jeudi 28 mars 2024
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Voitures sans permis : les raisons d’un succès

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Depuis 2017, les ventes de voitures sans permis ont été multipliées par deux en Europe. Au total, 42 000 modèles ont été écoulés en 2021, dont plus de la moitié en France. Un phénomène qui concerne aussi Monaco, où ces véhicules sont très appréciés par les jeunes et par leurs parents.

Il ne faut pas se fier complètement aux apparences. À Monaco, comme en France, pour conduire ce que l’on appelle une « voiture sans permis », il faut… un permis. « Le terme de « voiture sans permis » n’est pas adapté à la règlementation monégasque, explique le département de l’intérieur. En principauté, à l’instar de tout autre véhicule et quelle que soit sa motorisation, la conduite de ces voiturettes requiert la détention d’un permis associé à la catégorie concernée, en l’occurrence le permis AM ». En principauté, le permis AM permet de piloter des cyclomoteurs à deux ou trois roues avec une vitesse maximale égale ou inférieure à 45 km/h, dont la cylindrée est égale ou inférieure à 50 cm3. Mais aussi des véhicules à moteur à quatre roues avec, là encore, une vitesse maximale égale ou inférieure à 45 km/h, et une cylindrée égale ou inférieure à 50 cm3. Pour obtenir ce permis AM, il faut habiter à Monaco, avoir au moins 14 ans, et valider trois examens : un examen théorique, une épreuve de « maniabilité ». Et enfin, pour piloter un « quadricycle », il faut également réussir un examen pratique devant un inspecteur des permis de conduire et de la sécurité routière. « En principauté, la catégorie « voiture sans permis » n’existe pas par elle-même. Elle entre dans celle des « quadricycles légers » c’est-à-dire des véhicules allant jusqu’à 6 kW, de moins de 50 cm3, comme par exemple l’Ami de Citroën ou la Renault Twizy 45 », complète le département de l’équipement, de l’environnement, et de l’urbanisme du gouvernement monégasque. En France, depuis 2014, le permis AM a pris la suite du brevet de sécurité routière, qui était obligatoire pour conduire des cyclomoteurs.

Lancée sur le marché français le 11 mai 2020, la Citroën Ami s’est immédiatement positionnée comme une petite citadine 100 % électrique. Son autonomie, estimée à 75 kilomètres avec une recharge en trois heures sur une prise domestique, n’est pas vue comme un défaut insurmontable, loin de là

Succès

Les chiffres de ventes de ces voitures sans permis montrent que l’engouement est là. Selon Les Échos, entre 2017 et 2021, les ventes sont passées de 24 000 à 42 000 unités, dont 22 700 en France. En Europe, 60 % des ventes concernent la catégorie des 14-35 ans. À Monaco, on croise assez régulièrement dans les rues de la principauté ce type de véhicule, et notamment des Citroën Ami [voir nos photos par ailleurs — NDLR]. Alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 19 juillet 2022, il y avait 123 « quadricycles légers » immatriculés en principauté, selon les chiffres communiqués par le département de l’équipement, de l’environnement, et de l’urbanisme. En revanche, si en France, des prestataires proposent parfois aux entreprises la location de véhicules sans permis, ce n’est pas vraiment le cas à Monaco. « Il semble que la location ne soit pas privilégiée par les usagers. Nous recensons un seul véhicule quadricycle léger immatriculé en location courte durée », indique le département de l’équipement. Pour expliquer ce succès, il faut d’abord regarder du côté de la sécurité. En effet, beaucoup de parents estiment que leurs enfants courent moins de risques au volant d’une Ami que d’un scooter. En 2021, selon les chiffres communiqués par la préfecture des Alpes-Maritimes, sur 52 décès enregistrés sur les routes, plus de la moitié concernaient des deux roues : 24 pour les des deux roues motorisés et 4 pour les cyclistes. « En 2021, les tranches d’âge les plus représentées dans la mortalité routière départementale sont celles des 18 à 24 ans et des plus de 75 ans (respectivement 25 % et 21 %) », ajoute la préfecture des Alpes-Maritimes.

Citroën ami
À Monaco, on croise assez régulièrement dans les rues de la principauté ce type de véhicule, et notamment des Citroën Ami (notre photo). © Photo Raphaël Brun / Monaco Hebdo

« Le choix de ces véhicules est clairement associé à une utilisation citadine, pour laquelle une motorisation électrique est parfaitement adaptée, et encouragée, en principauté. De fait, les véhicules électriques sont largement majoritaires, avec 113 véhicules sur les 123 quadricycles légers immatriculés »

Le gouvernement monégasque

À Monaco, impossible de connaître avec précision le nombre d’accidents qui implique des voitures sans permis, puisqu’elles sont intégrées, sans distinction, dans la catégorie des « véhicules légers » [à ce sujet, lire notre encadré, par ailleurs — NDLR]. Mais pour mieux comprendre encore le succès rencontré par ces petits véhicules, il faut s’intéresser à une autre raison qui est liée à la crise sanitaire. Depuis qu’a éclaté la pandémie de Covid-19, en mars 2020, la crainte des contaminations a poussé certains usagers à délaisser les transports en commun pour se replier sur des modes de transport individuels. Les voitures sans permis font partie de ces solutions. « La croissance du marché a essentiellement été alimentée par les adolescents et les jeunes actifs n’ayant pas le permis. Ils sont venus s’ajouter à la clientèle traditionnelle, celles des personnes âgées ou en situation de handicap, ou encore celles ayant perdu leur permis », expliquait aux Échos le 20 avril 2022, François Ligier, PDG de Ligier Group, l’un des leaders du marché, avec des marques comme Ligier ou Microcar. Toujours selon Les Échos, entre 2020 et 2021, en Europe, les ventes d’Aixam sont passées de 12 000 à 16 100 véhicules. Pour 2022, Aixam affiche une estimation à 18 500 unités. Et chez Ligier aussi, tous les voyants sont au vert. En 2021, 16 500 voitures ont été vendues en Europe, en hausse de 25 % par rapport à 2020. Du coup, le chiffre d’affaires de Ligier devrait croître de 25 %, et atteindre 220 millions d’euros. Bref, le succès de ce secteur ne se dément pas.

Aixam
Chez Ligier aussi, tous les voyants sont au vert. En 2021, 16 500 voitures ont été vendues en Europe, en hausse de 25 % par rapport à 2020. Du coup, le chiffre d’affaires de Ligier devrait croître de 25 %, et atteindre 220 millions d’euros. © Photo Ligier

Électrique

Autre atout de ces véhicules sans permis : leur look. Même si leur vitesse est limitée à 45 km/h, leur design tend à se rapprocher le plus possible d’une « vraie » voiture, ce qui facilite encore un peu plus leur adoption par le public en général, et par les jeunes en particulier. Plus récemment, Citröen et son Ami ont aussi contribué à doper ce marché. Avec son look très différent qui la rend facilement identifiable, cette voiture sans permis a rapidement conquis des parts de marché, notamment chez les lycéens. Surtout qu’elle est vendue moins chère que ses concurrents. La Citroën Ami débute à 7 400 euros, alors qu’il faut compter entre 9 000 et 18 000 euros pour les véhicules commercialisés par les autres acteurs de ce marché florissant. Chez Citroën, le modèle le plus cher, la version My Ami Vibe, culmine à 8 750 euros, et affiche un équipement plus riche. En décembre 2021, Citroën a présenté My Ami Buggy, un concept car typé « aventure », affiché à 9 790 euros et tiré à seulement 50 exemplaires. Ils ont tous été vendus en moins de 18 minutes.

Aixam
Entre 2020 et 2021, en Europe, les ventes d’Aixam sont passées de 12 000 à 16 100 véhicules. Pour 2022, Aixam fait état d’une estimation à 18 500 unités écoulées. © Photo Aixam

Depuis qu’a éclaté la pandémie de Covid-19, en mars 2020, la crainte des contaminations a poussé certains usagers à délaisser les transports en commun pour se replier sur des modes de transport individuels. Les voitures sans permis font partie de ces solutions

Si le prix est un atout, il peut se montrer insuffisant pour convaincre, face à la difficulté que les usagers peuvent parfois rencontrer pour garer leur voiture sans permis dans les rues de la principauté. Ce problème peut être en partie résolu par l’utilisation d’un scooter, malgré l’accidentologie. Lancée sur le marché français le 11 mai 2020, la Citroën Ami s’est immédiatement positionnée comme une petite citadine 100 % électrique. Son autonomie, estimée à 75 kilomètres avec une recharge en trois heures sur une prise domestique, n’est pas vue comme un défaut insurmontable, loin de là. Avec pour cœur de cible des jeunes urbains, ce type de voiturette est taillé sur mesure pour atteindre ses objectifs. Ce positionnement a permis de doper ce marché, qui stagnait. Car si Aixam a proposé une première gamme de véhicules sans permis avec une motorisation électrique en mars 2018, les ventes restaient très modestes. Environ 300 véhicules écoulés par an, a indiqué Philippe Colançon, PDG d’Aixam, aux Échos : « Cette année, nous devrions monter à 3 000. Et l’électrique représentera assurément 100 % de notre futur… ». L’électrification est aussi l’une des clés du succès en principauté pour ces véhicules, comme l’a confirmé le département de l’équipement à Monaco Hebdo : « Le choix de ces véhicules est clairement associé à une utilisation citadine, pour laquelle une motorisation électrique est parfaitement adaptée, et encouragée, en principauté. De fait, les véhicules électriques sont largement majoritaires, avec 113 véhicules sur les 123 quadricycles légers immatriculés. » Reste désormais à connaître le potentiel réel de développement de ce marché, dans lequel pas grand monde ne croyait jusqu’à récemment.

De 2012 à 2021 : nombre d’accidents impliquant des « véhicules légers » (1)

2021 = 82 (sur un total de 107 accidents corporels enregistrés)

2020 = 88 (sur un total de 108 accidents corporels enregistrés)

2019 = 126 (sur un total de 164 accidents corporels enregistrés)

2018 = 112 (sur un total de 137 accidents corporels enregistrés)

2017 = 134 (sur un total de 186 accidents corporels enregistrés)

2016 = 153 (sur un total de 200 accidents corporels enregistrés)

2015 = 131 (sur un total de 169 accidents corporels enregistrés)

2014 = 137 (sur un total de 199 accidents corporels enregistrés)

2013 = 137 (sur un total de 179 accidents corporels enregistrés)

2012 = 163 (sur un total de 220 accidents corporels enregistrés)

Source : gouvernement monégasque, département de l’intérieur.

1) Les voitures sans permis ne sont pas désignées par une catégorie spécifique. Elles sont intégrées dans celle des « véhicules légers ».