vendredi 26 avril 2024
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La Maison de France dans le collimateur

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La Maison de France
La valeur patrimoniale de la Maison de France avoisinerait les 50 millions d'euros. © Photo Laetitia Ferrando / Monaco Hebdo.

Depuis plusieurs années, des doutes pèsent sur la gestion et la transparence de la Maison de France. Un climat de suspicion qui pourrait déboucher sur une bataille judiciaire.

On croyait le bâtiment sis 42 rue Grimaldi comme étant l’antre paisible de cérémonies commémoratives. Le siège serein de nombreuses associations françaises. Pourtant, derrière l’image lisse et solennelle, un lourd climat de suspicion plombe la Maison de France.  Manque de transparence, statuts poussiéreux et transfert nébuleux d’actions… C’est en substance ce que pointent du doigt certains représentants de la communauté française à Monaco. Notamment le trio Danielle Merlino, présidente de l’Union des Français de l’étranger à Monaco, Odile Remik-Adim, ambassadeur de France et Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français de l’étranger qui semblent résolus à « rendre ses lettres de noblesse » à ce bien communautaire.

Dérives des actionnaires ?

C’est le 14 juillet dernier que la polémique est pour la première fois étalée sur la place publique. Lors d’un discours officiel de l’ambassadeur à l’hôtel Fairmont. « Les statuts de 1928 doivent évoluer pour permettre une vraie transparence, et assurer la pérennité, reposant sur des règles modernes et clairement définies», déclarait alors Odile Remik-Adim devant un parterre d’officiels. Et c’est au niveau du transfert des actions au sein de cette structure que des doutes pèseraient : « Au fil du temps, on a constaté des dérives. Certains des actionnaires, après avoir quitté leurs fonctions, conservaient encore leur action. Il y a donc aujourd’hui parmi les actionnaires une très large majorité de personnes qui ne sont plus des acteurs de la communauté française mais qui détiennent encore des actions. Et ce, à aucun titre », explique Christophe-André Frassa. Avant d’ajouter : « Je ne peux pas tolérer que certains actionnaires, qui n’ont plus d’activité pour la communauté française, continuent à détenir une parcelle de ce bien communautaire. Il ne faut plus que ce soit des personnes physiques qui soient actionnaires car c’est la porte ouverte à toutes les suspicions. Il faut que ce soit des personnes morales comme c’était le cas dès l’origine de la Maison de France. C’était en effet le président du comité d’entraide qui était l’actionnaire majoritaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.» Des attaques réfutées en bloc par Jean-Pierre Raffaelli, successeur de Maria Deschamps depuis novembre 2008 à la présidence de la Maison de France, qui affirme d’ailleurs avoir le soutien de l’ensemble des 12 membres du conseil d’administration.  « Le fonctionnement est le même depuis 1928 et il n’a jamais fait l’objet de la moindre critique. Personne n’a jamais fait l’objet de la moindre tentative d’appropriation des actions à des fins personnelles. Je pense que nous sommes dans un cadre qui n’est pas critiquable. Nous sommes tout à fait à l’aise. »

Changement de statut

A l’inverse, pour le trio qui mène l’offensive, mode de gouvernance, statut ou actionnariat, tout est à restructurer dans ce bâtiment. Selon eux, la Maison de France ne doit plus conserver son statut de société anonyme monégasque (SAM). « J’avais déjà tiré la sonnette d’alarme en mars 2008 à l’occasion des 80 ans de la Maison de France. Il faut faire évoluer cette entité immobilière et sortir de ce statut de SAM qui est tout sauf une garantie de transparence pour la communauté française », explique Christophe-André Frassa. Dans l’autre camp, Jean-Pierre Raffaelli estime que l’ambassadeur n’aurait aucun droit de regard sur cet édifice. « Odile Remik-Adim a d’abord souhaité, puis exigé que les statuts de la Maison de France soient modifiés. Elle aurait souhaité que la SAM devienne une fondation. Mais elle n’a aucun droit de décider ou d’orienter la Maison de France. D’autant que pour créer une fondation, il faut une mise de fonds de l’ordre de 500 000 euros. Ce qui n’était pas dans nos possibilités?», explique le président, pour qui l’intérêt sous-jacent de l’ambassadeur ne fait aucun doute : « Avoir la mainmise sur la Maison de France. Or, ma mission est de la maintenir  dans son entité, de la mettre en valeur et de développer les activités mais ne pas la mettre en difficulté vis-à-vis de quelqu’un qui pourrait avoir d’autres intérêts que ceux défendus jusqu’à présent », précise-t-il. Une volonté de mainmise qu’à de son côté nié formellement Odile Remik-Adim dans son discours. « L’ambassade de France à Monaco, l’Etat français ne requièrent rien pour eux-mêmes : ni action, ni siège, ni droit de vote. Je le dis de la manière la plus solennelle », a-t-elle expliqué. Et Christophe André-Frassa de conclure : « La Maison de France est un bien communautaire, propriété des 8500 Français de Monaco et non pas d’une personne en particulier. »

L’affaire est désormais remontée dans les hautes sphères monégasques. Le prince, le gouvernement et le conseil national ont été mis au courant de la situation. Un dossier épineux en perspective qui pourrait bien se retrouver devant les tribunaux. Pas étonnant lorsque l’on sait l’enjeu économique qui se cache derrière cet édifice. La valeur patrimoniale du bien avoisinerait en effet les 50 millions d’euros.

Des transferts d’actions discutés
L’ancienne présidente de la Maison de France, Maria Deschamps, a cessé son activité en novembre 2008. Puis en raison d’une maladie, elle est placée sous curatelle. Après des élections, Jean-Pierre Raffaelli a été élu à sa place et un conseil d’administration a été reconstitué. Au moment de son élection, les actions détenues par Maria Deschamps lui ont été transférées.  Il y aurait au total 55 actions dont 43 aujourd’hui détenues par Jean-Pierre Raffaelli. Chaque membre du conseil d’administration détenant pour sa part une action. Mais certains émettent des doutes sur les conditions de ce transfert entre Maria Deschamps et Jean-Pierre Raffelli. Un contentieux qui pourrait prochainement se régler devant la justice. A suivre.