vendredi 26 avril 2024
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Covid long « Il faut adapter la réglementation le plus rapidement possible »

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En France, les cas de Covid long concernent déjà plusieurs centaines de milliers de personnes. Monaco n’y échappe pas, rappelle Christophe Robino, président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses du Conseil national (1).

Tout en estimant que, pour faire face, la principauté doit réagir le plus vite possible.

Selon l’Office national des statistiques (ONS) britannique, les cas de Covid long concernent plus de 20 % des patients cinq semaines après leurs premiers symptômes, et toujours plus de 10 % d’entre eux au bout de trois mois : en France plusieurs centaines de milliers de personnes souffrent de Covid long, mais quelle est la situation à Monaco ?

Il est aujourd’hui clairement établi que les personnes ayant contracté le Covid-19, peuvent présenter de manière durable des symptômes allant de la « simple fatigue », à la perte de l’odorat ou du goût, mais aussi à des manifestations plus invalidantes, dont des difficultés respiratoires, des syndromes douloureux, des troubles neurologiques, cognitifs ou cardiaques, qui vont retentir sur la vie quotidienne voire affecter la capacité à reprendre une activité professionnelle normale. Une étude très intéressante a d’ailleurs démontré que ces symptômes étaient corrélés à des modifications de l’activité métabolique des zones correspondantes du cerveau, étudié grâce à la Tomographie par émission de positons (Tep ou Pet scan) au Fluoro-désoxy-glucose (FDG), démontrant le tropisme neurologique du SARS-CoV-2 et ses conséquences. Même si la population concernée est plus réduite, on observe les mêmes phénomènes chez nos résidents et les salariés de la principauté.

Le Conseil national va-t-il rédiger un texte de loi reconnaissant les personnes souffrant de symptômes prolongés du Covid-19 ?

La rédaction d’un texte de loi, en ce domaine, est délicate car beaucoup de dispositions relèvent du réglementaire. Pour autant, j’ai souhaité qu’à l’exemple des parlementaires français qui ont voté le 19 février 2021 une résolution « visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme du Covid-19 », le projet de résolution qui a été proposé et voté par les élus du Conseil national, lors de la séance publique extraordinaire du 10 mars 2021 [lire notre article Covid-19 : Monaco ouvre la vaccination aux plus de 55 ans, publié dans Monaco Hebdo n° 1189], insiste pour que le gouvernement prenne le plus rapidement possible toutes les dispositions pour accompagner les personnes souffrant de Covid long, et notamment les parcours de soins appropriés, incluant soutien psychologique, réadaptation fonctionnelle, et reconditionnement à l’effort, par des programmes adaptés, personnalisés, et surtout facilement accessibles.

« Il semble difficile de faire le lien entre l’activité professionnelle et la contamination par le SARS-CoV-2. Notamment pour faire la différence entre une contamination dans la sphère strictement professionnelle ou dans la sphère privée »

En France, une proposition de loi pour la création d’un fonds d’indemnisation des victimes les plus graves du Covid-19 a été déposée : Monaco va-t-il faire de même ?

Une proposition de loi n° 3 723, portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19 a été déposée devant l’Assemblée nationale française, le 5 janvier 2021, et rejetée par cette même assemblée le 18 février 2021. Il est à noter qu’une proposition similaire, sous le n° 3 108, avait été déposée le 16 juin 2020 et rejetée, cette fois par le Sénat, le 25 juin 2020. Toute la difficulté, et on l’a vu avec l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam), vient du financement et de la solvabilité du fonds. À quoi sert de créer un fonds si on ne peut pas le financer, et donc dédommager les victimes.

Qui doit financer ce type de fonds ?

La question principale est bien celle de qui doit financer ce fonds. Est-ce à l’État par une contribution directe, ou en tant qu’employeur, est-ce aux régimes obligatoires, ou facultatifs, assurant la couverture des risques accidents du travail et maladies professionnelles ? Quitte à créer, selon les habitudes françaises, une taxe additionnelle, ou encore reposer sur des dons et des legs ?

Que faire dans le contexte monégasque ?

Cela ne me paraît pas adapté pour Monaco, et ne fonctionne, à l’évidence, pas si bien que ça en France : c’est probablement l’une des raisons du rejet de ces deux propositions de loi. En tout cas, cette solution n’est pas envisagée à Monaco, et il me semble préférable de s’appuyer sur les dispositifs existants, quitte à les renforcer. À savoir la reconnaissance, pour certains, du statut de maladie professionnelle, et pour les autres, notamment ceux souffrant de symptômes du Covid long, la reconnaissance en tant qu’affection longue durée, voire l’attribution du statut de personne handicapée, en fonction de la sévérité des séquelles.

« À Monaco, il me semble préférable de s’appuyer sur les dispositifs existants, quitte à les renforcer. À savoir la reconnaissance, pour certains, du statut de maladie professionnelle, et pour les autres, notamment ceux souffrant de symptômes du Covid long, la reconnaissance en tant qu’affection longue durée, voire l’attribution du statut de personne handicapée, en fonction de la sévérité des séquelles. » Christophe Robino. Président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses du Conseil national. © Photo Conseil National.

« Il faut adapter, le plus rapidement possible, la réglementation pour permettre de reconnaître les cas de Covid long au titre des affections de longue durée exonérantes, qu’elles soient sur la liste ALD 30, ou hors liste, permettant ainsi une prise en charge à 100 % »

À l’heure actuelle, comment sont pris en charge les cas de symptômes invalidants qui empêchent un retour à la vie professionnelle ?

Cette prise en charge n’en est encore qu’à ses débuts. Il faut tout d’abord rester humble, parce que l’on sous-estime probablement encore cette pathologie. Mais il faut aussi reconnaître, et c’est bien compréhensible, que certains professionnels puissent être inquiets à l’idée de prendre en charge des patients ayant contracté le Covid-19, supposés guéris, et pourtant symptomatiques, surtout lorsque les professionnels en question n’ont pas encore pu bénéficier de la vaccination. Pour autant, de nombreux professionnels sont mobilisés, notamment les pneumologues souvent sollicités pour les manifestations respiratoires séquellaires et le suivi évolutif, les cardiologues, les médecins de rééducation fonctionnelle, et, bien sûr, les infectiologues, les psychiatres et les psychologues.

Quel discours tenir aux professionnels ?

Il faut, à ce stade, rassurer les personnels de santé et les travailleurs sociaux, et les sensibiliser à l’importance d’une prise en charge adaptée et précoce, notamment par des programmes d’accompagnement et de rééducation adaptés de ces Covid longs, afin d’éviter que ne s’installent des séquelles plus durables. Et leur permettre ainsi une réinsertion sociale et professionnelle la plus rapide possible.

« Cette prise en charge n’en est encore qu’à ses débuts. Il faut tout d’abord rester humble, parce que l’on sous-estime probablement encore cette pathologie »

À Monaco, le Covid-19 peut-il être reconnu comme maladie professionnelle ?

La réponse est oui. Mais elle concerne essentiellement, conformément aux dispositions de l’arrêté ministériel n° 2020-898 du 21 décembre 2020, les personnels de soins et assimilés accomplissant en présentiel tous travaux, de laboratoire, de service, d’entretien, administratif, ou de services sociaux, en milieu d’hospitalisation à domicile ou au sein des établissements hospitaliers, centres d’accueil et d’hébergement, et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), services d’aide à la personne. Mais aussi les personnels accomplissant des activités de soins et de prévention auprès des élèves et étudiants des établissements d’enseignement, et les personnels accomplissant des activités de transport et d’accompagnement des malades, dans des véhicules affectés à cet usage.

Et dans les autres secteurs d’activité ?

Dans les autres secteurs d’activité, il semble difficile de faire le lien entre l’activité professionnelle et la contamination par le SARS-CoV-2. Notamment pour faire la différence entre une contamination dans la sphère strictement professionnelle ou dans la sphère privée. Pour autant, la France a fait le choix de laisser le soin à une commission ad hoc [une commission conçue pour un problème ou pour une tâche spécifique — NDLR] d’analyser les demandes et d’établir la preuve du caractère professionnel ou non de la maladie pour les salariés ne relevant pas des catégories précédentes.

« Dans des situations de séquelles invalidantes, handicapantes dans la vie quotidienne, il conviendra de soumettre ces dossiers à la commission d’évaluation du handicap, sous la tutelle de la direction de l’action et de l’aide sociale »

En principauté, les dispositifs de couverture sociale semblent manquer face au Covid long : en attendant, quelle solution est envisageable pour obtenir la gratuité des soins en cas de Covid long ?

Il faut adapter la réglementation le plus rapidement possible, pour permettre de reconnaître les cas de Covid long au titre des affections de longue durée (ALD) exonérantes, qu’elles soient sur la liste ALD 30, ou hors liste, permettant ainsi une prise en charge à 100 % des consultations, des soins et des transports en rapport direct avec cette affection. Enfin, dans des situations de séquelles invalidantes, handicapantes dans la vie quotidienne, il conviendra de soumettre ces dossiers à la commission d’évaluation du handicap, sous la tutelle de la direction de l’action et de l’aide sociale (Daso). Concernant la fonction publique, il revient au gouvernement d’intégrer, par arrêté ministériel, le Covid long, dans la liste des affections ouvrant droit à un congé de longue maladie ou à un congé de maladie de longue durée.

Les conséquences du Covid sont encore à venir : comment les anticiper de manière efficace ?

Avec les élus de la majorité et des minorités, représentant le Conseil national au sein du comité mixte de suivi du Covid-19 et de la commission d’accompagnement pour la relance économique (Care), nous continuons de jouer notre rôle, auprès du gouvernement, de force de propositions et de relais des inquiétudes des résidents de la principauté. Et il faut reconnaître que cela fonctionne plutôt bien. Dans le cadre des conséquences du Covid, il faut dès maintenant anticiper sur la reconnaissance et la mise en place des programmes de réinsertion des personnes rentrant dans la définition du Covid long. Au-delà de l’aspect médical, il faut anticiper sur la crise sociale à venir en renforçant les plans d’aides aux sociétés, les mesures de relance de l’économie locale et limiter, autant que possible, le recours à des plans sociaux par le maintien tant que ce sera nécessaire et raisonnable du chômage total temporaire renforcé (CTTR) et de l’allégement des charges patronales.

1) Dans le cadre de ce dossier, Monaco Hebdo a contacté les trois groupes politiques du Conseil national. Seuls les élus Horizon Monaco (HM), Béatrice Fresko-Folfo et Jacques Rit, n’ont pas répondu à nos questions avant le bouclage de ce numéro, le 30 mars 2021.

Covid long : Jean-Louis Grinda fait « confiance » au gouvernement

Interrogé par Monaco Hebdo au sujet de la conduite politique à tenir face aux cas de Covid long, l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda a mis en avant la « confiance » qu’il accorde au gouvernement, et sa bonne volonté en tant qu’élu du Conseil national : « La protection des malades en principauté est sans doute l’une des meilleures au monde. Je fais confiance au gouvernement pour prendre les meilleures dispositions pour accompagner les Monégasques et les résidents qui seraient atteints par un Covid long, même si aucun chiffre n’a été publié en la matière. Si des dispositions législatives devaient être prises, je les voterai, bien évidemment. »