté. « L’émotion et la nostalgie peuvent parfois prendre le dessus sur la rationalité que nécessite le développement économique et immobilier de Monaco. Il y a un juste milieu à trouver, la liberté de promotion devant être encadrée par le bon sens et nos règlements d’urbanisme » a plaidé Nicolas Croési. Un avis pas vraiment partagé par le groupe politique Renaissance qui déplore « un nouveau gâchis ». « En plein cœur de la Principauté, on vient encore d’autoriser la destruction massive de quatre très belles villas. Pourquoi ne pas les restaurer, les réhabiliter, leur rendre le faste de la construction de Monte-Carlo ? », s’indigne Jean-Michel Rapaire, tout en appelant au « bon sens ». « Il est urgent que le comité de protection du patrimoine national voit le jour », indique-t-il. Espérant, de la même façon, que ses futurs membres soient à la fois « actifs » et « intransigeants » sur la défense « de ce qui reste de notre patrimoine national ». Ce cas de figure illustre parfaitement, selon l’élu de la Nouvelle Majorité (NM), Daniel Boéri, « l’utilité de la loi sur la préservation du patrimoine national et sa valorisation ». Mais le doyen du Conseil national insiste sur la légalité de l’opération. « Ces villas ne sont aucunement classées comme immeubles remarquables. De ce fait, elles ne sont pas protégées par une ordonnance souveraine. La propriété privée est, elle aussi, protégée par notre constitution », explique-t-il. Par contre, celui qui fut le rapporteur du projet de loi il y a quelques semaines dans l’hémicycle appelle à un inventaire rapide « du patrimoine immatériel et immobilier » de Monaco. Daniel Boéri estime souhaitable que « patrimoine passé et constructions à venir puissent coexister dans un cadre valorisant la Principauté ».