samedi 20 avril 2024
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Logements domaniaux : les élus redoutent une nouvelle pénurie en 2024-2026

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Initialement prévue en 2023-2024, la livraison du Bel Air ne devrait finalement pas intervenir avant 2026, voire 2027. Une situation inacceptable pour les élus qui ont réclamé des programmes de construction intermédiaires, pour éviter une nouvelle pénurie de logements pour les nationaux.

À peine le temps de se réjouir de la livraison à venir de quelque 600 appartements domaniaux d’ici la fin de l’année 2023 que le dossier du logement revient déjà au cœur des débats dans l’hémicycle. Les conseillers nationaux ont en effet profité de la première séance publique budgétaire, lundi 6 décembre 2021, pour exprimer leur inquiétude face au retard pris dans la destruction et la reconstruction du Bel Air. Cet immeuble domanial situé au Jardin Exotique, qui abritera 200 logements pour les Monégasques, devrait finalement être livré au mieux en 2026, et non pas en 2023-2024 comme initialement prévu. Ce retard s’explique en partie par la complexité du chantier, situé à proximité immédiate de l’hôpital. La phase de démolition et terrassements, génératrice de nuisances sonores et de vibrations, a dû être repoussée pour permettre la mise en œuvre de mesures et de techniques de construction spécifiques afin de protéger le Centre hospitalier princesse Grace (CHPG), déjà fortement impacté par une autre opération d’envergure : la construction du nouvel hôpital. Ce fâcheux contretemps inquiète les élus qui craignent une nouvelle pénurie de logements pour les nationaux.

© Photo Conseil National.

« Il est impensable pour le Conseil national d’imaginer que les 200 appartements du Bel Air promis en 2024-2025 ne seront pas remplacés par des opérations intermédiaires. Il ne peut y avoir deux années sans livraison d’appartements domaniaux neufs, ce n’est pas acceptable »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Trois pistes pour combler les manques

Pour compenser le manque d’appartements prévus, et ainsi continuer à satisfaire les nouvelles demandes de foyers monégasques entre 2024 et 2026, le Conseil national a donc réclamé au gouvernement des programmes de construction intermédiaires qui devront être livrés durant cette période. Trois pistes ont été évoquées au cours de la soirée budgétaire du 6 décembre. La première prévoit la construction d’un immeuble domanial de 60 logements sur l’emprise foncière de Monte-Carlo, où un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) doit être construit (en bas de l’avenue de Grande-Bretagne). La seconde mène à l’opération dite « Les Lierres »/« Nathalie » dans le quartier de l’Annonciade, où plus de 40 logements domaniaux pourraient voir le jour. Enfin, la Haute assemblée a également soumis l’idée de surélever l’opération Palais Honoria, située boulevard de Belgique, qui permettrait de livrer une trentaine de logements supplémentaires. « Ces trois opérations, si elles étaient envisagées dès maintenant, aboutiraient sans doute à la construction de plus d’une centaine de logements supplémentaires, qui devraient limiter les effets de l’absence de livraisons entre 2024 et 2026 », a indiqué l’élu de la majorité (Primo !), Balthazar Seydoux. Président de la commission logement du Conseil national, Franck Lobono a lui tout bonnement appelé à adopter, au plus vite, un nouveau plan logement afin, dit-il, « d’avoir une meilleure visibilité sur ce qui arrive à partir de 2024, et durant les quatre années suivantes, de façon à voir s’il y a un trou dans la raquette et essayer de le combler de la manière la plus opportune possible ». Invité à se prononcer sur ces différentes propositions, le ministre d’État Pierre Dartout a d’abord confirmé « la volonté du gouvernement de livrer de nouvelles opérations immobilières » durant ladite période ajoutant que « le logement demeurait au cœur de ses priorités ». Le chef du gouvernement est ensuite revenu plus précisément sur chacune des pistes évoquées par les élus. Au sujet du Palais Honoria, il a annoncé que « la possibilité de surélever le bâtiment arrière du futur complexe Palais Honoria est effectivement étudiée ». Quant à la construction de l’EHPAD et de logements sur la parcelle dite « Grande-Bretagne », ainsi que l’opération « Les Lierres/Nathalie », elles ont bien été initiées selon le ministre d’État Pierre Dartout. « Toutes les dispositions seront prises pour que ces opérations soient livrées dans les meilleurs délais », a-t-il assuré sans donner davantage de précisions sur les échéances.

Balthazar Seydoux. Elu Priorité Monaco (Primo!) et président de la commission des finances et de l’économie des finances. © Photo Conseil National.

« Ces trois opérations, si elles étaient envisagées dès maintenant, aboutiraient sans doute à la construction de plus d’une centaine de logements supplémentaires, qui devraient limiter les effets de l’absence de livraisons entre 2024 et 2026 »

Balthazar Seydoux. Élu Priorité Monaco (Primo !)

Vifs échanges dans l’hémicycle

Ces réponses n’ont pas franchement convaincu l’Assemblée. À commencer par son président, Stéphane Valeri, incrédule face au manque de visibilité et de transparence du gouvernement sur ces dossiers. « Nous avons des engagements sur le plan des principes qui sont satisfaisants mais nous attendons des précisions et des engagements avec des quantités d’appartements et un calendrier précis. Ce plan logement a été mis en place pour une livraison régulière d’appartements domaniaux. Regardons comment faire face à ce trou d’air ou ce trou dans la raquette en 2024 et 2025 », a déclaré le président de la représentation nationale. Avant d’appeler explicitement l’exécutif à fournir, par écrit, d’ici le 16 décembre prochain, date de clôture des débats budgétaires, des engagements fermes et un calendrier de construction sur ces différentes opérations intermédiaires. « Il est impensable pour le Conseil national d’imaginer que les 200 appartements du Bel Air promis en 2024-2025 ne seront pas remplacés par des opérations intermédiaires. Il ne peut y avoir deux années sans livraison d’appartements domaniaux neufs, ce n’est pas acceptable », a insisté Stéphane Valeri dénonçant au passage de « vagues intentions qui ne se concrétisent pas » de la part du gouvernement. « J’espère, monsieur le ministre d’État, que vous nous prenez au sérieux. Parce que j’ai l’impression depuis de nombreux mois que vous ne nous prenez pas au sérieux sur le respect du plan national logement. Vous êtes sur un des sujets fondamentaux pour les Monégasques et leurs élus. Nous ne pouvons pas nous faire balader par des promesses qui traînent depuis des années sur des acquisitions de terrains ou de parcelles qui ne sont pas acquises, sur des promesses de constructions que nous ne voyons pas arriver, sur des surélévations dont nous sommes toujours en train de discuter l’utilité ou la légalité. Je vous demande donc de prendre ce dossier au sérieux, car il faut trouver des solutions ». Des accusations qui ont piqué au vif, le ministre d’État Pierre Dartout : « Les deux ministres [Céline Caron-Dagioni et Jean Castellini, respectivement conseillers-ministres de l’équipement, environnement et urbanisme et des finances et économie — NDLR] ont exposé les difficultés juridiques et techniques que nous avons. Nous menons une action permanente pour les surmonter, je peux vous l’assurer. En revanche, je ne peux pas vous laisser dire que nous ne prenons pas ce dossier au sérieux. C’est inexact. Ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés qui sont difficiles à régler que l’on doit considérer que nous ne prenons pas ce dossier au sérieux », a sèchement lâché le chef du gouvernement. Et Stéphane Valeri de lui répondre, tout aussi sèchement : « Nous nous faisons balader depuis des années, si ça ne vous convient pas, c’est la même chose. Nous disons ce que nous pensons. Nous sommes élus pour défendre l’intérêt des Monégasques ». Dans l’attente d’engagements plus clairs et précis à ce sujet, la majorité des élus présents lors de la séance budgétaire, lundi 6 décembre, a donc voté contre le chapitre budgétaire dédié (1), menaçant même de ne pas voter le budget primitif 2022 s’ils n’obtenaient pas des garanties suffisantes de la part du gouvernement. Affaire à suivre.

© Photo Conseil National.

« Je ne peux pas vous laisser dire que nous ne prenons pas ce dossier au sérieux. C’est inexact. Ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés qui sont difficiles à régler que l’on doit considérer que nous ne prenons pas ce dossier au sérieux »

Pierre Dartout. Ministre d’État

Pénurie de logements domaniaux : les élus persistent et signent

Dans un courrier de six pages, daté du jeudi 9 décembre 2021 et adressé au ministre d’État, les conseillers nationaux et leur président, Stéphane Valeri, réaffirment leur inquiétude face à une possible pénurie de logements domaniaux pour la période 2024-2026 en raison du retard pris dans l’opération Bel Air, qui devait initialement garantir la livraison de 200 appartements pour les Monégasques en 2023-2024. Reprenant, peu ou prou, les arguments présentés trois jours plus tôt dans l’hémicycle, les élus appellent une nouvelle fois le gouvernement princier à agir, au plus vite, afin de tenir les engagements pris dans le cadre du plan national logement, présenté par le prince Albert II en mars 2019. « Sans compensation du nombre d’appartements prévus notamment sur le Bel Air, il n’y aurait plus de quoi suivre le rythme des demandes en 2024 et 2025, avec le retour de la pénurie de logements pour près de 200 foyers monégasques. Cette éventualité est évidemment inacceptable pour le Conseil national. Le logement des Monégasques constitue en effet pour nos compatriotes et pour notre assemblée, la priorité nationale absolue. Le gouvernement a le devoir, pour respecter ses engagements, de tout mettre en œuvre, pour compenser les décalages de livraisons en trouvant des alternatives », peut-on lire dans le document signé par l’ensemble des élus, tous bords politiques confondus. Si les trois pistes compensatoires évoquées en séance publique le 6 décembre sont naturellement citées (lire par ailleurs), d’autres propositions sont également soumises par la Haute assemblée comme l’extension du principe de surélévation à d’autres immeubles de la principauté parmi lesquels Testimonio II bis ou Les Cèdres. Des acquisitions dans le quartier Plati et une nouvelle opération sur l’emprise de la Villa Mô, récemment acquise par l’État (rue Biovès), sont également proposées. « Il appartient désormais au gouvernement de décider », écrivent les élus maintenant ainsi la pression sur le gouvernement à qui il demande une nouvelle fois des « garanties claires » d’ici le 16 décembre prochain, jour du vote du budget primitif 2022. « Toute décision non prise maintenant, dans le cadre du budget de l’État pour 2022, entraînerait la non-compensation des décalages constatés pour 2024 et 2025, et donc inéluctablement le retour à une pénurie de logements domaniaux dont nous ne voulons plus », conclut le courrier.

(1) Vingt conseillers nationaux, parmi lesquels l’ensemble des élus de la majorité Priorité Monaco (Primo !), et l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, ont voté contre ce chapitre budgétaire. Béatrice Fresko-Rolfo et Jacques Rit, élus Horizon Monaco (HM), se sont abstenus.