samedi 27 avril 2024
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Election nationale 2018 : duel sur les ondes

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C’est une première dans l’histoire politique de la Principauté. Le 5 février 2018, soit six jours avant le scrutin, Stéphane Valeri et Jean-Louis Grinda ont débattu pendant 1h20 sur les ondes de Radio Monaco, interviewés par Monaco Hebdo et L’Observateur de Monaco. Retour sur les moments forts de cette confrontation.

Les échanges ont été globalement courtois. Parfois musclés. Seule certitude. Tant sur le fond que sur la forme, le débat qui s’est tenu sur les ondes de Radio Monaco — une première dans l’histoire politique monégasque — a eu le mérite de confronter non seulement deux projets politiques et deux visions de la société, mais aussi deux styles d’hommes. Pendant 1h20, Stéphane Valeri, tête de liste Priorité Monaco (Primo !), et Jean-Louis Grinda pour Union monégasque (UM), ont débattu et exposé leurs idées, sans animosité, autour de six thèmes majeurs de cette campagne électorale : le logement, l’Europe, la société des bains de mer (SBM), les questions de société, la fonction publique et le rôle du Conseil national. Et c’est, bien sûr, avec le logement, thème capital de cette élection nationale, que le débat a commencé.

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Cette idée n’est pas loufoque »

Pour résorber la pénurie de logements domaniaux, chacun a avancé ses propositions. Interrogé par L’Observateur de Monaco sur le sérieux de leurs projets respectifs, les deux candidats ont justifié leurs positions. Selon Jean-Louis Grinda, pour assurer un avenir serein aux Monégasques sur deux ou trois générations, une mesure choc s’impose : délocaliser le stade Louis II, soit en mer — ce qui pourrait être un « emblème architectural fort pour les 100 prochaines années » — soit en France, dans une commune limitrophe. Objectif : y construire en lieu et place 1 000 appartements. « Mon adversaire a qualifié cette solution de « loufoque. » Or, cette proposition a déjà existé. Elle fut portée par M. Jean-Paul Proust auquel, je crois, l’adjectif loufoque ne convient pas vraiment… », a répliqué Jean-Louis Grinda, tout en rappelant les facteurs qui l’ont poussé à imaginer cette solution avec ses colistiers. Il y a d’abord le coût « pharamineux » de 240 millions d’euros avancé par le gouvernement pour rénover le stade Louis II. « Plus cher que le nouveau stade de Nice… Cela fait quand même réfléchir », note le candidat. Autre argument, démographique cette fois-ci : une étude de l’institut monégasque de la statistique et des études économiques (Imsee) montre qu’en 2070, il y aura 15 000 Monégasques. « La question dépasse donc la pénurie de 200 logements… Il manque énormément d’appartements, constate Grinda. Plutôt que d’imaginer des solutions, non pas à la petite semaine, mais réduites, avec des résultats marginaux, il faut penser et voir grand. Car il y a urgence. Préfère-t-on garder un stade en centre-ville ou construire 1 000 logements pour nos enfants ? Cette idée n’est pas loufoque et on doit au moins y réfléchir. Si ces deux pistes sont effectivement impossibles à mettre en place, menons une réflexion pour une extension en mer, uniquement réservée aux nationaux. »

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Jean-Louis Grinda est un grand orateur et un grand directeur d’opéra, mais dans cette campagne, il a cherché des coups médiatiques et à faire le buzz »

Stéphane Valeri. Tête de liste Primo !
Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Monsieur Grinda cherche à faire le buzz »

S’il n’a pas réemployé le terme de « loufoque », Stéphane Valeri a toutefois aussitôt torpillé la proposition de son adversaire : « Jean-Louis Grinda est un grand orateur et un grand directeur d’opéra, mais dans cette campagne, il a cherché des coups médiatiques. Avec ce type de déclarations, il a cherché à faire le buzz. Or, la politique, ça se travaille et ça se prépare. Il faut être responsable des déclarations que l’on fait, et bien les peser ». Selon la tête de liste Primo !, aucune commune française dispose de 6 hectares de terrain et acceptera de les mettre à la disposition de la Principauté. « Quant à une extension en mer, je préfèrerais que l’on en fasse une pour les Monégasques, et non pas pour un stade… » Erigeant le logement comme une « priorité absolue », Stéphane Valeri a rappelé que son mouvement propose un plan global de six mesures « complémentaires, réfléchies et réalistes » qui « toutes ensemble » permettront de régler la pénurie du logement en Principauté. « Quelles mesures ? », a demandé L’Observateur de Monaco. « Nous avons repéré les terrains. Un certain nombre sont disponibles. Il faut juste de la volonté politique. » Parmi ces terrains, l’esplanade des Pêcheurs : « M. Grinda affirme que je mens aux Monégasques lorsque je dis qu’il faut construire des logements sur l’esplanade des Pêcheurs, au motif que ce ne serait pas prévu dans le projet du gouvernement… » Or, selon Stéphane Valeri, le Conseil national peut tout à fait peser sur les choix politiques du gouvernement, et ne pas être qu’une chambre d’enregistrement. « Ainsi, si nous sommes élus, nous ne voterons pas l’esplanade des Pêcheurs s’il n’y a pas de logements prévus pour les Monégasques… Faire des logements, c’est dans mon ADN. À chaque fois qu’un grand projet sera débattu avec des gros budgets votés par le Conseil national, nous exigerons des logements ! » Des arguments qui n’ont pas convaincu Jean-Louis Grinda. Selon la tête de liste UM, les six mesures avancées par Primo ! sont « sans doutes intéressantes, mais insuffisantes » pour loger tous les Monégasques sur les prochaines décennies.

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Dépénalisation de l’IVG : un « homme moderne » contre un « homme du passé » ?

Interrogés par L’Observateur de Monaco, les deux candidats ont confronté leur vision sur la dépénalisation de l’avortement. Un sujet particulièrement délicat à Monaco, Etat concordataire. Sur ces questions de société, c’est Union Monégasque (UM) qui se présente comme la liste « la plus progressiste ». Pour Jean-Louis Grinda, dépénaliser l’avortement va clairement dans le sens de l’histoire. « C’est une question symbolique. Nous sommes au 21ème siècle. Il faut sortir de cette hypocrisie. Je ne crois pas que quiconque ait été poursuivi pénalement pour de tels faits, mais un Etat moderne, comme le nôtre, ne peut plus se permettre d’avoir ce genre de lois complètement dépassées, qui donnent un très mauvais signal sur ce que nous sommes vraiment. A savoir un Etat ouvert, humaniste et généreux ». Avant d’ajouter : « Nous ne voulons plus que les jeunes femmes aillent à l’extérieur pour pratiquer cet acte douloureux, car cela ressemble à une double peine. » De son côté, Stéphane Valeri, a toujours considéré pendant cette campagne électorale que ce débat risque d’introduire une lutte idéologique entre les « pour » et les « contre », diviser le pays en profondeur, mais aussi mettre en difficulté le Prince. Pendant ce débat, le leader de Primo ! a précisé sa pensée, et mis en cause frontalement Jean-Louis Grinda : « Vous voulez introduire ce débat en période électorale. La souffrance de ces femmes mérite mieux que quelques envolées électoralistes à quelques jours des élections. J’ai regardé vos interventions depuis 5 ans monsieur Grinda… Pas une fois vous n’avez soulevé le problème de l’IVG pendant votre mandat ! Mais puisqu’il y a une proposition de loi sur ce sujet, il y a aura bien sûr un débat au Conseil national. » Stéphane Valeri a également rappelé que pendant sa carrière politique il a agi à plusieurs reprises pour le droit des femmes : « Avec Catherine Fautrier, nous avons créé la commission des droits de la femme, et nous avons obtenu l’interruption médicale de grossesse (IMG). Ce qui était loin d’être acquis ». Le leader de Primo ! a aussi rappelé qu’au moment où la France a légalisé l’avortement dans les années 70, il y avait « des avortements clandestins, des mutilations et des morts. Dieu merci, il n’y a rien de cela ici. Les femmes monégasques ne vivent pas cela. » Autant d’arguments qui ont fait bondir Jean-Louis Grinda : « Votre réponse me consterne et me montre à quel point vous êtes un homme du passé », a-t-il répondu.

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Jardins d’Apolline : « Une crise de la construction et du contrôle »

Comment ne pas reproduire le désastre aux Jardins d’Apolline ? C’est l’une des questions posées par L’Observateur de Monaco pendant ce débat. Pour le groupe Union Monégasque (UM), un impératif s’impose : mettre en place une commission d’enquête indépendante : « Il faut connaître les raisons politiques qui ont amené à ce désastre », a insisté la tête de liste Jean-Louis Grinda. Pour Stéphane Valeri aussi, il faudra « tirer les leçons » de ce dossier. « Apolline, c’est une crise de la construction, mais aussi une crise du contrôle de ces chantiers publics par l’Etat, a indiqué le leader de Primo ! Cela pose le problème du choix du moins-disant sur les marchés publics. À trop vouloir faire d’économies, à trop vouloir être dans cette logique comptable — celle qui prévaut au gouvernement — à la fin, cela a coûté beaucoup plus cher à l’Etat. Et cela a profondément perturbé la vie de centaines de compatriotes. »

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Un « europhobe » contre un « amoureux de l’Union européenne » ?

C’est sans doute l’un des sujets sur lequel Stéphane Valeri et Jean-Louis Grinda ont eu les échanges les plus musclés… L’accord d’association actuellement négocié entre Monaco et l’Union européenne (UE) a été au cœur de cette campagne électorale. Les uns et les autres se taxant tantôt « d’europhobe », tantôt « d’eurosceptique », tantôt « d’europragmatique ». Une « vision caricaturale » selon le leader de Primo !. Interrogé par Monaco Hebdo sur ce sujet, Stéphane Valeri a d’abord tenu à répondre aux attaques de ses adversaires : « Je ne suis pas un europhobe. J’ai soutenu le Prince Rainier III dans sa volonté d’adhérer au Conseil de l’Europe. Je ne veux pas d’un repli sur Monaco, comme je peux le lire. Je ne veux pas de ligne Maginot autour de la Principauté. Au contraire. Nous importons librement tous les produits européens, sans rien demander. Je souhaite que l’UE ne fasse pas de protectionnisme vis-à-vis des produits monégasques », a-t-il expliqué au cours de ce débat, estimant que son adversaire Jean-Louis Grinda est, lui, un « amoureux » de l’UE, voulant se jeter « dans ses bras ». « C’est son droit, mais nous ne le voulons pas ! » Le leader de Primo ! a aussi rappelé le péril potentiel que pourrait représenter pour Monaco les quatre libertés fondamentales inhérentes au marché commun européen. Notamment la liberté d’installation, qui est « contraire à l’intérêt de nos compatriotes ». « Bruxelles n’accepte pas la discrimination. La priorité nationale va donc être très difficile à faire accepter à des gens qui considèrent cette priorité nationale comme une discrimination inacceptable. » Pour Jean-Louis Grinda, le meilleur garde-fou dans ces négociations sera un homme : le prince Albert. « Avez-vous l’impression que le premier d’entre nous va proposer un accord inacceptable ? Pensez-vous une seconde que le souverain et son gouvernement viendraient vers nous avec un accord qui ne correspondrait pas à l’intérêt des Monégasques ? », a lancé Jean-Louis Grinda à son adversaire. Pour le leader d’Union Monégasque (UM), Stéphane Valeri a développé un discours « de repli » tout au long de sa campagne : « Comme toujours dans les discours autoritaires, il faut affirmer son autoritarisme par un discours identitaire très fort. Ceci est connu dans toute l’Europe et vous l’appliquez ici à merveille M. Valeri ! Les 2 km2 sont dans notre tête. Il faut voir grand. Et pour voir grand, nous ne pouvons pas nous passer de discuter avec 500 millions de personnes autour de nous. » Les deux hommes se sont toutefois accordés sur un point : pas question, in fine, de ratifier le traité si l’intérêt et les spécificités des nationaux étaient menacés.

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Deux visions pour la SBM

Comment aider la Société des bains de mer (SBM) à sortir la tête de l’eau et enrayer les pertes colossales accumulées ces dernières années ? Pour Stéphane Valeri, l’avenir du groupe passe coûte que coûte par la relance des jeux et des casinos. « C’est le coeur de métier de l’entreprise. Il y a un potentiel considérable », estime le leader de Primo ! considérant donc que la SBM doit mettre le paquet, notamment, sur les services marketing. Questionné par Monaco Hebdo sur la vision « plus optimiste » de l’entreprise développée par Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda a estimé que pour améliorer ses résultats, la SBM doit miser sur le développement extérieur, son savoir-faire, et vendre ses marques : « Il n’y a pas que dans les pays en développement que la monoculture est dangereuse. C’est également valable pour la SBM. Vouloir tout centrer sur les jeux, aujourd’hui, ne serait plus suffisant. Il ne faut plus se contenter de dire que la SBM c’est ici et nulle part ailleurs… »

Stéphane Valeri Jean Louis Grinda Débat Politique Monégasque
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Punchline contre punchline

« Cela fait 30 ans que vous faîtes de la politique monsieur Valeri. Vous êtes un homme du passé, avec des solutions du passé. » 
Jean-Louis Grinda.
« Vous voulez cumuler les fonctions de directeur d’opéra, de directeur des Chorégies d’Orange, de metteur en scène international et de président du Conseil national… Je me demande comment vous trouverez le temps pour recevoir les Monégasques et les écouter. »
Stéphane Valeri.
« Sur les sujets de société, nous avons, non pas une, mais deux ou trois longueurs d’avance sur vous, M. Valeri ! Vous étiez un novateur, curieusement devenu un conservateur. »
Jean-Louis Grinda.
« Vous vous lancez dans des propositions sans penser aux conséquences de ce que vous dîtes. Vous êtes dans le rêve, dans des propositions irréalistes. J’essaie d’être dans les responsabilités. » 
Stéphane Valeri.
« Ne me faîtes pas le procès du doux rêveur. De celui qui ne sait pas de quoi il parle. Je regrette votre agressivité. »
Jean-Louis Grinda.
« Vous avez été le champion des formules lapidaires dans cette campagne. Dès qu’on exprime un avis qui n’est pas le vôtre, vous voyez cela comme de l’agressivité ! »
Stéphane Valeri.
« Je suis un peu étonné de la manière dont vous parlez de vos anciens collègues du gouvernement. Vous en parlez comme si c’était une pénitence. Comme s’ils étaient des gens froids, sans cœur et sans considération pour les Monégasques. Mais pourquoi y êtes-vous resté 7 ans ? »
Jean-Louis Grinda.
« Il ne vous a pas échappé que j’ai démissionné du gouvernement, car j’avais un certain nombre de désaccords, notamment sur l’extension en mer et sur le logement. Je n’ai pas l’habitude de déserter mes fonctions. J’ai démissionné en mai 2017, lorsque j’ai terminé mon travail »
Stéphane Valeri.

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