vendredi 26 avril 2024
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Code de l’environnement
Fallait-il aller plus loin ?

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Sans surprise, le texte sur le code de l’environnement a été adopté par les élus du Conseil national. Un texte consensuel, mais pas forcément suffisamment contraignant pour tous les élus. Explications.

 

« Yes ! », semble faire Jean-Louis Grinda, en serrant le poing. Il est près de 20h, ce 30 novembre 2017 et le texte portant sur le code de l’environnement vient d’être voté à l’unanimité des élus présents. Le président Union Monégasque (UM) de la commission de l’environnement et du cadre de vie a le sourire. Il peut. Car il aura fallu attendre longtemps avant d’en arriver là. En effet, ce projet de loi a été transmis au Conseil national le 12 décembre 2008. Ce texte, décidément pas comme les autres, « aura épuisé pas moins de 48 conseillers nationaux, sans oublier un nombre conséquent de permanents de la haute assemblée, auxquels m’échoit ce soir le privilège d’adresser mes remerciements sincères », a lancé le rapporteur de ce texte, Jean-Louis Grinda. L’avantage d’une telle attente, c’est que, près de neuf ans plus tard, les mentalités ont évolué et que la sensibilité aux questions environnementales a grandi. L’engagement du Prince Albert II en faveur de la préservation de l’environnement depuis « près de 30 ans », a rappelé Grinda n’en a que plus de force aujourd’hui. « La Principauté a ainsi ratifié, notamment, la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1994 et le protocole de Kyoto en 2006. En 2008, le gouvernement s’est doté d’une politique énergie climat et d’un programme d’actions, le Plan Energie Climat (Pec), qui a obtenu le label European Energy Award (Ena) », a rappelé cet élu UM. Et puis, bien sûr, depuis l’accord de Paris, signé en 2016, Monaco a décidé de viser une baisse de 50 % d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030, par rapport à 1990, et d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

« Mesures incitatives »

Des objectifs ambitieux qui passent donc par de grands changements, que ce soit du point de vue des mentalités, que des comportements individuels. Ce code de l’environnement voté le 30 novembre 2017 pose donc un cadre juridique à cet ensemble. Au menu : « le droit de vivre dans un environnement sain, équilibré et respectueux de la santé et de la biodiversité », le fameux « principe de précaution » ou encore le principe du « pollueur-payeur », a souligné Grinda. « Ce code compile les dispositions existantes et celles qui s’imposent en écho à des normes internationales que Monaco a ratifié », a rappelé le conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia. Tout en soulignant que le gouvernement planchait sur plusieurs textes, notamment une ordonnance souveraine concernant la réglementation énergétique, qui implique la suppression du fioul d’ici 2022 dans toutes les constructions. Puis, le conseiller-ministre a listé une série de « mesures incitatives » qui seront intégrées dans ce code de l’environnement : installations solaires thermiques, production d’électricité photovoltaïque, label énergétique monégasque à destination des promoteurs, achat de véhicules électriques, réalisation d’audits énergétiques… Une cartographie sonore de la Principauté sera aussi publiée et accessible « librement » a promis le gouvernement, afin d’identifier les nuisances. Un nouveau « droit à l’information » est mis en place par ce texte de loi, illustré aussi par le cadastre solaire du territoire monégasque lancé en juin 2017 (lire Monaco Hebdo n° 1010), qui permet de connaître le potentiel solaire de chaque immeuble de la Principauté. Dans cette même logique d’accès à l’information, on peut aussi citer l’inventaire du patrimoine naturel.

 

Ce texte, décidément pas comme les autres, « aura épuisé pas moins de 48 conseillers nationaux, sans oublier un nombre conséquent de permanents de la haute assemblée »

Jean-Louis Grinda. Président UM de la commission de l’environnement et du cadre de vie

 

Indemnités

Pour le moment, le gouvernement a donc décidé de miser essentiellement sur le « normatif » et l’« incitatif ». Mais il ne ferme aucune porte. Et il n’exclut pas de sévir, s’il le faut. Mais seulement plus tard : « Si l’assemblée n’a pas souhaité s’engager sur l’idée une éco-contribution applicable aux véhicules les plus polluants, une réflexion devra être menée, pour, le moment venu, mettre en œuvre des mesures spécifiques qui, prises dans leur ensemble, pourront accélérer la mise en place d’un cercle vertueux », a indiqué le conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme. Pour le moment, le chapitre « responsabilité et sanctions » de ce texte introduit la responsabilité civile en ce qui concerne l’environnement. Avec un principe simple : la mise en place du système du « pollueur-payeur ». Une fois le préjudice environnemental démontré, il sera demandé au fautif de remettre à leur état initial « le biotope ou les biocénoses détériorées, avant qu’une éventuelle compensation financière ne soit envisagée », a expliqué Marie-Pierre Gramaglia. Mais à chaque fois qu’une « réparation » ne sera pas possible, l’Etat encaissera des indemnités. En complément de sanctions pénales, des sanctions administratives pourront aussi être prononcées par le ministre d’Etat, qui pourra aussi décider de « mesures de sauvegarde ». Pour rendre ce code de l’environnement efficient, il faudra donc que l’Etat dispose de moyens de contrôles, à la fois humains et techniques, supplémentaires. Dans le sillage de l’accord de Paris et du livre blanc sur la transition énergétique, Marie-Pierre Gramaglia a annoncé le lancement d’un « plan climat air-énergie » qui sera élaboré en 2018 pour lister les dispositions complémentaires à entreprendre à horizon 2030 et 2050. Dans le sillage de ce texte, on attend désormais la nomination des membres du conseil de l’environnement. Une ordonnance souveraine devrait être publiée « rapidement », a assuré Marie-Pierre Gramaglia, qui permettra notamment de définir sa composition exacte.

« Peu contraignant »

Alors, bien sûr, les élus le disent depuis des mois et l’ont largement exprimé encore en séance publique le 30 novembre 2017 : ce texte ne répond pas totalement à leurs attentes. Il aurait pu et dû aller plus loin, ont estimé certains conseillers. Déjà, en janvier 2017, Grinda ne comprenait pas pourquoi ce texte n’avançait pas plus vite : « C’est un projet de loi, il est donc issu d’une réflexion du gouvernement. Je ne vois donc pas de raison de bloquer ce texte qui est peu contraignant. » Au fil des mois qui ont précédé le vote de ce texte, certains élus ont même parlé d’un simple « affichage ». Notamment parce que le gouvernement a refusé que les principes dressés par ce code de l’environnement puissent être opposables à l’administration ou en justice. « Ce texte est-il suffisant ?, a questionné Grinda. Seule son application pourra le dire. » Mais dans la foulée, cet élu UM a fait une proposition : ajouter au préambule de la Constitution monégasque quelques grands principes. Comme le « droit de vivre dans un environnement sain », « le droit à une éducation sportive et culturelle de qualité » ou encore « le droit à une culture plurielle ». Là encore, il ne s’agirait pas de « droits opposables », mais cela permettrait d’afficher des « valeurs que la Principauté promeut inlassablement », a estimé Jean-Louis Grinda.

« Préjudice »

« Faisons de ce code un instrument législatif aussi nécessaire que notre code civil ou notre code pénal et non pas un alibi qui lui confère la valeur symbolique d’un code de bonnes conduites ou de bonnes vies et mœurs », a demandé l’élu HM, Christian Barilaro. Jean-Louis Grinda ne dit finalement pas autre chose : « Même imparfaite, cette loi est aujourd’hui indispensable à la vie de notre pays, surtout si l’on considère la détérioration incontestable de notre cadre de vie au cours de ces dernières années. Cette dégradation porte préjudice à notre attractivité, ainsi qu’à toute notre communauté, compatriotes et résidents confondus. » Avant de conclure : « À quoi bon se réjouir de résultats économiques remarquables et de budgets en excédents, si le simple plaisir de vivre chez nous décroit inexorablement ? Cette question, éminemment politique au sens du bien de la Cité, ne semble pas aujourd’hui résolue, ni même en cours de résolution. »