samedi 27 avril 2024
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Bientôt une taxe de séjour monégasque

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Rappelant que la fiscalité constitue la principale source de recettes pour le budget de l’Etat monégasque, les élus ont voté un projet de loi qui vient modifier une série de dispositions fiscales. Une taxe de séjour monégasque a notamment été créée.

« L’emploi du mot « fiscalité » n’est pas interdit en principauté. Au contraire, comme rappelé dans l’exposé des motifs, la fiscalité constitue la principale source de recettes pour l’Etat. » C’est par ces mots que le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini, a débuté son intervention dans la soirée du 29 juin 2023 pour commenter le projet de loi n° 1048, qui concerne des « dispositions d’ordre fiscal ». Et il n’y a aucune raison de se priver d’une nouvelle manne, surtout si elle est appelée à grandir au fil du temps. « Même si le gain total, environ une quinzaine de millions d’euros annuelle, pourra pour certains paraître faible, ces recettes supplémentaires seront à terme substantielles, et utiles, pour le budget de l’Etat, faute de solutions miracles », a promis Jean Castellini. Pour les droits d’enregistrements et d’hypothèques deux taux proportionnels de 7,5% et 10% ont été introduits par ce projet de loi. Et pour payer moins, il faudra être plus transparent, a expliqué le conseiller-ministre pour l’économie et les finances : « Outre les sociétés civiles et commerciales, la taxation des opérations énumérées à l’article 13 bis s’appliquera à toute entité juridique de droit monégasque, ou de droit étranger, et dont le taux applicable de 7,5 % ou 10 % dépendra de la volonté de ces dernières de communiquer à la direction des services fiscaux l’identité de ses bénéficiaires économiques effectifs au jour de la réalisation de l’opération. » Pour bénéficier d’un taux de 7,5 %, il faudra donc désigner un mandataire agréé « préalablement à la réalisation de la formalité de l’enregistrement auprès de la direction des services fiscaux ». Sinon ? « A défaut de désignation d’un mandataire agréé en charge de communiquer les documents permettant de connaître l’identité des bénéficiaires économiques effectifs au jour de la réalisation de l’opération, le taux de 10 % sera applicable à l’opération concernée. » C’est encore un pas vers les attentes de Moneyval [à ce sujet, lire notre article Une autorité monégasque de sûreté financière indépendante pour satisfaire Moneyval, publié dans ce numéro — NDLR], a estimé Jean Castellini : « Cette différence de taxation entre sociétés « transparentes » et sociétés « opaques » s’inscrit de surcroît pleinement dans la politique nationale prioritaire de lutte contre le blanchiment de capitaux. »

« Même si le gain total, environ une quinzaine de millions d’euros annuelle, pourra pour certains paraître faible, ces recettes supplémentaires seront à terme substantielles, et utiles, pour le budget de l’Etat, faute de solutions miracles »

Jean Castellini. Conseiller-ministre pour l’économie et les finances

« 15 euros »

Autre point marquant de ce texte : la création d’une « contribution touristique », autrement dit une taxe de séjour. Elle s’appliquera aux personnes de plus de 18 ans, qui n’habitent pas à Monaco et qui sont hébergées dans un hôtel, ou une résidence hôtelière, de la principauté. « Le chiffre de 15 euros, mentionné à l’article 24, est un plafond qui confèrera une certaine souplesse dans sa mise en œuvre », a estimé Jean Castellini. Comme l’élue Béatrice Fresko-Rolfo l’a elle-même rappelé, la création d’une taxe de séjour monégasque avait été avancée par ses soins le 13 décembre 2018. C’était alors l’un des points du programme du groupe politique Horizon Monaco (HM) pour les élections nationales de février 2018. « A l’époque, monsieur le conseiller, vous aviez accueilli l’idée avec certes un peu de scepticisme, mais aussi de l’intérêt, sans toutefois montrer d’empressement. A contrario, le président du Conseil national avait été beaucoup plus sceptique, et moins enclin à la mettre en œuvre. Je me souviens encore de ses propos, assez durs. Mais c’est un peu le jeu de la politique. D’ailleurs, depuis mes deux passages dans la minorité, tout glisse. […] En 2018, nous avions calculé un montant entre 2,5 millions et 4 millions d’euros. De quoi financer un service, une institution, une aide sociale, ou bien encore une augmentation des subventions sportives. Pardon je m’égare… », a glissé Béatrice Fresko-Rolfo. De son côté, la présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès, voit dans ce dispositif « une rentrée d’argent pour l’État, venant de l’extérieur, et donc une nouvelle source de recettes pour notre budget qui est intelligente et pertinente ». Mais certains élus se sont montrés plus réservés, craignant d’éventuelles répercussions, notamment en termes d’attractivité.

Taxe de séjour monégasque : « Nous avions calculé, en 2018, un montant entre 2,5 millions et 4 millions d’euros. De quoi financer un service, une institution, une aide sociale, ou bien encore une augmentation des subventions sportives. Pardon je m’égare… »

Béatrice Fresko-Rolfo. Elue de L’Union

« Pression fiscale »

A commencer par Nicolas Croesi : « Il faut faire très attention au signal envoyé avec de telles mesures, j’ai failli dire « mesurettes ». Je pense en particulier aux droits de mutation. Je me méfie des effets indésirables que cela pourrait induire, et notamment de l’interprétation qui pourrait être faite d’une telle augmentation. » Franck Julien voit dans ce dispositif un moyen de renflouer le fonds de réserve constitutionnel, sur lequel 103 millions d’euros ont été prélevés en décembre 2022 : « Ce projet de loi, estimé à produire, suivant les années, entre 13 et 17 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’Etat, devrait permettre de renflouer ce montant en une période comprise entre 6 à 8 ans. » Mais, prudent, cet élu a prévenu : « Si, à l’avenir, il devait y avoir de nouveaux textes concernant d’éventuelles autres dispositions fiscales, il sera impératif que le gouvernement présente des prévisions de recettes et de dépenses sur des horizons bien plus larges qu’une simple année budgétaire pour nous convaincre. » La tonalité est identique chez le conseiller national Roland Mouflard. « Je ne suis pas du tout enclin à toute forme d’augmentation de la pression fiscale. Je dirais même que j’y suis franchement hostile, a lancé cet élu. Plutôt que de nouvelles taxes, je souhaite encourager le gouvernement à explorer des moyens innovants pour stimuler notre économie, favoriser l’investissement, et aussi améliorer la gestion du budget de l’Etat. A ce sujet, je ne peux que me réjouir de voir enfin limiter à 50 euros toute augmentation de capital. C’est là un formidable message aux investisseurs, et un outil précieux pour nos startuppers. Je ne doute pas que ce tout petit chapitre, seule baisse de taxe dans une marée de hausses, aura plus de retombées à dix ans, que ce soit en termes de TVA ou d’impôt sur les bénéfices (ISB), que tous les autres éléments de ce projet de loi. » Ce texte a finalement été voté à l’unanimité des élus présents (1), en fin de séance.

1) Dans la soirée du 29 juin 2023, vingt élus étaient présents. Les absents étaient Karen Aliprendi, Nathalie Amoratti-Blanc, Mathilde Le Clerc et Guillaume Rose.