vendredi 26 avril 2024
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La formule miracle de Netflix pour accélérer les audiences de la Formule 1

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Depuis la première diffusion, en 2019, de la série-documentaire Formula 1 : Drive to Survive sur Netflix, l’engouement pour la Formule 1 semble avoir été propulsé. Qu’il s’agisse d’audiences télévisées ou de ventes de billets, la tendance est à la hausse. Monaco Hebdo décrypte ce phénomène.

Un docu-série peut-il avoir autant d’impact ? Il semblerait bien. Depuis que les dix premiers épisodes de la série Formula 1 : Drive to survive [« Conduire pour survivre » en français — NDLR] a été diffusé sur Netflix, le 8 mars 2019, le petit monde de la Formule 1 (F1) ne tarit pas d’éloges à son sujet. À ses débuts pourtant, toutes les écuries n’étaient pas de la partie : parmi les dix équipes du championnat, Mercedes, et Scuderia Ferrari, deux des meilleures écuries, avaient refusé d’accorder leur confiance aux équipes de Box to Box Films, la société de production américaine qui chapeaute cette série-documentaire. Trois saisons plus tard, elles jouent le jeu et en redemandent. Dès le début de la saison 4, diffusée depuis le 9 mars 2022, Toto Wolf, patron de Mercedes, et Christian Horner, patron de Red Bull, se mettent en scène comme des acteurs, en se revoyant des amabilités sous la lumière des projecteurs. Si bien que Damon Hill, champion du monde de F1 en 1996, a déclaré que les deux patrons d’écurie en faisaient un tantinet trop, pour alimenter l’audience de la série : « La manière dont Netflix a promu la F1 auprès d’une audience bien plus vaste est phénoménale. Ça a changé beaucoup de choses », a-t-il expliqué lors d’une interview accordée au média britannique Express Sport début mars 2022. Mais, « il semblerait que Toto et Christian veuillent occuper les premiers rôles […]. C’était légèrement indécent l’an dernier. Je ne pense pas qu’il soit bon pour nous de les voir en faire autant. Toto a même fini par déclarer qu’il regrettait que la situation en soit arrivée à ce point. » Le revers de la médaille médiatique ?

« La manière dont Netflix a promu la F1 auprès d’une audience bien plus vaste est phénoménale. Ça a changé beaucoup de choses »

Damon Hill. Champion du monde 1996 de Formule 1

« Expérience immersive »

Officiellement, ni Netflix, ni Box to Box Films, ne misent sur la culture du « clash » pour appâter l’audience. Dans Formula 1 : Drive to Survive, il n’est pas question de confrontations, mais de « coulisses » et d’« expérience immersive ». Selon Paul Martin, co-fondateur de la société de production américaine, missionnée par Liberty Media, qui a racheté la F1 en 2017, ce documentaire se veut même au plus près du réel : « Nous voulions dresser un portrait authentique de ce qu’était la vie dans les paddocks, la manière d’y travailler, et comment cela fonctionnait réellement », a-t-il déclaré au New York Times, dans une interview publiée en juillet 2021. « Nous avons donné tout le nécessaire aux écuries pour garantir leur sécurité. Elles auraient aimé en avoir beaucoup plus, mais, à partir de cette brèche, Netflix a pu capturer des séquences qui allaient faire vibrer les fans, en apportant du contenu de derrière les coulisses, plutôt que de leur servir un produit tout fait », résume à son tour Ian Holmes, directeur juridique en charge des médias, au sein de la F1, également au New York Times. « Au départ, les écuries se disaient que nous n’avions aucune idée de ce qu’était le monde de la F1 », concède Paul Martin. Mais leur opinion a vite évolué après la première saison, à l’image de ce qu’en pense Zak Brown, le directeur exécutif de McLaren Racing : « Aux États-Unis, parmi tous les retours que vous pouvez obtenir au sujet de la F1, presque tous font référence à Drive to Survive. Les gens sont passés d’un « je n’ai jamais regardé un Grand Prix de F1 de ma vie » à « je ne raterai plus jamais une seule course de ma vie ». Il n’y a probablement jamais eu un tel impact sur la F1 en Amérique du Nord. »

À Monaco, la totalité des billets serait vendue chaque année pour la course du dimanche. Mais le nombre de places est inférieur à d’autres Grand Prix, comme celui des États-Unis. Malgré la pandémie de Covid-19, le Grand Prix des États-Unis 2021 (notre photo) a attiré le plus de monde, avec 400 000 personnes sur trois jours. Derrière, on trouve le Mexique (371 000 spectateurs) et l’Angleterre (356 000 spectateurs). © Photo FIA

Officiellement, ni Netflix, ni Box to Box Films, ne misent sur la culture du “clash” pour appâter l’audience. Dans Formula 1 : Drive to Survive, il n’est pas question de confrontations, mais de « coulisses » et d’« expérience immersive »

Audiences peu transparentes, mais éloquentes

Difficile cependant de mesurer précisément les audiences du docu-série. Contactée par Monaco Hebdo, Netflix France ne transmet pas de chiffres à proprement parler, mais un « top 10 hebdomadaire » de ses séries, basé sur le nombre d’heures de visionnage par l’ensemble des comptes abonnés à cette plateforme de streaming. Ainsi, la semaine du 7 au 13 mars 2019, pendant laquelle la série a été diffusée pour la première fois, Drive to Survive était la cinquième série Netflix la plus visionnée en France, à raison de 28 millions d’heures visionnées. Au sujet de ses audiences, la plateforme explique avoir confié au cabinet d’expertise comptable indépendant EY le soin de valider ses « nouvelles mesures d’audiences », dont elle devrait publier les rapports dans le courant de l’année 2022. Avant 2021, Netflix ne comptabilisait en effet que les personnes ayant regardé « au moins deux minutes » d’une série, ce qui pouvait parfois en fausser la popularité. Le succès des premières saisons de Drive to Survive n’a donc pas pu être mesuré avec précision, faute de transparence. Toujours est-il que ces audiences Netflix semblent tout de même avoir donné un coup de fouet aux retransmissions télévisées des Grands Prix. En France, Canal+ ne réunissait que 800 000 téléspectateurs en 2013, année de son rachat des droits télévisés, alors que les audiences caracolent aujourd’hui à 2,4 millions pour les meilleurs Grands Prix. Même chose aux États-Unis : selon la chaîne ESPN, qui diffuse les courses automobiles, le nombre moyen de téléspectateurs par course a franchi la barre des 928 000 “viewers” en 2021, contre 547 000 en 2018. La première saison de Drive to Survive ayant été diffusée en 2019, Netflix y serait-il pour quelque chose ? « Il n’y a pas moyen de quantifier l’influence de la série Netflix sur la hausse des audiences, mais ça ne nous a sûrement pas fait de mal », a expliqué au New York Times John Suchenski, directeur des programmes et acquisitions chez ESPN. « Bénéficier de contenus additionnels en F1 nous permet d’élargir notre audience, et d’accroître l’intérêt d’un nouveau public qui, on l’espère, se tournera ensuite vers les Grands Prix. » La tendance s’est en effet confirmée en 2021 pour le Grand Prix des États-Unis, disputé à Austin le 24 octobre. Cette course a battu un record d’affluence, en cumulant près de 400 000 spectateurs sur l’ensemble des trois jours de compétition, entre les essais libres, les qualifications et la course. Au Royaume-Uni également, Drive to Survive a été visionné dans un million de foyers au bout des 28 premiers jours de lancement de la série, selon l’agence Digital-i. Cela représente 9,1 % des programmes visionnés par les abonnés de Netflix. Pas mal, pour une série exclusivement dédiées aux courses automobiles.

« Les gens sont passés d’un « je n’ai jamais regardé un Grand Prix de F1 de ma vie » à « je ne raterai plus jamais une seule course de ma vie » »

Zak Brown. Directeur exécutif de McLaren Racing

Effet sur les billets

Hasard ou pas, les ventes de tickets journaliers pour le Grand Prix des États-Unis ont augmenté de 15 % en 2019, année de diffusion de la première saison de ce docu-série. Et, pour le Grand Prix de Miami 2022, l’intégralité des tickets a été vendue en seulement 40 minutes, à des tarifs compris entre 500 et 2 000 dollars. Cet élan de popularité se mesure également en Belgique, où plus de 75 000 billets ont déjà été écoulés, soit les trois quarts disponibles, pour le Grand Prix de SPA-Francorchamps, qui n’aura lieu que le 28 août 2022. En France, le Grand Prix de Castellet du 24 juillet 2022, sur le circuit Paul Ricard, est lui aussi quasiment “sold-out” depuis que la billetterie a ouvert, en novembre 2021. En 2019 pourtant, première année de diffusion de la série Netflix, à peine 140 000 billets avaient été vendus pour la deuxième édition de la course depuis sa réintégration au calendrier de la F1. C’était 12,5 % de moins qu’en 2018, où 160 000 billets s’étaient écoulés. En principauté, enfin, la configuration du Grand Prix de F1 est différente, et il n’est pas tout à fait pertinent de chercher à faire une corrélation avec le succès de la série. Comme l’assure une source proche de l’organisation du Grand Prix de Monaco, la totalité des billets serait vendue chaque année pour la course du dimanche. Mais le nombre de places est inférieur à d’autres Grand Prix, comme celui des États-Unis (1). Malgré la pandémie de Covid-19, le Grand Prix des États-Unis 2021 a attiré le plus de monde, avec 400 000 personnes sur trois jours. Derrière, on trouve le Mexique (371 000 spectateurs) et l’Angleterre (356 000 spectateurs). Il n’y aura donc pas d’effet Netflix à prévoir pour 2022 à Monaco, si ce n’est, en revanche, un possible « effet Verstappen », alors que de nombreux supporters néerlandais semblent avoir d’ores et déjà réservé leur billet pour faire flotter le drapeau orange en principauté.

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1) En 2019, la saison de F1 a attiré 4,1 millions de spectateurs. En 2021, la pandémie de Covid-19 a entraîné des restrictions, des annulations, et le décalage de certaines courses, ce qui a fait chuter la fréquentation à 2,6 millions de personnes.