vendredi 26 avril 2024
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Jean-Charles Allavena : « Laurent Nouvion est obsédé par l’idée de sa revanche »

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L’élu de la nouvelle majorité, Jean-Charles Allavena, répond au leader d’Horizon Monaco, Laurent Nouvion, qui s’est exprimé dans Monaco Hebdo n° 995. Allavena s’exprime au nom des élus qui soutiennent le président du Conseil national, Christophe Steiner. Une interview musclée et pas langue de bois.

Les propos tenus par Laurent Nouvion vous ont surpris ?

Malheureusement ça fait longtemps que les propos de Laurent Nouvion ne me surprennent plus. Ça ne change jamais : il est en permanence dans la victimisation, il est le gentil garçon à qui la planète entière veut du mal. Et il essaye, de plus en plus mal, d’en convaincre son auditoire.

Il se dit avoir été victime de « haine », de « malveillance » et même de « violence » ?

Le problème de base est que son ego surdimensionné l’empêche de voir la réalité dans sa grande simplicité : on n’a pas fait de putsch le 27 avril. Quels drôles de putschistes qui préviennent six mois avant…

Qu’avez-vous fait alors ?

On a simplement appliqué nos textes et décidé de remplacer un président inefficace et incompétent qui amenait la majorité et le Conseil national dans une impasse. Pas de haine, pas de malveillance, juste le constat qu’on s’était trompés de leader, qu’il a refusé de changer de méthode. Et que, par respect pour nous, pour notre mandat et pour nos électeurs, il fallait trouver une autre solution. On l’a fait sans faillir, avec conviction, mais sans plaisir.

Vraiment ?

Je peux vous assurer que la période fut très difficile et que le 27 avril au soir personne n’a sabré le champagne.

Comment jugez-vous la tonalité de cette interview dans sa globalité ?

On peut trouver de nombreux adjectifs pour qualifier cette interview. Le premier qui me vient est pathétique. Mais j’aurais pu dire prévisible, sans imagination et nombriliste.

Laurent Nouvion vous accuse de laisser croire que son groupe est absent des réunions au Conseil national ?

La présence aux réunions est un débat de cour d’école. De fait, depuis la fin avril, les élus Horizon Monaco (HM) ont été globalement très absents. Il suffit de consulter les fiches de présence pour le vérifier. Et puis, d’un seul coup, sans doute pour préparer la sortie de son interview, pendant une semaine on les a vus tous les six à toutes les réunions : mais on est très vite revenus dans la norme de la présence minimum. Quelle cohérence !

Sa justification pour expliquer sa volonté de conserver la propriété du nom de son groupe politique, Horizon Monaco, vous a convaincu ?

Laurent Nouvion a, parmi ses obsessions, celle de la propriété. Oui, il faut un nom et un logo pour mener une liste. Mais je ne suis pas certain que chaque leader de liste ait jugé nécessaire d’en faire le dépôt en nom propre, et surtout sans en informer ses colistiers. J’ajouterai deux choses : je n’ai pas eu le temps ou l’envie de vérifier, mais la rumeur dit qu’il a aussi déposé Union Nationale Démocratique (UND). Sait-on jamais (1)

Vous n’exagérez pas un peu ?

Lorsque j’étais président de Rassemblement & Enjeux (R&E), je me souviens que je lui avais demandé de rendre au mouvement la propriété des noms de domaine internet, qu’il avait aussi pris à son nom, sans y être obligé cette fois : vous vous en doutez, il avait refusé…

Laurent Nouvion estime en tout cas que les élus de la nouvelle majorité sont trop opposés sur certains sujets et que vous allez finir par imploser ?

Voilà une autre idée qui relève aussi du domaine de l’obsession. Il le répète depuis le 27 avril, voire avant : nous ne nous entendrons pas, nous serons à la limite de l’implosion. Et vous avez oublié de rappeler une phrase de l’interview : c’est parce que « trop de promesses ont été données ». Le problème, c’est que les faits lui donnent tort : Christophe Steiner a été élu avec 12 voix. Mais depuis ce jour-là, 17 ou 18 élus considèrent que le président travaille bien, qu’il les associe régulièrement aux échanges pour faire avancer les dossiers. Aucun n’a encore dit vouloir prendre ses distances.

C’est la démonstration que la “méthode Steiner” est la bonne ?

Ce qui est très intéressant dans la situation actuelle, c’est la liberté de chacun de se déterminer sur chaque texte. Et la démonstration que cette liberté conduit à une réelle cohésion et à de vrais résultats : c’est exactement le contraire de la stratégie serinée depuis 2003 par les partis, expliquant que la « liste entière » est la seule garantie pour un Conseil national fort. La preuve que non. Il est des unions libres plus fortes que des contrats de vie commune ou des mariages !

Au fond, qu’est-ce qui a vraiment changé depuis le vote et l’éviction de Laurent Nouvion du fauteuil de président du Conseil national, le 27 avril 2016 ?

Disons-le à nouveau, rien n’a été promis à personne, sinon de travailler ensemble, d’accéder enfin à toutes les informations, de partager les décisions : voilà le vrai changement. Pour preuve, les élus Union Monégasque (UM) ont refusé de présider plus de commissions. Alors que Laurent Nouvion avait, lui, promis à beaucoup d’élus des présidences de commissions. Ou mieux, en espérant les ramener à lui le 27 avril : s’ils avaient dit oui, je crois qu’on aurait aujourd’hui quatre ou cinq vice-présidents !

Mais pour preuve de ce supposé manque de cohésion, Laurent Nouvion affirme que vous êtes incapable de créer un groupe politique commun ?

C’est vrai que Laurent Nouvion sait tout et affirme beaucoup : encore une obsession ! Là aussi, désolé de le contredire, si on ne crée pas de groupe politique commun, c’est simplement, je pourrais dire bêtement, parce qu’on n’en ressent pas le besoin. La majorité est diverse, mais elle est unie et solidaire. Elle ne veut pas se regrouper en parti structuré. Tout le monde n’a pas besoin d’un gourou ou d’un chef suprême pour fonctionner.

C’est une décision définitive ?

Il est possible que cette situation change un jour, si on constate qu’il devient nécessaire de mieux identifier le groupe. Notamment vis-à-vis de la presse ou de la communication publique : dans ce cas nous le ferons. Mais pas juste pour faire plaisir à Laurent Nouvion.

Mais en politique, la cohésion reste une nécessité ?

C’est vrai que Laurent Nouvion peut donner des leçons de cohésion ! Il avait une majorité de 20 élus en février 2013. Il l’a réduite à 9 en avril 2016. Et combien d’élus composent aujourd’hui le groupe HM ? Six. Il a déjà perdu trois élus en 6 mois. Pourquoi ? Et pourquoi a-t-on a l’impression qu’un ou deux d’entre eux sont loin de partager la stratégie d’obstruction du leader ?

Laurent Nouvion estime que les 11 textes votés récemment sont à mettre au crédit de son équipe qui aurait bouclé l’essentiel du travail en amont ?

La stratégie de Laurent Nouvion a toujours été celle du coucou, c’est-à-dire ne pas faire grand-chose et d’essayer de s’approprier les résultats des autres. Et il ne change pas. Moi je voudrais dire deux ou trois choses.

Lesquelles ?

D’abord, contrairement à ce que pense Laurent Nouvion, ce qui s’est passé avant le 27 avril, ce n’était pas grâce à lui et à lui seul. C’était grâce à un groupe de 24 candidats, puis 20 élus, qui s’est appelé HM, qui a écrit un projet politique, qui a fait une campagne électorale et qui l’a gagnée. Je me sens autant dépositaire du projet politique HM que Laurent Nouvion. Aucun d’entre nous ne renie ce projet. Nous avons rejeté l’ancien président et sa méthode. Pas le projet.

Il est donc logique que certains textes votés récemment soient estampillés HM ?

Oui, mais attention. Il faut lire le contenu des textes, pas seulement leur titre. Laurent Nouvion prend l’exemple du multi family office, mais il oublie de dire que ce projet était totalement dénaturé lorsqu’il est revenu du gouvernement. Et que lui était prêt à l’accepter tel quel. A l’inverse, Marc Burini et Thierry Crovetto ont refusé de baisser les bras. Ils ont donc poursuivi les discussions sans rien lâcher. Et in fine le texte voté correspond à l’esprit de notre proposition initiale.

Cet exemple est un cas isolé ?

J’ai cité le multi family office, mais je pourrais dire la même chose sur presque tous les textes. Avouez que la méthode n’est pas vraiment la même : Franklin Roosevelt (1882-1945) disait que « les gagnants trouvent des moyens, les perdants des excuses. » C’est un résumé parfait de la méthode Nouvion.

Et sur les dossiers en cours d’étude ?

On peut observer l’attitude de Laurent Nouvion sur les projets et les dossiers en cours d’étude : qu’a-t-il obtenu sur les opérations domaniales intermédiaires, dont il avait fait ses « clauses-plancher » des budgets 2014 et 2015 ? Qu’a-t-il obtenu à la Société des Bains de Mer (SBM) après ses déclarations fracassantes de début de mandat ? Qu’a-t-il obtenu sur le dossier du Très Grand Ida ? qu’a-t-il obtenu dans le dossier de l’extension en mer ? Rien, rien, rien, sinon la multiplication des postures en public et des renoncements en coulisses : je le dis avec force, Christophe Steiner, Marc Burini, Jean-Michel Cucchi et notre groupe ont plus avancé en 6 mois que lui en 3 ans.

Mais Laurent Nouvion garde le soutien de certains élus, comme Béatrice Fresko-Rolfo par exemple !

Laurent Nouvion met à l’honneur Béatrice Fresko-Rolfo, son dernier soutien indéfectible. Il faut savoir qu’elle est la première élue professionnelle du Conseil national, car c’est bien ainsi qu’il faut qualifier quelqu’un dont la seule activité, exercée aux quatre coins de l’Europe, est celle d’élue. Elle a présidé jusqu’au 27 avril 2016 la commission des droits de la femme et de la famille, avant de renoncer d’elle-même à sa charge, alors qu’on lui avait proposé de la poursuivre. Laurent Nouvion nous dit qu’elle fut la première à mettre à l’ordre du jour de cette commission la proposition de loi de la minorité Union Monégasque (UM) sur le contrat de vie commune.

Et c’est faux ?

Non, c’est vrai. Mais elle a attendu début 2016, après l’avoir volontairement laissée au fond du tiroir depuis 2013. Pourquoi l’avoir fait à ce moment ? Pas par conviction, non. Mais on approchait du 27 avril. Et Laurent Nouvion espérait récupérer les voix de la minorité UM. Quelle haute vision de la politique. Et quelle erreur d’analyse aussi !

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la stratégie politique mise en place par Laurent Nouvion ?

Sans faire de mauvais esprit, il est bien abusif de parler de stratégie. Ou alors disons que je ne la comprends pas. On le voit à longueur d’interview, Laurent Nouvion a besoin d’exister, d’être visible. Il est obsédé par l’idée de sa revanche. Il veut venger l’affront. C’est aujourd’hui ce qui lui tient lieu de projet politique.

Mais alors que les élections de février 2018 approchent, sa stratégie va forcément s’affiner ?

On peut penser que ce projet s’étoffera dans les mois à venir de quelques chiffons rouges qu’il a tant de goût à agiter, comme les menaces liées à l’Union européenne (UE). En 2013, c’étaient celles liées au Conseil de l’Europe. On a vu qu’elles ont été réglées en deux ans par un ministre d’Etat, un rapporteur et un président de commission des relations extérieures, malgré les coups bas de Laurent Nouvion qui ont tous échoué. Il y a aussi les nuisances de la vie à Monaco : il est amusant de voir HM et R&E faire une réunion publique sur le thème racoleur de la qualité de la vie, quand on soutient l’idée de l’usine d’incinération in situ, quand on soutient l’idée du parking des Spélugues, ou quand on soutient qu’un tiers du budget de l’Etat doit être consacré aux grands travaux…

Ce sera de toute façon aux Monégasques de trancher ?

Je pense que les Monégasques trouveront ça un peu léger. D’autant qu’ils se souviendront qu’il fut, de 2008 à 2013, un élu d’opposition bien pâle. Et de 2013 à 2016 un président de Conseil national bien inefficace.

 

(1) Jusqu’en 2003, l’Union Nationale Démocratique (UND) a dominé la vie politique monégasque, avant d’être battue aux élections nationale par l’Union pour Monaco (UPM).