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Culture Sélection de juillet-août 2021

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Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et musique.

Sons of Philadelphia

De Jérémie Guez

Mafia. Revoici le réalisateur français Jérémie Guez, dont on avait beaucoup aimé le premier film, Bluebird (2019). Il délaisse cette fois la Belgique pour Philadelphie, pour adapter son scénario d’Un amour fraternel, écrit par le romancier américain Pete Dexter. Au menu, mafia, violence et relations familiales tendues, sur fond de quartiers pauvres et tristes. Cette tragédie familiale, qui lorgne du côté de James Gray et du fabuleux Little Odessa (1994), met en scène deux cousins, Peter (Matthias Schoenaerts) et Michael (Joel Kinnaman). Membres du crime organisé irlandais, ils doivent affronter la montée en puissance de la mafia italienne. Porté par une narration efficace, ce polar noir raconte le destin de deux voyous très différents. Mutiques, les personnages bénéficient d’une interprétation solide, qui donne à ce film une épaisseur convaincante.

Sons of Philadelphia de Jérémie Guez avec Matthias Schoenaerts, Joel Kinnaman, Maika Monroe (FRA/USA/BEL/PB, 2021, 1h30), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 26 août 2021.

Falling

De Viggo Mortensen

Père. Dans son premier film comme réalisateur, Viggo Mortensen s’est aussi accordé le rôle de John, dont le père Willis (Lance Henriksen), se voit décliner avec l’âge. John habite à Los Angeles avec son compagnon Eric (Terry Chen) et leur fille, Monica (Gabby Velis). Il propose à son père, têtu, sénile et très conservateur, de venir vivre avec lui, au bord du Pacifique. Mais l’homophobie et les accès de violence de Willis rendent la tâche de John très difficile. Pourtant, John résiste et endure les attaques très violentes de son père, qui ne trouve rien de positif dans sa vie. Falling est centré sur cette relation très destructrice entre un père et son fils, entre deux univers et deux visions de la vie que tout, ou presque, oppose. Parfois trop répétitives, certaines scènes alourdissent le propos de ce film, qui met en scène deux êtres incapables de regarder dans la même direction.

Falling de Viggo Mortensen avec Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Terry Chen (CAN/GB, 2021, 1h53), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 20 septembre 2021.

17 Blocks

De Davy Rothbart

20. Vingt ans, c’est le temps qui aura été nécessaire à la réalisation de ce passionnant documentaire. À partir de 1999 et pendant 20 années, le journaliste et réalisateur Davy Rothbart a filmé la vie de la famille Sanford, dans un quartier défavorisé de Washington DC, situé à seulement « 17 blocks » [pâtés de maisons – NDLR] du Capitole. On suit donc Cheryl et ses trois enfants, dans un quotidien rythmé par la violence et le trafic de drogue. En visionnant 17 Blocks, on perçoit l’extrême précarité dans laquelle est plongée cette famille afro-américaine. Pourtant, Cheryl explique qu’elle a eu une enfance heureuse, au sein d’une famille issue de la petite bourgeoisie. Elle raconte ses études, dans un collège de qualité, et ses rêves d’alors : percer comme mannequin ou actrice. Mais, des années Bush jusqu’aux années Trump, ce sont les tragédies qui vont marquer la vie de cette famille, qui essaie d’exister, malgré tout.

17 Blocks de Davy Rothbart (documentaire, USA, 2021, 1h35), 16,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 22 septembre 2021.

The Father

De Florian Zeller

Raison. The Father est avant tout une pièce de théâtre, adaptée par Christopher Hampton, et écrite par Florian Zeller. C’est donc ce dernier qui s’est chargé d’en faire un film, et d’en confier le premier rôle à Anthony Hopkins. À 83 ans, Hopkins incarne avec brio un vieil homme qui cède peu à peu face à la démence sénile. De son côté, Olivia Colman assure, sans trop en faire, le rôle de sa fille, perdue et désemparée devant la maladie d’Alzheimer. Florian Zeller construit son film autour de la lente dégradation du cerveau humain. Peu à peu, presque imperceptiblement, on voit la raison abandonner Anthony Hopkins, qui a obtenu en avril 2021 l’Oscar du meilleur acteur pour sa performance dans ce film très réussi.

The Father de Florian Zeller, avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Mark Gatiss (FRA/GB), 21,99 euros (DVD), 21,99 euros (Blu-ray). Sortie le 29 septembre 2021.

La mélancolie de celui qui vise juste

De Lewis Nordan

Mississippi. Les éditions Monsieur Toussaint Louverture proposent une traduction de La mélancolie de celui qui vise juste, un roman de Lewis Nordan (1939-2012), paru en 1995. C’est une sacrée galerie de portraits que nous propose Lewis Nordan, qui installe l’action de son livre à Attrape-Flèche, en plein bayou du Mississippi. Mais l’équilibre de cette petite société bien organisée implose, lorsque deux tueurs sont abattus alors qu’ils venaient dévaliser une station-service. Tout le monde a entendu les détonations, et tout le monde, ou presque, a une version de ce drame collectif à proposer. Alors, qui détient la vérité, quand la barrière entre le faux et le réel semble de plus en plus floue ? Parfaitement actuel, La mélancolie de celui qui vise juste résonne toujours aussi juste, 26 ans après sa sortie initiale.

La mélancolie de celui qui vise juste de Lewis Nordan (Monsieur Toussaint Louverture), Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Odile Fortier-Masek, illustration de couverture par Mélanie Beguier, 288 pages, 19 euros.

Mort aux femmes nues

De Gypsy Rose Lee

G-string. Gypsy Rose Lee (1911-1970), artiste de burlesque américaine et stripteaseuse n’a écrit que deux romans, mais ils valent largement le détour. Dans Mort aux femmes nues, on suit une série de meurtres de danseuses, qui succombent les unes après les autres, étranglées avec leur G-string. Davantage que le seul suspens généré par la traque du coupable, ce qui fait le charme de ce roman, c’est la plongée dans les années 1930, dans une boîte située sur la 42ème rue de Manhattan. On y découvre les liens qui unissent, et qui désunissent aussi, parfois, les différents employés. Avec beaucoup d’humour et d’ironie, Gypsy Rose Lee nous entraîne dans un polar noir, qui est beaucoup plus que ça encore.

Mort aux femmes nues de Gypsy Rose Lee (Éditions du Masque/Le Poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Le Houbie et Léo Malet, 272 pages, 9,10 euros.

Manchester – L’éveil d’une scène musicale

De Michel-Angelo Fédida

Indispensable. Plus qu’un énième livre sur Manchester, c’est avant tout un objet extrêmement bien documenté sur la crise liée à la désindustrialisation des années 1970, puis à la récession des années 1980, que propose Michel-Angelo Fédida, historien de formation, et journaliste musical. Les Buzzcocks, Joy Division, The Fall, New Order, The Smiths, les Happy Mondays, les Stone Roses, The Charlatans, Oasis, le légendaire label Factory Records, ou encore le mythique club l’Hacienda… Le descriptif de ce livre suffit à comprendre que l’envol de Manchester prend pied dans le contexte économique et politique de l’époque, traversé par Margaret Thatcher (1925-2013) et Tony Blair. Entre rock, acid house et politique, ce livre est indispensable pour comprendre ce qui a fait Manchester.

Manchester – L’éveil d’une scène musicale de Michel-Angelo Fédida (MJW Édition/Hors Collections), 314 pages, 25 euros.

Ascension et chute d’un monstre de cinéma – Bela Lugosi

De Koren Shadmi

Parcours. Hongrois naturalisé américain, l’acteur Bela Lugosi (1882-1956) a marqué le cinéma d’horreur des années 1930. C’est au théâtre qu’il s’est d’abord fait remarquer, en interprétant dès 1927 le rôle de Dracula à Broadway, dans une pièce inspirée du grand classique de Bram Stoker (1847-1912). Dans cette BD en noir et blanc, le dessinateur israélo-américain Koren Shadmi retrace le parcours étonnant de Bela Lugosi, depuis son départ forcé de Hongrie à cause de son soutien à la révolution communiste, à son arrivée aux Etats-Unis, en 1922. Son anglais hésitant et son accent lui permettent de se faire remarquer à partir de 1927, avec Dracula. De son ascension à sa chute, Koren Shadmi n’oublie rien de ce personnage complexe, de son addiction à la drogue à Plan 9 from Outer Space (1959), son dernier film tourné avec le réalisateur culte Ed Wood (1924-1978).

Ascension et chute d’un monstre de cinéma – Bela Lugosi de Koren Shadmi (La Boîte à Bulles), 160 pages, 24 euros. Sortie le 18 août 2021.

Quo Vadis, Katalin ?

De Kati Kovács

Rome. Lorsque Katalin, jeune femme quelque peu anxieuse, mais déterminée à aller de l’avant, décide de partir pour Rome, elle ne se doute pas de ce qui l’attend sur place. Amoureuse de la capitale italienne, Katalin voit en cette ville tous les attraits défendus par beaucoup de tracts publicitaires, à commencer par la fameuse « dolce vita » et le romantisme, bien sûr. Mais son optimisme et sa bonne humeur sont rapidement douchés par ses premières expériences romaines. Katalin, qui, interrogée par un Italien entreprenant se définit comme une « capricorne finlandaise », se retrouve confrontée à son statut d’immigrée, pour qui tout, ou presque, est une épreuve. Faire de nouvelles connaissances, trouver un emploi ou encore parvenir à se loger, sont autant d’épreuves qu’elle affronte avec courage. Dans un joli noir et blanc, cette BD imaginée par la Finlandaise Kati Kovács vient éclairer avec intelligence beaucoup de problématiques actuelles, à commencer par les violences sexistes.

Quo Vadis, Katalin ? de Kati Kovács (Rakham), 112 pages, 19 euros. Sortie le 10 septembre 2021.

A Color of the Sky

Lightning Bug

Moine. Voilà un disque qui prend son temps, et qui a raison de le faire. La chanteuse de Lightning Bug, Audrey Kang, qui a aussi écrit les textes de cet album doux et contemplatif, a créé un véritable cocon musical, dans lequel on se sent immédiatement bien. Sa très délicate voix vient se poser et accompagner des atmosphères d’une beauté naturelle, auxquelles il est facile de s’abandonner. A Color of the Sky est une invitation à ralentir, à freiner, dans un monde qui, au contraire, va toujours plus vite. « I think I’ll learn to live my life as wisely as a monk / Turn off my phone and live alone in everlasting peace » [« Je pense que je vais apprendre à vivre ma vie aussi sagement qu’un moine / Éteindre mon téléphone et vivre seul dans une paix éternelle » — NDLR] dit Audray Kang sur The Return. La voie est tracée.

A Color of the Sky, Lightning Bug (Rough Trade), 14,95 euros (CD), 24 euros (vinyle).

Fate In Seven Lessons

Cold Cave

Joie. Le troisième album de Cold Cave vient de sortir, et c’est une excellente nouvelle pour cet été 2021 que l’on pourra passer à écouter en boucle le premier extrait, Night Light. Très lumineux, dopé aux synthés, ce titre lorgne très clairement vers les débuts de New Order. En seulement 32 minutes et sept titres, Fate In Seven Lessons ne sombre donc pas dans la noirceur totale, et s’offre plusieurs échappées qui lui permettent de très clairement nous amener vers le dancefloor. Et il était temps, car cela faisait dix ans que les fans attendaient une suite à Cherish the Light Years (2011), deuxième album de Cold Cave, alors publié chez Matador. C’est donc chose faite, et c’est dans la joie.

Fate in Seven Lessons, Cold Cave (Heartworm Press), 6 euros (MP3, sur Bandcamp : https://coldcave.bandcamp.com/album/fate-in-seven-lessons), 25,50 euros (vinyle).

Mirror II

The Goon Sax

Brisbane. Après Up to Anything (2016), We’re not Talking (2018), voici Mirror II (2021). Originaire de Brisbane, le trio composé de Riley Jones, Louis Forster et James Harrison, signe un disque pop ensoleillé, idéal pour cet été 2021. Fils de Robert Forster, cofondateur des Go-Betweens, Louis Forster trace sa propre voie, et elle est emplie de postpunk pour ce troisième album. Articulé autour de dix titres, Mirror II joue du son des 80’s et des 90’s, avec des morceaux brefs, qui brûlent d’une certaine urgence. Soutenu par la voix grave de Louis Forster et celle, plus délicate et aérienne, de Riley Jones, le single Psychic décolle immédiatement, et reste en nous dès la première écoute. Pour notre plus grand bonheur.

Mirror II, The Goon Sax (Matador/Wagram), 10,99 euros (CD), 16,99 euros (vinyle).

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