vendredi 26 avril 2024
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Franck Lobono : « Il n’a jamais été question de créer une nouvelle catégorie de citoyens à Monaco »

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Franck Lobono, président de la commission du logement, explique à Monaco  Hebdo comment la majorité Priorité Monaco (Primo !) du Conseil national compte répondre aux attentes des enfants du pays. Interview.

Fin janvier 2021, vous avez reçu au Conseil national les représentants de l’association des enfants du pays : quelle a été la teneur de vos échanges ?

Lors de cette rencontre, les représentants de l’association des enfants du pays et les conseillers nationaux se sont accordés à regretter que la proposition de loi initiale de l’Assemblée ait été ramenée, dans le texte gouvernemental, à une simple reconnaissance symbolique. À cette occasion, les représentants de l’association des enfants du pays ont proposé de définir l’enfant du pays, comme la personne née et vivant en principauté, dont l’un des parents est également né à Monaco. Cette définition apparaît pour l’Assemblée trop restrictive, et l’on peut imaginer d’instaurer différentes catégories sous la dénomination d’enfant du pays. Être né à Monaco et y avoir toujours vécu, ou y vivre depuis 40 ans de manière discontinue, correspond en effet également à une population entretenant un lien très fort avec notre pays.

Du coup, quelles décisions ou engagements ont été pris ?

Attentifs aux demandes des représentants de l’association, les élus ont reconnu l’importance de définir la notion d’enfants du pays, mais surtout la nécessité de renforcer leurs rangs de priorité en matière de logement et d’emploi. Ces questions sont étudiées, en ce moment même, au sein du Conseil national, en commission de législation. En matière de logement dans le secteur protégé, nous allons également amender le rang 2, pour le limiter à des personnes ayant eu au minimum dix années de résidence en principauté pendant leur minorité. Cela a pour but de faciliter l’accès au logement aux rangs 3 et 4 pour les enfants du pays.

« Les élus ont reconnu l’importance de définir la notion d’enfants du pays, mais surtout la nécessité de renforcer leurs rangs de priorité en matière de logement et d’emploi. Ces questions sont étudiées, en ce moment même, au sein du Conseil national, en commission de législation »

Franck Lobono, président de la commission du logement

Quel est l’objectif de la proposition de loi concernant les enfants du pays écrite à l’automne 2017, devenue aujourd’hui projet de loi ?

La proposition de loi issue de l’ancienne mandature, entendait poser une définition des enfants du pays, pour la première fois, de manière légale, ce qui était en soi une bonne intention. Mais ce texte initial n’apportait aucun droit !

En l’état, que fixe le projet de loi du gouvernement ?

Malheureusement, pas grand-chose de plus que la proposition. Ce texte est une simple déclaration d’intention, par laquelle le gouvernement reconnaît la contribution des enfants du pays au développement de la principauté, à la prospérité économique, ainsi qu’à son rayonnement sur la scène internationale. Les élus travaillent à amender le texte, pour qu’il contienne une définition précise des enfants du pays, et des droits réels en matière de logement et d’emploi.

Comment ce texte du gouvernement définit-il ce qu’est un enfant du pays ?

Comme je viens de le dire, dans son état actuel, ce texte ne pose aucune définition, ce qui est un comble ! Il se limite à mentionner, de manière générale, les personnes de nationalité étrangère nées à Monaco, présentes sur le territoire depuis parfois plusieurs générations, et à reconnaître leur contribution au développement de la principauté.

En quoi la Constitution monégasque interdit-elle la création d’une nouvelle catégorie de citoyens à Monaco ?

La Constitution n’interdit pas expressément la création de la catégorie d’enfants du pays. Le gouvernement fonde sa décision de ne pas définir légalement la notion d’enfant du pays sur le risque d’inconstitutionnalité que représente la consécration d’une catégorie particulière au sein de la population étrangère, alors que l’article 32 de la Constitution ne reconnaît que les Monégasques et les étrangers.

Qu’en pensez-vous ?

La commission du logement n’est pas convaincue par cette approche gouvernementale. C’est pourquoi elle a pris la décision de s’attacher l’avis d’un expert en droit constitutionnel pour étayer son analyse, et conforter sa position. Dans cet esprit, il suffit, par exemple, d’observer ce que prévoit la loi n° 1235, qui contient déjà plusieurs catégories de personnes protégées parmi les résidents de nationalité étrangère. Il est donc tout à fait possible, en poursuivant cette même logique, d’octroyer des rangs de priorité aux enfants du pays.

« Le Conseil national, le président et moi-même, soutenons une politique […] qui passe par la préservation du secteur protégé, mais également par la construction d’immeubles dédiés. […] Une première construction, sur un bâtiment ancien que l’État vient de préempter, reçoit tout notre soutien. D’autres projets sont également rapidement possibles »

Franck Lobono, président de la commission du logement

Estimez-vous légitime de créer en 2021 une nouvelle catégorie de citoyens à Monaco, où 139 nationalités se côtoient ?

Il n’a jamais été question de créer une nouvelle catégorie de citoyens à Monaco, mais de reconnaître l’existence d’une population stable : celle des enfants du pays, qui forme avec les Monégasques une communauté de destin.

Quelle définition précise souhaiteriez-vous pour définir ce qu’est un enfant du pays ?

Les membres de la commission du logement souhaitent insérer, au sein des lois spécifiques concernant l’emploi et le logement, une catégorie de « petits-enfants du pays » qui regrouperait les personnes issues de familles présentes sur le territoire depuis, au moins, deux générations, et une catégorie d’enfants du pays qui regrouperait les personnes nées à Monaco et y ayant toujours vécu. Sans oublier, bien sûr, les personnes qui résident en principauté depuis quarante ans.

Souhaitez-vous que les enfants du pays puissent bénéficier d’appartements sociaux à loyers préférentiels à Monaco ?

Le Conseil national a toujours souhaité maintenir une population stable d’enfants du pays en principauté. C’est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel de leur accorder un rang de priorité leur permettant de se loger à Monaco, dans le secteur protégé. Encore faut-il que ce secteur ne disparaisse pas progressivement avec les destructions des immeubles anciens. C’est pourquoi nous avons voté une proposition de loi dès le début de notre mandat, revenue depuis sous forme du projet de loi 1 006, visant à sauvegarder ce secteur d’habitation. Il doit être essentiellement dédié aux enfants du pays, et la politique du logement que nous défendons, avec le plan national logement, permettra bientôt de libérer des dizaines d’appartements occupés actuellement par des Monégasques en attente d’un logement domanial.

Prévu comme un projet immobilier « test » pour le logement des enfants du pays, la Villa Ida a finalement été attribuée aux Monégasques : comment faire face à leur déception ?

En situation de pénurie, le devoir des élus a été clair et a consisté à loger en priorité les Monégasques dans leur pays. C’est pourquoi la totalité de l’opération Grand Ida leur a été destinée. Par rapport aux enfants du pays, Ida, et ses 32 appartements, n’était qu’un coup qui ne s’inscrivait pas dans une politique à long terme. Le Conseil national, le président et moi-même, soutenons une politique plus ambitieuse, qui passe par la préservation du secteur protégé, mais également par la construction d’immeubles dédiés. Et je peux vous dire qu’une première construction, sur un bâtiment ancien que l’État vient de préempter, reçoit tout notre soutien. D’autres projets sont également rapidement possibles.

« Il n’y a ni démagogie, ni hypocrisie dans le souhait de préserver leur présence à Monaco. Si certains ont des doutes, qu’ils regardent qui se trouve le 19 novembre sur la place du palais à nos côtés ! »

Franck Lobono, président de la commission du logement

Monaco est-il prêt à assumer un scénario qui conduirait à une disparition totale des enfants du pays, à moyen ou long terme ?

C’est un scénario que je n’imagine pas. Il serait inconcevable et tellement irrespectueux à l’égard de milliers de personnes qui partagent leur histoire avec celle de la principauté. Comme je viens de vous l’expliquer, les élus du Conseil national mettent justement tout en œuvre pour que cela n’arrive pas. J’y suis profondément attaché, tout comme Stéphane Valeri. Il s’agit d’un des fondements de l’engagement politique personnel du président depuis plus de 20 ans, et les enfants du pays le savent bien. Il s’agit pour nous d’une profonde conviction.

Certains estiment qu’il n’est pas raisonnable d’accorder plus de droits aux enfants du pays, notamment pour des raisons d’ordre économique : comment éviter la démagogie et l’hypocrisie sur ce sujet très sensible ?

Nous le rappelons souvent, les enfants du pays sont nos camarades d’enfance et de classe, des membres de nos familles, des personnes qui font partie de notre histoire et partagent notre attachement à la principauté et ses valeurs. Il n’y a ni démagogie, ni hypocrisie dans le souhait de préserver leur présence à Monaco. Si certains ont des doutes, qu’ils regardent qui se trouve le 19 novembre sur la place du palais à nos côtés ! C’est par une politique cohérente, avec un ensemble de dispositifs complémentaires, innovants et courageux, qui sont dans nos moyens, que nous y parviendrons : le plan national logement pour les Monégasques, la sauvegarde du secteur protégé, ainsi que la réalisation de constructions nouvelles pour les enfants du pays. Nous avançons sérieusement sur cette dernière solution complémentaire à la préservation du secteur protégé. Elle est d’autant plus plausible que nous pourrions imaginer que ces opérations, en partenariat avec les promoteurs, s’autofinanceraient en grande partie… Par exemple, dans un immeuble d’une cinquantaine de logements, l’État pourrait très bien en conserver une dizaine en secteur libre pour financer toute l’opération.

Pour lire la suite de notre dossier sur le statut et les droits des enfants du pays à Monaco, cliquez ici.