vendredi 26 avril 2024
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Yarol Poupaud : « Travailler avec Johnny a changé ma vie »

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Guitariste et directeur musical de Johnny Hallyday pendant sept ans, Yarol Poupaud se produira sur la scène de l’Indigo, jeudi 23 mars 2023, dans le cadre des Thursday Live Sessions. L’ex-membre du groupe FFF, qui vient de sortir un album hommage à Johnny Hallyday, s’est confié à Monaco Hebdo, avant son concert en principauté.

Vous vous êtes déjà produit plusieurs fois à Monaco : quels souvenirs en gardez-vous ?

J’ai souvent joué au Sporting avec Johnny [Hallyday — NDLR] (1943-2017). C’était à chaque fois des super soirées, on s’est vraiment éclaté. C’était la fête. Le public était très sympa. Après, au Sporting, les gens dînent, il y a un côté gala même si à partir d’un moment, ça commence un peu à danser. Là, je suis ravi de venir voir comment ça va se passer dans un autre contexte avec mon concert à moi, dans un autre lieu et voir comment le public monégasque va réagir.

Vous allez vous produire sur la scène de l’Indigo au Grimaldi Forum dans un cadre plus intimiste : qu’est-ce que cela change pour vous, qui avez connu les plus grandes salles de l’Hexagone ?

C’est la base. C’est comme ça que j’ai appris à faire mon métier. J’ai appris à jouer dans des clubs, dans des bars. Même quand je tournais avec Johnny, je pouvais faire une trentaine de concerts dans des Zénith et le Stade de France, et la semaine suivante je me retrouvais à jouer dans un bar, dans un club, au Bus Palladium [le temple du rock à Paris — NDLR], ou dans des boîtes devant 200 personnes. J’ai toujours adoré ce contraste entre ces deux ambiances. Le rock’n’roll n’est pas né dans des stades, ni dans des Zénith. Il est né dans les clubs, dans des endroits où il fait chaud, où ça transpire et où il y a une vraie proximité avec le public. C’est comme ça que j’ai démarré, ce sont des sensations que j’adore et que je n’ai surtout pas envie de perdre. Je suis donc ravi de venir au Grimaldi Forum.

« Le rock’n’roll n’est pas né dans des stades, ni dans des Zénith. Il est né dans les clubs, dans des endroits où il fait chaud, où ça transpire, et où il y a une vraie proximité avec le public »

À quoi le public doit-il s’attendre le 23 mars prochain ?

À un vrai concert de rock avec tous les ingrédients qu’il faut. J’en suis à mon troisième album, ce qui fait un réservoir de chansons dans lesquelles piocher. Il y aura évidemment des chansons de mon dernier album, Fils de personne, donc des reprises de morceaux de rock’n’roll popularisés par Johnny en France. Il y aura aussi des chansons de mes précédents albums. Moi, j’aime bien considérer chaque concert comme un moment unique, un moment différent des autres. En fonction de l’ambiance, du public, de comment ça marche… je peux ajuster le tir et proposer tel ou tel morceau. J’aime les surprises et je pense que le public aussi.

Vous laissez donc une place à l’improvisation dans vos concerts ?

Ce n’est pas vraiment de l’improvisation, c’est plutôt une adaptation. On ne va pas faire le même concert en fonction de ce que l’on ressent de la salle et du public. Si on se rend compte que le public est plus tranquille, on ne va pas forcément mettre la même énergie que si, dès le début, tout le monde saute en l’air. Il y a donc un peu d’adaptation en fonction du contexte dans lequel on évolue pour essayer d’être le meilleur possible.

Il vous a fallu cinq ans pour réaliser votre dernier album, qui est un hommage à Johnny Hallyday : est-ce le temps du deuil ?

Quand Johnny nous a quittés, je n’avais pas envie de me replonger tout de suite dans des projets le concernant. J’avais déjà envie de faire des trucs à moi, d’exister, de proposer des chansons, de faire découvrir mon univers propre. En fait, je n’avais pas vraiment prévu de le faire, ça m’est un peu tombé dessus par hasard. J’ai commencé à travailler sur cette chanson Fils de personne, j’ai pris beaucoup de plaisir et je me suis dit que c’était l’occasion de faire cet album. Oui, ça peut être une histoire de deuil, mais ce n’est pas calculé comme ça. C’est plus un moment.

Pourquoi avez-vous souhaité rendre hommage au « taulier » ?

Johnny était très très important dans ma vie, dans ma carrière, dans la vie des Français, dans l’histoire du rock’n’roll en France. Il était pour moi important de lui rendre hommage mais cet album est aussi une façon de rendre hommage à la culture rock en général et à cette musique qui me fait vibrer depuis que je suis gamin. Une bonne partie des morceaux sur ce disque ont été popularisés en France grâce à Johnny, mais il s’agit quand même de monuments de la culture rock’n’roll que ce soit des chansons de Chuck Berry, d’Eddie Cochran, des Animals, de Jimi Hendrix… C’est une façon pour moi de rendre hommage à ces morceaux, à cette culture et à ces musiciens.

Cet album s’intitule Fils de personne : à quoi ce titre fait-il référence ?

Fils de personne est le nom d’une chanson que j’interprétais sur scène avec Johnny. Elle est importante pour moi dans son répertoire. C’est une chanson que j’ai continué à jouer ensuite lors de mes concerts. Il était donc pour moi très naturel de l’appeler ainsi. Il n’y a aucune allusion à une espèce de passation ou à un lien familial. C’est juste une chanson très importante.

Sur cet album, vous avez sélectionné les tubes de Johnny des années 1960-1970 : pourquoi vous êtes-vous limité à cette période ?

Tout simplement parce que c’est ma période préférée. Et ce sont des chansons qui m’ont parlé depuis que je suis môme, avant même de connaître les versions de Johnny. Le répertoire est tellement énorme que je ne pouvais pas aller fouiller partout.

Envisagez-vous de faire d’autres albums sur Johnny ?

Non, j’ai rendu hommage à Johnny à travers cet album. Je ne sais pas ce que me réserve le futur mais pour le moment, ce n’est pas dans mes plans. Je travaille actuellement sur le prochain album de FFF. J’ai un autre album de mes chansons de compo sur lequel je suis en train de travailler aussi. C’est bon, j’ai rendu hommage à Johnny. Il fallait que je le fasse, ça m’a fait du bien, c’était important pour moi que ce disque sorte. Maintenant, je dois passer à autre chose. Je ne vais pas passer ma vie à rendre hommage à Johnny.

Vous êtes identifié guitariste et directeur musical de Johnny, ancien membre du groupe FFF… Est-ce difficile d’exister tout seul ?

C’est sûr que c’est tellement important dans la vie des gens d’avoir travaillé avec Johnny Hallyday que quand on m’arrête dans la rue, huit fois sur dix c’est pour me parler de Johnny. On m’arrête rarement pour me dire qu’on adore mon nouvel album. Ça peut arriver, ça fait toujours plaisir mais ce n’est pas la majorité. Tant mieux, moi j’en suis ravi. D’avoir travaillé avec lui est quelque chose que je revendique et dont je suis très fier. Il n’y a aucun souci.

L’après-Johnny a été difficile ?

Évidemment il me manque comme quand on perd un ami ou un membre de sa famille. Nous étions très proches. Humainement et artistiquement, c’était une période très forte dans ma vie. Mais je regarde toujours vers l’avant. D’ailleurs, l’une des choses que Johnny m’avait appris, c’était de ne pas être dans la nostalgie d’une période passée. J’ai plein de projets pour le futur, donc c’est là-dessus que je me concentre.

Comment s’est passée votre rencontre ?

Notre rencontre s’est faite au moment où il avait fait un album avec Matthieu Chedid [Jamais seul en 2011 — NDLR]. Il y avait des promos que Matthieu ne pouvait pas assurer, du coup le label m’a engagé pour travailler avec lui et remplacer Matthieu. Nous nous sommes bien entendus, le courant est passé musicalement, artistiquement. Nous avons fait une première télé, puis une radio et à la fin de cette mission, il m’a proposé de partir en tournée avec lui. Ça a démarré comme ça.

Que retenez-vous des sept années passées à ses côtés ?

Déjà, une expérience musicale et humaine fantastique. C’était incroyable. Travailler avec Johnny a changé ma vie. Quand on est guitariste de rock français, on ne peut pas aller plus haut. Et le fait de jouer ces chansons de Chuck Berry ou d’Eddie Cochran devant des dizaines de milliers de personnes au Stade de France ou à Bercy, c’était un truc de dingue pour moi. Les morceaux que je jouais dans ma chambre à 12 ans, je les joue maintenant à Bercy, c’est fou. C’était un rêve éveillé qui a duré 7 ans.

Avez-vous été sollicité pour d’autres projets en lien avec Johnny ?

Oui, on m’a souvent appelé pour participer à des concerts hommage ou des choses comme ça. J’en ai fait certains, et il y en a d’autres que j’ai refusés. Je ne ferme pas la porte mais ça dépend avec qui, comment…

« Je fais partie des très très rares privilégiés qui ont réussi à faire de leur passion leur métier. Ce n’est pas donné à tout le monde, et rien que pour ça, je pourrais m’arrêter demain »

Vous évoquez dans vos futurs projets, un nouvel album avec FFF : pouvez-vous en dire plus ?

Nous sommes en plein dedans, nous sommes en train de peaufiner l’écriture et de répéter pour entrer en studio au mois d’avril 2023. Nous sommes très très motivés. Ça fait 20 ans que nous n’avons pas sorti d’album, donc nous sommes à fond sur ce projet. Il y a plein de morceaux, on garde l’ADN et l’identité forte de FFF, et on essaie de transposer ça dans une espèce de rock un peu plus actuel. Nous serons sur les routes en 2024, avec un album fin 2023-début 2024.

Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Je suis content d’être encore là, et de continuer à faire de la musique. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui va se passer demain. Je fais partie des très très rares privilégiés qui ont réussi à faire de leur passion leur métier. Ce n’est pas donné à tout le monde et rien que pour ça, je pourrais m’arrêter demain. J’ai rempli toutes les cases. À 12 ans, j’avais envie de faire de la musique, je suis devenu musicien. Quand on arrive à faire le métier qu’on rêve depuis qu’on est môme, c’est déjà énorme.

« [À propos du prochain album de FFF] Il y a plein de morceaux, on garde l’ADN et l’identité forte du groupe, et on essaie de transposer ça dans une espèce de rock un peu plus actuel. Nous serons sur les routes en 2024, avec un album fin 2023-début 2024 »

Comment jugez-vous le rock actuel ?

Il y a plein de groupes et d’artistes intéressants. Pour moi, le rock est une musique qui évolue et qui avance. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous avons un peu tendance à vouloir mettre le rock dans des musées. Il y a beaucoup de tribute bands par exemple [groupe spécialisé dans les reprises de chansons célèbres — NDLR], qui refont exactement comme dans les années 70. Mais pour moi, le rock est une musique vivante, qui avance. Il a besoin de se réinventer, et c’est ce qu’ont réussi à faire dans les années 1960-1970 des artistes comme David Bowie ou les Stones. Aux États-Unis, il y a des artistes comme Jack White ou The Strokes, ou les Arctic Monkeys en Angleterre, qui sont des chercheurs qui font avancer le truc. En revanche, je me méfie un peu du côté « revivalisme ». Je préfère le rock qui avance et qui invente. Quand Jimi Hendrix a débarqué dans les années 1960, c’était la musique du futur. Quand on est trop dans le vintage, au bout d’un moment c’est un peu dommage. Le rock doit se réinventer, se renouveler, avancer, et réintégrer de nouvelles sonorités.

Parmi les groupes actuels, vous avez des coups de cœur ?

En France, il y a une scène rock très intéressante. Je pense au groupe nantais Ko Ko Mo que j’aime beaucoup. Il y a aussi un groupe alsacien qui s’appelle Last Train et les Normands You Said Strange, qui sont vachement intéressants. Il y a toute une scène rock française qui se réinvente, et qui fait des trucs super. Je vois de plus en plus autour de moi des jeunes mecs avoir envie de prendre une guitare et de se remettre à faire du rock et ça, j’en suis très content.

Le rock a donc encore un bel avenir devant lui ?

Je l’espère.