vendredi 26 avril 2024
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Réforme des jeux
Le big bang de la SBM

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Roulette
© Photo DR.

Dans les casinos de la Société des bains de mer, la tension règne entre les différentes catégories d’employés de jeux qui n’ont pas les mêmes salaires. Seule solution pour aplanir un climat social délétère : édicter un statut unique pour tous les croupiers. Et vite.

Au tribunal du travail, ils se bousculent au portillon et les dossiers se traitent par wagons. C’est bien simple, parmi ses clients, Me Michel compte en tout une centaine d’employés de jeu qui se battent contre la discrimination salariale pratiquée à la Société des bains de mer.

Tout a commencé par l’action d’une trentaine de croupiers du Sun casino qui en ont eu marre d’être moins bien payés que leurs collègues du Café de Paris alors qu’ils estimaient effectuer le même travail. Le ton a grimpé, les syndicats sont montés au créneau et puis ce qui devait arriver arriva?: c’est devant la justice qu’est allé se régler le contentieux. Avec une victoire à la clé pour les croupiers en 2008. « Le principe de non-discrimination est un standard international, reconnu par les pactes et conventions ratifiés par Monaco, rappelle Me Michel. Le tribunal du travail a estimé qu’il y avait discrimination salariale entre les employés de jeu du Sun casino et du Café de Paris qui exercent la même activité. Il a ordonné une expertise pour déterminer le différentiel exact de rémunération sur 5 ans et décidé que pour l’avenir, les salariés des deux sites devront percevoir une rémunération égale ». Une véritable bombe. Car si la SBM a fait appel, cette décision pourrait faire boule de neige. Aux 35 éclaireurs qui ont initié l’action en justice, se sont déjà greffés 65 employés de la SBM. Mais cela ne pourrait être qu’un début si la direction ne parvient pas à édicter enfin un statut unique pour tous les employés de jeux.

Usine à gaz

Car à la SBM, côté jeux de table, c’est tout l’équilibre social qui repose sur un traitement différencié des employés. La faute à l’histoire. La Société des bains de mer et du cercle des étrangers est une vieille dame créée en 1?863. Au fil du temps se sont ajoutés des nouveaux jeux, et avec eux, un millefeuille de statuts différents pour les employés. Jeux européens, jeux américains, baccarat, Sun et depuis la mode récente des bandits manchots, machines à sous… Pour les croupiers, la différenciation entre jeux a un impact direct?: il est impossible de gravir les échelons sans passer par un parcours bien précis?: après l’école des jeux, l’employé lambda démarre au Sun casino, puis va aux jeux américains, au Café de Paris avant d’accéder, pour les plus veinards, au sacré graal?: les jeux européens et le baccara. Ce qui attise les jalousies voire les haines viscérales entre « les jeux européens et les « américains », c’est la différence de salaires qui en découle. Pour faire simple, les employés de jeux sont payés sur un système de « masse ». Un « trésor » composé de 7 % des recettes brutes du secteur jeux de table et des pourboires collectés aux tables. Mais la répartition de ce pécule est inégale?: les employés de jeux européens, aux pourboires mirifiques, sont beaucoup mieux payés que leurs frères ennemis des jeux américains. Tandis que les croupiers du café de paris ont une rémunération supérieure à ceux du Sun Casino. Bref une véritable usine à gaz qui nécessite un big bang statutaire et salutaire… « Concrètement, un employé de jeux européens premier échelon touche quasiment 6?800 euros contre 4?800 pour un employé de jeux américains au même grade, sans parler des parts bénéficiaires (1), précise un croupier qui a tenu à conserver l’anonymat. Or si dans le passé, les jeux européens étaient quasiment réservés aux Monégasques, aujourd’hui, ce n’est plus possible. La SBM déborde de nationaux qui ne pourront pas tous aller au Grand Casino. Et alors qu’auparavant, la discrimination salariale concernait plutôt les étrangers, désormais, ce sont les Monégasques qui se jalousent entre eux. »

Recettes en berne

Autre facteur de tension?: la situation financière est loin d’être au beau fixe. Fin septembre, lors de la dernière assemblée générale, le président du conseil d’administration Jean-Luc Biamonti avait été clair?: le cru 2009-2010 ne restera pas dans les annales, la SBM ayant été forcément touchée par le ralentissement économique que connaît l’Europe. Et le nouvel exercice ne s’annonce pas plus réjouissant. Cet été, aux jeux de table, les clients se sont fait rare. Or, manque de bol pour la SBM, ils ont beaucoup gagné. « L’aléa jeu a été particulièrement défavorable », avait résumé Jean-Luc Biamonti. Les derniers chiffres ne sont guère plus positifs?: au 26 novembre, les recettes des jeux de table ont plongé de 35 %. Aux jeux européens, elles sont estimées à 25 millions d’euros depuis le 1er avril. Contre 34 millions à la même période l’an passé. Même dégringolade aux jeux américains avec 8,5 millions d’euros de recettes contre 18 millions l’an passé. Ou au Sun Casino avec 1O millions d’euros de recettes, soit 15 millions de moins que l’année dernière. Seul le secteur des appareils automatiques tire son épingle du jeu en rapportant 64 millions d’euros. Etonnamment, les pourboires restent eux aussi stables, s’élevant à 11 millions d’euros. Ce qui n’empêche pas l’inquiétude de monter chez certains employés de jeux?: « Auparavant, les recettes des jeux européens représentaient plus de 50 % du total. Maintenant, elles sont en chute libre. Il faut réagir. »

Coup d’accélérateur

Un contexte qui a permis au projet de réforme des jeux aboutissant à un statut unique de faire son chemin. L’idée était dans les cartons depuis un petit moment. « Ma position personnelle depuis déjà plus de 6 ans, c’est d’essayer de convaincre tout le monde qu’il y a intérêt à simplifier les règles qui régissent les casinotiers », explique ainsi Bernard Lambert. Le gouvernement a visiblement souhaité mettre un coup de pied sur l’accélérateur. L’ancien ministre d’Etat Jean-Paul Proust avait déjà posé la réforme des jeux comme priorité. Et les affaires judiciaires ont certainement allumé la mèche pour pointer l’urgence d’un statut unique. Mais l’affaire n’est pas évidente. Jusqu’à présent, les négociations ont achoppé entre la direction et les cinq syndicats existants d’employés de jeux. Au point qu’en mai dernier, elle ait nommé Guy Tambuscio, ex-secrétaire général du syndicat des jeux européens pour gérer le dossier. Ce qui n’a d’ailleurs pas apaisé les tensions. Il n’y a qu’à lire les affiches de campagne pour les élections du syndicat des jeux européens, collées dans les vestiaires de la SBM, rappelant au passage que ces jeux « sont les lettres de noblesse de la Société des bains de mer par leur poids historique dans l’entreprise, la valeur de leur clientèle et la manne financière qu’ils représentent au sein de l’entreprise »… Sur le projet de statut, le message est clair?: « Cette proposition tend à une diminution de nos cadres et à une réduction de nos gains notamment par l’intégration du Sun Casino qui ne représente aucun intérêt pour les jeux européens. Notre refus systématique de réunification a conduit au détachement stratégique du secrétaire général du syndicat pour rédiger une convention qui serait, cette fois-ci, acceptée et validée par l’ensemble des employés de jeux. On remarquera, sans remettre en cause l’honnêteté des uns et des autres, que ce procédé reste discutable car on ne peut être à la fois juge et partie. » Ambiance.

Réforme au 1er avril??

« Le statut unique divise énormément les secteurs, résume l’élu indépendant Christophe Spiliotis-Saquet. Le système d’adoption de la réforme donne une part prépondérante aux jeux européens puisqu’elle doit être adoptée par trois syndicats sur cinq et par deux tiers des employés. Or les jeux européens représentent plus de 56 % des employés. » Cette règle, largement contestée, ne devrait d’ailleurs pas passer. Mais quoi qu’il arrive personne ne doute de l’urgence de cette réforme. « La réforme est une opportunité pour qu’enfin le mérite de chacun des hommes et des femmes qui font la richesse de ce fleuron de l’économie monégasque puisse être reconnu à la juste valeur de ses compétences et de son travail », avance ainsi Alexandre Bordero, président de la commission parlementaire des finances qui « souhaite que ce nouveau statut permette enfin de garantir à tous les employés de jeux des conditions optimales de transparence et d’équité dans la gestion des carrières et des avancements en valorisant la progression sur des critères de mérite, de nationalité et d’ancienneté. » Reste à savoir quand cette réforme des jeux sera mise en place. L’élu Rassemblement & Enjeux Laurent Nouvion est optimiste?: « Les consultations avec les différents syndicats et leur position respective me laissent à penser qu’une issue favorable paraît être possible avec pour objectif que cette réforme puisse s’appliquer pour le 1er avril 2011. » A voir.

(1) Depuis un arbitrage rendu par Pierre Notari dans les années 40, il est de tradition qu’une partie des pourboires des jeux européens, appelés part bénéficiaires, soit reversée au personnel.

Des jeux toujours politisés ?

A la SBM, les jeux, bastion de Monégasques, ont toujours tenu une place à part. Notamment sur le plan politique.

« Depuis de nombreuses années, la SBM et plus particulièrement le casino, à travers la direction des jeux, est le théâtre permanent de l’arbitraire et du clientélisme à tout-va. Les méthodes d’intimidation et la chasse aux sorcières y sont monnaie courante contre ceux qui ne soutiennent pas l’UND dont fait partie le directeur. Il est temps de mettre fin à ce type de gestion politique. » Ce discours, signé de la liste Union pour Monaco (UPM), menée par Stéphane Valeri, date de la campagne électorale de 2003. Il résume à lui tout seul l’ambiance qui régnait à l’époque et surtout la place exceptionnelle qu’occupe la Société des bains de mer lors des élections.

Incompatibilité des fonctions

Une place qu’elle truste toujours dans les débats parlementaires. Logique?: les jeux ont toujours représenté un bassin d’emploi pour les Monégasques et donc un terreau électoral. Depuis 2003, les formations politiques se renvoient la balle. Encore président du conseil national, Stéphane Valeri revendiquait d’avoir dépolitisé la SBM, en ayant demandé et obtenu, de fait, une incompatibilité des fonctions de conseiller national et de directeur des jeux. L’opposition lui reprochant au contraire d’intervenir dans les nominations et avancements des employés de jeux, « obligés de s’encarter à l’UP ». Ce qu’affirment aussi d’autres élus?: « Si l’on ajoute les membres du conseil d’administration, les intervenants extérieurs qui tirent les ficelles de ce CA, il n’y a jamais eu autant de personnes qui s’immiscent dans la gestion et les nominations de la SBM » souligne Christophe Spiliotis-Saquet, qui promet de revenir sur cette question de la dépolitisation de la SBM durant les prochains débats budgétaires…

Ce que la réforme pourrait changer

Exclusif : Monaco Hebdo s’est procuré le projet de statut unique pour les jeux de table, au centre des négociations entre syndicats et direction.

Simplification, polyvalence et équité. C’est le mot d’ordre du préambule du projet de statut unique, distribué aux cinq candidats des jeux. En clair, les statuts existants étant trop « disparates voire obsolètes », « sources de rigidité dans l’exploitation », il faut trouver une solution pour que « l’entreprise puisse proposer à la clientèle les jeux qu’elle souhaite aux endroits et aux horaires qui lui conviennent. » Et que l’organisation actuelle, en secteurs séparés (européens, américains, Sun, baccara), « génératrice de manque de synergie », n’engendre plus « des sureffectifs notamment dans l’encadrement. » Histoire d’éviter, comme c’est le cas parfois aujourd’hui, qu’on ne puisse ouvrir aux clients qui le demandent des tables de punto banco, jeu à la mode, faute d’avoir sous la main des effectifs de jeux américains pouvant assurer cette tâche. Et ce, alors qu’il y a juste à côté une armée mexicaine d’employés de jeux européens, pas forcément surchargés de travail à la roulette européenne.

Roulette européenne toujours star

Le projet de statut détaille alors le futur cursus-type d’un employé de jeu?: période probatoire de 18 mois, écoles de black-jack, poker, roulette anglaise, punto banco puis  craps… Dans cette nouvelle évolution de carrière, censée être au mérite, avec des grilles d’évaluation et une notation « transparente », la roulette européenne reste le jeu star avec une école ouverte, « en fonction des besoins de l’entreprise », en priorité aux chefs d’équipe. Côté salaires, on parle de minima garantis (allant de 26?000 euros annuels pour un employé de jeux stagiaire à 81?000 euros pour un chef de table tous jeux et à 144?000 euros pour un directeur adjoint pour 39 heures de travail hebdomadaire), tout en conservant la répartition de la masse.

Mais bien entendu, si ce projet est accepté par tous les syndicats – et ce n’est pas encore gagné -, il ne se mettra pas en place immédiatement. Une période transitoire de 10 ans est ainsi prévue. Avec une première disposition capitale, qui prend en compte la décision récente du tribunal du travail?: les minima garantis du Sun casino sont alignés sur ceux des jeux américains au casino-Café de Paris. Mais selon certains croupiers, cette logique d’équité ne va pas jusqu’au bout?: « Les écarts de rémunération en faveur des jeux européens sont flagrants entre l’actuel et le futur statut. Exemple?: pendant les trois premières années de la période transitoire, les jeux américains vont être augmentés de 1,5 % par an contre 12,5 % par an pour les jeux européens… »

Pas sûr alors que ce projet convienne aux différents syndicats, aux intérêts divergents. Seule certitude?: la semaine dernière, deux d’entre eux, baccara et encadrement des jeux américains, ont en tout cas émis leurs réticences. Et il semblerait qu’au sein des jeux européens, un accord est loin d’être acquis (voir p. 22). « Nous sommes dans une situation où chacun tire la couverture vers soi. La direction d’abord qui ne s’est pas montrée capable de négocier de façon consensuelle, en attisant les divisions entre les employés monégasques et les étrangers et entre les différents secteurs de jeux, analyse l’élu UP Alexandre Bordero. Il faut espérer pour le bien de la société et au-delà de la principauté, qu’une solution acceptable et surtout durable soit rapidement trouvée. » « Une réforme unique et adaptée à Monaco, c’est-à-dire de la haute couture », résume Laurent Nouvion.

Bernard Lambert : « On saura d'ici la fin de l'année si on a un espoir d'arriver à quelque chose. Je suis très positif. » © Photo SBM.

« La roulette européenne reste notre identité »

Le directeur général de la SBM Bernard Lambert espère que la réforme des jeux sera acceptée d’ici la fin de l’exercice en avril.

Monaco Hebdo?: Pourquoi réformer les statuts des employés de jeux??

Bernard Lambert?: Chaque secteur a des règles différentes. Depuis la création du casino au 19ème siècle, les systèmes de rémunération ont évolué avec le temps, surtout ces quarante dernières années, avec la création de nouveaux casinos. Jusqu’à il y a quelques années, il y avait même des croupiers saisonniers étrangers. Ce qui n’est plus le cas. Il est important pour nous de faire un statut unique plus facile à comprendre et à gérer pour tout le monde.

M.H.?: Les actions en justice de certains employés de jeux contre les discriminations en matière de rémunération, ça a joué dans votre décision??

B.L.?: Non pas du tout. Ma position personnelle depuis déjà plus de 6 ans, c’est d’essayer de convaincre tout le monde qu’il y a intérêt à simplifier les règles qui régissent la partie hôtelière ou les casinotiers. Le régime est tellement complexe que beaucoup de concernés ne connaissent pas tous les rouages. Notre objectif est vraiment la simplification du système, en toute transparence, sans pénaliser personne. Voilà l’origine. L’affaire dont vous parlez est en cours, entre les mains des avocats.

M.H.?: Il y a eu de nombreux projets proposés par les différents syndicats qui ont tous achoppé. Pourquoi??

B.L.?: La discussion est très ouverte. Il y a eu de nombreuses propositions de part et d’autre. C’est toujours difficile de satisfaire tout le monde. Mais j’espère qu’on y arrivera prochainement car c’est un enjeu incontournable pour le futur. L’idéal serait d’arriver à un accord à la fin de l’exercice en avril. On saura d’ici la fin de l’année si on a un espoir d’arriver à quelque chose. Je suis très positif. On travaille dans un bon esprit.

M.H.?: Quelles sont les pistes envisagées??

B.L.?: La réforme concernera les nouveaux entrants. C’est un processus qui ne peut pas se faire du jour au lendemain mais qui va prendre de nombreuses années. Mais on ne peut plus pénaliser les affaires et le client. Aujourd’hui, des accords très anciens amènent des limitations de positionnement de jeu. Par exemple, la roulette est actuellement réservée au grand casino. Et je trouve que c’est une bonne chose. Mais si le client souhaite jouer ailleurs à la roulette, il faut qu’on se donne une certaine souplesse. Le client est roi, surtout dans des établissements de luxe.

M.H.?: C’est une demande forte de la clientèle aujourd’hui??

B.L.?: C’est une demande des clients mais aussi de certains employés de jeu qui n’ont pas la possibilité aujourd’hui de travailler sur tous les jeux. Nous aimerions plus de polyvalence sans aller jusqu’à une masterisation de tous les jeux.

M.H.?: Pourquoi avoir nommé à vos côtés Guy Tambuscio, ex-secrétaire général du syndicat des jeux européens, pour gérer ce dossier??

B.L.?: Son rôle est de travailler sur les statuts pour apporter la vision du terrain qui est différente de la nôtre. Il travaille sur ce dossier avec la commission des ressources humaines du conseil d’administration.

M.H.?: Pensez-vous remettre en cause le principe de la masse??

B.L.?: On a tout examiné mais on est arrivé à la conclusion qu’il vaut mieux le maintenir. S’il n’y a plus de recherche du pourboire, il y a une notion de service et de satisfaction pour le client qui disparaît. La recherche du pourboire doit continuer à motiver les hommes, au-delà d’un salaire stricto sensu. On partage cette valeur avec l’ensemble des employés. Le principe de la distribution de masse devrait être maintenue. Dans le groupe Partouche, il n’y a pas de pourboire.

M.H.?: Pourtant la culture du pourboire disparaît peu à peu, même chez les clients riches??

B.L.?: C’est vrai et à la fois, ce n’est pas vrai. Il y a encore cette culture du pourboire. Il est de notoriété publique que les pourboires sont en baisse, qu’ils n’ont plus rien à voir avec ce qu’on donnait il y a 30 ans mais peut-être qu’ils reviendront dans 20 ans. Après c’est à chacun d’aller chercher ce pourboire. Quand on sert bien la clientèle, elle continue à donner.

M.H.?: Quels jeux ont la cote??

B.L.?: Le Punto Banco. A 90 %, les Chinois et les Asiatiques ne jouent qu’au Punto Banco. On n’a pas une grosse clientèle asiatique. La roulette européenne reste notre identité, il faut garder cette partie de notre ADN. On reste le dernier casino à offrir ce jeu. Le black jack, le punto banco, la roulette anglaise, la roulette européenne et le poker sont les 5 principaux jeux.

M.H.?: Comment voyez-vous l’évolution économique??

B.L.?: C’est l’incertitude. Les gens se décident à la dernière minute. C’est difficile de planifier. Le dollar est remonté. Nous recevons des demandes d’Américains pour 2011. Mais dans l’ensemble, tout est reporté à 2012. Les marchés habituels sont toujours là. On fait feu de tout bois pour en démarcher de nouveaux. On a vu des joueurs imprévus d’asiatiques. Est-ce un effet Shanghai?? Je pense que les remontées de l’expo universelle, qui ne sont pas chiffrables, seront intéressantes.

M.H.?: Au niveau des jeux, la tendance est à la baisse??

B.L.?: C’est l’aléa. L’été a été plus calme. Certains de nos clients ont changé leur stratégie de jeu. Ils se refreinent. Les jeux de table sont à la baisse. Mais cela varie tous les mois. L’arrêt du tabac a provoqué une chute de 20 %. Même avec les machines à l’extérieures qui sont les plus prisées. Il y a une centaine de machines dehors sur 1?200.

M.H.?: Vous avez été très clair sur votre détermination de construire en lieu et place du Sporting d’Hiver une galerie commerciale. Quelle est la position de l’Etat??

B.L.?: Il n’y a pas de décision du gouvernement. On n’a pas de feu vert pour le moment. Ça fait partie du développement urbain. C’est une décision politique qui appartient aux autorités. J’espère qu’une décision interviendra d’ici la fin de l’année. Il est prévu de conserver la salle Art déco dans le nouveau complexe. On veut en conserver l’âme et les appliques murales. On referait la salle à l’identique.

M.H.?: Il y a une opposition à la destruction du bâtiment. Ça vous fait réfléchir??

B.L.?: Non. On reste sur notre décision. Je respecte les personnes qui sont contre la démolition de ce bâtiment. Mais de toute façon, il faut savoir que ce bâtiment n’est pas pratique en terme d’utilisation et qu’il faut le mettre aux normes. Les façades ont subi des dommages importants. Or, le mettre aux normes représenterait des travaux très onéreux.

M.H.?: On parle depuis des années de la politisation de la SBM. Comment voyez-vous tout ça??

B.L.?: Moi je suis au-dessus de tout ça. Je ne suis pas ici pour faire de la politique mais pour diriger cette entreprise exclusivement et prendre les mesures les plus appropriées pour les hommes et les femmes de cette entreprise, pour les actionnaires et les clients. Après qu’il y ait une volonté de maintenir la politisation, je ne pense pas que ce soit le souhait des hommes et des femmes du casino si je les écoute. Je sais à qui je rends des comptes.

M.H.?: Et vous à titre personnel, vous avez été renouvelé pour 3 ans??

B.L.?: C’est une entreprise fabuleuse avec un potentiel. Ça reste une destination magique avec des vitrines à l’étranger notamment un 5 étoiles à Marrakech.

Sporting d’hiver?: La patate chaude

La SBM est dans les starting blocks pour construire un nouveau siège social à la place du Sporting d’Hiver. Son actionnaire principal, l’Etat, ne s’estime pas « saisi ».

Ce n’est pas un scoop. Depuis plus de deux ans, après chaque assemblée générale de la SBM, Jean-Luc Biamonti, président du conseil d’administration réaffirme sa volonté de raser le Sporting d’hiver pour construire un siège social plus moderne et fonctionnel. Tout semble rôdé. Le règlement d’urbanisme permet désormais à la SBM de gagner du terrain et d’aller jusqu’à Häagen-Dazs. Le projet économique est ficelé avec une partie du futur bâtiment dédiée à la résidence hôtelière et l’autre à une galerie commerciale de très grand luxe, destinée notamment à attirer la clientèle asiatique friande de shopping. De grandes marques auraient même déjà été consultées. On connaît même approximativement le budget, d’environ 400 millions d’euros. Fin septembre, Jean-Luc Biamonti s’était d’ailleurs avancé?: « Tout va dans la bonne direction. » En clair, la SBM attend le feu vert imminent du gouvernement.

Pyramide du louvre

Et c’est là qu’il y a un hic. Car si tout le monde regarde dans la direction du Ministère d’Etat pour savoir quelle sera la décision de l’Etat monégasque, il faudra manifestement patienter encore un peu. Car à la question « oui ou non allez vous autoriser la démolition du Sporting d’Hiver », le gouvernement renvoie la patate chaude à la SBM, en indiquant qu’il n’a été saisi d’aucun projet. Officiellement, l’actionnaire principal de la Société des bains de mer (à 69 % tout de même) n’est  au courant de rien. On espère donc vivement que la SBM lui présente rapidement ses projets, par la voie officielle. Histoire de savoir à quelle sauce le Sporting d’Hiver sera mangé. Ainsi que la durée éventuelle des travaux place du casino.

De leur côté, les parlementaires sont prêts à en débattre. « La majorité du conseil national est soucieuse de la conservation du patrimoine de la Principauté et c’est elle seule qui a porté jusqu’au bout la proposition de loi sur la protection du patrimoine mobilier et immobilier que le gouvernement princier vient d’accepter de transformer en projet de loi », annonce Alexandre Bordero, président de la commission des finances. Tout en ajoutant, sibyllin?: « Si le gouvernement dépose rapidement ce projet de loi, l’éventuelle destruction du Sporting d’hiver pourrait être envisagée à l’aune de ce nouveau dispositif. » Après avoir fait l’objet de débats animés, sous la houlette de l’ex-présidente de la commission parlementaire de la culture Michèle Dittlot, la destruction du bâtiment Art Déco semble déjà admise par les élus. Notamment quand l’opposant Marc Burini renchérit?: « La haute assemblée et ses élus sont parfaitement dans leur rôle pour demander, dans l’hypothèse où le Sporting d’Hiver serait détruit, que le projet choisi par la plus haute autorité et les instances dirigeantes de la SBM, se doit d’être exceptionnel avec une grande créativité architecturale provenant d’un cabinet mondialement connu, du niveau de la Pyramide du Louvre à Paris. »

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