L’hybridation de l’immobilier porte un nom : la proptech. Véritable marché porteur dans les pays développés, il est dans le viseur de Monaco, qui tient à jouer un rôle stratégique dans ce secteur en Europe. Avec l’ESCP Business School de Paris, le principauté publie chaque année un baromètre proptech qui révèle les tendances stratégiques de ce domaine.
Tout marché semble destiné à se numériser, et l’immobilier n’y fait pas exception. Cette tendance porte un nom : la proptech, contraction anglo-saxonne des termes « property » [immobilier en français — NDLR], et « technology ». Plus qu’une appellation, il s’agit en réalité d’une niche qui regroupe toutes les entreprises et les jeunes pousses qui se consacrent aux technologies dédiées aux usages et aux services pour le marché de l’immobilier et du bâtiment. En chiffres, la proptech représente 20 milliards de dollars récoltés entre 2021 et 2022, dans 67 pays du monde. Rien qu’aux États-Unis, pays dans lequel a émergé ce marché dans les années 2000, ce sont plus de 45 milliards de dollars de fonds qui ont été cumulés depuis 1999 par les entreprises spécialisées. En France, plus de 500 millions d’euros ont été levés avant la crise Covid, en 2019, pour une croissance de plus de 200 % en seulement quatre ans.
Dans ce contexte, Monaco entend ne pas manquer la vague de cette hybridation de l’immobilier et du bâtiment. Ainsi, chaque année depuis trois ans, en collaboration avec l’école de commerce parisienne ESCP Business School et son professeur Jaime Luque, la principauté réalise un baromètre proptech, par l’intermédiaire d’Extended Monaco, pour témoigner des évolutions de ce secteur à l’échelle mondiale. C’était l’occasion d’en parler, le 9 mars 2023 au Yacht Club de Monaco, lors d’une conférence dédiée avec Extended Monaco Entreprises et le Monaco Economic Board (MEB). « La proptech est devenue un domaine d’intérêt de plus en plus important pour les gouvernements, les investisseurs et les entrepreneurs. Le baromètre proptech 2023 vise à fournir des informations et des éclaircissements qui peuvent être utiles à un large éventail d’audiences. Des experts du secteur aux étudiants et aux décideurs politiques, le rapport vise à mettre en évidence les dernières tendances et innovations dans ce domaine », explique Diego Bonaventura, en charge de l’économie digitale au sein du gouvernement monégasque, partenaire de ce nouveau baromètre proptech 2023. Trois exemples de numérisation à Monaco y sont mis en avant.

La proptech représente 20 milliards de dollars récoltés entre 2021 et 2022, dans 67 pays du monde. Rien qu’aux États-Unis, pays dans lequel a émergé ce marché dans les années 2000, ce sont plus de 45 milliards de dollars de fonds qui ont été cumulés depuis 1999 par les entreprises spécialisées
Numériser la gestion d’actifs
La principauté s’est engagée dans la compréhension et dans la numérisation de ses actifs immobiliers. Pour cela, elle a acquis des licences pour les outils de gestion technique des actifs, avec le logiciel de gestion technique de patrimoine immobilier Abyla en 1998. En gestion d’actifs, cette démarche passe par Stonal, qui est l’une des principales plateformes de « software as a service » (SaaS) pour les gestionnaires d’actifs et de biens immobiliers. Cette entreprise, qui a acquis Labéo, l’éditeur du logiciel Abyla, en 2020, a intégré pleinement ce logiciel dans sa solution globale. Ce service fait partie de la gamme de solutions techniques « Building Information Modelling » (BIM), qui est la base de la transformation numérique dans l’industrie de l’architecture, de l’ingénierie, et de la construction. Le BIM consiste à créer et à gérer des informations pour un actif construit, afin de produire une représentation numérique d’un actif tout au long de son cycle de vie, allant de la planification et de la conception à la construction et aux opérations. Pour Monaco, une bonne connaissance de ses actifs, comme les surfaces, les composants et les équipements, était une condition essentielle pour en assurer leur gestion et leur maintenance efficaces. Conçu pour les gestionnaires d’actifs et de biens immobiliers, Stonal offre une plateforme intégrée pour visualiser les actifs, interroger la base de données, organiser des « datarooms » [les salles de données — NDLR], partager les informations avec les parties prenantes, maintenir les actifs, contrôler les budgets, et respecter les exigences réglementaires. Au-delà de la gestion technique des bâtiments, des discussions sont en cours entre l’administration des domaines et Stonal concernant de nouveaux cas d’utilisation, tels que la cartographie des risques, les obligations réglementaires et la suppression des réservations.

« La proptech est devenue un domaine d’intérêt de plus en plus important pour les gouvernements, les investisseurs et les entrepreneurs. »
Diego Bonaventura. Chargé de mission en économie digitale au sein du gouvernement monégasque
Booster la construction grâce aux plateformes 3D
La construction se numérise aussi. La plateforme 3D développée par MZA Monaco, une entreprise monégasque soutenue par Dassault Systèmes, prend en charge l’ensemble du processus de conception de construction, de la perspective architecturale au calcul structurel, au rendu 3D et à la gestion technique, à l’aide de logiciels dédiés. Cette technologie a un impact important sur l’architecture et la construction, car la capacité de présenter des conceptions comme des plans d’étage 3D sous forme numérique représente un véritable changement de paradigme pour la livraison du bâtiment. En raison de la complexité croissante des bâtiments architecturaux, la nécessité d’une plateforme dédiée qui implique la modélisation 3D s’est peu à peu imposée pour répondre aux exigences des acteurs du marché en termes de vitesse et de personnalisation. Il s’est avéré que le support technologique pour les architectes et les géométries complexes ne pouvaient plus être développés par des outils traditionnels. C’est pourquoi des entreprises comme MZA Monaco se sont concentrées sur une approche de plateforme qui relie les idées, les architectes, et les ingénieurs. Au fil des ans, cette entreprise a soutenu des firmes architecturales comme Zaha Hadid, Frank Gerhy, Alexandre Giraldi, et Santiago Calatrava, entre autres. Selon les responsables de MZA, le marché de la construction évolue vers un environnement intégré à la construction, où les informations seront échangées entre les équipes et les entreprises, avec des examens de conception simplifiés et une meilleure prise de décision.

Pour Monaco, l’objectif est de bénéficier des capacités avancées de calcul et de visualisation 3D, qui servent d’outil prospectif permettant l ’évaluation et la simulation des impacts des transformations futures sur plusieurs indicateurs
Optimiser la vie quotidienne avec un jumeau numérique
Un “digital twin”, ou jumeau numérique, est une copie numérisée d’une ville. Il a été utilisé pour la première fois dans la construction de bâtiments et d’infrastructures, puis il s’est étendu à des unités urbaines entières, dont la principauté. Pour Monaco, l’objectif est de mettre en place un outil numérique pour améliorer la vie quotidienne de ses résidents, et optimiser la prise de décisions. L’idée clé est de bénéficier des capacités avancées de calcul et de visualisation 3D, qui servent d’outil prospectif permettant l’évaluation et la simulation des impacts des transformations futures sur plusieurs indicateurs, comme le bien-être urbain, la planification de la construction, ou l’environnement. Ce qui peut être précieux à l’heure où les débats autour de la qualité de vie se multiplient entre les élus du Conseil national et le gouvernement. Le jumeau numérique 3D de l’ensemble du territoire de la principauté de Monaco a été initié par le gouvernement, qui a confié son développement à Siradel, une filiale du groupe ENGIE, et à la Société monégasque d’électricité et de gaz (SMEG). À partir de ce jumeau numérique, une plateforme de services numériques a été déployée pour la gestion opérationnelle des départements et des partenaires. Avec la technologie numérique comme base de la gestion de ces projets, cette plateforme a été déployée sur un premier sujet stratégique : la coordination des travaux de construction publics-privés. Les principaux utilisateurs sont tous les départements des services opérationnels de Monaco, notamment le département de l’urbanisme et le département des travaux publics. D’autres utilisations, comme la résilience face aux impacts du changement climatique, aux îlots de chaleur urbains et aux inondations sont également en cours de co-développement, ont indiqué les services d’Extended Monaco. Tout comme la question, plus globale, de l’environnement via un « cadastre vert ».