vendredi 19 avril 2024
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Avec Marco Simone, l’AS Monaco enfin dans le vert ?

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Foot
© Photo Yann Faraut / ASM-FC.

Marco Simone, première victoire

Successeur au pied levé de Laurent Banide, l’Italien est un débutant qui a commencé par ne pas perdre puis par gagner. Réussira-t-il à remettre Monaco d’aplomb ?

Par Kevin Ballanger.

Il y avait beaucoup de sièges vides, lundi soir au stade Louis-II, avec seulement 3 800 spectateurs répertoriés, mais Monaco a fait le plein de points, enfin, devant Arles-Avignon (1-0). Après sept matches sans succès dans cette L2 piégeuse, il fallait absolument éviter l’asphyxie, et Monaco a su s’offrir une respiration. C’est le robuste défenseur nigérian Afolabi qui a fait la différence en deuxième période, en reprenant d’une tête plongeante un coup franc d’Eysseric, la petite perle qui monte. Sur une mauvaise pelouse, Monaco n’a pas tout maîtrisé, loin de là, il n’a pas assez bien combiné sur le plan offensif, mais il a tout de même contrôlé son adversaire sans trop de difficulté, avec une certaine discipline et un engagement approprié. C’est déjà ça. Monaco n’est pas encore une bête féroce, on ne sait pas encore s’il peut le devenir, mais ce n’est peut-être plus tout à fait une bête blessée, il faut l’espérer. Enfin, dès demain, il faudra remettre ça et confirmer à Laval, qui s’est offert le scalp du leader Reims la semaine passée, avant de recevoir Sedan, une équipe qui avait survolé et écrasé l’ASM au premier tour de la Coupe de la Ligue, le 23 juillet dernier (4-1).

Marco Simone
Marco Simone © Photo Yann Faraut / ASM-FC.

22 millions d’euros récoltés hors bonus

Avec ce succès, quatre jours après un nul initial à Bastia (1-1), Marco Simone a donc plutôt bien abordé sa mission, lui qui débute sur le banc. Joueur, il n’aimait pas être remplacé en cours de match. Là, c’est lui qui a été lancé comme coach remplaçant de Laurent Banide en début de semaine passée, trois jours après une défaite affligeante contre Angers (1-3). Banide avait pourtant su inspirer confiance depuis son retour au club en janvier. Le 29 mai dernier, alors que le destin de l’ASM pouvait encore basculer (L1 ou L2), le prince Albert disait ceci au Journal du dimanche?: « Banide restera l’entraîneur. Il le mérite. Cela fait deux fois qu’on lui demande de sauver le club, il le fait avec beaucoup de dévouement et de talent. Il ne serait pas le responsable d’un échec. » Banide avait été logiquement conforté malgré la descente, mais la confiance s’est arrêtée net après Angers, le premier match préparé avec l’effectif au complet. Son crédit était très limité. Il a sauté au premier virage à la sortie d’une période dense, ingrate, compliquée et lourde à gérer, celle de l’après-descente, des départs à la pelle et des arrivées au compte-gouttes. Ce fut pour lui une prise de tête permanente pour tailler un effectif capable de remonter en composant avec les impératifs économiques du club, contraint de vendre pour amortir le choc et le couac de la descente. Le club aura d’ailleurs récolté environ 22 millions d’euros hors bonus (1) avec les départs des Ruffier (Saint-Etienne), Nkoulou (Marseille), Coutadeur (Lorient), Park (Arsenal), Haruna (Dynamo Kiev), Mbokani (Anderlecht), Mongongu (Evian-TG), Mollo (Grenade) ou encore Moukandjo (Nancy), et il a soulagé sa masse salariale avec les départs de joueurs en fin de contrat comme Feindouno, M. Diarra, Puygrenier ou encore Bonnart.

L’exemple Papin

Autour du club, certains croyaient en Banide, d’autres y croyaient moins et pensaient à Claude Puel pour redresser le cours des choses. D’autres encore pouvaient songer à Rolland Courbis, qui avait notamment réussi à hisser Ajaccio et Montpellier de la L2 vers la L1. Finalement, c’est donc Simone qui a été l’élu surprise. L’Italien, qui était l’un des consultants vedettes de Canal+, et parallèlement agent de joueurs, s’était déjà déclaré prêt à aider le club de la Principauté l’hiver dernier, quand l’ASM bégayait dangereusement. Le voilà sur le devant de la scène en compagnie de Jean Petit et de Frédéric Barilaro, sans aucune expérience du poste et évidemment de la L2. Jean-Pierre Papin avait lui aussi débuté en L2 avec Strasbourg en 2006-2007 après une première expérience de coach en amateur, et il avait réussi à propulser le club alsacien en L1. Simone a été un attaquant talentueux, qui claqua 49 buts en 168 matches de Serie A sous le maillot du grand Milan AC, et il fut l’une des pièces maîtresses de l’ASM championne de France en 2000, formant une formidable paire avec Trezeguet. Il était alerte, combatif, malin, il avait la science du but, le dribble efficace, l’intelligence de jeu et les deux pieds. Il avait aussi un sacré caractère et son franc-parler, ce qui l’avait d’ailleurs parfois amené sur des chemins conflictuels avec ses entraîneurs, comme Capello à Milan et Deschamps à Monaco. Aujourd’hui, après avoir signé pour deux ans plus une année supplémentaire en option en cas de montée en L1, c’est lui qui entraîne, c’est à lui d’emboîter des idées et des mots dans des résultats pour extraire Monaco de son inertie. Pour l’instant, la L1, c’est encore loin. Chaque chose en son temps. Monaco vient tout juste de reprendre goût au succès.

Les supporters n’ont pas la banane
Alors que la semaine dernière, l’ASM continuait à boire la tasse et tombait dans la zone rouge des relégables, Laurent Banide a été le seul à trinquer. Viré sans prendre de gants puisque l’entraineur a appris son limogeage lorsqu’il prenait sa douche… Du côté des supporters, la nouvelle a parfois du mal à passer. « Je sais pas ce que vous en pensez mais moi je trouve ça pathétique?! Encore un entraineur, un de plus, c’est de la folie, je n’en peux plus de ce club?! Là c’est trop?!!! Bientôt ils vont nous en faire trois par saison, à quand le travail sur le long terme et dans la sérénité?! », tonne Herogei sur le forum du site des supporters asmfoot.fr, ayant pour slogan « même nos globules sont rouges et blancs ». Seifer, lui, est résigné?: « Bon ben on est devant (le mur) le fait accompli, on va essayer d’accueillir (Petit et Simone) comme il se doit. Non en fait, je pense que l’on va payer cash ce choix, j’ai l’impression que nos pitr-igeants ont tenté de faire un coup de com en faisant revenir un ancien de la maison. Et ça pue plus le copinage que la raison cette décision… Il est de plus en plus dur de supporter ce club magnifique que certains s’efforcent de détruire. » Ces commentaires, rédigés sur le vif, datent d’avant les deux derniers matchs contre Bastia et Arles-Avignon. Reste à savoir désormais si les prochains résultats du tandem Petit-Simone donneront raison aux dirigeants. Ou à ces supporters désenchantés.//M.R.

Marco Simone : « On est encore loin des objectifs »

Marco Simone
Marco Simone : « Il n’y a pas tant de différence que ça entre les analyses de consultant et d’entraîneur » © Photo Yann Faraut / ASM-FC.

Après un match nul face à Bastia (1-1) et une victoire face à Arles-Avignon (1-0) au Louis-II, le nouvel entraîneur de l’AS Monaco, Marco Simone, livre ses premières impressions du terrain.

Monaco Hebdo : Comment avez-vous vécu ces deux premiers matchs à Bastia et à domicile face à Arles en tant qu’entraîneur ?
Marco Simone : C’était deux matchs très serrés, avec deux ambiances différentes. Il faut que l’équipe arrive à sentir à domicile la même ambiance qu’on a pu rencontrer à Bastia. Personnellement, j’étais serein.

M.H. : Vous disiez la semaine dernière que vous n’étiez pas entraîneur mais quatre points en deux matchs, c’est un bon début…
M.S.: Cela n’a pas changé. Je ne suis toujours pas entraîneur même si j’en ai le statut. C’est quelque chose qui arrive avec le temps, après un certain parcours.

M.H.: Dans le contenu du jeu, qu’avez-vous pensé des deux matchs ?
M.S.: On est encore loin de la philosophie de jeu à laquelle je pense pour l’ASM, loin des objectifs aussi. Mais par rapport à ce qu’on a travaillé sur une semaine, on a commencé à construire quelque chose. Je sens les joueurs réceptifs au projet que je leur ai présenté. Ils l’ont montré sur les deux matchs avec quelques difficultés mais pas autant qu’en début de saison.

M.H.: Les jeunes formés au club comme Makengo, Germain ou Esseyric sont impliqués dans l’équipe : c’est une chance ?
M.S.: C’est un plus pour Monaco de pouvoir investir dans son propre centre de formation. Ça laisse la possibilité de profiter et de mettre en lumière le travail effectué par Fredéric Barilaro (responsable du centre de formation, N.D.L.R.). Mais on ne peut pas jouer qu’avec des jeunes, même s’ils ont gagné la Gambardella. Il y a des jeunes qui sont prêts pour la Ligue 2, d’autres qui sont proches d’être prêts. Les anciens ont aussi démontré de la solidarité et de l’envie.

M.H.: Cette première victoire signifie-t-elle que le groupe s’est enfin adapté à la Ligue 2 ?
M.S.: Il n’y a vraiment d’adaptation à avoir, mais des principes qu’il faut respecter selon la division dans laquelle on joue. Il y a le principe de l’amour propre, le respect des couleurs du club et de ses supporters. Il n’existe pas d’autres secrets que le travail. On doit l’appliquer, qu’on soit en Ligue 2 ou en Ligue 1.

M.H.: Un changement de mentalité alors ?
M.S.: La mentalité ne peut pas changer avec un nul et une victoire. Cela donne des signaux quant à la volonté des joueurs d’appliquer un projet de jeu. Mais je ne crois pas au choc. Disons que nous travaillons pour être dans la bonne direction vers le changement de mentalité.

M.H.: Quels sont les secteurs de jeu qu’il faut particulièrement travailler selon vous ?
M.S.: Tous sauf le poste de gardien. Nos gardiens doivent quand même rester vigilants sur le plan technique. Mais même les équipes les plus fortes comme le Barça travaillent chaque jour. Il faut qu’on trouve un bon schéma, qu’on propose quelque chose chaque jour à l’entraînement. Le match est un détail, ce n’est que le reflet du travail effectué dans la semaine.

M.H. : Quel est l’objectif de l’AS Monaco aujourd’hui ?
M.S. : L’objectif de l’équipe, c’est d’abord de progresser chaque jour. Même si on était premiers de Ligue 2, il ne faudrait pas penser à la montée pour rester dans le coup. Au niveau des résultats, la montée ne se jouera pas avant l’avant-dernière ou la dernière journée.

M.H.: Quelles sont les équipes favorites pour vous ?
M.S.: Dès le début de saison, j’ai misé sur Reims. C’est un club très intéressant. En plus, il confirme de match en match. Clermont en est un également. Quant au RC Lens, je suis sûr qu’ils vont trouver le bon rythme pour jouer la montée. Metz est bien parti. Il y a toujours les clubs historiques comme Troyes ou Sedan. Même Châteauroux est compliqué à jouer. La Ligue 2 est un championnat compliqué mais je ne suis pas surpris du niveau.

M.H.: Pourtant Monaco aussi était annoncé comme un grand favori à la montée…
M.S.: Ce n’est qu’une étiquette. Ce n’est pas l’histoire ou les couleurs qui font d’un club un favori, c’est le terrain. Il faut tout de suite oublier cette étiquette parce que nous ne sommes pas favoris pour la montée.

M.H.: L’AS Monaco a été éliminé en Coupe de la ligue par Sedan, reste la Coupe de France. Allez-vous la jouer à fond ou privilégier le championnat ?
M.S.: Il n’y aura pas de compétition privilégiée. Il se faut se qualifier pour le tableau final de la Coupe de France (32ème de finale). En championnat, on peut faire un mauvais résultat et se rattraper ensuite. En Coupe, il faut jouer les matchs pour les gagner.

M.H. : Vous évoquiez les anciens. Vous avez joué avec Ludovic Giuly : quelque chose a-t-il changé maintenant que vous l’entraînez ?
M.S.: Il n’y a rien de différent. Sur le terrain, on échangeait, on s’engueulait. Comme tout joueur de football. Heureusement, Ludovic joue encore. Et heureusement pour moi, c’est un joueur de l’AS Monaco. L’idéal serait qu’il revienne de blessure le plus tôt possible. C’est un joueur atypique, dangereux pour les défenses adverses. Il fait preuve d’un enthousiasme et d’un charisme important pour l’équipe.

M.H.: Sera-t-il capitaine lorsqu’il réintégrera le groupe ?
M.S.: Je laisse les joueurs gérer cela. Le capitaine doit être charismatique. Ce n’est pas qu’une question d’âge. Il y a plusieurs facteurs qui permettent de choisir un capitaine. Mais chaque joueur doit prendre conscience de ses responsabilités et avoir dans l’esprit qu’il peut être capitaine.

M.H. : Le travail effectué par Laurent Banide vous a servi ?
M.S. : Quand on prend une équipe, on n’est pas dans un contexte où on va profiter du travail déjà réalisé. Je repars de zéro. Mais attention, je ne suis pas là pour dire que l’entraîneur qui était à ma place avant faisait n’importe quoi. Quand je regardais les matchs de l’ASM, je faisais mes propres analyses.

M.H. : Un mot sur Didier Deschamps, votre ancien entraîneur : il a dit que vous alliez « sentir la différence entre être consultant et être sur un banc de touche » ?
M.S. : Il a raison. Je suis sûr qu’il a fait cette déclaration sans vouloir rentrer dans la polémique. Pour ma part, c’était un plaisir de tenir un rôle de consultant. Je ne pense pas avoir dépassé la ligne du respect. J’ai essayé d’analyser les choses de façon réaliste, sans les exagérer. Didier Deschamps m’a souhaité bonne chance. Je lui souhaite à mon tour de reprendre un bon parcours avec l’Olympique de Marseille (l’OM est 20ème, dernier de Ligue 1 au moment de l’interview).

M.H. : Alors cette différence, quelle est-elle ?
M.S. : Il n’y a pas tant de différence que ça entre les analyses de consultant et d’entraîneur. Mais être sur le terrain me donne un avantage. Je peux montrer directement ce que j’analyse par des gestes, des choix tactiques. On n’a pas ça sur un plateau.

M.H. : Avez-vous définitivement cessé vos activités d’agent de joueurs et de consultant ?
M.S. : (Rires) Je suis vierge.

L'effectif monégasque champion de France en 1982
L’effectif monégasque champion de France en 1982. © Photo ASM-FC.

Pendant ce temps, la formation monégasque a 35 ans

Si le club monégasque est à la peine, il lui reste sa formation comme valeur refuge. Elle a de beaux jours derrière elle, et peut-être encore devant.

Par Kevin Ballanger.

14 mai 2011, Saint-Denis, stade de France : en apéritif de la finale de Coupe de France Lille-PSG, Monaco remporte la finale de la Coupe Gambardella face à Saint-Étienne. Après avoir ouvert le score en début de rencontre, l’équipe mijotée par François Ciccolini finit par triompher dans l’exercice des tirs au but. Un petit bonheur pour le club de la Principauté, avant la casse du siècle, quinze jours plus tard, avec la relégation en L2 des cancres pros. Un succès en Gambardella n’est pas un gage de futur doré pour ses jeunes acteurs, car il reste bien du chemin avant le passage à l’accomplissement en pro, mais c’est toujours un joli tatouage sur la peau d’un club et un signe de vitalité. C’est aussi l’occasion de jeter un coup d’œil sur l’aventure de la formation à la monégasque depuis les débuts, voilà tout juste 35 ans (1).

Banide père aux manettes

En 1976, l’ex-président à succès de l’ASM Jean-Louis Campora était aux manettes du club depuis un an quand il embaucha Banide pour ouvrir une section futurs pros. « En fait, il existait une classe intermédiaire entre les amateurs et les pros dirigée par Armand Forcherio (ex-défenseur de l’ASM de 1961 à 1972) juste avant qu’on aille chercher un des meilleurs formateurs français, Gérard Banide, explique Campora. Ce fut le point de départ d’une construction progressive du centre de formation. » Banide arrivait de l’INF Vichy, temple de la formation à la française créée en 1972. Des joueurs comme Jean-Luc Ettori, Alain Couriol et Didier Christophe étaient d’ailleurs passés par Vichy avant de bifurquer vers Monaco. Banide, donc, ambitionnait « d’apprendre aux jeunes non pas à jouer au foot mais à s’épanouir totalement dans leurs points forts et leurs qualités propres, à accentuer la prise d’initiatives, la créativité, le culot ». « Banide était un technicien en avance sur son temps, considère l’ex-milieu monégasque Serge Recordier, aujourd’hui recruteur-superviseur à Nice. Il avait le don pour enseigner et expliquer les petits détails qui font la différence du point de vue technique, de la gestuelle. C’est lui qui a inventé les jeux réduits. » « Nous avions une vision à moyen et long terme concernant la formation, poursuit Campora. Elle nous avait semblé indispensable car elle pouvait coller avec l’image de notre club, un club qui voulait devenir grand avec des vedettes mais aussi en s’appuyant sur une base maison. Et il suffisait de bien choisir les hommes capables de mettre ça en marche. »
En 1982, Monaco fut sacré champion de France avec Banide à la tête de l’équipe pro et avec bon nombre de joueurs pétris complètement ou en partie au club, les Puel, Christophe, Couriol, Ettori, Mengual, Bijotat, Bellone, Amoros ou Recordier. Jusqu’à l’inauguration du nouveau stade Louis-II, en 1985, « il fallait faire beaucoup avec peu, se souvient Banide père au chapitre de la formation. On s’entraînait un jour à Eze sur un petit terrain caillouteux, le lendemain à Peille ou à Cap-d’Ail… » « Au début, on vivait à quatre dans un appartement en ville, se rappelle Ettori. Le midi, on mangeait dans un restaurant qui s’appelait Le Biarritz. C’était sympathique, il fallait traverser le marché, on n’était pas coupé du monde et si on voulait sortir, on pouvait. » « D’autres étaient aussi nourris, logés et choyés dans un petit hôtel rue de la Turbie tenu par des supporters de l’ASM, ajoute Campora. C’était une vraie cellule familiale. On avait avec Ange Vaccarezza (ex-secrétaire général du club) un super intendant complémentaire du directeur du centre, il s’occupait du rapport avec les familles, avec les instances, des contrats… »

Dénicheur des talents Henry et Thuram

La jeunesse ne travaillait pas dans le luxe, mais ça ne l’empêchait pas de bien travailler, et Monaco avait aussi l’œil pour soupçonner les talents avec des observateurs tels qu’Alberto Muro. Muro découvrit Manuel Amoros chez les cadets de Lunel (Gard), un jour de septembre 1976 où il venait observer un autre môme. Des personnages comme Robert Domergue, Arnold Catalano, René Giordano ou Georges Prost ont également compté dans la détection et la formation. Thierry Henry, meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France, fut repéré dès les pupilles en région parisienne par Catalano. Henry était fin, très fin, mais rapide et adroit. Il fut « intercepté » par l’ASM à 14 ans. Pour ferrer Lilian Thuram, joueur le plus capé de l’histoire des Bleus, Monaco a été plus malin, si l’on veut, que l’OGC Nice. Thuram aurait pu aller à Nice quand le président de son club amateur de Fontainebleau, qui connaissait Arsène Wenger, lui en vanta les qualités. Nice s’apprêtait à faire enregistrer un accord de non sollicitation pour l’enrôler, mais Monaco grilla son cher voisin en envoyant le même document durant un week-end, depuis la poste du Louvre à Paris.
Un autre monsieur de la formation française a aussi dirigé de main de maître l’école monégasque dans les années 1980 : le rigoureux Pierre Tournier, major des entraîneurs instructeurs français en 1969. C’est lui qui fit sortir Emmmanuel Petit de sa Normandie. Tournier eut aussi comme élève Frédéric Barilaro, directeur du centre de formation de l’ASM depuis 2008 dans le prolongement de Dominique Bijotat et José Broissart, les successeurs de Banide et Tournier. « Tournier était quelqu’un qui travaillait plus sur l’individu, et Banide davantage sur le collectif, souligne Barilaro. Broissart, ce fut un mélange des deux, avec beaucoup de rigueur dans le travail pour les trois. La formation a changé. A l’époque où j’étais au centre, il y avait un groupe de vingt joueurs avec un seul formateur. Maintenant, ce sont des staffs, et la compétition est plus rude. Au début, il y avait trois-quatre centres de formation. Désormais, il y en a 40. »

Génération 92

Dans ses fouilles, Monaco a souvent orienté ses efforts et son radar vers les régions parisienne et Rhône-Alpes, et bien sûr tout le bassin méditerranéen. Dans les années 80-90, Monaco s’appuyait aussi sur un centre de formation au Sénégal, dont furent issus des éléments comme Tony Silva, Souleymane Camara ou encore Salif Diao. « On a eu aussi momentanément un centre en Côte d’Ivoire », ajoute Campora. Le Norvégien Riise, le Suédois Farnerud ou le Tchèque Plasil étaient arrivés jeunes, aussi, en Principauté. « Maintenant, on fonctionne aussi beaucoup avec les centres de pré-formation et pôles espoirs en France », indique Barilaro. L’ASM a aussi attiré en parallèle dans un passé récent et dans une case post-formation de jeunes internationaux africains comme Nicolas Nkoulou, Lukman Haruna et Edgar Salli.
Aujourd’hui, le centre de formation, classé numéro quatre français par la DTN en 2010-11 et qui a accouché de quatre champions du monde en 1998 (Henry, Trezeguet, et bien sûr Thuram et Petit, respectivement buteurs en demi-finale et en finale), est en pleine réorganisation. Catalano n’est plus le responsable du recrutement des jeunes, et la donne a encore évolué avec le soudain remplacement la semaine passée de Laurent Banide par Marco Simone, puisque Barilaro est devenu adjoint de l’Italien. Simone, justement, a exprimé la volonté de valoriser la formation dès sa première conférence de presse. Cet été, Monaco a perdu, laissé filer ou prêté bon nombre voire beaucoup trop d’éléments biberonnés en grande partie ou en partie à l’ASM, de Ruffier à Bulot en passant par Mollo, Mongongu, Nkoulou, Haruna, Mangani, Diaz, L’Hostis, Thuram-Ulien, Erichot ou Zola. Aux éléments prometteurs de la génération 92, (Eysseric, N. Mendy, Kurzawa, Appiah, plus Salli), notamment, de se mettre en évidence en pro aux côtés des Giuly et Vahirua, si on leur ouvre la porte, pour contribuer à relancer une ASM aux abois. Eysseric, 19 ans, a d’ailleurs signé son premier but en pro, vendredi dernier à Bastia (1-1). Ça gazouille donc encore dans le nid. Si le club de la Principauté a perdu de son éclat, c’est parce que depuis cinq-six ans l’ASM est devenu un bazar après avoir été une religion. On ne peut pas dire que sa formation ait vraiment décliné, mais elle a peut-être subi un peu le mouvement général et les secousses du club. Lyon, qui a formé Benzema, Ben Arfa et Rémy, notamment, Rennes (Gourcuff, M’vila) ou encore Sochaux (Martin, Boudebouz), des clubs plus stables, ont quand même fait beaucoup plus fort ces derniers temps.

(1) : Auparavant, les juniors de Monaco s’étaient déjà illustrés en remportant la Gambardella en 1962 et en 1972 avec Louis Pironi.

60 pensionnaires
La formation monégasque, aujourd’hui, concerne deux groupes de travail. Le groupe 1 est composé de joueurs de 15 et 16 ans et le groupe 2 de joueurs de 17, 18 et 19 ans. Bruno Irles s’occupe du premier, et Manuel Dos Santos du deuxième depuis le départ en juin de François Ciccolini. Dos Santos était appuyé dans sa tâche par Barilaro mais son changement de mission la semaine passée pourrait peut-être entraîner une réorganisation. Ils sont soixante pensionnaires en tout à rêver de devenir pros et d’un avenir glorieux sur le rectangle vert. En général, les plus jeunes sont internes et logent donc dans les chambres au Louis-II et les moins jeunes sont logés dans des studios, seuls ou à deux. Ils suivent leur scolarité directement au centre. Ce sont des professeurs de collèges et de lycées qui se déplacent spécialement. « Le seul bémol chez nous, c’est qu’il n’y a pas tout au même endroit (terrains et logements), note Barilaro. On passe du temps dans les transports et les aller-retours de Monaco jusqu’au centre de La Turbie, voire jusqu’au terrain de La Turbie village. »//K.B.
Emmanuel Petit
Emmanuel Petit © Photo D.R.

Emmanuel Petit : « Je suis très peiné »

Le champion du monde 1998 revient sur ses débuts à Monaco et livre son sentiment sur la régression de l’ASM.

Par Kevin Ballanger.

Nous avions d’abord sollicité Emmanuel Petit il y a une dizaine de jours, pour évoquer son passé de joueur à Monaco et en particulier son arrivée au centre de formation, puisque le centre de formation a 35 ans cette année et qu’il en a été l’un des meilleurs symboles. Nous en avions évidemment profité pour poser des questions plus contemporaines sur l’ASM. L’ancien milieu international (63 sélections), qui avait passé neuf saisons à l’ASM de 1988 à 1997 et qui est aujourd’hui consultant sur L’Equipe TV et France Télévisions, avait répondu avec sa franchise habituelle. Nous l’avons à nouveau interrogé après le changement Banide-Simone.

Monaco et Petit, hier

« Manu » Petit avait mis les pieds dans le moule monégasque en 1985, à 14 ans. « J’avais plusieurs possibilités avant que mes parents décident de m’envoyer à l’AS Monaco, se remémorait-il. L’élément déterminant, ce fut Pierre Tournier, un formateur exceptionnel, un homme qui s’était donné corps et âme pour ce club avant qu’on lui enlève sa passion sans le respect qu’il méritait. Je suis arrivé au moment du nouveau stade, on logeait donc au Louis-II. Il y avait vingt chambres individuelles. On était dans un cadre privilégié, avec des gens extrêmement compétents à notre disposition. Tournier avait ce don de piquer les joueurs dans leur orgueil. Ça marchait beaucoup au mental. Le potentiel foot, tout le monde l’avait. Mais ce qui comptait, c’était surtout ce que la personne avait à l’intérieur. Il y eut des moments très difficiles. On était souvent poussé à la limite d’un point de vue affectif et mental, il fallait réagir en tant qu’adulte et quand on est ado, ce n’est pas évident. On avait aussi comme éducateur Paul Pietri, un Corse qui roulait les r, dur aussi, parfois, mais chaleureux. »

Petit et Monaco, aujourd’hui

La descente en L2 de l’ASM peut-elle être un mal pour un bien?? « On aurait surtout pu l’éviter, considérait Petit. On est descendus dans les abysses, évidemment bien loin de ce que fut l’ASM, une équipe qui gagnait des titres, une équipe exotique, une classe à part qui séduisait, qui faisait le plein à l’extérieur parce que les gens savaient qu’elle jouait au ballon… C’était aussi un club convivial. Il y a trois-quatre ans, quand j’étais passé au club, j’avais senti beaucoup de froideur, un ensemble cloisonné. Mais bon, la Principauté aussi a changé. Il n’y a plus les mêmes ondes, il n’y a plus cette âme, c’est plus vulgaire. Pour l’ASM, je suis très peiné de ce qui arrive. Il y a eu bien sûr un manque de continuité et de remise en cause depuis la fin de l’ère Campora. Il y a eu à un moment Pastor, par exemple, qui n’a rien fait pour le club alors qu’il me semble qu’il doit sa fortune à la famille Grimaldi. Pour moi, la remontée ne se fera pas du jour au lendemain, on est peut-être condamné à vivre quelques années en L2. Déjà, il faut arrêter les conneries dans la gestion et les transferts, et peut-être que l’arrivée de Buisine va changer la donne dans ce domaine. Au-delà de l’incompétence et des bizarreries qu’il y a pu y avoir dans la gestion, il y a eu chez les joueurs trop de planqués qui étaient là en bord de mer, à ne pas payer d’impôts, alors qu’ils n’avaient pas le début d’une lettre d’un palmarès. Il a manqué de personnes avec une grosse personnalité capables de donner des coups de pied au c… Je me rappelle être allé voir un entraînement à l’époque Guidolin (entraîneur en 2005-2006) à Cap-d’Ail. Il y avait de la nonchalance, des mecs qui n’écoutaient pas… Depuis quelques années, on a vu passer tellement de joueurs. A qui ça a profité?? Sans doute aux agents ou aux mecs qui s’occupaient des transferts à l’ASM, plus qu’à l’ASM. Il faut arrêter le copinage avec des gens qui se tirent dans les pattes, qu’il reprenne les choses en main définitivement. Il faut se poser les bonnes questions, et surtout trouver les bonnes réponses. »
Depuis, Monaco a coupé court au projet Banide pour essayer le concept Simone. « J’apprécie et j’estime Banide et Simone, commente Petit. Est-ce une bonne chose que d’avoir changé?? L’avenir nous le dira. Franzi voulait provoquer un électrochoc, il y a eu quatre points de pris sur six, mais il reste du chemin à faire, Marco en est conscient. Tout le monde doit en tout cas tirer dans le même sens. C’est quand même assez difficile d’être entraîneur à Monaco en ce moment, les décideurs entretiennent une instabilité, or on ne peut pas tirer les bénéfices d’un projet sportif du jour au lendemain. Banide a dû composer avec une trentaine de départs et une douzaine d’arrivées, il avait failli sauver le club de la relégation en gagnant quand même des matches contre des équipes comme Lille et Rennes la saison passée, et quand on conforte quelqu’un, on ne le vire pas après six matches. C’est allé vite en besogne. Enfin, daghe munegu?! »