vendredi 26 avril 2024
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Julien Clerc : « Quand je compose, je pense toujours à la scène »

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Julien Clerc, qui n’était plus venu à Monaco depuis une représentation privée il y a trois ans, est enfin de retour samedi 11 septembre 2021 pour un concert exceptionnel au Grimaldi Forum. En principauté, l’icône de la chanson française ne manquera pas d’interpréter ses plus grands succès, mais il présentera également Terrien, son dernier album sorti dans les bacs en février 2021. Interview.

Paul-Alain Leclerc, alias Julien Clerc, est insatiable. À bientôt 74 ans, celui qui s’est fait connaître du grand public grâce à son premier 45 tours intitulé La Cavalerie en mai 1968 vient de sortir son 26ème album studio Terrien. Un nouvel opus dans lequel l’artiste s’empare, une fois n’est pas coutume, de sujets de société actuels tels que le Brexit, l’écologie, les violences faites aux femmes… sur des textes écrits par la fine fleur de la chanson française, de Clara Luciani à Didier Barbelivien en passant par Marc Lavoine et Bernard Lavilliers. Mais que les fans se rassurent, Julien Clerc n’abandonne pas pour autant les ballades sentimentales qui ont fait son succès depuis le début de sa carrière. De passage à Monaco, il lui sera difficile d’interpréter tous ses tubes tant ils sont nombreux, mais le public monégasque devrait tout de même avoir droit à quelques classiques incontournables comme Ce n’est rien (1971), This melody (1975), Ma préférence (1978), Femmes, je vous aime (1982), ou encore Mélissa (1984). Émotions garanties.

Vous êtes de retour à Monaco pour un concert exceptionnel, samedi, au Grimaldi Forum. Quel sentiment vous anime à l’approche de ce rendez-vous ?

Cela va me rappeler des souvenirs puisqu’il y a longtemps, j’y avais assisté à un concert de Johnny Hallyday et ça m’avait beaucoup marqué. Je suis très heureux de chanter au Grimaldi Forum, d’autant plus qu’il s’agira d’une première pour moi dans cette salle.

À quoi faut-il s’attendre samedi ?

Il y aura quelques chansons du dernier album, mais il y aura surtout des chansons connues. Je vais interpréter mes plus grands succès. En tournée, les gens aiment bien venir écouter des chansons qu’ils connaissent. Donc je chante 4-5 chansons nouvelles mais le reste, c’est du répertoire très connu.

Ce concert s’inscrit dans le cadre votre tournée Les Jours Heureux ?

En fait, ce sont les prémices. La tournée des Jours Heureux va commencer au mois de décembre 2021 dans une configuration différente de ce que je vais faire samedi. C’est-à-dire que dans le tour de chant, il y aura pas mal de reprises, parce que Les Jours Heureux, ce sont les jours où tous les grands artistes de la chanson française m’ont donné envie de faire ce métier. Il y aura donc, au milieu de ce tour de chant, un hommage à quelques grands chanteurs : Bécaud (1927-2001), Brel (1929-1978), Aznavour (1924-2018), Barbara (1930-1997), Ferré (1916-1993) et Yves Montand (1921-1991).

« Notre génération a été dressée à la scène, on a fait des milliers de kilomètres toute notre vie pour chanter partout. C’est ce qui nous a fait courir toute notre vie »

Comment avez-vous vécu cette période de pandémie, loin de votre public ?

J’ai eu de la chance car ma tournée précédente s’est terminée quelque temps avant que le Covid ne se déclare. J’ai surtout composé et préparé l’album qui est sorti au mois de février dernier. Je n’étais pas censé faire de la scène à la différence de certains de mes collègues qui eux, ont eu leur tournée annulée ou repoussée. Quand je compose, je suis un peu dans une bulle. À la différence qu’en période normale, je vais me promener quand je sors de ma bulle, ce que je n’ai pas pu faire à cause du Covid. Pendant cette période, la musique m’a encore une fois sauvé la vie.

Vous en avez aussi profité pour revenir en France ?

Oui. Quand il y a des choses graves, on a envie de rentrer dans son pays [Julien Clerc vivait avec sa femme Hélène à Londres depuis 2015 – NDLR]. C’est en fait un mélange entre le Brexit et le Covid. Quand nous étions en Angleterre, je faisais énormément d’allers et retours, parce que je travaillais ici. Et là, tout d’un coup, entre le Covid et le Brexit, les allers et retours devenaient plus compliqués, donc il était plus raisonnable de rentrer.

Dans votre nouvel album intitulé Terrien, vous abordez des sujets de société actuels, comme le Brexit justement, ou encore l’écologie et les violences faites aux femmes : pourquoi vous êtes-vous emparé de ces thématiques ?

Ce sont les auteurs. Moi, j’écris la musique de mes chansons. Toute ma vie, j’ai cherché des auteurs, des gens qui écrivent des paroles, des mots que je puisse mettre en musique. Il est vrai que cette fois-ci, quand j’ai commencé à demander des textes, tous, des plus jeunes aux plus âgés, m’ont fait des propositions de chansons plus sociétales que d’habitude. Je me suis dit que ça ferait un album un peu différent. Moi, je dépends de mes auteurs, à la fois dans les sujets qu’ils traitent et qu’ils veulent me faire chanter, ainsi que dans leur style, car, généralement, j’écris mes chansons sur les textes. Le style de l’auteur influe donc, et me permet de me renouveler. Ce sont tous ces auteurs différents qui m’ont permis depuis cinquante ans de me renouveler musicalement.

Comment expliquez-vous cette longévité ?

J’ai trouvé assez jeune ma place dans cette société. J’ai eu la chance d’avoir un petit don de composition, et, en même temps, d’avoir cette voix qui ne ressemble à aucune autre, il faut bien le dire, qu’on l’aime ou que l’on ne l’aime pas. Cela m’a permis, dès l’âge de 20 ans, de voir la place que je pouvais occuper. Et en même temps, ma relation avec les gens est très agréable. C’est une histoire d’amour qui dure depuis longtemps, et ce n’est pas donné à tout le monde de vivre une vie comme ça.

« Un nouvel album va bientôt sortir, mais je ne peux pas trop en parler pour le moment. Évidemment, je pense toujours au prochain. Un peu comme l’écrivain qui recherche la page blanche »

Cet album est-il un coup de gueule ?

Non, ce n’est pas vraiment un coup de gueule. Mais les auteurs de chansons sont en prise directe avec l’air du temps. Il est donc normal que des paroliers aient envie de traiter des sujets contemporains. Mais en avoir la volonté est une chose, réussir à le traduire en chansons en est une autre car nous ne sommes pas des hommes politiques, ni des journalistes. Nous sommes des artistes, et notre travail est d’essayer d’en faire une œuvre d’art. C’est-à-dire arriver à faire de sujets parfois graves, une chanson populaire.

Cet album est tout de même plus engagé que romantique ?

Ma relation avec les auteurs est très simple. Je leur demande simplement s’ils ont envie de m’écrire un texte, et ensuite, j’attends. Plus tard, je reçois le texte, et s’il me plaît, j’essaie de le mettre en musique. Là, dès le premier jour, j’ai été obligé de constater qu’ils m’envoyaient des textes qui traitaient beaucoup de l’actualité que d’habitude. Est-ce dû à la personnalité des nouveaux auteurs ? Peut-être. Il est vrai que toutes ces jeunes femmes comme Clara Luciani, Jeanne Cherhal ou Marie Bastide, ont apporté ça. D’ailleurs, avec Carla Bruni, elles sont quatre femmes auteurs dans cet album. Il n’y en a jamais eu autant.

Comment choisissez-vous vos auteurs ?

Notre métier a évolué. Au début de ma carrière, dans les années 70, il y avait beaucoup plus d’auteurs professionnels. C’est-à-dire des personnes qui gagnaient leur vie en écrivant des textes de chansons. C’était le cas d’Étienne Roda-Gil (1941-2004), de Jean-Loup Dabadie (1938-2020) ou de David McNeil, avec qui j’ai travaillé. Depuis quelques années, il y a beaucoup moins d’auteurs professionnels, parce qu’il devient beaucoup plus difficile de gagner sa vie avec sa plume. J’ai toujours fait appel soit à des auteurs purs et durs de chansons, soit à des auteurs-compositeurs à qui je demandais de m’écrire des textes. C’était le cas de Maxime Le Forestier, et c’est le cas sur cet album de Bernard Lavilliers qui normalement, écrit ses paroles et ses musiques. Dans l’album Terrien, il n’y a que deux paroliers professionnels : Didier Barbelivien et Marie Bastide. Tous les autres sont auteurs-compositeurs.

Pourquoi avoir donné ce titre à votre album ?

Terrien est un texte de Bruno Guglielmi à qui j’ai mis le pied à l’étrier, il y a quelques années. Depuis, il s’est mis à écrire pour beaucoup de gens, dont Calogero. Il m’a envoyé cette chanson originale qui s’appelle Terrien. J’ai trouvé que c’était un beau titre pour un album, et en particulier pour celui-ci, puisqu’il parle un peu de toutes les thématiques que peut vivre un habitant de cette planète.

Ressentez-vous toujours la même excitation à la sortie d’un nouvel album ?

C’est une excitation différente. Elle est plus angoissée aujourd’hui qu’à l’époque. Parce qu’au début, c’est tout beau, tout nouveau alors que durer est plus difficile. Je pense que je suis plus angoissé aujourd’hui lors des sorties d’album que je ne l’étais quand j’étais plus jeune. Parce que dans nos métiers, il faut savoir durer, se renouveler, se réinventer.

« Jean-Paul Belmondo représentait la liberté et la beauté. Il est resté beau toute sa vie, même après la maladie. Il a été un grand artiste populaire, capable de faire le grand écart entre les films extrêmement populaires, dont j’étais très fan et des films d’un cinéma un peu moins populaire »

Ce sont les secrets de votre longévité ?

Oui, je crois. Il faut à la fois ne pas trahir l’idée que les gens ont de vous, ne pas trahir les gens qui vous aiment. Et, en même temps il faut leur proposer des choses différentes à chaque fois, ne pas toujours labourer le même sillon. C’est l’idée que je fais de mon métier. Tous les gens qui m’ont influencé se sont inscrits dans la durée, et ont fait de très longues carrières. Donc moi, je voulais les imiter. Enfin, je pense toujours à la scène. Même quand j’écris un album, je me dis comment cette chanson va être sur scène, va-t-elle se mélanger facilement dans le reste du répertoire… Notre génération a été dressée à la scène, on a fait des milliers de kilomètres toute notre vie pour chanter partout. C’est ce qui nous a fait courir toute notre vie. On est fait pour chanter. Donc quand je compose un album, je pense toujours à la scène.

Quels sont vos projets ?

Un nouvel album va bientôt sortir, mais je ne peux pas trop en parler pour le moment. Évidemment, je pense toujours au prochain. Un peu comme l’écrivain qui recherche la page blanche, je fonctionne en cycles. Je compose un album, j’en fais la promotion, et ensuite, je pars en scène. Et quand la tournée est finie, je passe à autre chose, et je me remets à mon piano pour composer. Mais je laisse passer de longs moments, je fais place nette, et j’oublie tout ce que j’ai fait avant de me remettre à mon piano.

Jean-Paul Belmondo est décédé lundi 6 septembre 2021 : quelle a été votre réaction à l’annonce de sa disparition ?

Je ne connaissais pas bien Jean-Paul Belmondo, mais cela faisait un certain temps qu’il ne pouvait plus faire son métier, depuis son AVC. J’ai trouvé qu’il avait lutté de façon admirable contre cette maladie terrible. Et, en même temps, quelle belle vie il a eue, et quelle belle vie il nous a fait vivre. Il a été aimé dès le début et il a prouvé qu’on pouvait avoir été un enfant aimé et faire une grande carrière. Il représentait la liberté et la beauté. Il est resté beau toute sa vie, même après la maladie. Il a été un grand artiste populaire, capable de faire le grand écart entre les films extrêmement populaires, dont j’étais très fan et des films d’un cinéma un peu moins populaire. Il a quand même tourné à la fois avec Godard-Truffaut (1932-1984), et de l’autre côté du spectre, avec Verneuil (1920-2002) et Lautner (1926-2013). Il a complètement réussi sa vie.

Concert de Julien Clerc : Il reste des places

Julien Clerc sera sur la scène de la salle des princes du Grimaldi Forum samedi 11 septembre. Le chanteur, auteur de nombreux tubes inoubliables tels que Ce n’est rien (1971), This melody (1975), Ma préférence (1978), Femmes, je vous aime (1982), ou encore Mélissa (1984), présentera son dernier album Terrien sorti en février 2021. Une centaine de billets sont encore disponibles à la vente, à partir de 35 euros, sur le site Internet du Grimaldi Forum (www.montecarloticket.com), ou par téléphone au +377 99 99 30 00. Pour rappel, la présentation d’un pass sanitaire valide et d’une pièce d’identité est désormais exigée en principauté pour tous les événements sportifs et culturels rassemblant plus de 1 000 personnes. Le port du masque est également obligatoire dès l’âge de 5 ans.