vendredi 26 avril 2024
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Enfants du pays
L’heure des choix

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Projet Grand Ida, création d’un statut spécifique et refonte de la loi 1 235 sur le secteur protégé… C’est une période décisive qui s’ouvre pour les enfants du pays. Gouvernement et Conseil national doivent désormais s’accorder. Et agir.

 

« Tous ceux qui sont nés ou ont vécu à Monaco doivent savoir qu’ils y ont droit de cité. » Cette déclaration écrite du Prince Rainier III en 1999 (1), est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. Longtemps restés silencieux et peu regroupés, les enfants du pays ne cessent désormais de faire entendre leur voix. A travers un tissu associatif très actif, mais aussi sur les réseaux sociaux, où l’agacement s’exprime chaque jour un peu plus. A chaque commentaire ou presque, cette communauté crie haut et fort son « attachement affectif » à la Principauté. Tout en déplorant, année après année, des départs massifs du territoire monégasque. « De nombreux enfants du pays sont déjà partis. Depuis la fin des années 1990, plus de 4 000 ont déjà quitté la Principauté. Ils sont forcément de plus en plus agacés car ils sentent très bien qu’ils sont menacés », regrette l’association des locataires de Monaco (ALM), qui pousse un coup de gueule dans une interview accordée à Monaco Hebdo (voir par ailleurs).

 

« Respect »

Pour l’ALM, il est temps que le gouvernement passe des paroles aux actes. Fini les simples déclarations d’intention et les promesses. Place au concret. Selon les membres de cette association, l’exécutif a même « un respect » à avoir vis-à-vis de cette communauté. Pourquoi ? Parce que les enfants du pays sont les « bâtisseurs de Monaco. » Et qu’ils ont contribué, au fil des décennies, « à son éclat économique et social ». Pour la présidente de l’association des enfants du pays (AEP), Géraldine Motillon (2), « ils font partie intégrante du peuple monégasque et de l’âme de Monaco. lls participent à la vie sociale et associative de la Principauté. Ils ont été, et sont toujours des acteurs économiques de ce pays ». Pour ces deux associations, pas de doute donc. Ces enfants du pays nés à Monaco, qui ont grandi, travaillé, et construit toute leur vie sur place avec leur famille, doivent être juridiquement et institutionnellement considérés autrement. Et surtout, plus favorablement que de simples nouveaux résidents. Des nouveaux résidents qui « au moindre vent contraire pourraient quitter Monaco », souffle l’ALM. Voilà pourquoi tous plaident aussi pour la création d’un statut des enfants du pays (voir par ailleurs)

Mais c’est avant tout sur le projet Ida que les attentes sont désormais très fortes. Un projet, ou plutôt une Arlésienne, qui au fil des mois et des années, a été rebaptisé de plusieurs manières : « Petit Ida », « Moyen Ida », « Grand Ida » et même dernièrement « très Grand Ida ». Petit rappel des faits : en 2009, le gouvernement a préempté pour 16 millions d’euros la Villa Ida, située dans le quartier Plati. Objectif : construire une trentaine de logements uniquement destinés aux enfants du pays. Par la suite, la majorité Horizon Monaco (HM) et un collectif de riverains ont convaincu le gouvernement d’étudier un plus grand projet pour créer beaucoup plus de logements. Et restructurer ainsi tout le quartier. Sauf qu’en juillet 2015, lorsque le gouvernement présente en conférence de presse les grandes lignes de ce que sera ce futur Grand Ida, c’est la douche froide. Et pour cause. Aucun immeuble n’est finalement prévu pour les enfants du pays « Comment le fait d’agrandir la taille du projet équivaut-il à nous en écarter ? », se demande Géraldine Motillon. Même consternation pour l’ALM : « Nous avons ressenti une grande déception. Faut-il rappeler, qu’à l’origine, la Villa Ida avait été achetée avec l’intention très nette de construire des appartements pour des enfants du pays ? » Dans la foulée, une autre piste, ou plutôt un “lot de consolation”, est alors avancée : loger les enfants du pays à la Villa Del Sole, dans le quartier de Saint Roman. Mais là encore, la piste est très vite enterrée. Selon nos informations, le projet Villa del Sole devrait être une opération domaniale exclusivement réservée aux Monégasques.

 

Immeuble

Du coup, tous les yeux sont à nouveau braqués sur le projet Grand Ida. Y aura-t-il ou non un immeuble réservé aux enfants du pays dans cette future opération immobilière ? Le gouvernement tiendra-t-il sa promesse de créer une opération dédiée ? D’après Géraldine Motillon, le gouvernement a « confirmé par écrit cet été » et « réitéré verbalement » le 24 septembre dernier lors d’une audience « qu’il entendait bien respecter l’engagement » pris vis-à-vis de cette communauté. Et toujours selon Géraldine Motillon, un immeuble réservé aux enfants du pays devrait bien être construit dans cette future opération immobilière. « Nous ferions partie de la première phase de livraison des appartements », assure-t-elle. Sauf qu’à l’heure actuelle, en coulisses, ça traine… Car Conseil national et gouvernement ne se sont toujours pas entendus pour définir avec précision la taille du projet Ida. « Il est grand temps qu’une décision soit prise quant à l’ampleur du projet, afin que les travaux puissent enfin démarrer ».

Autre bonne nouvelle : « Le gouvernement nous a également confirmé que les 30 appartements annoncés de longue date seraient bien des créations. Ils ne seraient donc pas comptabilisés dans les relogements des enfants du pays habitant les immeubles concernés de la rue Plati ». Reste à voir désormais si ces déclarations écrites et verbales de l’exécutif, se traduiront dans les faits. Et surtout, quand aboutira le dialogue institutionnel. « Pour l’heure, compte tenu des discussions qui doivent intervenir rapidement avec le Conseil national, le gouvernement ne peut s’engager sur une localisation définitive ou un calendrier », précise laconiquement le gouvernement interrogé sur ce point précis par Monaco Hebdo (voir interview par ailleurs). Avant d’ajouter : « Mais le gouvernement entend bien respecter l’engagement qui a été pris à l’époque ».

 

« Urgence »

Autre certitude : il n’est toujours pas question de mélanger enfants du pays et Monégasques dans un même immeuble, ou de créer un secteur mixte. La cause avancée par l’exécutif ? « Pour une question de « gestion » et non de « ségrégation », nous a-t-on dit », précise Géraldine Motillon. Mais une grande frustration demeure pour la présidente de l’AEP. Il y a quelques mois, cette dernière a proposé que des « appartements d’urgence » soient mis en place pour ceux qui ont quelques mois pour quitter leur logement, quand celui-ci est vendu. Une proposition restée lettre morte auprès des autorités : « Nous regrettons que ni le Conseil national, ni le gouvernement n’aient pris en compte nos demandes de création d’un secteur d’urgence. Des familles d’enfants du pays n’ont actuellement d’autre possibilité que de quitter le pays où ils sont nés lorsque leur appartement est repris par le propriétaire ou dans le cas d’une vente. Nous n’avons rien contre cette liberté des propriétaires, elle est naturelle. Nous regrettons simplement qu’il n’y ait aucune autre alternative offerte aux enfants du pays », explique la présidente de l’AEP, qui salue toutefois « le nombre important de préemptions » faites par le gouvernement récemment. « Cela a permis le maintien de nombreux enfants du pays ».

 

(1) Lettre du Prince Rainier III envoyée à Christophe André-Frassa, sénateur Les Républicains (LR), représentant les Français de l’étranger.
(2) Extraits du discours de Géraldine Motillon lors de la galette des rois du 21 janvier 2015.

 

Des propos « nauséabonds et honteux »

Le gouvernement monégasque et le collectif réfugiés d’Orient ont décidé d’accueillir des familles syriennes et irakiennes menacées de morts dans leur pays (voir Monaco Hebdo n° 939). Un accueil prévu dans sept appartements à Beausoleil et deux en Principauté. Une information qui a suscité courant septembre sur Facebook de nombreux commentaires surprenants de la part de quelques Monégasques et enfants du pays. Extraits : « Monaco va accueillir des familles de migrants. Peut-être que je vais pouvoir trouver un logement en perdant mes papiers ? » Ou encore : « Les réfugiés par-ci, les réfugiés par-là. Nous, notre quota est déjà plein avec les réfugiés français. » Ou bien : « Les enfants du pays ne sont plus chez eux à Monaco. Les sujets monégasques encore considérés, mais pour combien de temps. À présent, place aux Russes. Ils ont tous les droits, les autres circulez. Il n’y a rien à voir. Et pour se donner bonne conscience aux yeux du monde, on fait un geste de nain pour des migrants. » Des commentaires qui ont poussé le parti Rassemblement & Enjeux (R&E) à réagir sur sa propre page Facebook : « Rassemblement & Enjeux se félicite des actions engagées par le gouvernement monégasque en faveur des réfugiés d’Orient. R&E trouve toutefois éminemment regrettables les propos nauséabonds et honteux de certains de nos compatriotes sur les réseaux sociaux, critiquant les actions de l’Etat en faveur de familles en exode, et comparant leur propre situation à celle de réfugiés de guerre de la façon la plus déplacée et grotesque. Quand bien même le logement de nos compatriotes est un sujet de préoccupation permanent pour R & E, nous ne saurions tolérer que le racisme et la xénophobie de certains viennent mettre à mal la solidarité exemplaire de la Principauté. » L’association des locataires s’est dit également surprise « de ces propos xénophobes ». Tout en estimant que Facebook devient le « défouloir de toutes les frustrations ».

 

Bientôt un statut pour les enfants du pays ?

Il en est question depuis des mois : créer un statut juridique spécifique pour les enfants du pays. Mais selon quels critères ? Et surtout pour quels droits ?

 

On a beau insister, rien n’y fait. Impossible de savoir si un statut des enfants du pays sera ou non créé à Monaco. Et si oui, selon quels critères et surtout, pour quels droits. Seule certitude pour le moment : le sujet est bel et bien en discussion dans les hautes sphères de l’Etat. « Nous avons abordé ce sujet, tant avec le gouvernement qu’avec le Conseil national en septembre dernier », assure Géraldine Motillon, présidente de l’association des enfants du pays (AEP). A l’association des locataires de Monaco (ALM) aussi, on défend la création d’un tel statut : « Il faut qu’il tienne au moins compte du nombre d’années restées sur le territoire. De façon à sauver au moins ceux qui sont installés en Principauté depuis deux ou trois générations ».

 

« Injuste »

Cette idée ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour le président de l’Union des Français de l’étranger-Monaco (UFE-Monaco), la question à se poser est surtout la suivante : quelle est la finalité de la création d’un tel statut ? Selon Jean-Christophe Romanet, ce statut posera le problème du « bornage statistique », qui sera « forcément injuste. Etre enfant du pays se ressent avant de se décrire par des données statistiques. Quitte à borner statistiquement ces personnes, et au lieu d’en faire une catégorie à part nécessitant une révision de la Constitution qui ne peut accepter de “sur-résidents” ou de “sous-nationaux”, il serait plutôt intéressant de réfléchir à comment intégrer cette population en tant que “nationaux”. Car en fin de compte, c’est ce qu’ils sont au fond de leur cœur : Monégasques ». Selon Romanet, c’est donc une loi permettant l’acquisition de la nationalité pour ces personnes, selon des critères stricts, qui est l’une des pistes les plus intéressantes. L’acquisition de la nationalité monégasque et « pas la naturalisation, qui est à la discrétion exclusive du Prince ».

Pour le président de l’UFE-Monaco, cela règlerait « le problème identitaire lié à l’absence de droit du sol » en Principauté. Et cela bénéficierait à la fois à Monaco qui garderait « une population viscéralement attachée à la Principauté et à ses institutions », mais aussi à la France qui garderait « une population pour beaucoup francophone au sein de la Principauté ». Avant d’ajouter : « La problématique liée au coût financier et d’espace qui se poserait dans ce cadre-là, se posera quoi qu’il arrive avec la création d’un statut spécifique qui ne résoudra pas les autres points ».

 

Ingérable

L’autre gros chantier en perspective qui touche de très près les enfants du pays, c’est la refonte de la loi 1 235 sur le secteur protégé. Pourquoi vouloir y toucher ? Selon le Conseil national, cette loi serait devenue ingérable en raison de toutes les modifications qui y ont été apportées ces dernières années. « La refonte de cette loi permettra d’accorder enfin une place différente aux enfants du pays, espère Géraldine Motillon. Même si nous partageons complètement l’avis du président Horizon Monaco (HM) de la commission du logement, Jean-Michel Cucchi, qui a déclaré : « L’existence juridique des enfants du pays ne peut se faire uniquement au travers d’une catégorie d’attributaires potentiels dans une loi sur le secteur protégé. »»

 

« Pour le moment, on est face au néant »

L’association des locataires de Monaco (ALM) tire la sonnette d’alarme sur la situation de plus en plus critique des enfants du pays. Sylvie Ciantelli, présidente, Jannine Martinez Allolio, vice-présidente et Alain Gaspard, trésorier demandent au gouvernement d’agir.

 

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Quand vous avez appris que rien n’était prévu pour les enfants du pays dans le projet grand Ida, quelle a été votre réaction ?

Nous avons ressenti une grande déception. Faut-il rappeler, qu’initialement, la villa Ida avait été achetée avec l’intention très nette de construire des appartements pour des enfants du pays ? Trente logements c’est peu, certes. Mais c’était déjà un pas en avant. Cela aurait au moins permis de sauver quelques enfants du pays en difficulté. On est, pour le moment, face au néant (1). C’est donc une déception par rapport à la promesse qui avait été faite aux enfants du pays.

 

Vous espériez qu’il y ait plus de 30 logements pour les enfants du pays dans le Grand Ida ?

Lorsqu’il a été question d’un projet Grand Ida, nous avons en effet tous cru qu’il y avait une bonne volonté d’hier. Celle de réserver bien plus de 30 logements aux enfants du pays. Naïvement, nous pensions donc que les proportions allaient suivre… Ce n’est manifestement pas le cas.

 

Qu’attendez-vous du gouvernement ?

On attend tout simplement que le gouvernement tienne les promesses qui nous ont été faites sur la Villa Ida. Nous souhaiterions aussi qu’un statut des enfants du pays soit créé. Un statut qui tienne au moins compte du nombre d’années restées sur le territoire. De façon à sauver au moins ceux qui sont installés en Principauté depuis deux ou trois générations. L’exécutif pourrait aussi faire un choix courageux.

 

Lequel ?

Réserver une partie des appartements aux enfants du pays dans les nouveaux immeubles construits.

 

Les enfants du pays qui logent actuellement dans le secteur du Grand Ida seront relogés ?

Il semblerait que oui. Mais est-ce seulement un vœu pieu ? Car rappelons que désormais, après une démolition, il n’y a plus l’obligation de reloger les occupants d’un immeuble.

 

Le ministre d’Etat martèle que si ça ne tenait qu’au gouvernement, l’opération Petit Ida serait déjà lancée…

Sur ce projet Ida, chacun se renvoie la balle de la responsabilité. Le Conseil national nous dit que c’est le gouvernement qui n’a pas de volonté politique. Et inversement, le gouvernement sous-entend que c’est le Conseil national qui a retardé le processus. Mais, in fine, c’est bel et bien l’exécutif qui est décisionnaire à Monaco.

 

Le gouvernement estime aussi que « le maintien de la présence des enfants du pays est très importante en Principauté » : vous y croyez ?

Les intentions et les paroles ne suffisent pas. Il faut désormais des actes concrets. On ne sait pas quel est le véritable positionnement du gouvernement sur les enfants du pays. Ce qu’il veut faire et ne pas faire. En revanche, si l’exécutif n’a pas l’intention de garder cette population sur son territoire, ou n’en pas les moyens, il faut qu’il ait le courage politique de le dire. Il en a même le devoir.

 

La colère des enfants du pays est de plus en plus forte ?

C’est une évidence. De nombreux enfants du pays sont déjà partis. Depuis la fin des années 1990, plus de 4 000 ont déjà quitté la Principauté. C’est une véritable hécatombe ! Ils sont forcément de plus en plus agacés, car ils sentent très bien qu’ils sont menacés.

 

Est-ce vraiment grave si les enfants du pays ne restent pas sur le territoire monégasque ?

C’est grave, car c’est une population très stable. Les enfants du pays sont aussi les bâtisseurs de la Principauté. C’est le pays où ils sont nés, où ils ont toujours vécu, et où ils ont toujours travaillé. L’Etat doit avoir vis-à-vis d’eux, une éthique, un respect. Le prince Rainier III nous avait d’ailleurs écrit une lettre dans laquelle il indiquait noir sur blanc que les enfants du pays « doivent savoir » qu’ils auront toujours « droit de cité » à Monaco. Cette déclaration est-elle toujours d’actualité ? Si Monaco est évidemment aux Monégasques, il faut rappeler que l’éclat économique et social de la Principauté est aussi possible grâce aux résidents non-monégasques.

 

Il y a une sélection de la population par l’argent à Monaco ?

C’est évident. Le territoire est petit, mais on parvient tout de même à construire dans de nouveaux immeubles des appartements de 300 ou 600 m2 pour de riches résidents. Ces mêmes riches résidents qui, au moindre vent contraire, pourraient partir. Les enfants du pays sont bien les sacrifiés.

 

Les enfants du pays ont aussi des intérêts matériels à rester à Monaco, surtout depuis que les Français ont obtenu l’exonération de leurs impôts sur le revenu ?

Dans une interview à Monaco Hebdo, le vice-président Horizon Monaco (HM) du Conseil national, Christophe Steiner, semble insinuer qu’il n’y a que de soi-disant intérêts matériels qui intéressent les enfants du pays. Il y en a sans doute quelques-uns, on ne peut pas le nier. Mais il y a surtout un attachement affectif très fort. Monaco est leur ville.

 

Le Conseil national défend suffisamment cette communauté ?

L’ancienne équipe du Conseil national avait empêché l’hémorragie grâce au vote d’une loi aménageant le secteur protégé. C’était en 2004. Mais celle-ci a été déstructurée au fil des années… Stéphane Valeri, à l’époque président du Conseil national, avait aussi insisté pour que le projet Ida soit lancé, pour impulser une dynamique, avec un projet pilote. Quelques années plus tard, quel sera le résultat ?

 

Et aujourd’hui ?

Le président du Conseil national, Laurent Nouvion, nous a reçus cet été et s’est montré intéressé par le problème. De son côté, le président HM de la commission du logement, Jean-Michel Cucchi, semble aussi vouloir nous défendre. Il a déclaré dans une interview qu’il souhaitait qu’un immeuble du Grand Ida soit réservé aux enfants du pays. Nous espérons que ses bonnes volontés aboutissent.

 

Pourquoi le Conseil national souhaite revoir la loi 1 235 sur le secteur protégé ?

D’après le Conseil national, cette loi, avec toutes les modifications qui ont été apportées, devenait ingérable. Rappelons toutefois, que sous couvert de la protection de la propriété, cette loi a été attaquée deux fois. Et son efficacité réduite. Rappelons aussi qu’elle était destinée à lutter contre d’éventuelles hausses abusives des loyers et à protéger aussi les Monégasques qui logeaient dans le secteur protégé.

 

Le ministre d’Etat, Michel Roger, estime qu’il n’est pas possible de créer un secteur mixte enfants du pays-Monégasques en avançant « des difficultés de gestion » ?

Ce sont des prétextes. Enfants du pays et Monégasques peuvent parfaitement cohabiter. Sur ces dernières décennies, nous n’avons jamais vu un règlement de compte entre Monégasque et enfants du pays. Tout au plus quelques jalousies, mais comme dans toutes les sociétés. Dans l’immeuble le Bel air par exemple, comme dans d’autres immeubles, ces deux « communautés » cohabitent. Et il n’y a aucun problème.

 

(1) Cette interview a été réalisée le 1er octobre 2015.

 

« Une discrimination »

Gisèle Hugues, présidente de l’association des propriétaires de Monaco (APM), répond aux questions de Monaco Hebdo concernant le logement des enfants du pays. Interview. Propos recueillis par Raphaël Brun

 

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Votre position face à la problématique du logement des enfants du pays ?

L’association rappelle que son objet est la défense de la propriété et que la notion d’enfants du pays n’en fait pas partie.

 

Rien ne semble finalement prévu pour eux dans le projet de très grand Ida ?

Vous dites que rien ne semble prévu pour eux. Nous n’en savons rien, car notre association n’est pas tenue informée des décisions du gouvernement les concernant.

 

Créer un secteur mixte dans Ida qui réunirait enfant du pays et Monégasques vous semble une bonne idée ?

Cette problématique relève d’une décision gouvernementale qu’il ne nous appartient pas de discuter : le propriétaire, c’est-à-dire l’Etat, choisira la ou les catégories de locataire qu’il souhaitera loger.

 

Ce dossier Ida provoque de très vives réactions chez les enfants du pays et chez les propriétaires : comment éviter l’escalade ?

Rappelons que les propriétaires et les locataires forment un couple indissociable. La défaillance de l’un ne peut qu’interagir sur l’autre. Rappelons aussi que dans le secteur protégé, le propriétaire ne peut pas choisir son locataire, puisqu’il est lié par les conditions de la loi 1 235 modifiée (1). L’escalade que vous évoquez est nourrie par les différents articles de presse parus à intervalles réguliers. Les dits enfants du pays ne sont d’ailleurs pas que des Français.

 

Au vu de ces réactions de colère, le « vivre ensemble » à Monaco est en train de se dégrader ?

Quelle colère ? Celle des enfants du pays ? Celle des propriétaires du secteur protégé ? Celles des locataires ? Nous, propriétaires monégasques, propriétaires enfants du pays ou propriétaires de toutes nationalités, n’avons aucun problème de vivre ensemble, puisque nous faisons tous partie du même tissu historique. Nous renvoyons à la remarque d’éthique de Jean-Christophe Romanet [président de l’Union des Français de l’Etranger de Monaco (UFE-Monaco)], exposée dans le dernier bulletin de l’UFE-Monaco : « L’acquisition de la nationalité monégasque […] règlerait la problématique des enfants du pays ».

 

A propos du secteur d’habitation protégé, vous estimez toujours être victime de « discrimination » ?

Absolument. La discrimination entre les biens du secteur libre et ceux du secteur dit protégé est flagrante et ne correspond plus à ce jour à la réalité supposée de la période de guerre.

 

Au vu des prix de l’immobilier, la sélection par l’argent est de plus en plus forte lorsqu’il s’agit de se loger à Monaco ?

Vous avez raison de l’affirmer. C’est la loi du marché, qui profite d’ailleurs au secteur libre et non au secteur protégé, d’où la discrimination.

 

D’une façon générale, les élus du Conseil national défendent suffisamment vos intérêts et vos positions ?

Le Conseil national est élu par tous les Monégasques. Il est donc à l’écoute des intérêts de chacun, que l’on soit propriétaire ou locataire. On ne peut pas dire que les précédentes législatures aient été favorables aux propriétaires du secteur protégé. Quant à l’actuelle législature, son écoute est bienveillante. Mais dans les faits, rien n’a été voté.

 

(1) La loi 1 235 modifiée concerne le secteur de logement protégé à Monaco. Cette loi détaille les conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947.

 

« Le gouvernement respectera son engagement »

Le gouvernement répond aux questions de Monaco Hebdo à propos des inquiétudes sur le logement des enfants du pays en Principauté. Interview.

 

Quelle est la position du gouvernement face aux enfants du pays ?

Le gouvernement considère de longue date que le maintien de leur présence est très important en Principauté, compte tenu de leurs attaches profondes et anciennes avec le pays. Ils constituent une partie importante de population stable de Monaco. Il les a soutenus tout au long de leurs démarches pour faire reconnaître leur statut fiscal particulier. Des démarches qui ont connu récemment une issue positive.

 

Quelle est la stratégie du gouvernement pour loger les enfants du pays ?

Au travers des catégories dites de personnes protégées, ils bénéficient depuis de très nombreuses années d’un régime leur permettant d’accéder aux logements construits ou achevés avant 1947.

 

Ils seront intégrés dans le projet Ida ?

Récemment, le gouvernement a préempté pour 16 millions d’euros la Villa Ida, sur laquelle une trentaine de logements devaient leur être destinés.

 

Quel lieu et combien de logements pour les enfants du pays, dans le cadre de ce projet Ida ?

Les réflexions qui ont été engagées pour un projet d’urbanisme d’une plus grande ampleur dans ce quartier de la Principauté ont retardé le lancement de cette opération. Mais le gouvernement entend bien respecter l’engagement qui a été pris à l’époque. Mais pour l’heure, compte tenu des discussions qui doivent intervenir rapidement avec le Conseil national, le gouvernement ne peut s’engager sur une localisation définitive ou un calendrier.

 

Où en est la réforme de la loi sur le secteur protégé ?

Le gouvernement a été informé de l’engagement d’une réflexion par le Conseil national, mais il ne dispose pas de son côté d’éléments plus précis sur les modifications qui sont envisagées et qu’il examinera le moment venu avec la plus grande attention.

 

A propos du secteur protégé, l’association des propriétaires parle de « discrimination » dans la mesure où ils estiment ne pas être libres de gérer leurs biens comme ils le veulent ?

S’agissant de la « discrimination » évoquée par l’association des propriétaires, il convient de rappeler que le tribunal suprême a eu l’occasion de statuer en avril 2012 sur la constitutionnalité de la loi régissant le secteur protégé. Ce tribunal a considéré que ces dispositions ne portent pas à l’exercice du droit de propriété une atteinte excédant celles qui peuvent lui être apportées au regard des règles et principes constitutionnels de la Principauté de Monaco.

 

Ida provoque de très vives réactions du côté des enfants du pays et du côté des propriétaires : au vu de cette colère, le “vivre ensemble” à Monaco est en train de se dégrader ?

Il semble excessif d’évoquer une dégradation du vivre ensemble en Principauté, alors même qu’y vivent de très nombreuses nationalités dans une parfaite harmonie et dans des conditions de vie qui se retrouvent difficilement ailleurs.