samedi 27 avril 2024
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Mobilité — Conseil national : « Notre retard est tel, que seule la multiplicité des solutions pourra être efficace »

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Le gouvernement monégasque a annoncé son plan consacré à la mobilité le 9 février 2024 (1). Comment ces annonces ont-elles été perçues par les élus du Conseil national ? Pour Monaco Hebdo, Brigitte Boccone-Pagès, présidente du Conseil national, Nathalie Amoratti-Blanc, présidente de la commission environnement et qualité de vie, Karen Aliprendi, vice-présidente pour les mobilités de la commission environnement et qualité de vie, et Jade Aureglia, vice-présidente pour l’urbanisme durable et les grands travaux de la commission environnement et qualité de vie, ont réagit. Interview à quatre voix.

Globalement, quel regard portez-vous sur le plan mobilité annoncé par le gouvernement monégasque, dans la matinée du 9 février 2024 ?

Brigitte Boccone-Pagès : Reconnaissons que c’est un signal fort envoyé par le gouvernement. Des choses ont, bien entendu, été faites ces dernières années, mais l’impression globale était celle de l’inaction, alors que les difficultés se multipliaient. Je veux évidemment parler des sempiternels bouchons pour se rendre en principauté, et pour la traverser, mais également des difficultés permanentes rencontrées par les pendulaires dans les transports, de la pollution, du bruit, des tracas rencontrés par les piétons et les personnes handicapées pour traverser la ville. Après des années pendant lesquelles nous n’avons cessé d’interpeler le gouvernement, nos échanges, en décembre 2023 pour le budget primitif nous ont convaincus qu’il devait nous présenter un plan réaliste, que nous étudierons lors du premier budget rectificatif du printemps 2024.

Mobilité Monaco Conseil National Brigitte Boccone-Pagès
« Après des années pendant lesquelles nous n’avons cessé d’interpeler le gouvernement, nos échanges, en décembre 2023 pour le budget primitif nous ont convaincus qu’il devait nous présenter un plan réaliste, que nous étudierons lors du premier budget rectificatif du printemps 2024. » Brigitte Boccone-Pagès. Présidente du Conseil national. © Photo Conseil National

Qu’espérez-vous ?

Brigitte Boccone-Pagès : Nous n’attendons pas un catalogue de mesures isolées, mais une projection à long terme, qui va bien au-delà des déplacements routiers ou ferroviaires, pour englober tout ce qui fera le « bien-vivre » dans notre si belle principauté. La population nous a adressé un message clair sur ces sujets. C’est pour cela que nous avons décidé d’élargir la commission qualité de vie, présidée par Nathalie Amoratti-Blanc, en la dotant de deux vice-présidentes, Karen Aliprendi pour les mobilités, et Jade Aureglia pour l’urbanisme durable et les grands travaux. Donc, ce plan présenté récemment est un signe encourageant. Je vais donc laisser mes collègues de la commission vous en dire plus.

Nathalie Amoratti-Blanc : En effet, comme nous l’avons dit avant même cette conférence de presse, et sans même rentrer dans le détail de ce qui a été annoncé, nous ne pouvons que nous réjouir de la mobilisation du gouvernement pour ce qui semble devenir une véritable priorité. Comme cela vient d’être dit, cela fait des années que nous ne cessons de l’interpeler pour que des mesures disparates soient placées dans une perspective globale qui réponde à 360 degrés à la problématique de l’embolie de la principauté, tant à l’intérieur de nos frontières que pour y accéder. Tous ces sujets sont au cœur du travail de la commission. Croyez-bien que notre état d’esprit n’est pas de nous opposer au gouvernement, mais d’être une véritable ressource sur laquelle il pourra s’appuyer pour éclairer ses choix.

« Ce plan est un signal fort envoyé par le gouvernement. Des choses ont, bien entendu, été faites ces dernières années, mais l’impression globale était celle de l’inaction, alors que les difficultés se multipliaient » Brigitte Boccone-Pagès. Présidente du Conseil national

Brigitte Boccone-Pagès. Présidente du Conseil national

La stratégie d’ensemble défendue par le gouvernement vous semble-t-elle être la bonne ?

Jade Aureglia : On sent qu’il y a désormais une politique concertée, mais l’idée d’une « stratégie d’ensemble » comme vous l’appelez, ne prendra tout son sens qu’au moment de la publication d’un schéma directeur de développement qui prendra en compte non seulement la mobilité, mais tout ce qui concourt aux politiques d’équipement. D’ailleurs, le gouvernement a répondu positivement à notre demande en évoquant des perspectives en amont du prochain budget rectificatif du printemps 2024.

Mobilité Monaco Conseil National Jade Aureglia
Projet d’un parking de dissuasion à la Brasca : « Nous écoutons aussi les pendulaires qui retiennent le mot de « dissuasion » avant celui de « parking », et qui ne semblent pas enchantés à l’idée de subir les bouchons de l’autoroute, puis de se garer au loin, de prendre une navette, puis un autre autobus pour se rendre à leur travail. » Jade Aureglia. Vice-présidente pour l’urbanisme durable et les grands travaux de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national. © Photo Conseil National

Quels sont les points qui vous semblent les plus satisfaisants ?

Karen Aliprendi : Pour reprendre l’évocation de Nathalie Amoratti-Blanc, « le » point essentiel, c’est évidemment la prise en compte de la mobilité comme une véritable priorité nationale. Dans le détail, les mesures annoncées ne sont, pour la plupart, que la concrétisation d’actions qui avaient déjà été annoncées à l’Assemblée ou dans la presse. Ce qui est réellement satisfaisant, et qui le sera directement pour leurs bénéficiaires, c’est qu’on passe du projet à la mise en œuvre, voire à la mise en service, je pense aux améliorations du TER, l’ouverture du parking Evos et ses structures logistiques, le tunnel des Salines, la mise en place de nouvelles formules d’abonnement incitatifs pour le stationnement, le démarrage de nouvelles lignes de bus, etc.

Nathalie Amoratti-Blanc : Dans la catégorie « satisfaisant » je rajouterai ce qui n’a sans doute pas été mentionné pendant la conférence de presse et qui concerne la méthode. Nous sommes tombés d’accord avec le gouvernement pour avancer sur ces questions dans le dialogue, par l’organisation de réunions d’échanges en amont du travail budgétaire. Maintenant, quelle que soit la qualité de la méthode, cela devra, bien entendu, aboutir à des résultats concrets, qui répondent aux attentes de la population que nous représentons.

Mobilité Monaco Conseil National Karen Aliprendi
« Le choix de la gratuité [des bus — NDLR] est, pour toutes les communes qui le proposent avec succès, avant tout un choix politique fort, qui marque l’engagement vers la décarbonation qui, nous le savons tous, est une priorité pour notre pays. Nous n’en faisons pas une clause bloquante, d’autant que la mesure n’a de sens qu’accompagnée, comme au Luxembourg par exemple, d’un vaste redéploiement de l’offre de transport. Mais cela reste un marqueur. » Karen Aliprendi. Vice-présidente pour les mobilités de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national. © Photo Conseil National

« On sent qu’il y a désormais une politique concertée, mais l’idée d’une « stratégie d’ensemble » comme vous l’appelez, ne prendra tout son sens qu’au moment de la publication d’un schéma directeur de développement qui prendra en compte non seulement la mobilité, mais tout ce qui concourt aux politiques d’équipement »

Jade Aureglia. Vice-présidente pour l’urbanisme durable et les grands travaux de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national

À l’inverse, parmi les annonces qui ont été faites, qu’est-ce qui ne vous a pas convaincu et pourquoi ?

Jade Aureglia : Ce n’est pas une critique, car il faut bien commencer par le début, mais ce plan n’est, évidemment, pas complet, en l’état. Je pense d’ailleurs à des pans entiers de la politique d’aménagement comme le programme « re-naturer la ville », sur lequel le gouvernement travaille activement, qui n’est pas développé ici, mais, puisqu’il redonne toute sa place au cheminement piéton, qui participe activement à motiver les gens à abandonner leur véhicule. Par ailleurs, disons que nous sommes encore en attente d’une planification à long terme des transports publics sur une échelle régionale, en lien avec les autorités voisines, locales, régionales, et nationales.

Nathalie Amoratti-Blanc : C’est en effet une dimension essentielle de la mobilité. Un pendulaire ne se pose pas la question de la nationalité d’un bouchon qu’il subit ! Nous comptons sur le gouvernement pour qu’il avance au plus haut niveau avec les pays voisins sur des dossiers qui les concernent autant que nous, je pense au contrat de plan État-Région ou à l’assouplissement de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) pour loger davantage de salariés dans les communes proches. Pour autant, chacun étant à sa place, c’est aussi notre devoir de nous rapprocher des élus des collectivités pour évoquer ces questions, ce que nous nous employons à faire.

Mobilité Monaco Conseil National Nathalie Amoratti-Blanc
« Un pendulaire ne se pose pas la question de la nationalité d’un bouchon qu’il subit ! Nous comptons sur le gouvernement pour qu’il avance au plus haut niveau avec les pays voisins sur des dossiers qui les concernent autant que nous. » Nathalie Amoratti-Blanc. Présidente de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national. © Photo Conseil National

Le gouvernement va davantage miser sur le réseau SNCF : c’est un choix logique ?

Karen Aliprendi : C’est un choix logique, dans la mesure où c’est un mode de transport « lourd ». C’est d’ailleurs le seul dans ce cas pour les 60 000 pendulaires et les touristes. Il est, reconnaissons-le, plutôt lent et à vocation régionale, de Cannes à Vintimille, mais moins pertinent pour les communes entre Nice et Monaco. En effet, qu’il n’est pas naturel, ni même très pratique, de prendre le train quand on habite entre ici et Nice, par exemple. C’est pour cela que les élus sont d’un côté très favorables à l’amélioration du TER, tout en appelant à la mise en place d’une nouvelle offre de transport, pour la desserte en capillarité des communes qui comportent la densité la plus forte de pendulaires, entre Nice et Menton. Nous n’opposons pas un mode de transport contre un autre. Dans le monde, les métropoles les mieux dotées mettent en harmonie, et donc en réseau, les différents modes de transport : bus, tram, metro, TER, etc (2). En attendant, le TER doit pouvoir être largement optimisé. Notre financement d’un nouveau mode de gestion des signaux embarqués dans les rames, l’ERTMS (3) [le système européen de gestion de trafic des trains — NDLR], est un premier pas.

« Cette navette maritime Nice-Monaco, tout le monde l’attend… Pourquoi patienter ? On nous a opposé des raisons techniques. Des solutions innovantes existent et elles se mettent en place ailleurs dans le monde. On a évoqué des obstacles administratifs. Aucun n’est insurmontable »

Karen Aliprendi. Vice-présidente pour les mobilités de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national

Lire aussi | Monaco investit 50 millions d’euros pour cinq rames de TER

Comme en 2008 (4), l’Etat monégasque pourrait financer l’achat de rames de TER : votre majorité n’était pourtant pas favorable à cette option ?

Nathalie Amoratti-Blanc : Soyons précis. Nous avons toujours soutenu les efforts du gouvernement pour améliorer les transports. Lorsque cette option a été évoquée, la qualité de rendu du service TER était, tout le monde le sait, très en dessous des engagements. Cela n’a rien à voir avec le nombre de rames en service, mais avec l’exploitation, la ponctualité, la maintenance, le personnel, etc. Donc notre position était : commençons par faire respecter les engagements prévus dans la convention avec la SNCF sur la base du parc existant. Le plan mobilité qui a été présenté indique prendre en compte cette dimension, ce qui ne peut que nous réjouir. Et nous sommes, bien entendu, tout à fait favorables à l’augmentation du parc de rames.

La gratuité des bus de la principauté ne fait pas partie des annonces faites par Pierre Dartout : comment vous faire entendre, alors que vous réclamez cette mesure depuis 2019, sans résultat ?

Karen Aliprendi : On ne développe pas un réseau de transports en commun comme un business parmi d’autres. Il s’agit d’un service public, qui fait d’ailleurs l’objet d’une subvention inscrite au budget que nous votons. Le choix de la gratuité est, pour toutes les communes qui le proposent avec succès, avant tout un choix politique fort, qui marque l’engagement vers la décarbonation qui, nous le savons tous, est une priorité pour notre pays. Nous n’en faisons pas une clause bloquante, d’autant que la mesure n’a de sens qu’accompagnée, comme au Luxembourg par exemple, d’un vaste redéploiement de l’offre de transport. Mais cela reste un marqueur.

Des bus de la Compagnie des autobus de Monaco (CAM) vont assurer des trajets quasi-directs, en marquant peu d’arrêts entre leur point de départ et leur point d’arrivée : l’idée vous semble bonne ?

Jade Aureglia : La mesure nous a été présentée et elle correspond, en l’occurrence, au besoin d’offrir aux utilisateurs du nouveau parking des Salines un accès direct à des points clefs de la principauté. L’intention est bonne. Attendons de voir la réponse des usagers. Je rappelle que nous sommes avant tout pour une augmentation de la fréquence, avec des dessertes qui correspondent aux vrais besoins de notre population. Dans ce cadre, le nouveau tracé direct entre Fontvieille, le port et le Larvotto est sans doute un bon début de réponse pour faire gagner du temps à de nombreux passagers. Ces mesures offriront un bon test d’usage, et permettrons, à terme, d’aller plus loin vers un réseau de bus bien maillé, bien desservi, et réellement capable de nous faire abandonner notre voiture, pour l’usage quotidien.

« Pour la marée quotidienne de voitures venant de l’extérieur, nous avons proposé au gouvernement, outre une véritable stratégie de transports publics, d’étudier la solution qui a été adoptée avec succès à Londres, À Stockholm ou À Singapour, sous forme de régulation avec des badges et des bornes de contrôle »

Nathalie Amoratti-Blanc. Présidente de la commission environnement et qualité de vie du Conseil national

Le projet de navette maritime Nice-Monaco semble aussi mis de côté, faute d’un retour positif de la part de la métropole de Nice, selon Pierre Dartout ?

Karen Aliprendi : Cette navette maritime Nice-Monaco, tout le monde l’attend… Pourquoi patienter ? On nous a opposé des raisons techniques. Des solutions innovantes existent et elles se mettent en place ailleurs dans le monde. On a évoqué des obstacles administratifs. Aucun n’est insurmontable. Sur ce dossier emblématique, il s’agit avant tout d’un choix politique, que les élus appellent de leurs vœux, pour lequel le gouvernement a tout notre soutien.

La création d’un métro entre Nice et Cap d’Ail ne semble plus vraiment à l’ordre du jour, notamment pour des raisons budgétaires, mais aussi pour des motifs écologiques : quelle est votre réaction ?

Nathalie Amoratti-Blanc : C’est, au contraire, plus que jamais d’actualité ! N’oublions pas que le gouvernement est le premier à nous avoir parlé de métro [l’annonce a été faite le 8 octobre 2020 par la conseillère-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia, lors d’une séance budgétaire, à ce sujet, lire notre article Bientôt un métro entre Nice et Monaco ?, publié dans Monaco Hebdo n° 1169 — NDLR]. Peut-être que le gouvernement s’est rendu compte plus tard que la capacité et les investissements d’un métro entre Monaco et la Brasca était sans doute surdimensionnés. Mais le besoin est réel pour notre grand bassin d’emploi, en complément de l’existant qui montre ses limites. Pour revenir à votre question, j’attends tout d’abord qu’on m’explique comment la suppression de milliers d’automobiles de nos routes serait un motif écologique de refus ! En revanche, la question budgétaire est bien évidemment conséquente. Ce n’est bien entendu pas à la principauté de financer seule un tel projet. Nous parlons d’un dossier à l’échelle d’une décennie, qui doit se concevoir et se réaliser au niveau international, avec des financements européens, nationaux et régionaux possibles du côté français.

Jade Aureglia : De manière concrète, on ne lance pas l’idée d’un métro sans partir d’une vraie analyse de tous les déplacements et des objectifs de reports, de la complémentarité avec le maillage de tous les autres moyens de transports. De même, qu’il est indispensable d’étudier les retombées économiques et sociales pour les communes concernées, ainsi que l’impact environnemental. À partir de là, on pourra commencer à discuter et à dimensionner le projet sur une base « d’utilité publique », le type de desserte, l’itinéraire, les choix technologiques, et les conséquences liées aux chantiers. Nous sommes bien au-delà d’un dossier « transport », mais bien dans une projection urbanistique et sociale. Un tel projet doit faire l’objet d’une réelle volonté et d’une réflexion de toutes les parties. C’est pour cela que nous sommes dans une phase de dialogue, entre les exécutifs concernés, mais également, à notre place, entre élus à l’écoute de nos populations.

Karen Aliprendi : Ajoutons que le terme « métro » peut prêter à confusion. C’est un mot valise qui cache un grand éventail de solutions qui ont fait leurs preuves sur toute la planète : tram en site propre, pré-metro comme à Bruxelles, lignes légères automatiques. Les industriels savent proposer aux exploitants ce qui correspond le mieux à leurs besoins.

Nathalie Amoratti-Blanc : Et puis, n’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’une dépense sèche, mais d’un investissement réellement productif, car l’attractivité de la principauté est sérieusement menacée, dans la mesure ou de plus en plus de talents se détournent de « l’hypothèse Monaco » à cause de l’enfer vécu aux accès. Le Luxembourg est arrivé aux mêmes conclusions, avant d’investir massivement dans les transports transfrontaliers, ainsi que la Suisse, dont le Léman Express entre Genève et la France est un exemple de grand succès.

Le réseau de Monabike verra sa progression limitée dans les mois à venir, faute d’espace et parce qu’une série de travaux sont en cours à Monaco : dans un cadre contraint, quels prolongements peut-on imaginer pour ces vélos électriques en libre-service ?

Jade Aureglia : Je reviens au point de départ de toute initiative en termes de déplacement : la projection et la planification. Toute offre de déplacements répond à un projet plus large, qui prend en compte les besoins des piétons, des personnes à mobilité réduite, des familles et organise l’espace disponible, la voirie etc. La démarche actuelle du gouvernement sur ce thème autour du projet « re-naturer la ville » est très prometteuse, même si nous attendons des éclaircissements sur sa partie budgétaire. Et elle doit inclure la réponse à votre question.

La stratégie qui repose sur des parkings de dissuasion autour de Monaco et des liaisons mécanisées pour rejoindre ensuite le cœur de la principauté est-elle satisfaisante d’un point de vue écologique ?

Nathalie Amoratti-Blanc : Il n’y a pas d’un côté une politique de l’écologie, de l’autre une politique des parkings, et pour finir une politique des transports, mais une seule et même politique. Alors, bien sûr, on pourra toujours regretter qu’un parking a pour vocation d’abriter des automobiles ! C’est la quadrature du cercle, si nous n’adoptons pas une vue d’ensemble. Oui, il faut donner de bonnes raisons aux pendulaires, ou aux touristes, de choisir un mode doux pour venir en principauté. Mais tant qu’on n’a pas une offre alternative ambitieuse, il faut bien faire avec. Et oui, nous avons toujours soutenu la création de parkings de dissuasion, car l’embolie du trafic en principauté est insupportable.

Le projet de création d’un parking de dissuasion de 3 000 places à la Brasca soulève au moins deux interrogations : le bon vouloir de la France, et l’organisation du Grand Prix, alors que l’ACM utilise ce terrain pour stocker ses installations en marge de la compétition ?

Jade Aureglia : Comme vous le savez, ce projet est un serpent de mer depuis des décennies. Nous écoutons le gouvernement, qui ne nous donne pas l’impression d’être figé sur ce projet, avant tout privé, même si des options d’utilité publique sont bien entendu avancées. Nous écoutons aussi les pendulaires qui retiennent le mot de « dissuasion » avant celui de « parking », et qui ne semblent pas enchantés à l’idée de subir les bouchons de l’autoroute, puis de se garer au loin, de prendre une navette, puis un autre autobus pour se rendre à leur travail. Quant à l’idée d’un métro en pente pour rejoindre la Brasca, pensons aux investissements et aux implications pour les communes, sans réelles retombées positives pour elles, alors que vous le dites, cela ne concerne que 3 000 véhicules. Cependant, je pense sincèrement que notre retard est tel, que seule la multiplicité des solutions pourra être efficace dans ce domaine. Quoi qu’on en dise, il y aura toujours des véhicules de toutes natures qui viendront en principauté, et il faudra les gérer en limitant leur impact sur la principauté. En revanche, et comme évoqué précédemment nous sommes intéressé par une étude concrète, portée sur l’idée d’un métro littoral réellement ambitieux, qui offrirait de réelles retombées pour toutes les populations. Cette phase d’étude permettra d’arbitrer entre les diverses solutions possibles et leur impact respectif. Encore une fois, une stratégie de mobilité va bien au-delà du mode de transport : elle se révèle être l’un des piliers de l’urbanisme.

Le projet de trémie de Cap d’Ail est toujours à l’arrêt suite à un recours déposé par le maire Les Républicains (LR), Xavier Beck (5) : cette situation de blocage aurait-elle pu être évitée ?

Karen Aliprendi : Inutile de revenir sur le passé. Espérons que chacun se mobilisera pour faire aboutir ce projet. Après avoir recommandé la circulation à double sens dans la trémie, ce qui ne semble pas avoir été prévu à l’origine, les élus soutiennent pleinement le gouvernement dans ses efforts pour faire démarrer un chantier, dont on espère qu’il sera étudié pour avoir le moins d’impact possible sur la circulation. D’ailleurs, et cela dépasse ce chantier en particulier, nous sommes toujours en attente d’un schéma de circulation global.

Trop de Monégasques et de résidents semblent encore opter pour la voiture lors de leurs trajets dans Monaco : comment inverser cette tendance et les inciter à la mobilité douce ?

Nathalie Amoratti-Blanc : Il ne faut pas mésestimer la véritable histoire d’amour entre Monaco et les grands mythes automobiles, qui font d’ailleurs partie de notre patrimoine d’image. C’est donc en partie culturel, et cela répond à un certain besoin de liberté. Un fois que cela est posé, l’usage de la voiture est encore trop souvent un réflexe parfois un peu absurde. Pour notre population, l’approche est avant tout positive : donner envie de se déplacer autrement… À condition que cela soit possible, d’où notre engagement sur le sujet. En revanche, pour la marée quotidienne de voitures venant de l’extérieur, nous avons proposé au gouvernement, outre une véritable stratégie de transports publics, d’étudier la solution qui a été adoptée avec succès à Londres, À Stockholm ou À Singapour, sous forme de régulation avec des badges et des bornes de contrôle. Cela ne se fait pas en claquant des doigts, mais cela mérite réellement d’être étudié. Je le répète, cela ne peut entrer que dans un plan d’ensemble avec des solutions alternatives. Sur cette question comme sur tous les sujets que nous avons évoqué lors de cet entretien, nous ne faisons que relayer ce qu’attend notre population pour, concrètement, faire avancer la principauté de manière vertueuse. Le gouvernement sait qu’il peut compter sur nous.

1) À ce sujet, lire notre article Plan de mobilité : le gouvernement s’attaque aux bouchons, dans la limite du raisonnable, publié dans Monaco Hebdo n° 1319.

2) À ce sujet, lire notre dossier spécial Les solutions du Luxembourg pour réduire ses embouteillages, publié dans Monaco Hebdo n° 1308.

3) À ce sujet, lire notre article Amélioration du cadencement SNCF : il faudra attendre 2027 et le système européen de gestion de trafic des trains, publié dans Monaco Hebdo n° 1313.

4) À ce sujet, lire notre article Monaco investit 50 millions d’euros pour cinq rames de TER, publié dans Monaco Hebdo n° 621.

5) Le maire Les Républicains (LR) de Cap d’Ail, Xavier Beck a indiqué le 14 février 2024 dans Monaco-Matin que sa ville n’avait pas « vocation à être uniquement une autoroute pour Monaco. C’est une commune qui a une histoire, une vie. On est très heureux de la présence de la principauté, pour plusieurs raisons : elles sont affectives, anciennes et professionnelles, parce que Monaco est notre bassin d’emploi. Il peut y avoir des relations plus ou moins compliquées selon la personne que nous avons en face. Mais je crois que notre histoire a prouvé aux uns et aux autres que nous savons travailler dans le même sens, si c’est nécessaire ».