samedi 27 avril 2024
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Budget primitif 2022 : un équilibre retrouvé, face à un avenir incertain

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Après avoir présenté un déficit record de 114,5 millions d’euros il y a un an, l’État renoue avec des comptes dans le vert, affichant un budget primitif excédentaire de 2,9 millions d’euros en 2022. Une bonne santé financière qui démontre la capacité de résilience du pays face à la mauvaise conjoncture actuelle. Mais le gouvernement et les élus le savent, l’équilibre reste fragile, alors que la cinquième vague de l’épidémie de Covid-19 déferle sur la principauté.

Le marathon budgétaire de fin d’année a débuté, lundi 6 décembre 2021, avec la traditionnelle présentation générale du budget primitif 2022, dont le vote est prévu le jeudi 16 décembre. Comme l’année dernière, les débats sur l’orientation des finances publiques vont s’opérer sur fond de crise sanitaire. À la différence près que le budget de l’État affiche en 2022 un excédent d’environ 2,9 millions d’euros alors qu’il était déficitaire à hauteur de 114,5 millions d’euros en 2021. Un déficit ramené depuis à 8,8 millions [à ce sujet, lire notre article Budget rectificatif 2021 : un déficit ramené à 8,8 millions d’euros, publié dans Monaco Hebdo n° 1213 — NDLR]. « Renouer dès à présent avec des perspectives excédentaires pour l’an prochain constitue un gage de confiance envers l’économie monégasque, s’est félicité en liminaire le ministre d’État Pierre Dartout. Grâce à la résilience de notre économie, soutenue par l’État, une nouvelle dynamique vertueuse s’engage ». De son côté, le rapporteur et élu Priorité Monaco (Primo !), Balthazar Seydoux, voit dans ce résultat excédentaire « un signal fort de la résilience du modèle monégasque, de notre capacité collective à traverser cette épreuve et de notre volonté commune d’apporter à l’ensemble des Monégasques et des résidents, les meilleures réponses possibles face aux défis qui se présentent à nous ». Le président de la commission des finances et de l’économie nationale du Conseil national juge d’ailleurs ce budget primitif « en phase avec une situation économique qui s’améliore de jour en jour ».

Un excédent de 2,9 millions d’euros

Cette « nouvelle dynamique vertueuse », le gouvernement princier l’anticipe dès à présent, avec une dépense publique « dessinant des changements profonds, tant au niveau économique que social », a indiqué le ministre d’État. Dans les chiffres, cela se traduit par une majoration des dépenses de plus de 300 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 19,2 % par rapport au primitif 2021, pour atteindre 1,886 milliard d’euros. « Ces investissements dans les secteurs clés nous permettront de nous adapter au monde post-Covid », a justifié Pierre Dartout révélant au passage le budget du numérique doté de plus de 54 millions d’euros ou encore celui du logement estimé à 175,4 millions d’euros pour l’année à venir. « Nous continuerons à investir dans une politique d’équipement ambitieuse, en veillant toujours à la préservation du cadre de vie. Le logement demeure au cœur de nos priorités », a insisté le ministre. Si les dépenses de fonctionnement évoluent peu ou prou, passant de 615,8 millions à 642,4 millions (+ 4,4 %), celles consacrées aux équipements et investissements enregistrent une augmentation significative (+38,5 %) pour atteindre un montant de 865,6 millions d’euros. Enfin, les interventions publiques comptent pour 378,1 millions d’euros dans les dépenses, soit 20 % du total. « L’engagement de l’État dans les investissements stratégiques et en infrastructures constitue le premier poste de dépenses de ce budget », constate Balthazar Seydoux rappelant les livraisons à venir de plus de 600 logements à destination des Monégasques d’ici la fin 2023. « Avec plus de 400 demandes non satisfaites à l’occasion de la dernière commission d’attribution de logements domaniaux, en octobre dernier, et une progression moyenne de près de 100 demandes supplémentaires par an, ces appartements livrés devraient permettre de résorber la pénurie actuelle et de satisfaire l’ensemble des besoins ». À ce propos, les élus ont profité de la séance publique du 6 décembre pour alerter l’État sur une possible pénurie de logements pour la période 2024-2026, compte tenu du retard prévu pour la livraison de l’opération Bel Air — 2027 au lieu de 2023 [à ce sujet, lire notre article Logements domaniaux : les élus redoutent une nouvelle pénurie en 2024-2026 publié dans ce numéro — NDLR].

© Photo Conseil National.

« Nos efforts payent, puisqu’en permettant à nos forces vives de passer ce cap très difficile, l’état de nos finances publiques s’améliore. Cela démontre que la stratégie mise en place par l’État était la bonne »

Pierre Dartout. Ministre d’État

Des recettes en forte hausse

Si la principauté parvient à dégager en 2022 un léger excédent budgétaire, cela s’explique, en partie, par une hausse globale des recettes prévisionnelles. En effet, celles-ci s’établissent à 1,889 milliard d’euros pour l’exercice à venir, soit une progression de 10 % par rapport au rectificatif 2021 et de 28 % par rapport au primitif 2021 pour lequel les recettes s’élevaient à 1,468 milliard. En 2022, les droits de douane devraient enregistrer une hausse de +16,6 %, la TVA +10,4 %, les monopoles +17 % et jusqu’à +20,7 % pour l’impôt sur les bénéfices. Seule ombre au tableau, le recul des droits de mutation estimés à -7 %, « qui tiennent compte du fait que l’année 2021 a bénéficié de recettes exceptionnelles qui n’ont naturellement pas été intégrées dans le projet de budget pour 2022 », précise toutefois le rapporteur, Balthazar Seydoux. Toujours au chapitre des recettes, le président de la commission des finances et de l’économie nationale a exhorté le gouvernement à transformer, au plus vite, en projet de loi la proposition n° 252 relative à l’encadrement de la profession de marchand de biens, déposée en octobre 2020. Celle-ci représente, selon lui, une source de recettes supplémentaires pour les finances publiques, qu’il estime à près de 20 millions d’euros. « Le gouvernement travaille actuellement sur les modifications et ajustements nécessaires au dispositif proposé, avec l’objectif de déposer le texte sur le bureau du Conseil national au cours du premier trimestre 2022 », lui a répondu le ministre d’État. Dans un contexte sanitaire difficile, cette évolution favorable des recettes reste remarquable, même si le rapporteur les estime encore « très prudentes ». En témoignent, d’après lui, les rentrées de TVA « déjà en progression de 12,69 % à octobre 2021, par rapport à octobre 2020 ». « L’expérience des années passées, y compris 2020, démontre que le gouvernement surestime systématiquement les dépenses, et sous-estime systématiquement les recettes. De plus, le budget n’est jamais exécuté à 100 %. Si nous n’avions qu’un unique vote budgétaire, votre position serait compréhensible. Mais le gouvernement a toujours la capacité de présenter à notre assemblée des budgets rectificatifs, lorsque les sommes votées à l’occasion du primitif ne correspondent plus à la réalité financière. C’est fait pour cela », a expliqué un Balthazar Seydoux, désireux de voter des budgets au plus près de la réalité.

« Un budget de rétablissement et d’investissement sur l’avenir »

Qu’à cela ne tienne, l’État renouera en 2022 avec des comptes dans le vert. Une situation qui contraste par rapport à l’an dernier, avec un budget prévisionnel 2021 qui tablait sur un déficit de 114,5 millions d’euros. « Nos efforts payent, puisqu’en permettant à nos forces vives de passer ce cap très difficile, l’état de nos finances publiques s’améliore. Cela démontre que la stratégie mise en place par l’État était la bonne », a martelé Pierre Dartout. Il faut dire que le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour maintenir à flot l’économie locale. Quelque 405 millions d’euros ont été investis depuis le début de la pandémie en mars 2020 pour soutenir les entreprises et mettre en œuvre les mesures sanitaires. « Cela représente environ un quart du budget annuel de l’État », rappelle le chef du gouvernement qui précise au passage que « le compte spécial du trésor Plan Relance Covid sera clôturé à la fin de l’exercice 2022 ». Cet investissement porte aujourd’hui ses fruits et permet donc à l’État de présenter « un budget de rétablissement et d’investissement sur l’avenir » selon les termes de Pierre Dartout. Un retour à l’équilibre forcément apprécié par le président du Conseil national, Stéphane Valeri : « Nos finances publiques sont d’autant plus saines que notre Fonds de Réserve Constitutionnel (FRC) ne s’est pas appauvri, malgré cette crise historique et s’élève désormais à près de 6 milliards d’euros ».

© Photo Conseil National.

« Nos finances publiques sont d’autant plus saines que notre Fonds de Réserve Constitutionnel ne s’est pas appauvri, malgré cette crise historique, et s’élève désormais à près de 6 milliards d’euros »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Un équilibre fragile

Ces prévisions budgétaires incitent logiquement à l’optimisme, mais elles ne doivent pas non plus faire oublier le contexte sanitaire. Car la cinquième vague de l’épidémie de Covid-19 qui s’abat actuellement sur l’Europe rappelle à quel point l’équilibre reste fragile. Le gouvernement et les élus l’ont d’ailleurs unanimement souligné dans leurs discours : la bataille contre le virus est loin d’être gagnée. Et il convient, malgré une lassitude légitime, de rester vigilant et de respecter scrupuleusement les protocoles sanitaires en vigueur. « Nous ne prenons jamais ces mesures à la légère et en mesurons au préalable toutes les conséquences. La vie humaine n’a pas de prix. Dès lors que sa préservation passe par le port du masque et par la suspension temporaire de certaines activités à risques, il n’y a pas d’hésitation possible », a insisté le ministre d’État tout en appelant à la « responsabilité individuelle » afin d’éviter des mesures encore plus strictes comme le confinement, le couvre-feu ou la fermeture anticipée de commerce. Des mesures contraignantes qui pourraient venir menacer l’équilibre budgétaire de l’État. Pierre Dartout, ainsi que les élus nationaux, ont donc profité de cette première séance publique pour réitérer leur appel à la vaccination, seule arme aujourd’hui à disposition pour diminuer les risques de formes graves de la maladie et limiter les contaminations, selon eux. « Nous devons et pouvons faire mieux en la matière », a reconnu le chef du gouvernement. Il en va selon lui d’un retour à la vie normale. Le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a pour sa part réclamé la mise en place d’un plan de communication « ambitieux, professionnel et impactant » pour tenter de convaincre les plus récalcitrants à la vaccination, insistant sur la nécessité de poursuivre la pédagogie. Élus nationaux et membres du gouvernement continuent donc d’avancer main dans la main face à la crise. Les mots « unité » et « union » sont d’ailleurs apparus à maintes reprises dans les discours des uns et des autres lundi soir. Signe d’une relation toujours apaisée entre les deux institutions. Mais en politique, comme en économie, l’équilibre demeure fragile. En attestent les vifs échanges autour du logement, dossier sensible par excellence, et l’absence de vote de la ligne budgétaire dédiée dès la première soirée de débats, lundi 6 décembre [lire par ailleurs — NDLR]. « Nous attendons, de la part du gouvernement, des engagements plus clairs et des décisions enfin prises, assorties d’un calendrier précis, sur un certain nombre de dossiers », a clairement fait savoir le président du Conseil national. La trêve des confiseurs attendra…